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14/07/2014

Paul Thek

 

peter hujar_paul thek.jpg

© Paul Thek
[Photo : Peter Hujar] 

 


Robert Wilson en conversation avec Elisabeth Sussman, Whitney Museum of American Art, New York, et Theodore Bonin, Alexander and Bonin, New York

Né à Brooklyn en 1933, Paul Thek grandit à Floral Park, dans l’Etat de New York, avant de s’installer en 1951 à New York. Il se forme à l’Art Students’ League, au Pratt Institute et à Cooper Union et développe rapidement un mode de vie nomade, entre la côte Est des Etats Unis et l’Europe.  Lors d’un séjour en Sicile puis à Rome en 1963, l’artiste est impressionné par les catacombes et les reliquaires. Il entreprend peu après sa très significative série des Technological Reliquaries (Reliquaires technologiques, 1964-1967), basée sur la rencontre de cires anatomiques et de matériaux industriels raffinés. « A New York à cette époque, il y avait une telle tendance au minimal, au non-émotionnel, à l’anti-émotionnel, même, que je voulais dire à nouveau quelque chose à propos de l’émotion, à propos du côté hideux des choses. Je voulais rendre à l’art les caractéristiques de la chair humaine crue », explique-t-il en 1969 dans une interview avec Emmy Huf pour De Volkskrant. Tandis qu’il fréquente la scène underground réunie à la Factory d’Andy Warhol, en particulier Jack Smith, le cinéaste de Flaming Creatures (1963), son œuvre construit une réponse critique au Minimalisme et au Pop Art. Susan Sontag, avec qui il est lié d’une forte amitié dès 1959, lui dédicace son premier livre, Against Interpretation (Contre l’interprétation, 1966), incluant notamment ses Notes on Camp.  LIRE LA SUITE

 

 

 

Martine-Gabrielle Konorski

 

Je te vois pâle au loin

 

 

 

 

Martine – Gabrielle KONORSKI| © Domaine privé

 

 

 

Toute une vie d’éponge

             derrière les oripeaux

 

sous les mots et les pages

             et les paroles des hommes à chapeau

 

Au milieu du chemin

             Des aubépines en fleurs.

                                                            

 

………………………………………………………………………….… DEMAIN IL FERA BEAU

(Extrait 1)

 

 

 

 

 

 

 

Cligne sous nos paupières

un battement impair

 

Temps de pierre

d’un chronomètre

 

tu traverses les ombres

sur la pointe des pieds

 

A la lisière.           

 

 

……………………………………………………………………………. CANTIQUE

(Extrait 2)

 

 

 

 

 

 

La lumière s’est éteinte

                Ne me dis plus un mot

 

Cherche sous la couleur

                un chemin d’outre-routes

 

Silence

                Contre

                bouches closes

 

Reviens.

 

 

……………………………………………………………………………. NUIT

(Extrait 3)

 

 

 

 

 

 

Un morceau de papier

A tes pieds

 

Dessin d’un cabanon

Où tu pourras rêver

 

Et tourne et tourne

manège

 

Ligne de plume

Rubans aux cheveux de lumière

 

Cours et cours

 

L’horizon fermera ses paupières sur ton regard de verre.

 

 

……………………………………………………………………………. MANÈGE

(Extrait 4)

 

 

(A paraître à l’automne 2014. Lauréat du Prix Poésie Cap 2010)

 

 

Martine – Gabrielle KONORSKI

Née à Paris en 1959. Elle est de nationalité française et suisse. Après des études supérieures de Droit, d’Anglais et de Sciences Politiques, elle développe une carrière dans la Communication, depuis plus de trente ans, à des postes de responsabilités, au sein de cabinets ministériels, d’entreprises publiques et privées, en France et aux Etats-Unis ainsi que d’agences de communication américaines.

 

Ses activités de Directeur de la Communication se déploient principalement à l’international. Elle a toujours baigné dans une culture cosmopolite et a pratiqué la traduction en anglais et en italien.

 

Après quelques années d’éclipse, elle retrouve la poésie qui l’accompagne depuis toujours. « la poésie s’est imposée à moi, entre lumières et ombres, et c’est dans le brasier des mots que se construit mon chemin. C'est la musique de la voix et la danse intérieure qui tissent ensemble les mots, tel un ruban de vie ».

Elle a publié Sutures des Saisons, (Editions Caractères), ainsi que dans  des revues de poésie : Incendits, autour du sculpteur G. Jeanclos, Ecrits du Nord, Les Cahiers du Sens, Levure Littéraire. D’autres textes sont à paraître dans la revue Les Carnets d’Eucharis et la revue Décharge.

Son livre de poésie, « Je te vois pâle au loin » vient de recevoir le Prix « Poésie Cap2020 » et sera publié  à l’automne 2014 aux Editions Le Nouvel Athanor.

Martine Konorski est également musicienne (piano et chant). Elle est membre de l’Union des Poètes & Cie.

Elle est Chevalier dans l’ordre national du mérite.

 

 

13/07/2014

Tarjei Vesaas, L'incendie

 

 

Du côté de chez…

 

 

Tarjei Vesaas

 

©  Tarjei Vesaas & Olav Vesaas

 

L’incendie

La Barque en coédition avec L’Oeil d’or, 2012

 

 

 

Postface d’Olivier Gallon.

Traduction du nynorsk (néo-norvégien) de Régis Boyer

 

(Site) LA BARQUE | © http://www.labarque.fr/livres01.html

 

 

 

 

 

 

 

 

 

       Il était étendu, le visage enfoui dans les racines des herbes. Des brins d’herbe cassés lui piquaient la peau, cela faisait du bien. S’il était resté longtemps ainsi, le dessin confus que formaient les herbes écrasées au sol se fût imprimé sur son visage. Peut-être était-ce nécessaire, dans l’état où il se sentait.

       Il ne bougeait pas un doigt.

       Dormir.

       Autour de lui, le jeu continuait. Les brins d’herbe, tout contre ses flancs, se redressaient dans l’intention de l’enfouir sous leur croissance avant l’arrivée de l’hiver. Les souffles d’air apportaient grain de poussière sur grain de poussière qui s’étalaient sur l’énorme élément que constituait son corps dans le paysage. Des coléoptères délicats sortaient de terre à cause de la double chaleur obscure qui se trouvait produite sous lui. Ils se mettaient incontinent à entreprendre un important travail. Ils habiteraient là, sous son corps, comme sous n’importe quoi d’autre qui fût tombé à terre. Il fallait tout préparer pour la vie en cet endroit. Instantanément, il était l’objet de sollicitudes et de soins, on l’utiliserait.

       Il en prit conscience peu à peu. Quand on était étendu comme il l’était, on sentait maintes choses… et on s’en trouvait bien.

       Ne veux pas penser.

       Ne veux plus.

       Je veux.

       Il était étendu à plat, lourdement, se faisant de plus en plus pesant, pour ainsi dire. Mais il ne pouvait s’abstraire de la vie bruissante qu’il y avait ici. Il notait confusément qu’il était le centre d’une effervescence effrénée.

 

 

............................... (p.68/69)

 

 

       Le grand but : qu’est-ce que j’ai fait de mon cœur ? de mon cerveau et de l’obscurité ? C’est cela qu’on va voir maintenant. On va le voir en haut de la prochaine côte, et on aura la paix. Du dehors, d’ombres d’un noir de poix, le cortège recevait des renforts fulgurants. Des cœurs effrayés, pleins d’attente, battaient aux chambranles des portes, attendant le cortège.

       Pas de questions dans l’air ardent : qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que je dois faire ? Qu’est-ce que je veux ? Rien de tel. Le temps était trop mesuré, si l’on ne s’y joignait pas à la vitesse de l’éclair, le cortège était passé. Se jeter dans la foulée de la course, que ce fût la vie ou la mort qui attendît là-haut, au sommet de la côte. Pas de salutation. Personne qui levât les yeux. Nul qui ne surveillât quoi que ce fût d’autre que sa place. Des hommes et des femmes… Nul qui ne dît mot… et l’on eût dit maintenant que la terre cédait sous le poids.

 

 

............................... (p.147/148)

 

       Oui, passer un pont…

       Le jour venait, de tous côtés. Le pont était gris de la lumière nocturne qui se retirait, et des bouffées de brouillard venues du cours d’eau l’enveloppaient en passant. Il était long, avec des rangées de vieilles piles sombres dans l’eau. Entre elles, tranquillement, passait le cours d’eau.

       Sur le moment, pas lieu de s’en soucier. Passer le pont ! Arriver de l’autre côté. Vers ce que l’on ne savait pas encore. Il n’y a pas de nom pour cela, mais le chemin pour y aller, c’est le pont. Il chante le bâtisseur du pont, sans pouvoir s’arrêter. Jon entendait ce chant, sachant qu’il n’avait pas de nom.

       Il parvint sur le pont, faisant claquer ses talons sur les planches. Les pans de brouillard l’entouraient, hachant sa marche, traversée par  à-coups de lueurs. Le pont était gris, ou teinté de nuit… mais il y avait ce jour neuf qui était en train de s’y établir. Tandis qu’un coup de vent nocturne prolongé se métamorphosait doucement en brise matinale.

 

 

............................... (p.170/171)

 

 

 

Tarjei Vesaas (1897-1970)

L’œuvre de Tarjei Vesaas est l’une des plus fortes à nous être parvenues de Norvège. De la quarantaine d’ouvrages qu’il écrivit, une partie seulement a été traduite en français, principalement ses romans de maturité : Le Germe, Les Oiseaux, Le Palais de glace, Les Ponts, La Barque le soir et... L’Incendie.
Tarjei Vesaas fut sans distinction romancier, poète, nouvelliste et, de même que Jon Fosse, l’un de ses plus illustres lecteurs, auteur de théâtre ou plus précisément de « pièces à entendre ».

Paru alors que Tarjei Vesaas était âgé de 64 ans, L’Incendie est un« roman limite » dans son œuvre.

Avec une force inégalée, l’auteur parvient à faire coexister différents pans de réalités. Jon, « l’esprit » du roman, pénètre ainsi toutes choses et nous-mêmes.
Chaque chose, chaque être, est une voix qui parle et se tait sans que se taire soit ne plus parler, cesse d’être une adresse.

 

 

 

 

 Site : KULTORG

| ©  CLIQUER ICI

 

Annette von Droste-Hülshoffn Tableaux de la lande & autres poèmes

 

Du côté de chez…

 

 

Annette von Droste-Hülshoff

 

 TABLEAUX DE LA LANDE et autres poèmes

 

La Dogana, 2013

 

 

 

Traduction de Patrick Suter & Bernard Böschenstein

 & texte allemand

 

 

 

LA DOGANA | © http://www.ladogana.ch/html/nouveau.htm

 

 

 

 

 

 

 

I

 

Ainsi s’est-il en vain tourmenté,

                   a-t-il en vain vendu le domaine

Où sont le tilleul de son enfance

                   et le lit de mort de ses parents,

En vain a-t-il durant tant de jours

                   respiré l’air oppressant de gel,

La bride dans les mains engourdies,

                   quand crissent les vagues de neige –

Tant à l’aurore qu’au couchant,

Rien que pour un quignon de pain.

 

Le marchand sur le sol s’agenouille,

                   frotte les flancs brûlants du cheval,

du chevron de la poutre la lampe

                   fait vaciller des ombres folles ;

Dieu, il vit ! – un éclair dans ses yeux –

                   le cheval tremble, ses flancs frissonnent,

Puis s’étend, naseaux étirés,

                   ballonné dans un cri sauvage,

Et des membres tournoie la vapeur,

Lutte ultime des forces de vie.

 

A genoux le marchand frotte encore,

                   refusant d’en croire ses yeux,

Et montent dans ses paupières gonflées

                   les larmes amères des hommes,

il étend doucement la couverture,

                   sur les flancs doucement la dépose,

Fais alors glisser sa lanterne

                   sur les tendons étirés ;

C’en est fini, plus un souffle de vie,

Des flancs déjà s’estompe la vapeur.

 

Il se relève, il est debout,

                   homme accablé par les soucis,

Et lentement saisit son front,

                   l’abrite dans le creux de ses mains.

Que s’est-il passé ? et demain ?

                   comment pourrait-il s’en souvenir !

De la désespérance il sent

                   le venin couler dans son cœur,

Quoi ? que se passe t-il – i l se lève,

Un cliquetis juste à ses oreilles !

 

Et, adossé au poteau voisin,

                   soupesant impassiblement

Mors et bride du cheval mort,

                   un homme avec étrille et picotin,

Trapu, tel cocher qui dans la poussière

                   et le gel mène ses rudes membres,

Un chapeau mou dégoulinant

                   suspendu à sa large nuque –

Et paisibles sur le maquignon

Se posent des yeux ombrés de gris.

 

« Monsieur », dit-il, « vous m’inspirez pitié,

                   c’était là un bel animal,

Mais j’en connais un qui lui ressemble

                   comme deux coraux du rosaire ;

Je vous dirai le lieu, la maison,

                   vous l’aurez pour deux cents florins,

Je sais un patron qui pour l’avoir

                   donnerait la moitié de ses biens. »

Le marchand écoute et balbutie :

« Je suis un homme tout à fait ruiné. »

[…]

 

............................... (p.169/171)

 

 

[…]

Et ce n’est qu’entouré de sapins,

                   aiguilles bruissant à ses semelles,

Qu’il ralentit le pas, restant

                   prostré, et qu’il écoute – écoute –

Nul amant n’écoute ainsi le son

                   de la cloche invitant à l’amour,

Nul malade le pas du prêtre

                   qui l’absout avec la relique ;

Un délinquant peut écouter ainsi

La pendule sonner la dernière heure.

 

Sous le feu solaire sommeille

                   la forêt dans des vagues d’arômes,

Résine suintant des aiguilles comme

                   des cils du dormeur coulent les larmes ;

Le rocher s’incline, ivre de soleil,

                   les oiseaux rêvent de ramage,

Caressé par sa queue d’écureuil

                   dort enroulé sur lui-même,

Une vapeur blanche à chaque aiguille

Exhale la térébenthine.

 

Un rayon perce à travers les branches

                   jusqu’aux mèches de qui écoute,

Qui luisent de la sombre chevelure

                   telles flammèches de vers marins ;

Il se dresse et guette, et guette et se dresse,

                   n’entends-tu pas un grésillement ?

Un ruissellement, tels grains de sable

                   glissant dans les fentes du grenier ?

Si acéré, si pénétrant,

Comme affûtage de faux sur la pierre.

[…]

 

............................... (p.193)

 

 

 

Note de l’éditeur

Annette von Droste-Hülshoff (1797-1848) est considérée dans le monde germanophone comme la plus grande poétesse allemande de tous les temps. Gottfried Benn, Walter Benjamin ont dit très tôt leur admiration pour ses inventions puissantes et Johannes Bobrowski compte « Le feu des bergers » et « Dans l'herbe » parmi les dix plus beaux poèmes de la langue allemande. Paul Celan lui-même ressentait une parenté envers ce que cette écriture comporte d'âpre, de rêche, de dense et d'élémentaire. Récemment remise au goût du jour par plusieurs jeunes auteurs, Annette von Droste-Hülshoff est constamment citée en raison de la liberté audacieuse de sa prosodie et du message d'immense désolation - constamment interrompu par les souvenirs d'une vie à première vue idyllique, qu'elle transmet à travers ses étonnantes visions. Mais cette célébrité dépasse nettement le cercle des poètes et des connaisseurs : « Le garçon dans le marais » est récité depuis des générations par les élèves des écoles allemandes. De même « Le Hêtre du Juif », sa prose la plus célèbre, est souvent étudiée au collège. Enfin « La Droste », comme on l'appelle familièrement, a figuré sur des billets de banque et des timbres. Le présent recueil offre un ensemble des textes les plus denses et les plus audacieux de l'écrivain : le défi qu'ils opposent aux traducteurs en a longtemps retardé la diffusion en terre française. Ces poèmes sont tantôt marqués par des éléments d'une extrême concrétude, qui fécondent l'imagination la plus débridée, tantôt ils sont entraînés par le mouvement propre de la vie intérieur, le rêve. Dictés par une sensibilité quasi tactile au monde du vivant, ils font fréquemment appel à la botanique, à la minéralogie, à la zoologie, de même qu'ils décrivent de manière très directe les mondes rural aussi bien que préindustriel et minier, mêlant cette réalité rugueuse à des scènes spectrales volontiers situées dans la brume des marais ou dans la poix des cimetières…

 

 

 

Walter Benjamin, Enfance berlinoise

 

Du côté de chez…

 

 

Walter Benjamin

 

©  Walter Benjamin

 

Enfance berlinoise

L’Herne, 2012

 

 

 

Préface de Patricia Lavelle.

Traduit de l'allemand par Pierre Rusch.

 

 

L’HERNE | © http://www.editionsdelherne.com/

 

 

 

 

 

 

Combien désespéré renaissait à chaque printemps mon amour pour le prince Louis Ferdinand, aux pieds de qui poussaient les premiers crocus, les premiers narcisses ! Un cours d’eau qui me séparait d’eux me les rendait aussi inaccessibles que s’ils avaient été placés sous une cloche de verre.  Telle est la froide beauté sur laquelle s’appuie toute noblesse princière, et je compris pourquoi Luise Von Landau, qui avant de mourir fréquentait le même cours que moi, avait dû habiter quai de Lützow, presque en face de cette parcelle sauvage qui confie aux eaux du canal le soin de ses fleurs. Je découvris plus tard de nouveaux coins ; j’en appris davantage sur d’autres. Mais aucune fille, aucune expérience, aucun livre ne surent rien me dire de neuf sur celui-ci. Aussi quand trente ans plus tard un connaisseur de l’endroit, un paysan de Berlin, me prit sous son aile pour, après une longue absence commune, revenir avec moi dans la ville, sa route sillonna-t-elle ce jardin en y jetant la semence du mutisme. Il me précédait sur les sentiers, suivant une pente qui pour lui était toujours descendante. Ils descendaient, sinon vers les mères de toute existence, du moins vers celles de ce jardin. Ses pas éveillaient un écho dans l’asphalte qu’il foulait. Le gaz jetait une lueur équivoque sur le pavé. Les petits escaliers, les porches soutenus par des colonnes, les frises et les architraves des villas du Tiergarten – nous les prîmes pour la première fois au mot. Mais surtout les cages d’escaliers, encore vitrées comme autrefois, même si bien des choses avaient changé à l’intérieur des appartements. Je sais encore les vers qui après l’école emplissaient les intervalles des battements de mon cœur, quand je marquais une pause en montant les escaliers. Ils surgissaient confusément de la vitre, où une femme flottant entre ciel et terre comme la Madone de la Chapelle Sixtine sortait de la niche une couronne à la main. Les pouces glissés sous les bretelles du cartable pour soulager mes épaules, je lisais : « Le travail est la parure du citoyen / La bénédiction le prix de la peine. » La porte d’entrée, en bas, se refermait avec un soupir, comme un fantôme redescend dans la tombe. Dehors, il pleuvait peut-être. Une des vitres multicolores était ouverte et c’était au rythme des gouttes que se poursuivait l’ascension. Mais parmi les cariatides et les atlantes, les putti et les pomones qui m’avaient jadis regardé, celles que je préférais à présent étaient les figures empoussiérées de la race des gardiens des seuils, qui protègent l’entrée de la vie comme celle de la maison. Car elles savaient attendre. Il leur était donc égal d’attendre un étranger, le retour des anciens dieux où l’enfant qui avec  son cartable était passé à leurs pieds trente ans plus tôt. Sous leur signe, le vieil Ouest était devenu l’Ouest antique, d’où les vents viennent aux mariniers qui remontent lentement le Landwehrkanal avec leur barge chargée de pommes des Hespérides, pour accoster près du pont d’Hercule. Et, comme dans mon enfance, l’Hydre et le Lion de Némée prenaient à nouveau place dans le territoire sauvage qui entoure la Grande Etoile.

 

 

............................... (p.35/37)

 

 

Note de l’éditeur

Enfance berlinoise est le récit des souvenirs d'enfance de l'auteur, un livre qui ouvre des perspectives nouvelles non seulement sur les mémoires d’enfance, mais également sur la compréhension de l’apport théorique de la pensée de Benjamin.

Qu’est-ce que Enfance berlinoise vers 1900 ? Ce titre, sous lequel Benjamin prévoyait de réunir un ensemble des proses courtes rédigées à partir de ses souvenirs d’enfance, ne correspond pas à une oeuvre ayant connu une édition définitive, mais plutôt à un projet de recueil que l’auteur n’a pas réussi à voir édité.

C’est la première de ces deux versions, publiée en Allemagne seulement en 2000 en dehors des écrits réunis et jusqu’à présent inédite en français, que l’excellente traduction de Pierre Rusch donne maintenant à lire au public francophone.

Préface de Patricia Lavelle.

Traduit de l'allemand par Pierre Rusch.

 

 

 

Walter Benjamin (1892-1940)

Écrivain et philosophe allemand, il est l’auteur d’essais historiques et esthétiques dans la ligne de l’École de Francfort. Fin connaisseur de la langue française, il traduit, entre autres, Baudelaire et Proust. En 1915, il se lie d’amitié avec G. Scholem. De leur dialogue, Walter benjamin tire une réflexion théologique qu’il applique au langage. Voyageur infatigable, il ne cesse de parcourir l’Europe de l’entre-deux-guerres. Il fut proche d’Adorno, Bertolt Brecht, Ernst Bloch et Hannah Arendt. Il est l’auteur notamment de L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique (1936). En 1933, il trouve refuge à Paris et en 1940, il essaie de quitter l’Europe pour les États-Unis ; il préfère se donner la mort plutôt que de risquer d’être livré à la Gestapo.

 

 

09/07/2014

Julio Cortázar

 

 

Du côté de chez…

 

Julio Cortázar

 

©  Julio Cortázar

 

Crépuscule d’automne

José Corti“Ibériques”, 2010

Traduit de l’espagnol (Argentine) par Silvia Baron Supervielle

 

 

Les Carnets d’Eucharis | © http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com/

 

 

 

 

  

Marco Polo se souvient

 

Ton minuscule pays, inaccueillant et sauvage !

Là-bas des arbres nains brandissent leur ennui

pendant que les taupes perforent le chemin

et que les musaraignes remontent le ciel.

 

En venant à la frontière de ta terre évasive

combien de douanes vertes et des sceaux dilués !

Mes besaces recelaient médailles et mascottes

destinées à tes gardiens amateurs de menthe.

 

Ta langue – celle des hommes à l’affût des nuages –

s’élevait  dans les chaloupes aux souffles de la nuit

et la lance du danger et l’ocelot en or

et sans répit t’attendre au-delà des sommets.

 

Les portes d’obsidiane s’incurvaient sous le temps

et tu étais dans le temps derrière l’obsidiane !

Avec mon nom – ce glauque gong d’ancienne grâce –

J’ai jeté sur les portes le parchemin ouvert.

 

Treize nuits de rouges ablutions – et d’insectes

aux pattes de cristal et de musiques aveugles – ,

ô chaleur sous le ciel, la lune dans la citerne

et toi absente, lointaine, belle comme jamais !

 

Tes serfs ont déchiffré les lettres de mon nom,

et j’ai vu s’entr’ouvrir les portes pour mon pas.

Par des mois et des chemins mes traces se perdirent

la caravane a rapporté des bagues de bronze.

 

Je me souviens de la terrasse en demi-lune,

la soie que tu m’offris et le tambour des nuits.

La caravane a rapporté des bagues de bronze –

Et moi j’ai une galère avec des voiles d’émeraude !

 

 

........................... (pp.231/232)

 

 

 

 

Je veux pleurer parce que ça me plait,

comme pleurent les enfants du dernier banc,

car je ne suis pas un poète, ni un homme, ni une feuille,

mais un pouls blessé qui tourne autour des choses de l’autre côté.

 

FEDERICO GARCIA LORCA,

Poème double du lac Edem

 

 

 

BLACKOUT

 

Si tu vois un chien près d’une tombe

fuis l’hélicoptère : il neige déjà

la mort délicate par trituration, assaut

du néant, les yeux crevés à cause

du cobalt, de l’hydrogène.

Petit soldat de plomb, de chocolat, court

chercher un refuge : il se peut

que le chien ne te cède pas sa niche, les chiens sont tellement sots.

Et sinon il y a la tombe :

chasse d’un coup de pied ce mort, couvre-toi

avec ce qui reste, chiffons, terre, ossements.

(N’oublie jamais le Reader’s Digest,

ça fait passer le temps, c’est instructif.)

 

........................... (p.305)

 

 

 

 

1950 ANNÉE DU LIBÉRATEUR, etc

 

 

Et si les larmes viennent te chercher…

 

(D’UN TANGO)

 

Et si les larmes viennent te chercher

prends-les de face, bois jusqu’au bout

l’apéritif de larmes légitimes.

Pleure, argentin, pleure enfin un pleur

véritable, face au temps

que tu escamotais avec souplesse,

pleure les malheurs que tu croyais d’autrui,

la solitude sans rémission au bord d’un fleuve,

la coulpe de la paix sans mérite,

la sieste de ventres bourrés de pains au raisin.

Pleure ton enfance avilie par le cinéma et la radio,

ton adolescence dans les rues du dégoût, la clique,

l’amour sans récompense,

pleure les échelons, le championnat, le steak saignant,

pleure ta nomination ou ton diplôme

qui t’enfermèrent dans la prospérité ou le malheur,

et qui dans la plaine la plus immense

te clouèrent dans un petit terrain duquel tu t’acquittas

par versements trimestriels.

 

........................... (p.324)

 

 

 

 

 

 

_______________

 

Julio Cortázar

Crépuscule d'automne, poÉsie

traduit de l'espagnol (Argentine) & préface de Silvia Baron Supervielle

José Corti, Collection « Ibériques », 2010

SITE EDITEUR :ICI

 

 

08/07/2014

AUTOPORTRAIT - Marguerite Duras

01/07/2014

Jean-Luc Sarré, Ainsi les jours, Le Bruit du Temps - Une lecture de Tristan Hordé

 

 UNE LECTURE DE TRISTAN HORDÉ 

© J. Luc Sarré photographié par Jean-Marc de Samiehttp://www.franceculture.fr/

 

Ainsi les jours
JEAN-LUC SARRÉ

Le Bruit du Temps,  2014

 

______________________________________________________________

Ainsi les jours, ce sont quelques poèmes  et de « modestes petites proses », notes souvent brèves,  dépassant rarement la douzaine de lignes, « ni sentences, ni aphorismes, ni maximes mais simples remarques » (174). On pense très vite à Jules Renard, et Sarré indique qu'il fut en effet le « principal instigateur de [s]es carnets » (99).  Donc des remarques, et celles qui le concernent le décrivent avec bien peu de complaisance : « tout en moi est discordant » (22), affirme-t-il et il regrette ici et là de n'avoir rien fait d'autre qu'écrire quelques lignes ; l'âge venant, il n'apprécie guère « le visage d'un étranger » (183) qu'il voit le matin dans le miroir. Mais est-ce misanthropie de ne plus supporter au fil des ans, la bêtise (bruyante) des voisins, plus largement de ses contemporains ? Inapte à toute discipline, non pas sceptique, mais « douteur », il s'ennuie vite, constatant, désabusé, « je ne suis pas d'ici » (80). Comment vivre ? Les notes quasi quotidiennes sur les carnets sont nécessaires, écriture de minuscules moments de vie saisis et restitués : « j'écris parce qu'il me faut bien respirer » (114).

   Qu'est-ce qui est retenu, hors les propos, le plus souvent acerbes, le concernant ? Sédentaire, Sarré observe les choses de son balcon du quatrième étage, et d'abord le ciel qu'il apprécie plutôt nuageux — quand le soleil s'installe, on entend « l'odieux chant des cigales ». Il peste contre le bruit des engins de terrassement et le bavardage au téléphone portable qui l'oblige à fermer la fenêtre. Il suit des yeux l'enfant qui, sur son petit vélo, pédale et se dirige vers le bout du monde... Il suit également le mouvement des oiseaux, d'un arbre devant son logement aux graines de tournesol qu'il leur prépare. Il vérifie que le poisson rouge a eu sa ration journalière. Les notations sur la nature, ou plutôt sur la relation que l'on peut entretenir avec elle,  sont nombreuses ; se définissant piètre cavalier, il s'attendrit de savoir sa fille être plus à l'aise qu'il l'avait été et il se désole, un cheval s'avançant vers lui, de n'avoir pas toujours un sucre dans sa poche. Il est attentif aux pies qui construisent un nid au sommet d'un arbre et comment ne pas l'approuver quand il note que « le cri de l'effraie légitime l'insomnie » (137) ?

   Ce sont toutes les choses du monde qui requièrent son attention et vouloir relever ce qui le retient conduirait (presque) à citer tout le livre. Il recopie un jour une petite annonce concernant la vente d'un cor de chasse, il s'amuse de la laideur des genoux — trop gros — de jeunes femmes en mini-jupe, il écoute une conversation dans un bus à propos des tatouages et des piercings ( "qui habillent"), il relate un fait-divers, il constate la disparition accélérée des petits magasins, il apprécie à Genève des maisons « aux couleurs audacieuses », il s'irrite qu'une place de parking puisse susciter une violente querelle, il suit des yeux le rouge-gorge qui mange les baies de la vigne vierge. La multiplication des motifs est compensée, d'abord, par le fait que certains sont développés ; ainsi, plusieurs pages sont consacrées à Barcelone, toujours sous la forme de remarques. Un motif en entraîne parfois d'autres ; évoquant Breton, par qui il découvrit la poésie, Sarré rappelle les insupportables ukases du poète et, de là, cite Cioran qui fustigeait le « ton prophétique ».  À partir du rire « étranglé » (130) d'une petite fille qui semble rejetée d'un groupe, un récit s'esquisse. S'indignant de la morgue des « coquins » de l'ENA, il passe des urnes électorales aux urnes funéraires — les seules dignes — et termine avec une citation de Reverdy sur le spectacle des manifestations politiques (111-112).

   Une autre manière d'introduire des variations consiste à rapporter ses visites d'expositions, signalant au passage que l'abandon de son activité de peintre a été « un bon choix dans la vie », à commenter aussi, brièvement, les disques écoutés, de Schubert à Charlie Parker, de Brahms à Kathleen Ferrier — celle-ci point de départ d'une minuscule digression. En relation ou non avec une remarque viennent aussi des citations, de moralistes qu'il affectionne — Chamfort, Joubert —, d'écrivains qu'il fréquente : Flaubert, Kafka, Jules Renard, Thomas Bernhard, Eudora Welty, Limbour, Perros, Faulkner... Enfin, ennemi de la "merdonité", il n'hésite pas à marquer sa distance vis-à-vis des goûts et activités dominants. Il rejette les pratiques empruntées aux États-Unis des ateliers d'écriture et de la lecture publique, relevant une note de Leopardi pour qui il y avait un « vice qui consiste à lire et à réciter aux autres ses propres productions » ; sont alors sur le même plan "l'atelier cuisine" et "l'atelier poésie"... À propos des colonnes de Buren, Sarré constate qu'elle « continuent de saloper la cour d'honneur du Palais Royal, d'en altérer l'harmonie » (84).

    Lire Ainsi les jours, c'est comme reprendre une conversation passionnée, interrompue pour une mauvaise raison. J'y retrouve une sobriété dans l'écriture propre aux moralistes, un regard sans illusion sur le monde et sur lui-même, une vraie tendresse aussi pour les choses de la nature. Ce sont là de bonnes raisons de le lire et relire.

 

Tristan Hordé, juin 2014 © Les Carnets dEucharis

 

 

 

SITE À CONSULTER

Sur le site : Le Bruit du Temps | ©  Cliquer ICI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

26/06/2014

Sylvie Kandé

 

 

 

© Site : http://sylviekande.com/

 

               

 

Sylvie Kandé La Quête infinie de l’autre rive

Épopée en trois chants

Éditions Gallimard, Collection « Continents noirs », 2011

 

 

 

 

(p.50/52)

 

 

Sire souviens-toi de la sableuse esplanade

qu’il fallut à la bouche du fleuve négocier

pour construire et radouber nos almades

entasser nos provisions cantonner nos escouades

Souviens-toi de la foule qui s’installa sur la grève :

D’abord ce furent forgerons pêcheurs et charpentiers

qui toute une saison allaient peiner sans trêve

Lors on se mit à abattre des arbres en amont

pour en flotter les immenses troncs

- mais ceux-là seuls dont les veines brunes vaguent

ceux dont la sève violette goûte l’algue et le sel

et le feuillage comme une voile étreint le vent

(Car qu’est-ce qu’un arbre dites qui ne rue

contre le ciel son vert désir de grand large…)

Reçus à l’arrivée par les maîtres de hache

ils étaient évidés au cœur tambour battant

Puis la grosse ébauche de chaque coque

était pincée entre des étaux et passée à la flamme

- les rostres quant à eux se fignolaient à l’herminette

Entretemps cordiers potières et tisserands

trimardant leurs divers talents étaient venus

et on arracha aux baobabs leur écorce rêche

pour en fabriquer des cordes et des amures

On prit leurs amandes aux karités

et aux kapokiers leur bonne ouate

pour colmater des bordages la moindre brèche

Comme il fallait aussi du coudran

sèves et huiles furent brassées en canaris

Des pigments on en broya de toutes sortes

pour peinturer joliment les œuvres mortes

et calligraphier en sus des signes et des serments

On fit des nasses des casiers et de rouges éperviers

des ancres des rames de rechange des bardis

des coffres des caillebotis des panaches

et que sais-je encore grands dieux

Aidez-moi donc vous autres à évoquer la scène

avec quelques formules un refrain des épithètes

le temps que je me retourne et reprenne haleine

Mon patron mais pourquoi

pourquoi venir gâter ce fin soliloque

par d’intempestives farcissures…

Ce chantier sublime cette cohue baroque

sans partage maintenant te reviennent

Soit. On tissa des sayons des tenues de fête

et de fines nattes de palme ou de raphia

qu’on attachait serrées aux mâtures

Des intendants des vivandières et des ovates

des guérisseurs et des traqueurs de sorcières

ce fut le tour d’établir sur la plage leurs quartiers

Les uns à tour de bras séchaient du poisson

équarrissaient le gibier et en pilaient la viande boucanée

les autres confectionnaient onguents et caractères

philtres formules et médicaments

On engrangea arachides et ignames

on remplit moult couffins de dattes et de tamarin

On fit en veux-tu en voilà du confit de piment

Dans la fraîcheur des entrepôts il y avait de l’eau

du vin de palme et de la bière de mil à tire-larigot

Cependant on montait des fougons

à l’avant des pirogues afin de préparer

en cours de route du chaud

 

----------------------------------------------------

 

(p.64)

 

 

Alarme et désarroi s’emparent des almadies

Honnis soient les grands qui quittent le navire

nous laissant dans les dilemmes et névralgies

Frères de rames sur nos cœurs gardons empire

Avons-nous pas à la seule force de l’échine

Par nous-mêmes et sans l’aide de personne

gouverné depuis la côte ces périssoires…

Les uns sont à l’affût d’un signe

d’autres déjà cambrés sur leurs bancs

Et on crie et on s’empoigne et on s’indigne

comme si on découvrait enfin le notoire :

les voilà largués et maudits

au milieu de l’énorme délire

des rouleaux qui tonnent

les voilà livrés aux flammeroles

qui gravissent en sifflant les espars

et s’évanouissent sur une girandole

 

 

 

 

                                             

                                    

 

20/06/2014

György Ligeti, Kammerkonzert

Sylvie Guillem - Two (Rise & Fall)

18/06/2014

WOMEN, Olivier Apert, Le Temps des Cerises, 2014

 

 

 

 

 

WOMEN

 [Anthologie de la poésie féminine américaine du XXe  siècle]

Poèmes traduits, choisis & présentés par Olivier Apert

 

Le Temps des Cerises, juin 2014

Poésie (bilingue)

Collection Vivre en poésie

 

  

| ©www.letempsdescerises.net

 

 

Bon de commande à renvoyer par courrier :

Le Temps des Cerises, 47 avenue Mathurin Moreau, 75019 Paris.

 

 

 

D'une certaine façon, cette anthologie n'est pas une anthologie : entendons par là qu'elle propose une lecture à la fois conjoignant et séparant la diversité des voix qui invente la poésie féminine américaine à travers le temps et l'espace géographique par la composition d'un livre qui voudrait faire résonner une manière de tout dire, souvent au mépris des conventions et des carrières ; une volonté d'éprouver dans et par le corps de l'écriture les réalités et les illusions du social et de l'intime sans jamais recourir à la fuite lorsque l'expérience devient par trop douloureuse ; une impitoyable nomination-dénonciation des mensonges ; un aveu transparent des désirs et des haines ; une affirmation franche des revendications.

Ainsi ces voix transgressent-elles le lieu qui leur a été et leur est encore parfois dévolu : l'image de la femme made in USA. Voici donc un panorama de trente-cinq poètes, ouvrant sur la diversité tant géographique que stylistique de l'intimisme d'Anne Sexton à l'imagisme de Marianne Moore, de l'engagement de Sonia Sanchez au sensualisme de Christy Sheffield Sanford d'après Emily Dickinson (1830-1886).

En effet, si son oeuvre demeurée longtemps secrète, peut être considérée comme l'acte initial de la poésie féminine américaine, outre qu'elle appartient, malgré son innovation formelle, au XIXe siècle, elle est aujourd'hui intégralement traduite en français. Il appartenait à cette anthologie d'amener à la découverte de voix prédominantes du XXe, ici encore peu entendues, en dépit de leur reconnaissance américaine, fut-elle parfois souterraine.

De la plus lointaine, Amy Lowell (1874-1925) à la plus proche, Elinor Nauen (née en 1952), c'est tout un puzzle qui se construit et qui voudrait présenter une façon de contre-histoire de la culture américaine.

 

 

Auteures traduites

Alta (1942)

Djuna Barnes (1892-1982)

Elizabeth Bishop (1911-1979)

Kay Boyle (1902-1992)

Gwendolin Brooks (1917-2000)

Janine Canan (1942)

Candace Chacona (1950)

Laura Chester (1949)

Jane Cooper (1924-2007)

H.D (Hilda Doolittle) (1886-1961)

Tess Gallagher (1943)

Jessica Hagedorn (1949)

Joanne Kyger (1934)

Denise Levertov (1923-1997)

Amy Lowell (1874-1925)

Mina Loy (1882-1966)

Bernadette Mayer (1945)

Josephine Miles (1911-1985)

Marianne Moore (1887-1972)

Elinor Nauen (1952)

Florence Ogawa (1947-2010)

Maureen Owen (1943)

Dorothy Parker (1893-1967)

Marge Piercy (1936)

Sylvia Plath (1932-1963)

Adrienne Rich (1929-2012)

Muriel Rukeyser (1913-1980)

Edna Saint VincentMillay (1892-1950)

Sonia Sanchez (1935)

Leslie Scalapino (1948-2010)

Anne Sexton (1928-1974)

Christy Sheffield Sanford (1950)

Gertrude Stein (1874-1946)

Jean Valentine (1934)

DianeWakoski (1937)

 

                                                          

 

Olivier Apertest né et vit à Paris. Poète, essayiste, dramaturge, librettiste et traducteur ; membre du comité de la revue Po&sie ; il a, par ailleurs, été critique littéraire, auteur de catalogues d’artistes contemporains et a travaillé avec les chorégraphes Sylvain Groud etMuriel Piqué. Parmi plus d’une vingtaine de livres publiés, les derniers parus sont : Baudelaire, être un grand homme et un saint pour soi-même, Éd. Infolio (2009), Upperground, poèmes, Éd. La Rivière échappée (2010), Gauguin, le dandy sauvage,Éd. Infolio (2012), Éloge de la provocation (avec François Boddaert), Éd. Obsidiane (2013), Mina Loy, Manifeste féministe & écrits modernistes (traduction), Éd. Nous (2014).

 

Sur le site : M e l | Paris

© Cliquer ICI

 

09/06/2014

Les Carnets d'Eucharis au Marché de la Poésie

Les Carnets d’Eucharis

seront présents au 32e Marché de la Poésie

du 11 au 15 juin

place Saint-Sulpice (Paris VIe)

sur le stand 704

en compagnie de Black Herald Press (Blandine Longre et Paul Stubbs)

et des éditions Hochroth-Paris (Nicolas Cavaillès).

 

 

Les Carnets d’Eucharis

●●●●●Poésie |Littérature |

Photographie | Arts plastiques

●●●●●●●●  2014

 

 

 

  

 

N°40 (hiver 2014) – N°41 (printemps 2014) – N°42 (été 2014)

 

 

© Nathalie RierA

 

| 2008-2014 | Revue numérique Les Carnets d’Eucharis | ISSN : 2116-5548 |

06/06/2014

CONRAD AIKEN ... La venue au jour d'Osiris Jones / Neige silencieuse, neige secrète

 

 

 

 

ET BANC DE FEUILLES descendant la rivière *

(Nouvelles parutions, Notes, Portraits & Lectures critiques)

 

 

* Lorine Niedecker

| © Nathalie Riera

 

 

La venue au jour d’Osiris Jones | © Editions La Nerthe, 2013

Neige silencieuse, neige secrète| © Editions La Barque, 2014

 

 

 

 

 

 « LA NERTHE ET LA BARQUE … AVEC CONRAD AIKEN »

par Nathalie Riera

 

 

-I-

 

La venue au jour d’Osiris Jones Conrad Aiken est reconnu, selon les propres termes du poète et critique Allen Tate, comme « le plus polyvalent des hommes de lettres du XXème siècle : il a excellé dans la critique, dans la fiction et dans la poésie ».[1] Actuellement, deux éditeurs, en France, nous offrent à découvrir le poète américain dont sa singularité depuis T.S. Eliot ou Ezra Pound était d’être en avance sur son temps. La Barque avec la nouvelle « Neige silencieuse, neige secrète », La Nerthe avec  le poème dramatique « La venue au jour d’Osiris Jones » : deux livres qui participent d’une rencontre avec un poète qui « connut une relative reconnaissance » davantage auprès de ses pairs que des lecteurs.[2]

Une vie littéraire passée sous le signe de la discrétion et d’une « solitude essentielle », poète de « force lyrique », Aiken ne s’interdit cependant pas une « spécificité prosodique », précise l’éditeur, ajoutant par ailleurs : « Rien de ce qui se perçoit, la vue et l’ouïe dominant, n’échappe à la dramaturgie ».[3]

« Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage » pourrait nous dire Aiken, très tôt marqué par l’évènement traumatique que fut le suicide de son père, William Ford Aiken, après que celui-ci eût tué sa femme, la mère de Conrad alors âgé de onze ans. Dans une note de « La venue au jour… » Aiken nous éclaire sur l’origine du nom « Osiris » :

 

Quant au titre de mon poème, je ne peux que citer Le Livre des Morts, p.29 : « Dans toutes les versions du Livre des Morts, Osiris est toujours le nom donné au mort et, comme il était toujours admis que ceux  pour qui elles furent écrites seraient innocentés par la Grande Balance (…) elles étaient toujours écrites à partir de leurs propres noms ». (p.11)

 

Dans « Inscriptions diverses » :

 

En lettres dorées sur un panneau noir se balançant

         Docteur William F. Jones

(p.41)

 

Ö mort, en forme de changement, en forme de temps,

dans l’éclat d’une feuille et d’un murmure, charmant dieu

dont la divinité est fumée, dont le délice

est glace en été et l’arbousier

sous la congère et l’eau de la rivière coulant

vers l’ouest parmi les roseaux et les oiseaux volants

par-delà l’obélisque et les hiéroglyphes –

pourquoi et d’où chuchotés, question dans l’obscurité

réponse dans le silence, mais un tel silence, ange,

est aussi la seule réponse des dieux qui cherchent des dieux –

réjouissons-nous, car nous sommes venus dans un monde

où la pensée n’existe pas.

(p.101)

 

 

Les livres

         Mon cœur de ma mère – mon cœur de ma mère – mon cœur de mon être, –

         ne témoigne pas contre moi, –

         Ne me repousse pas vers les ténèbres !

 

 

 

 

-II-

 

Neige silencieuse, neige secrète la neige au-dessus de tout cloisonnement, « s’alourdissant plus chaque jour, emmitouflant le monde ». Là où le secret est comme « lieu de forteresse, de rempart derrière lequel il pouvait se retirer dans un isolement divin », tout le récit de « Neige… » se tient sur ce qui pourrait être perçu comme une faille, ou l’étrangeté d’une attitude, celle d’un enfant de 12 ans, du nom de Paul Hasleman : « La chose était avant tout un secret, quelque chose à dissimuler précieusement à Père et Mère »[4]. Et ainsi que lui-même le dit : cette chose lui appartient, est sa récompense. Il se fait en lui « une sensation de possession » et à cela la presque certitude d’« une sensation de protection ». A Paul Hasleman un monde nouveau s’est ouvert. Dans ses « Mots pour… » l’éditeur se risque à l’expression de Pietro Citati : « le royaume de la schizophrénie », mais cela pour nous dire plus précisément que dans ce monde de neige rien n’est enfermé : « Et c’est là le merveilleux, que ce texte n’enferme rien, pas même la folie »[5].

 

Et il ne pouvait y avoir le moindre doute – pas le moindre – que ce monde nouveau était le plus profond et le plus merveilleux des deux. Il était irrésistible. Il était miraculeux. Sa beauté allait simplement au-delà de tout – au-delà de la parole et au-delà de la pensée – éminemment incommunicable. Mais comment alors trouver un équilibre entre ces deux mondes dont il avait sans cesse conscience ? (p.14)

 

Comment au cœur de la vie de tous les jours éviter de ne pas être pris d’un déchirement, de par la simultanéité même d’une « vie publique » et d’une « vie secrète ». Paul Hasleman se résout à ne rien dévoiler, « continuer à se tenir à l’écart, puisque l’incommunicabilité de l’expérience l’exigeait ».[6] D’ailleurs, ne faut-il pas à ce monde secret indévoilable ou inavouable lui promettre d’à jamais préserver « cette combinaison extraordinaire de charme éthéré et de quelque chose d’autre, innommable ».

Conrad Aiken a dit au sujet de son récit « Silent Snow, Secret Snow » qu’il était une projection de sa propre inclinaison à la déraison.[7]Neige silencieuse, neige secrète est un voyage captivant dans les éminences non moins inéluctables que les creux. En Paul Hasleman, que ne cesse alors cet autre monde où « la neige riait ». Est-il vain de penser que, par ce récit en éloge d’un univers intérieur, Aiken nous livre peut-être une clé.

 

Deux livres pour nous réjouir. En compagnie d’un poète pour qui est de saisir et non de régenter la matière du monde. 

 

Nathalie Riera, juin 2014©Les carnets d'eucharis

 

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LA NERTHE

Conrad Aiken LA VENUE AU JOUR D’OSIRIS JONES

Traduction de Philippe Blanchon

| © Cliquer ICI 

 

LA BARQUE

Conrad Aiken NEIGE SILENCIEUSE, NEIGE SECRÈTE

Traduction de Joëlle Naïm

| © Cliquer ICI

 

 

 

 

 

NATHALIE RIERA

Les Carnets d’EucharisET BANC DE FEUILLES descendant la rivière

| © Cliquer ICI

 

 

 



[1]In 1969 the poet-critic Allen Tate, Aiken's opposite both in poetic temperament and in his views on art, politics and religion, called Aiken "the most versatile man of letters of the century: He has excelled in criticism, in fiction and in poetry."

http://www.georgiawritershalloffame.org/honorees/biography.php?authorID=1

[2] Conrad Aiken, « La venue au jour d’Osiris Jones », La Nerthe, 2013 in« Conrad Aiken et sa sortie au jour » de Philippe Blanchon, (p.1)

[3]Ibid., (p.6)

[4] Conrad Aiken, “Neige silencieuse, neige secrète”, La Barque, 2014, (p. 5)

[5] Ibid., in ‘Mots pour…” d’Olivier Gallon, (p.47)

[6] Conrad Aiken, “Neige silencieuse, neige secrète”, La Barque, 2014, (p. 20)

[7] Aiken once said that his short story "Silent Snow, Secret Snow" (a psychological portrait of a disturbed boy) was "a projection of my own inclination to insanity." http://www.poetryfoundation.org/bio/conrad-aiken

31/05/2014

Les Carnets d'Eucharis - N° 42 - Eté 2014

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Poésie | Littérature Photographie | Arts plastiques 

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en ligne

 

 

 

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Les carnets d’eucharis n°42

ÉTÉ 2014

 [« LES CABANES DE MER, SUR LA ROUTE DE TAMARIS »]

© Nathalie Riera, 2014| Photographie numérique

 

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EXPOSITION

MARTIAL RAYSSE

Nathalie Riera PHOTOMASK

Roger Catherineau Photogramme

Johan Hagemeyer JANE BOUSE

 

 

DU CÔTÉ DE…

EVA-MARIA BERG (à la Villa Tamaris, printemps 2014)

 

André Pieyre de Mandiargues

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EMILY DICKINSON Poèmes non datés

 

AUPASDULAVOIR

SABINE PEGLION [Fin d’hiver]

BEATRICE MACHET  […]

JACQUES ESTAGER [Douceur]

PHILIPPE JAFFEUX [Autres courants]

 

DES TRADUCTIONS

EZRA POUND [E.P : Ode pour l’élection de son sépulchre*

E.P : ODE FOR THE CHOICE OF HIS SEPULCHRE traduit par Raymond Farina]

 

DES LECTURES/DES PORTRAITS

 [ARTICLES]Ossip Mandelstam [De la poésie] par Nathalie Riera

Edward Estlin Cummings [Paris] par Tristan Hordé

 Daniel Pozner [/D'un éclair/] par Tristan Hordé

Brigitte Gyr [Incertitude de la note juste] par Sabine Péglion

Jorge Luis Borges [Poèmes d’amour]p ar Thierry Guinhut

Hart Crane - Conrad Aiken - Jos Roy
[LECTURE&RELECTURE] [Friedrich Hölderlin et le « repos philosophique ».] &

[Courbet ou la peinture à l’œil.] par Claude Minière

 

[NOUVELLESPARUTIONS]

L’ATELIER CONTEMPORAIN – la barque  LA NERTHE – CHEMIN DE RONDE   BLACK HERALD


    

 

28/05/2014

Les Carnets d'Eucharis... depuis 2008

 

 

Les Carnets d’Eucharis

●●●●●●Poésie |Littérature | Photographie | Arts plastiques●●●●●●●●  2014

 

 

 

  

 

N°34 (été 2012)

N°35 (automne 2012)                       

N°36 (hiver 2013)

 

  

                  

N°37 (printemps 2013)

N°38 (été 2013)

N°39 (automne 2013)

 

  

 

                                

N°40 (hiver 2014)       

N°41 (printemps 2014)                      

N°42 (été 2014)

 

 

© Nathalie RierA

 

 

[FEUILLETER LES CARNETS NUMERIQUES] 

Les Carnets d’Eucharis / CALAMEO

| © CLIQUER ICI : http://www.calameo.com/subscriptions/37620

 

 

 

| 2008-2014 | Revue numérique Les Carnets d’Eucharis | ISSN : 2116-5548 |


26/05/2014

Olivier Gallon, vidéo 2003 (Monsieur et très respectable correspondant-partie 01)

 

 

 

synopsis :

Dans "La Promenade" de Robert Walser, il nous est donné à lire une lettre envoyée à ce que l'on comprend aisément être un homme de pouvoir. Ce sont ces mots que l'on retrouve ici apparaissant sur fond noir -- rapprochés à d'autres "paysages", telle surface blanche de la neige où repose son chapeau. Hommage à l'auteur dont les mots (en réponse à une violence où il apparaît qu'il n'y a de pouvoir qu'abusif) nous frappent toujours par leur impressionnante actualité.

(Quant aux derniers mots chuchotés, ils sont extraits d'une « prose brève » : "Retour dans la neige".)

 

 

Olivier Gallon - video, 2003 (Monsieur et très respectable correspondant- partie O2)

24/05/2014

André Pieyre de Mandiargues (Ruisseau des solitudes)

 

 

©  Jeanloup Sieff,  André Pieyre de Mandiargues, 1961

© MAN RAY, Portrait de Bona Tibertelli de Pisis, 1953

 

 

 

L’innomÉ

 

 

Ce lien qui est entre elle et moi, quel est-il, ou bien, si ce n’est d’un lien précisément qu’il s’agit, qu’est-ce, et quel mot de langage d’homme plus justement accuserait cela ? Les yeux ? Sans doute il y a le regard de ces très grands yeux (excessifs, dira l’envieuse) où dès le premier abord je fus engouffré jusqu’au ténébreux point. Mais ce n’est pas un regard qui me lie. Sans doute il y a la chevelure, massivement brune avec un ton de bois beau et bon (où la teinture aujourd’hui masque une infiltration de la couleur squelettique). Mais ce n’est pas la chevelure qui est en cause. Il y a les épaules qui hors des hublots jumeaux d’une blouse en soie rose proposaient hier aux mains de tous une cueillaison cananéenne. Ce n’est pas non plus les épaules. Ni l’extérieure enveloppe, fin cuir doué d’une fragrance où s’humanise un parfum de couturier. Ni les jambes qui depuis la terre ferme (sa naturelle parente) jamais n’ont manqué d’indiquer à mon désir la direction certaine. Ni la voix qui voltige et broie sur l’appui des molécules d’air, sans répit donnant lieu à la raison, à la drôlerie, à l’enfantillage ou à la divagation. Vingt ans presque ont passé depuis que s’est ourdi ce lien, qui tient le ciel ouvert au-dessus de moi, sans l’empêcher parfois de s’assombrir avant un radieux renouveau. Ce lien élémentaire, je ne le nommerai pas.

 

Ruisseau des solitudes

 Editions Gallimard, NRF, 1967

André Pieyre de Mandiargues

 

 

23/05/2014

Emil Otto ('E.O.') Hoppé

PORTRAIT

©Emil Otto ('E.O.') Hoppé

Harriet Cohen, by Emil Otto ('E.O.') Hoppé, 24 July 1920 - NPG x39267 - © 2013 E.O. Hoppé Estate Collection / Curatorial Assistance Inc.

Harriet Cohen by Emil Otto ('E.O.') Hoppé
vintage bromide print, 24 July 1920 – 7 1/4 in. x 4 7/8 in. (185 mm x 123 mm)

PHOTOGRAPHique

 

 

National Portrait Gallery

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