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28/04/2012

Claude Simon, "Quatre conférences" (par Nathalie Riera)

Lecture Nathalie Riera

 

Quatre conférences

Claude Simon

Editions de Minuit, 2012

Textes établis et annotés par Patrick Longuet

 

Site Les éditions de Minuit/ http://www.leseditionsdeminuit.com/f/index.php

 

 

 claude simon.jpg

 

 

 

Les « causeries » de Claude Simon

____________________________________________________________________________

 

Chez Claude Simon la fabrication littéraire (au sens où écrire c’est fabriquer) répond à « un engagement de l’écriture »[1] : « (…) mes romans sont, je ne crains pas de le dire, très laborieusement fabriqués. Mais oui : leur fabrication me demande beaucoup de labeur ! »[2] . Engagement qui, bien sûr, se situe à l’opposé de tous les tenants d’une littérature dite « engagée » ; Claude Simon n’a que faire d’une littérature porteuse de considérations sociales, morales ou autres. Par ailleurs, il est reconnu que Simon avait souvent recours à d’autres textes pour évoquer sa vie et sa réflexion d’écrivain. Dans le souvenir d’une nouvelle de Borges, il se souvient de cet architecte-paysagiste qui « dessine un parc avec des statues, des pavillons, des petits lacs, des allées. Quand le parc est fini il s’aperçoit qu’il a fait son propre portrait. Je trouve que c’est une parabole admirable. On ne fait jamais que son propre portrait »[3].

   Les « Quatre conférences » ont été prononcées par l’écrivain entre 1980 et 1993. La première « causerie » s’ouvre avec le géant Marcel Proust qui a toujours accompagné Simon dans sa réflexion sur la littérature et l’art. Que nous dit-il précisément dans cette passionnante causerie « Le poisson cathédrale » ? Reprendre la grande idée de Proust dans « Le Temps retrouvé » : « La vraie vie, la vie enfin découverte et éclairée, la seule vie par conséquent, réellement vécue, c’est la littérature ». Si Montherlant et Breton méprisaient la description, ce ne fut certainement pas le cas de Proust. « La réalité de la langue plus réelle que le réel » nous dit Simon : « La grande nouveauté (…) ce par quoi Proust innove radicalement en ouvrant au roman des perspectives entièrement neuves (…) ce par quoi il apparaît comme le grand écrivain révolutionnaire et subversif, la grande nouveauté, donc, qui confère à Proust sa taille de géant de la littérature, c’est que, chez lui, le rôle signifiant qui était jusque là dévolu à l’action est maintenant tenu par ce que l’on considérait jusqu’alors comme un élément inerte du récit, parasitaire, au mieux « statique », c’est-à-dire la description elle-même »[4].

 

   Avec « L’absente de tout bouquet », prononcée le 21 mai 1982 à Genève, faisant référence à la question de la modernité, sous-entendue comme idée de progrès en art, Simon préfère au mot « progrès » les termes de « différences et d’évolutions » : « Chaque époque a sa modernité, et l’histoire de l’art est faite d’une série d’innovations n’instaurant jamais qu’un « autrement », en aucun cas un « mieux » (…) les diverses inventions théoriques ont surtout joué un rôle d’excitant (…) ». (p.42/43).

   Dans « Ecrire », prononcée en 1989 à Bologne, l’écrivain ne s’embarrasse aucunement devant la question « Pourquoi écrivez-vous ? » qu’il juge lui-même « sournoise ». Chez Beckett qui répondait : « Bon qu’à ça ! », Simon affirme que c’est ce qu’il sait le mieux faire. Puis à la question « Pourquoi écrire des romans ? » : « (…) c’était là le seul domaine où il est permis de s’aventurer sans avoir au préalable été obligé d’accumuler des connaissances spéciales » (p.80). Tant de réponses ou de « commentaires plus ou moins réalistes », pour Simon toute activité humaine quelle qu’elle soit relève plutôt de « motivations multiples et ambigües ». Et aussi futiles sont les motivations nous incitant à écrire, il est une motivation bien plus profonde : celle de « justifier sa propre existence devant soi-même par un « faire » » (p.76).

   Pas de place non plus à la mystification. Il importe, au contraire, de démystifier toutes ces images de l’écrivain qui « se consacre » à la littérature, ou qui a décidé un jour « d’entrer en littérature », ou qui écrit par vocation, autant d’expressions futiles et irritantes.

  

   S’il est question de littérature et plus particulièrement de l’écriture du roman, aucun des propos de l’écrivain Simon ne doit être reçu comme un discours théorique. « Avant de commencer, il me faut dire qu'à la différence de certains écrivains je ne suis pas un théoricien de la littérature et que je n'ai pas écrit mes livres en application ou pour faire la démonstration d'une conception particulière du roman (...) et tout ce que je me bornerai à faire (...) c'est d'essayer de formuler quelques petites observations qui me sont venues à l'esprit au cours de mes lectures ou de mon travail. Rien de plus ». Claude Simon évoque la subversion accomplie par les Dostoïevski, Proust, Joyce, Kafka et Faulkner : retourner « sens dessus dessous l’optique romanesque ». Elimination de la fable, refus de délivrer un quelconque enseignement social, religieux, philosophique ou autre, Claude Simon ne se range absolument pas du côté de ceux qui considèrent que « tout écrit doit avant tout être utile, éclairant, porteur d’une morale » (p.92) « Aujourd’hui, les dirigeants des pays dits socialistes découvrent avec épouvante les désastreuses conséquences d’une science, d’une littérature ou d’un art que l’on a voulu soumettre à des impératifs sociaux » (p.94).

 

   Chez Simon, ce qui prévaut  clairement, en réponse à l’usure du roman romanesque, c’est « la question de la prééminence de la description » qu’il « convient d’étendre aussi bien à l’action qu’aux choses ». Dans la postface de « L’Acacia », Patrick Longuet écrit : « Claude Simon se préserve ainsi d’une tentation de la culture commune, d’un conformisme à un usage établi de sons et de signes convenus, c’est-à-dire suscitant des images à peu près nettes, ordonnées, distinctes les unes des autres ».[5]

   Pour Alastair B. Duncan, chez l’écrivain de « L’Herbe » : « méfiance à l’égard des livres, du moins à l’égard des livres appartenant à une certaine tradition : ils sont censés donner de la réalité une idée fausse »[6]. Souci et remise en question du réalisme chez Simon : réalisme de la perception, réalisme de la mémoire : « la tâche de l’écrivain ne consiste plus à reproduire, mais à produire en travaillant les mots ».[7] L’attention chez Claude Simon sera notamment portée au « travail de et sur la langue ».

 

 

 

(Les carnets d’eucharis, Nathalie Riera, avril 2012)

 

 

 

 

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[1] Claude Simon, Œuvres, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2006, p.1457

[2] « La Nouvelle critique », n°105, juin-juillet 1977, p.34

[3]  Claude Simon, Œuvres, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2006 - Notes « Le Jardin des Plantes », p.1501

[4] Claude Simon, « Quatre conférences », éd. de Minuit, 2012, p. 36

[5] Claude Simon, « L’Acacia », (Postface de Patrick Longuet) éd. de Minuit, 1989/2003, p. 387

[6] Claude Simon, « L’Herbe », (« Lire L’Herbe » de A. B. Duncan) éd. de Minuit, 2009, p.188

[7] Ibid., p.194

03/10/2011

MIREILLE CALLE-GRUBER/Claude Simon Une vie à écrire

Une lecture de Nathalie Riera

 

 

 

MIREILLE CALLE-GRUBER

Claude Simon Une vie à écrire

(Biographie/Seuil, 2011)

 

 

Notes

Extraits

 

 

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Source internet © Claude Simon

  

 

« Claude Simon, ce sera cela : une vie à écrire et réécrire. Pour que les informes affects du deuil prennent forme au travail de la langue et que le livre trace le dessin d’une vie »

Mireille Calle-Gruber

 

 

 

 

« Je crois qu’il y a une extraordinaire nouvelle de Borges où il raconte qu’un architecte paysagiste dessine un parc avec des statues, des pavillons, des petits lacs, des allées. Quand le parc est fini, il s’aperçoit qu’il fait son propre portrait. Je trouve que c’est une parabole admirable. On ne fait jamais que son propre portrait »

 

Claude Simon[1]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LE DESSIN D’UNE VIE

 

 

                        « Il est à jamais le cavalier éperdu de la route des Flandres, et depuis le loin, aux bords du XXe siècle, notre contemporain le plus aigu et le plus vigilant.

                        Il nous aura enseigné la lenteur hallucinée de l’écriture en ses transports métaphoriques, l’humilité de l’artisan, la main à l’œuvre, la peine et l’existence ailée de la littérature».[2]

 

 

 

Comment rendre compte d’une vie elle-même déjà écrite par Claude Simon ? confie Mireille Calle-Gruber à Alain Veinstein. Faut-il juste y voir un pari audacieux, celui de s’essayer à l’écriture biographique comme à un « nouveau genre, un nouvel exercice, une nouvelle expérience » ? Ou alors y percevoir comme une dette à l’égard d’une œuvre et d’une personne que vous avez bien connue ? Outre que M. Calle-Gruber aura eu le privilège d’une relation sans failles et d’une amitié extraordinaire tout au long des seize dernières années de la vie de « Claude Simon l’écrivain immense » et de l’homme d’exception, ce qu’il faut surtout entendre des raisons de ce monument biographique : « comme une intimation à écrire – car ce fut, oui, aussi, soudain, l’évidence intérieure d’un « il faut » - écrire, la biographie de Claude Simon, ce défi absolu… ». [3]

440 pages « entre enquête et fiction », à partir de lettres, de documents, de témoignages, autant d’éléments tangibles pour un travail d’interprétation et de savoir qui incombe à l’écrivain-biographe. La littérature ne se posant ni en termes de vrai ou de faux, il s’agit pour M. Calle-Gruber de « tirer des diagonales que j’espère aussi vraies que possible ». Et par cette biographie, non pas monumentaliser Claude Simon, mais le rendre vivant !

 

M. Calle-Gruber travaille sur l’œuvre de Claude Simon depuis de nombreuses années, ayant entre autres participé à l’édition de La Pléïade, avec notamment « Le récit de la description ».[4] Elle publie en 2008, aux Presses Sorbonne Nouvelle, Les Triptyques de Claude Simon ou l’art du montage présentant des inédits : scenarii, découpages techniques, correspondances, textes, manuscrits, plans de montage, entretiens, films, photographies (DVD).

 

***

 

De sa naissance à Madagascar, Tananarive, le 10 octobre 1913 jusqu’à son décès à Paris le 6 juillet 2005, Claude Simon aura traversé un XXe siècle de violences et de péripéties. Longtemps, il portera le « traumatisme du survivant » :

 

                        « « Survivant, Claude l’aura été à plus d’un titre. D’abord de ce frère aîné (…) Puis du père, mort au champ d’honneur (…) dans l’hécatombe de 1914, le 27 août (…) Puis de la mère qui succombe à un cancer, le 5 mai 1925, alors qu’il est dans sa douzième année, le laissant seul, tragique descendant d’une famille fantomatique et le dernier porteur du nom des Simon qui ont fait souche à Arbois, Jura ».[5]

                               (…)

                               « … une fois encore le survivant de son régiment anéanti lors de l’offensive allemande de mai 1940 ».[6]

 

Plusieurs périodes de la vie de Claude Simon sont relatées : son parcours scolaire au Collège Stanislas, à Paris, en 1925 (année du décès de sa mère, Suzanne Simon) ; son incorporation au 31ème régiment de dragons (1934) ; témoin d’une révolution : la guerre civile à Barcelone (1936) ; son voyage dans l’Europe au printemps 1937 « à travers des pays au bord de la guerre, l’Allemagne, la Pologne, l’URSS jusqu’à Odessa, puis le retour sur Paris, par la Turquie, la Grèce et l’Italie »[7] ; sa captivité (suivie de son évasion) au camp Stalag IV B, à Mühlberg, le 27 mai 1940. Ce seront autant d’évènements éprouvants qui vont nourrir son œuvre romanesque, en même temps qu’ils agiront sur la conscience et la maturité politique de Claude Simon.

 

                        « Comme pour son comportement pendant la guerre d’Espagne et pendant la seconde guerre mondiale, Claude Simon a toujours veillé à la sobriété du récit concernant son rôle dans la Résistance, craignant l’interprétation hyperbolique, voire la surenchère des clichés. Il s’est ainsi efforcé de rappeler qu’il était « bien sûr antiallemand et surtout anti-nazi mais ne brûlant pas d’un héroïque patriotisme » … ».[8]

 

***

Pour qui n’ignore pas « son intelligence d’observation sur le vif des situations » et sa sensibilité visuelle, au début des années 30 Claude Simon est étudiant en cubisme, découvre le surréalisme au cinéma (avec l’œuvre de Luis Buñuel). L’expérience de la peinture se révélant « décisive pour sa conception du travail d’écrivain : il sera celui qui écrit avec l’exigence de composition du peintre, et suivant une sensibilité rare aux matières et aux couleurs ».[9]

 

L’abandon de la peinture au début des années 50, une plus large place sera ainsi donnée à la littérature. Lectures des deux géants que furent Proust et Joyce, leçons d’écriture chez Dostoïevski, il s’ensuit que l’écrivain pour Claude Simon est celui qui – ce seront ses propres dires lors du Discours de Stockholm« progresse laborieusement, tâtonne en aveugle, s’engage dans des impasses, s’embourbe, repart – et, si l’on veut à tout prix tirer un enseignement de sa démarche, on dira que nous avançons toujours sur des sables mouvants ».[10] Un demi-siècle d’écriture, comme une raison de vivre indiscutable, tout en affrontant et se relevant des périodes les plus noires, celle de la guerre meurtrière, (dont les scandaleux évènements des deux journées du 16 et 17 mai 1940 relatés par l’écrivain dans une lettre du 17 février 1993), puis celles de la maladie et du suicide de sa première épouse Renée Lucie Clog.

 

L’écriture chez Claude Simon c’est une écriture en autodidacte, mais c’est aussi cette réalité de l’écriture, telle qu’on peut la lire dans sa préface à Orion Aveugle :

 

                        « Avant que je me mette à tracer des signes sur le papier, il n’y a rien, sauf un magma informe de sensations plus ou moins confuses, de souvenirs plus ou moins précis accumulés, et un vague – très vague – projet ».[11]

***

 

Autre volet de cette passionnante biographie, celui des années de « compagnonnage » et des années d’opposition au Nouveau Roman.

Si la littérature a ses sujets de discorde, ce qui noue Claude Simon à la littérature, et plus exactement au plaisir de l’écriture, ce n’est jamais selon Mireille Calle-Gruber qu’une « indéfectible alliance avec le vivant ». Il s’agit de n’être attaché à aucun camp, à aucune théorie littéraire, préserver son autonomie d’écrivain, et veiller à ce que la fonction littéraire ne soit en aucune manière prétexte à une fonction sociale ou autrement agissante à des fins politiques. M. Calle-Gruber reprend alors le différend qui opposait l’écrivain Claude Simon au philosophe militant Jean-Paul Sartre ; Sartre, dont l’imposture et la démagogie du il importe peu que la littérature soit dite ou non « engagée » : elle l’est nécessairement déclencheront une série de confrontations, à commencer lors de la table ronde organisée par l’Union des étudiants communistes en 1964 sur le thème « Que peut faire la littérature ? » rassemblant les intellectuels et les Nouveaux Romanciers, parmi lesquels Alain Robbe-Grillet accusé par Sartre de ne pouvoir être lu dans un pays sous-développé. Claude Simon, qui sera un temps assez proche des idées du Nouveau Roman, marquera alors son opposition au positionnement idéologique du philosophe, notamment dans le fameux « Pour qui donc Sartre écrit ? » (L’Express, 28 mai 1964, p.32)

 

Une vie d’écrivain n’est-ce pas aussi pour Claude Simon de faire face, sans la moindre complaisance et non sans une certaine ironie mordante, aux griefs éditoriaux, médiatiques, aux critiques retorses et assassines, et autres « violences passionnelles » du monde littéraire.

Après moult controverses qui l’éloigneront du Nouveau Roman, un autre feu de discorde : celui d’avoir signé la fameuse Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la Guerre d’Algérie,[12] signature qui sera suivie d’une inculpation de l’écrivain en octobre 1960.

N’est-ce pas une certaine éthique qui donnera à Claude Simon de faire cavalier seul, son autonomie à jamais préservée par l’écriture de romans (tous reconnus comme de véritables chefs-d’œuvre) et par maints déplacements, en France et à l’étranger, liés à une activité effrénée de conférencier.

 

Quand Alain Robbe-Grillet affirmait que la meilleure récompense pour un écrivain jugé illisible est d’être lu, n’y a-t-il pas eu meilleure récompense pour Claude Simon que l’attribution du Prix Nobel de Littérature, et à l’occasion de son allocution prononcée devant l’Académie suédoise (les 9 et 10 décembre 1985) de mesurer l’émotion de l’écrivain à l’entendre dire :

 

                        « Je suis maintenant un vieil homme, et, comme beaucoup d’habitants de notre vieille Europe, la première partie de ma vie a été assez mouvementée : j’ai été témoin d’une révolution, j’ai fait la guerre dans des conditions particulièrement meurtrières (j’appartenais à un de ces régiments que les états-majors sacrifient froidement à l’avance et dont, en huit jours, il n’est pratiquement rien resté), j’ai été fait prisonnier, j’ai connu la faim, le travail physique jusqu’à l’épuisement, je me suis évadé, j’ai été gravement malade, plusieurs fois au bord de la mort, violente ou naturelle, j’ai côtoyé les gens les plus divers, aussi bien des prêtres que des incendiaires d’églises, de paisibles bourgeois que des anarchistes, des philosophes que des illettrés, j’ai partagé mon pain avec des truands, enfin j’ai voyagé un peu partout dans le monde … et cependant, je n’ai jamais encore, à soixante-douze ans, découvert aucun sens à tout cela, si ce n’est, comme l’a dit, je crois, Barthes après Shakespeare, que « si le monde signifie quelque chose, c’est qu’il ne signifie rien » - sauf qu’il est. »[13]

 

 

 

 

Nathalie Riera, octobre 2011

Les carnets d'eucharis

 

 

 

 

 



[1] (Note [80] sur Le Jardin des Plantes, Gallimard/La Pléiade, 2006 – p. 1501)

[2] Mireille Calle-Gruber, Claude Simon Une vie à écrire, Editions du Seuil/Biographie, 2011 -  p. 440

[3] France-Culture :Alain Veinstein reçoit Mireille Calle-Gruber, - auteur de Claude Simon. Une vie à écrire (Seuil) http://www.franceculture.com/player?p=reecoute-4299317#reecoute-4299317

[4] Mireille Calle-Gruber, Le récit de la description (ou de la nécessaire présence des demoiselles allemandes tenant chacune un oiseau dans les mains, Gallimard/La Pléiade, 2006 – p. 1527

[5] Mireille Calle-Gruber, Claude Simon Une vie à écrire -  p. 11

[6] Ibid., - p.12

[7] Ibid., - p.91

[8] Ibid., - p.157

[9] Ibid., - p.153

[10] Claude Simon, Discours de Stockholm, Gallimard/La Pléiade, 2006 – p. 902

[11] Claude Simon, Préface à Orion Aveugle (1970), Gallimard/La Pléiade, 2006 – p. 1181

[12] Mireille Calle-Gruber, Claude Simon Une vie à écrire -  p. 263

[13] Claude Simon, Discours de Stockholm, Gallimard/La Pléiade, 2006 – p. 897/898

 

 

 

 

 

Mireille Calle-Gruber est Professeur à La Sorbonne Nouvelle - Paris III en Littérature française, et directrice de l’Equipe de Recherche « Etudes Féminines » (Paris VIII - Paris III). http://fr.wikipedia.org/wiki/Mireille_Calle-Gruber

 

 

MIREILLE CALLE-GRUBER Claude Simon_une vie à écrire.jpg

 

■ SITES A CONSULTER :

 

France-Culture/Du jour au lendemain Alain Veinstein (09/09/11) : http://www.franceculture.com/player?p=reecoute-4299317#reecoute-4299317

Editions du Seuil : http://www.seuil.com/livre-9782021009835.htm

 

 

claude simon,mireille calle-gruber Document PDF 

24/08/2011

Mireille Calle-Gruber, Claude Simon. Une vie à écrire

Mireille Calle-Gruber Claude Simon. Une vie à écrire

Éditions du Seuil, coll. "Biographie", 2011

 

MIREILLE CALLE-GRUBER Claude Simon_une vie à écrire.jpg

Présentation de l'éditeur:

Cette toute première biographie consacrée à l'un des derniers prix Nobel de littérature française retrace l'itinéraire d'un écrivain qui en dépit des innombrables thèses qui lui ont été dédiées reste tout à la fois universellement admiré et curieusement méconnu. La haute exigence formelle de cette œuvre trop souvent jugée ardue a longtemps occulté une évidence qui jalonne toute la production écrite de Claude Simon : son ancrage dans un vécu complexe qui la traverse de part en part et dont elle revisite et décompose livre après livre les ressorts les plus intimes. Issu d'un milieu bourgeois et conservateur, très vite orphelin de père puis de mère, Claude Simon s'est construit dans une relation conflictuelle à ses origines. Il y a l'enfance, bien sûr, récurrente dans son œuvre, mais également d'autres moments marquants, comme son expérience de la captivité pendant la Seconde Guerre mondiale, dont il rendra compte dans La Route des Flandres. Le refus du roman traditionnel qui l'a trop vite classé dans la mouvance du « nouveau roman » apparaît en ce sens tout à la fois comme une ascèse et comme une tentative sans cesse renouvelée d'explorer les non-dits et les secrets les plus enfouis d'un passé douloureux. Tout le propos de cette biographie richement documentée, et écrite d'une plume alerte et sensible, est de nous démontrer combien la vie de Claude Simon est d'abord et avant tout l'histoire d'une émancipation, et son œuvre un exorcisme permanent des fantômes de la mémoire.

Mireille Calle-Gruber est professeur des universités à la Sorbonne-Nouvelle-Paris 3. Elle a publié une vingtaine de livres sur la littérature française contemporaine. Elle est l'auteur également de cinq romans. Elle travaille depuis de nombreuses années sur l'œuvre de Claude Simon, dont elle a notamment établi l'édition de La Pléiade chez Gallimard.

 

http://www.seuil.com/

 

19/11/2009

Claude Simon photographe

Claude Simon Claude Simon commente son travail de photographe, ainsi que Denis Roche.

Date : 16/03/1992 - Durée : 24min29s

 Source : ina.fr
http://www.ina.fr/art-et-culture/litterature/video/I00013424/claude-simon-photographe.fr.html

10/04/2009

Jean Dubuffet & Claude Simon

EDITIONS L’ECHOPPE

 

 

  

 

 

 

C.Simon.jpg

© Claude Simon photographié par Nete Goldsmidt

 

 

 

Jean Dubuffet

&

Claude Simon

 

Correspondance

1970-1984

 

 

Jean Dubuffet à Claude Simon

 

Paris, 15 mai 1973

 

            Mon cher Claude Simon,

            J’ai été très touché de votre gentille lettre, qui me parvient seulement maintenant à mon retour d’un séjour de 3 semaines à New York. Vous n’êtes pas de ceux auxquels on fait l’envoi de quelque chose et qui n’en accusent même pas réception. Comme moi, veux-je dire. C’est que je ne voulais pas seulement accuser réception du Triptyque mais je voulais vous en parler longuement, vous exprimer en termes convenablement élucidés et expressifs les sentiments que j’en ai ; et remettant toujours de rédiger cette lettre, qui nécessitait d’y consacrer un bon peu de temps, des mois ont passé sans que je le fasse. Engagé dans des travaux et projets compliqués, qui soulèvent de nombreux problèmes difficultueux, j’ai une vie suractivée et jamais de loisir. Je voulais vous dire, dans une forme convenable, et non pas brouillonne et hâtive comme je le fais ici maintenant, que votre livre présente ce caractère qui me comble de plaisir, de procurer une lecture ininterrompue, je veux dire qu’on peut à tout moment l’ouvrir à n’importe quelle page, et trouver dans cette page la substance du livre entier. C’est un livre qu’on ne peut pas lire – si lire est commencer à la première page et finir à la dernière. Ici on ne finit pas. On peut faire usage du livre une vie entière. On peut le lire aussi en remontant de la fin au commencement. Il n’a pas un sens, il en a autant qu’on en veut. C’est un livre à utiliser comme un tapis de Perse. Ou encore comme un talisman, une boule de cristal. Il est d’un usage permanent. A tout endroit qu’on l’ouvre on est immédiatement transporté dans votre monde parallèle, votre monde homologue, où se trouvent abolis le petit et le grand, le léger et le lourd, le corporel et le mental, le départ et l’arrivée, le vide et le plein. Je vous envoie, faute de temps nécessaire à m’y exprimer dans une manière plus formulée, ces impressions ainsi transcrites en brouillon désordre, comme un cochon. Vous savez que c’est mon mythe, mon obscur (et obscurantiste) idéal, de parvenir à écrire comme un cochon. Vous n’écrivez pas comme un cochon, ah non ! Vous écrivez dans une forme très magistrale, estomacante, que j’admire grandement. A vous chaudement.

Jean Dubuffet

 

Cette lettre a été publiée dans le n°414 de la revue Critique (1981) consacré à Claude Simon.

 

(p.13)

Editions L’échoppe, 1994

 

 

Fondation Dubuffet

    
dubuffet_fondation.jpg

© Jean Dubuffet Fondation

 

28/01/2009

Claude Simon

Archipel et Nord

Claude Simon

Editions de Minuit, 2009

 

Ces deux textes, inédits en France, sont parus en 1974 dans les revues finlandaises Åland et Finland.

 

 

 

Extrait

 

 

fin-land suo-mi : terre des marais

 

les imaginant peuplées de créatures fabuleuses mi-

hommes mi-poissons encore comme sur ces peintures

où sur le fond de chaux des lignes rosâtres dessinent

 


 

des êtres aux torses traversés par une arête médiane de

chaque côté de laquelle s’évasent les côtes incurvées

comme les barbes de harpons

 

Franciscains moines fanatiques déchaux venus d’où

construire ici un sanctuaire de blocs roses lilas bistre

cyclamen au toit couvert d’écailles peindre le flagellé le

juge en robe prune qui se lave les mains sculpter ces

grappes de sang coagulé

 

treille aux flancs aux paumes aux pieds percés de

clous où pendent des raisins

 

la mer l’archipel tout entier montant vers nous L’une

après l’autre en commençant par les plus lointaines les

îles disparurent s’enfonçant l’une d’elles basse à peine

ondulée s’éleva grandit masquant les dernières elle

défila rapidement sur le côté et l’eau rejaillit sous les

flotteurs Ses énormes mains de marin aux doigts épais

et plats aux ongles carrés bordés de noir par le cambouis

cessèrent de s’affairer sur les leviers et les volants

du tableau de bord aux multiples cadrans noirs aux

multiples manettes noires parmi lesquelles elles couraient

les effleurant avec délicatesse comme une anatomie

féminine et compliquée le tapage du moteur cessa

quand il fut assez près il sauta adroitement sur le rocher

et enroula la corde à l’un des pieux de l’appontement

 

silence touffes d’aulnes sorbiers frissonnant à peine

 

archipel et nord.jpg

  

Les premières pages sur le site de l'éditeur

07/12/2008

Claude Simon - ("Le Vent")

Photographie Claude Simon.jpg
Photo par Claude Simon
(sur le site Ortografia do Olhar)
10659.jpg
Réa et Claude Simon, Mas Simoun,1994 : photo Eberhard Gruber

Deux dangers ne cessent de menacer le monde : l’ordre et le désordre.

Paul Valéry

 

… ce fut ainsi que cela se passa, en tous cas ce fut cela qu’il vécut, lui : cette incohérence, cette juxtaposition brutale, apparemment absurde, de sensations, de visages, de paroles, d’actes. Comme un récit, des phrases dont la syntaxe, l’agencement ordonné – substantif, verbe, complément – seraient absents. Comme ce que devient n’importe quel article de journal (le terne, monotone et grisâtre alignement de menus caractères à quoi se réduit, aboutit toute l’agitation du monde) lorsque le regard tombe par hasard sur la feuille déchirée qui a servi à envelopper la botte de poireaux et qu’alors, par la magie de quelques lignes tronquées, incomplètes, la vie reprend sa superbe et altière indépendance, redevient ce foisonnement désordonné, sans commencement ni fin, ni ordre, les mots éclatant d’être de nouveau séparés, libérés de la syntaxe, de cette fade ordonnance, ce ciment bouche-trou indifféremment apte à tous usages que le rédacteur de service verse comme une sauce, une gluante béchamel pour relier, coller tant bien que mal ensemble, de façon à les rendre comestibles, les fragments éphémères et disparates de quelque chose d’aussi indigeste qu’une cartouche de dynamite ou une poignée de verre pilé : grâce à quoi (au grammairien, au rédacteur de service et à la philosophie rationaliste) chacun de nous peut avaler tous les matins, en même temps que les tartines de son petit déjeuner, sa lénifiante ration de meurtres, de violences et de folie ordonnés de cause à effet, quitte, si cela ne le satisfait pas (et apparemment, et contrairement à ce qu’il pense, cela ne le satisfait pas), à recourir en supplément aux bons offices des esprits, du marc de café, des cierges bénits, des hommes providentiels ou de la camisole de force.

Claude Simon, extrait de Le Vent, Tentative de restitution d’un retable baroque (Chapitre XIII) – Editions de Minuit, 1957

13/09/2008

Claude Simon

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« … (et les femmes en fichu noir, et les filles en robe de soie trop voyantes), bien avant l’ouverture, devant les portes géantes en plexiglass des Galeries Modernes, les vitrines aux mannequins hermaphrodites proposant leur camelote en matière plastique, les soieries en matière plastique, la porcelaine en matière plastique, l’argenterie en matière plastique, avec leur indéfectible sourire lui aussi en matière plastique de même que leurs cheveux, leur charme et leur sex-appeal à l’usage il faut croire de cœur, de sexes et de cerveaux en matière plastique comme sans doute ceux de l’espèce nouvelle qui installe, fabrique et vend vitrines, mannequins et camelote : sorte de ver blanc et mou de fabrication récente, issu – ventre, appétits, cupidité, insolence et paresse – non de l’Histoire, du Temps, de la chair fécondée, mais selon toute apparence du coït entre l’automobile et le radiateur de chauffage central, totalement inapte à se mouvoir autrement qu’à l’aide d’un moteur, à se distraire qu’en technicolor et à se concevoir qu’en monnaie-papier. »

(CLAUDE SIMON - « Le Vent » (pp.79/80), 1957 – Bibliothèque de la Pléiade)