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03/10/2010

D.H. Lawrence, "Croquis Etrusques"

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D.H. Lawrence © Photo : Nickolas Muray, National Portrait Gallery, Londres


J’aime à me rappeler les petits temples en bois des premiers Grecs et des Etrusques : humbles, délicats, fragiles, évanescents comme des fleurs. Nous sommes parvenus à un stade où nous sommes las des massives érections en pierre, et nous commençons à comprendre qu’il vaut mieux conserver à la vie son caractère fluide et changeant plutôt que de tenter de l’enserrer dans de pompeux monuments. Ces pesantes érections de l’homme sont les fardeaux qui écrasent la planète.

Les Etrusques construisaient de petits temples tout en bois, semblables à de menues maisons au toit pointu. Mais à l’extérieur, c’était des frises, des corniches et des crêtes réalisées de telle façon que la partie supérieure du temple semblait n’être qu’un assemblage parfait de plaques en terre cuite bruissantes de la vie de silhouettes en relief peintes et modelées avec la plus grande liberté, créatures joyeuses en train de danser, alignements de canards, figures rondes comme le soleil, visages souriant largement en tirant une grosse langue, tout cela vif et frais et nullement imposant. Et tout cela de proportions fines et délicates, rafraîchissant, et disons-le charmant plutôt qu’impressionnant. Comme si l’instinct étrusque avait eu le réel désir de préserver l’humour naturel de la vie. Voilà une tâche assurément plus méritoire, voire bien plus difficile à long terme, que celle visant à conquérir le monde, à sacrifier l’identité du moi et à sauver l’âme immortelle.

Pourquoi l’humanité a-t-elle toujours éprouvé le besoin irrésistible d’être dominée ! Pourquoi cette soif d’imposer des croyances, d’imposer des hauts faits, d’imposer des édifices, d’imposer une langue, d’imposer des œuvres d’art ? On finit par étouffer sous l’imposition… Donnez-nous du vivant et du souple, des choses qui ne dureront pas trop longtemps au risque d’obstruer et de lasser… Michel-ange lui-même finit par devenir pesant, écrasant, ennuyeux… Il est si difficile de voir au-delà de lui.

 

D.H. Lawrence, « Croquis Etrusques », éd. Le Bruit du temps, 2010, (pp. 63/64 in « Tarquinia »)