18/05/2023
Les Carnets d'Eucharis - Numéro anniversaire - 2023
NUMÉRO – ANNIVERSAIRE
ÉDITION 2013 # 2023
[PARUTION LE 16 MAI 2023]
LES CARNETS
D’EUCHARIS
[Numéro-anniversaire]
2023 : dixième année d’édition pour La revue Les Carnets d’Eucharis ! Un spécial numéro-anniversaire (140 pages) est également accompagné d’un hors-série (120 pages) dédié au grand écrivain et poète que fut Edmond Jabès.
Au fil de ses 10 numéros, la revue Les Carnets d’Eucharis s’est à chaque fois investie de l’impératif d’écritures « plurielles », toujours dans le vœu d’assurer une fonction agrégative, en réunissant différents styles d’écriture relevant autant du genre poétique que du genre narratif.
Pour ce numéro évènementiel 2013 # 2023, nous retrouverons les rubriques habituelles :
« Au pas du lavoir » et son anthologie de poésie contemporaine qui rassemble 12 poètes et pour chacun une approche créative de l’écriture tout aussi inédite que singulière. Parmi les invités : Anne Barbusse, Chantal Bizzini, Sophie Brassart, Alain Fabre-Catalan, Romain Fustier, Gery Lamarre, Hervé Martin, Joël-Claude Meffre, Damien Paisant, Nathalie Riera, Jos Roy, Benoît Sudreau, Jean-Charles Vegliante et Gabriel Zimmermann.
Pour « À Claire-Voix » le poète Etienne Faure répond aux questions de Martine Konorski. Etienne Faure a publié depuis de nombreuses années chez Champ Vallon (Légèrement frôlée, Vues prenables, Horizon du sol, La vie bon train, Ciné-Plage) et chez Gallimard depuis 2018, avec Tête en bas (qui a reçu le prix Max-Jacob), Et puis prendre l’air, Vol en V. Autant de recueils qui ont conduit Martine Konorski à en savoir davantage sur son travail d’écriture, sur la fabrique de son art poétique, sur ses lectures et références multiples et de tous les genres.
« ClairVision » accueille Marc Mercier et Richard Skryzak dans un entretien détonant : « Vive la Poésie électronique ! » Marc Mercier est poète, écrivain et vidéaste, co-fondateur en 1988 du Festival international Les Instants Vidéos de Manosque, devenus ceux de Marseille en 2003, sous l’égide de l’association Les Instants Vidéo Numériques et Poétiques. À travers ce portrait dialogué, Richard Skryzak nous propose « de découvrir l’œuvre polymorphe et les idées de cet artiste à part, éternel voyageur et passeur de cultures, pour qui les mots et les images constituent autant d’actes de “résistance”. Pour qui surtout le Désir s’incarne dans toutes les formes Poétiques possibles, de l’écriture à l’image électronique ».
Dans cette même rubrique Nathalie Riera aura à cœur de poursuivre sa « série art italien » qui s’ouvrait en 2021 avec un portrait de la critique d’art dissidente Carla Lonzi. Pour ce numéro, elle a choisi de rendre hommage à Pino Pascali (1935-1968), une comète dans le milieu de l’art italien. Sculpteur, peintre et performeur à l’œuvre exceptionnelle et à la carrière fulgurante, Pascali est l’un des pionniers de l’Arte Povera, mouvement contestataire qui est apparu à la fin des années 1960, s’opposant au pop art américain et au mercantilisme de l’art.
Le « Labo des langues » s’ouvre sur la poésie « d’un réalisme cosmique à la Lucrèce » de Maria Borio. Née à Perugia en 1985, diplômée en Littérature italienne, « sa poésie exigeante, parfois proche d’une vision revisitant l’enfance, ou une image d’enfance assumée comme telle, atteint dans ses derniers recueils à une véritable "transparence" proche de la méditation philosophique et spirituelle ». Les poèmes choisis sont traduits par Jean-Charles Vegliante.
Jane Hirshfield rend hommage à Robert Elwood Bly (1926-2021), à travers une sélection de 5 poèmes traduits par Geneviève Liautard. Bly restera toute sa vie fidèle à sa région natale, le Minnesota. Paysan fermier, il mènera aussi des activités de traducteur, d’éditeur et d’écrivain. Son œuvre se concentre sur la puissance du mythe, la méditation, la poésie des Indiens d'Amérique et les contes.
Lucile Charton, Elisa Deutsch, Erika Neav et Martina Zizzari, étudiantes du Master TLEC italien (Master de Traduction Littéraire à l’Université Lumière Lyon 2), avec leur enseignante Sandra Bindel, nous proposent leurs chantiers de traduction. Parmi les poètes sélectionnés, Claudio Pozzani – que Fernando Arrabal définit comme « un maître de l’invisible, un débusqueur de rêves, un voleur de feu. Ah ! que son cœur danse dans l’alcôve fêtée… » – et Viviane Ciampi, née à Lyon d’un père toscan (Pise) et d’une mère lyonnaise. Sur le site des éditions Al Manar, on peut lire : « Son goût pour les mots se nourrit de l’intérêt de son père pour la parole chantée des poètes, sa passion pour la musique lui a été transmise par son grand-père. Dans les années 1970, elle s’installe à Gênes où elle découvre la poésie de Campana, Sbarbaro, Montale, De Andrè ».
Format : 16 cm x 24 cm | 140 pages (dont un portfolio)
| France : 32 € (frais de port compris) – 25 € (sans frais de port)
Ouvrage publié avec le soutien de la Fondation Jan Michalski.
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47 € (ABONNEMENT-PROMO)
■ Pour une commande globale de l’édition 2023 qui comprend le numéro-anniversaire de la revue (2013#2023) et une édition spéciale « Edmond Jabès. Dans la nuit d’encre et de sable ».
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CONTACT : Nathalie Riera nathalriera@gmail.com /
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Edmond Jabès - Dans la nuit d'encre et de sable (édition spéciale Les Carnets d'Eucharis, 2023)
LES CARNETS
D’EUCHARIS
[Édition spéciale 2023]
EDMOND JABÈS
DANS LA NUIT D’ENCRE ET DE SABLE
[PARUTION LE 16 MAI 2023]
Stéphane Barsacq Didier Cahen
Marcel Cohen Anne de Commines
Alain Fabre-Catalan Alain Freixe
Bernard Grasset Steven Jaron
Martine Konorski Etienne Lodého
Joël-Claude Meffre Michel Ménaché
Marc-Alain Ouaknin Rosie Pinhas-Delpuech
Raphaël Rubinstein André Ughetto
Rosmarie Waldrop Catherine Zittoun
Edmond Jabès : Dans la nuit d’encre et de sable, numéro hors-série des Carnets d’Eucharis (2023) est une monographie consacrée au grand écrivain que fut Edmond Jabès (1912-1991). Cette édition inédite a été rendue possible grâce au concours de certains de ses proches et des auteurs qui, se sentant en affinité avec l’œuvre, ont volontiers accepté d’écrire pour ce numéro, l’occasion aussi de (re) découvrir un pan de la littérature et de la pensée moderne.
Parmi ses proches, Marcel Cohen nous a autorisé la publication de quelques extraits de ses entretiens avec Jabès. De même que Rosmarie Waldrop, une des meilleures spécialistes de Jabès et qui a été son amie pendant plus de vingt ans, nous a autorisé et permis de publier des extraits inédits en français de son essai Lavish Absence, livre considéré par Marcel Cohen comme majeur. C’est Rosmarie Waldrop qui a introduit Edmond Jabès aux États-Unis. Steven Jaron, également un des meilleurs connaisseurs de Jabès, nous a permis de publier un texte inédit en français. Quant à la fille de Jabès, Viviane Crasson-Jabès, elle a accompagné avec beaucoup d’intérêt et de générosité ce travail qu’elle considère comme important.
Edmond Jabès, quatre syllabes qui ouvrent l’espace de cet écrivain majeur du XXe siècle dont l’œuvre est aussi vaste que forte. Ce hors-série en propose une vision plurielle, incluant quelques textes inédits traduits en français, et donne la parole à des spécialistes et amis qui l’ont bien connu comme à des auteurs qui se sentent en affinité profonde avec cette création unique en son genre. C’est d’ailleurs à cet exercice de lecture et de traduction que Jabès invite le lecteur pour la re-création permanente de ses écrits indomptables ne relevant d’aucun mouvement, centrés sur la Question qui génère d’autres questions, à l’infini, pour toujours aller à la rencontre de soi et de l’Autre.
La coordination de ce hors-série assorti d’un cahier visuel en quadrichromie est assurée par Martine Konorski.
Des textes, des lettres, des manuscrits, des entretiens et des témoignages ont aidé à la réalisation de cet ouvrage exceptionnel.
●●●
Je suis le fond oublié de la mer. Je suis le rêve impossible de l’eau lasse. Le ciel a du sable dans les cheveux.
……………………………………………………………………………………………..
- ●●● Edmond Jabès
Format : 16 cm x 24 cm | 120 pages (dont un portfolio)
| France : 27 € (frais de port compris)
Ouvrage publié avec le soutien de la Fondation Jan Michalski.
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23/02/2023
DE SON VIVANT - Un film d'Emmanuelle Bercot
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18/02/2023
Ç’AURAIT ÉTÉ MIEUX SI J’ETAIS RESTÉE EN HONGRIE - par Nathalie Riera
Hommage à Agota kristof
— texte composé en vers libres
© Nathalie Riera, février 2023
23 octobre 1956 : Budapest se soulève au nom de la liberté
Ce sera la première insurrection armée contre un régime communiste
Le peuple refuse la tutelle soviétique
Une statue de Staline est renversée
Le 4 novembre 1956 : plus de 1500 chars frappés de l’étoile rouge déferlent sur la capitale
La ville est sous le feu de l’artillerie et de l’infanterie
« Des chars, du sang, la liberté confisquée » !
Les civils se battent pied à pied
Et malgré que les obus tombent et que le pays s’enflamme
Les occidentaux vont rester l’arme aux pieds !
Il faut dire que Français et Britanniques se trouvent, au même moment, empêtrés dans une opération militaire sur le Canal de Suez
L’ancien Premier Ministre János Kádár est placé au pouvoir
La répression fait plus de 20 000 morts tandis que 200 000 hongrois se réfugient en Europe de l’ouest.
Agota Kristof a 21 ans en cinquante-six
quand l’exil la conduit jusqu’en territoire francophone.
S’enfuir de la petite cité médiévale de Köszeg
– qui se trouve à quelques pas de la frontière autrichienne.
Fuir à travers bois, la nuit, avec mari et nourrisson,
passer les gardes-frontières occupées par des Russes,
avant de poser pied à Neuchâtel, en Suisse romande.
Perdre un pays et tout ce qui pouvait l’y rattacher ;
parmi les autres pertes, ses manuscrits écrits en hongrois :
des poèmes de jeunesse – elle écrit depuis ses 13 ans.
Les aléas de l’Histoire lui font adopter le français,
mais plus que de l’adopter, le français sera pour elle :
affronter une langue qui est en train de tuer sa langue maternelle.
Agota Kristof parle le français mais ne le lit pas.
Ses premiers textes écrits en français sont des pièces de théâtre.
5 ans après son arrivée en Suisse elle affirmera
être « redevenue une analphabète »… L’analphabète
est un récit autobiographique paru en 2004.
Sur ce roman Agota est sans complaisance aucune ;
elle dit regretter d’avoir publié L’analphabète : (14)
« C’est pas de la littérature, c’est du mauvais journalisme ».
La ville de Köszeg est au centre de ses trois romans :
Le Grand Cahier, La Preuve et Le Troisième Mensonge.
L’écriture ne pouvant assurer ni vivre ni couvert,
Agota travaille dans une manufacture horlogère,
toute la journée chez Ebauches SA à Peseux,
et le soir elle écrit des poèmes en hongrois et français.
Si l’exil provoque un besoin compulsif d’écrire,
pour Agota : « Il faut du courage pour écrire certaines choses ».
Aussi survivre aux douleurs multiples du déracinement.
Mais comment traduire l’exil avec la langue de Voltaire,
cette « langue ennemie » qui deviendra pourtant langue d’écriture ?
Agota Kristof abhorre les sensibleries littéraires.
Pour elle, pas de place aux mensonges des sentiments et des mots.
S’en tenir aux faits. Aller à l’essentiel. Seulement ça.
Elle « regarde souvent les cartes postales de Köszeg »[1],
elle n’aurait jamais dû quitter la Hongrie. « Si j’avais su
que je resterais toujours, je ne serais pas partie. Oui,
je regrette ce choix. » « Hier tout était plus beau… ». Oui.
« … la musique dans les arbres
le vent dans mes cheveux
et dans tes mains tendues
le soleil »[2].
Agota Kristof arrête d’écrire en 2005.
Sa machine à écrire, son dictionnaire bilingue hongrois-français,
puis ses manuscrits de romans et d’œuvres théâtrales
seront vendus aux Archives littéraires suisses, à Berne.
Elle meurt le 27 juillet 2011 à Neuchâtel.
[1] Claire Devarrieux, Libération, 5 septembre 1991.
[2] Agota Kristof, Hier, in Opus Seuil, 2011.
19:42 Publié dans Agota Kristof, Nathalie Riera, SUISSE | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
12/02/2023
Guennadi AÏGUI
Guennadi AÏGUI
Sommeil Poésie Poèmes
[extraits]
Guennadi AÏGUI
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Extraits
ÉDITIONS SEGHERS/AUTOUR DU MONDE – 1984.
Traduit du russe par Léon Robel
« il était comme une clairière le pays
le monde – comme une clairière
et il y avait des bouleaux-fleurs
et un cœur-enfant
et comme ces bouleaux-fleurs étaient par le vent de ce monde soufflés
et des roses-neiges
entouraient comme d’anges-mendiants le soupir
des sans-parole villageois !... et avec leur Lumo-Pitié
ensemble
illuminaient
/ ici – lieu d’un silence
aussi long
que l’infini de leur vie /
nous nous appelions – de Cette Lueur maints
chacun renforçant
la vivante luminescence
secondement dans la douleur
/ ici aussi
même
silence /
et étions écoutant : que dira la pureté d’un mot unique ?
sans cesser
rayonnait :
le monde-pureté »
1975
Extrait de « O OUI : PATRIE » – p.9.
***
à M. Roguinski
« Un champ parsemé de journaux ; le vent les emmêle (il n’y a ni début ni fin). J’erre tout le jour, examine avec attention : le titre est partout le même (et même l’oubli : j’oublie et j’examine – le temps passe : impossible de me souvenir) ; avec le même portrait partout (et de nouveau, l’oubli). Où suis-je ? où dois-je revenir ? Vent ; absence de routes ; froissement de papiers ; la Terre entière n’est que ce champ ; ténèbres ; solitude. »
1979
Extrait de « GOUACHE » – p.101.
***
« et quelque part
se tient jusqu’à ce jour
une petite femme
et quelqu’un transporte – en ses yeux indifférents – comme des cercles de soleil
le scintillement mauve de sa robe
et entre ses épaules et les miennes entre son cou et le mien
entre mes manches et ses manches
il y a l’herbe poussiéreuse les rails chauffés à blanc
et les rochers brûlants
des villes et des monts
mais à part moi nul ne sait
comme sont chauds ses coudes là-bas dans la manche
et quelle particulière
vulnérabilité de la démarche se dissimule
en cette station
frêle-penchée
– et il n’y a rien de plus audible que le silence
de plus fidèle que la douleur de plus clair que l’angoisse !
et longtemps encore le séjour longtemps
dans le monde le séjour longtemps / rien ne parvient jusqu’au sens « depuis longtemps » /
et vivante sur la terre
elle n’a pas encore quitté les hommes
quelque part elle se tient à présent aussi
la petite femme vêtue d’une robe rouge
– et il n’est rien de plus infini que la fin
et les buissons mauves de l’euphorbe
s’agitent la salissant de poussière du chemin
jusqu’à la ceinture
et ils deviennent plus hauts et plus larges
et plus éclatants que sa robe »
1958
Extrait de « PROLONGEMENT DU DEPART » – pp.133-134.
***
[…] Ce qu’écrit Aïgui ne ressemble à rien de connu en Russe. C’est une sorte de synthèse organique entre trois traditions très différentes : l’avant-garde russe poétique et picturale du XXe siècle (Malevitch est pour Aïgui une référence privilégiée), la poésie française moderne et la culture populaire tchouvache. La syntaxe en est souvent désarticulée, de manière à offrir plusieurs possibilités d’interprétation simultanées et à dire en même temps les difficultés de la communication en notre temps. Les images souvent surgissent des tréfonds de la mémoire. La ponctuation très personnelle permet par les trait d’union des coagulations ou cristallisations de sens (plusieurs mots se fondent en un seul) tandis que les tirets, les point d’exclamation marquent des brisures et des envols du rythme. Des néologismes parfois apparaissent comme de nouvelles évidences de la pensée ; des rimes ou des mètres réguliers enfouis ou démontés et reconstruits sont des indices de l’immense travail sur le système de versification accompli par Aïgui. Ce qui est à l’œuvre ici c’est véritablement une « pensée rythmique » qui, par son mouvement même, nous porte vers la saisie de son objet. Ce qui fait que le mouvement rythmique est inventé pour chaque poème. […]
Extrait de « DU TRADUCTEUR AU LECTEUR… » par Léon Robel – p.157.
■ À CONSULTER:
En attendant Nadeau : Aïgui le simple par Odile Hunoult : CLIQUER ICI
Les éditions Mesures : CLIQUER ICI
Les éditions Circé : CLIQUER ICI
L’anthologie permanente de Poezibao : CLIQUER ICI
17:12 Publié dans Guennadi Aïgui, RUSSIE | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
Anne-Emmanuelle Fournier
Une lecture de Gaël de Kerret
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Anne-Emmanuelle Fournier
L’OFFRANDE AUX FANTôMES
SUIVI DE
Il y a longtemps que je t’AIME
[Editions Unicité, 2022]
■ © Anne-Emmanuelle Fournier
Commençons, peut-être, par interroger ce double titre. La seconde partie est-elle vraiment un ajout ou une suite ? En réalité, j’ai ressenti cet ouvrage comme un chiasme, dont l’inclusion centrale est un poème isolé qui a pour rôle de transformer toute l’aspiration de la première partie en Réalisation finale.
Il est aisé de rentrer dans la première partie : ces « carrés » de prose nous placent dans une géographie par le mot. Le mot fait l’espace. Le lecteur s’y rend comme si c’était aussi un peu le sien. Les phrases sont courtes, prévenant toute tentation discursive. Ne reste que le primat de la sensation, comme un envol de l’initiation de l’auteure vers la science des vivants.
Le mot, disais-je, détaille la géographie, mais il détaille aussi les bruits quotidiens, non comme une lassitude potentielle, mais comme le sentiment d’un trésor qui est encore questionnement. Ces bruits sont entendus sans tout-à-fait être dans l’Entendement, en cohérence avec la conscience d’un sujet encore enfant au début de ce livre.
Le lecteur reste alors bouche bée devant ce que l’auteure/jeune fille appelle pudiquement « le vieil homme » qui lui enseigne tout, mais « ne reparaîtra plus ». Cet homme vieux de deux millions d’années – comme l’écrivait Carl Gustav Jung – parle la langue des oiseaux, car les Anciens transmettent non ce qu’ils disent, mais ce qu’ils sont. Puis vient l’impressionnisme de l’été. Tourisme nostalgique maintes fois réitéré en littérature ? Sauf que des mots tels que « la piscine municipale » nous empêchent résolument de fuir vers le faux et enterrent tout embourgeoisement du discours. Et l’on se demande si l’exactitude des mots ne cache pas une aspiration qui ne peut encore se dire.
Cependant, la petite fille grandit et veut prendre sa place dans ce monde. L’état de tension entre le bruit banal et l’homme vieux de mille ans ne cache plus qu’un sens de vie est en train de se constituer. Cette question du Sens est prégnante dans ce livre. Depuis que Copernic nous a dit que la terre n’était plus au centre de l’univers, l’homme baroque, avec Caravage, est devenu ombre et lumière se posant la question du sens de sa présence dans l’univers. Alors, dans la nuit qui est forcément nuit éveillée, l’adolescente cherche à découvrir la lumière qui habite les ténèbres. Même la pluie qui affole les 'raisonnables' est pour elle l’expression de la liberté « qui ruisselle par tous les pores de la nuit ». D’autres nuits, il y a même des étoiles dans cette marche que jonchent tant d’obstacles. Ces étoiles sont la métaphore du chemin « vers une source ». Elle sait la source, mais elle ne la connaît pas. Ce sera dans le quotidien du mot que se recueillera le sens : « Une pliure du multivers où tu réponds au téléphone, sarcles tes parterres ». On trouve en ce processus les trois acceptions du mot sens en français : sensation, direction, signification ».[1] Pour François Cheng, on glisse alors subtilement vers le Yi puis le Yi King comme « accord, entente communion ». Pour l’auteure en quête d’initiation, c’est là le plus important. Elle voit l’agitation des touristes, mais « rien de tout cela ne parvient jusqu’au ventre de pénombre de la maison, où la grand-mère attend. »
Puis la femme advient dans son statut d’adolescente, qui parvient à s’aimer par le tissu enveloppant son corps, donnant au « rêve de soi » la beauté exemplaire. À cet âge, parce qu’elle a pris l’univers comme amant, elle sait ce que veut dire : « partager un plat odorant à l’ombre d’un platane », avec les « valides et les fracturés ».
Fracturés ? Quand il lui est donné de voir les morts malgré tout, les rôles sont étrangement renversés : ce sont les vivants les crucifiés. Preuve en est : son lieu de visions, d’odeur et d’intangible, son topos de la Lumière spirituelle est dorénavant une pancarte : À vendre. Oui, les choses passent, mais la Lumière n’est pas à vendre. Les armoires, les lits sont médusés face à ce qui va être leur drame absolu, mais l’enfant d’autrefois s’approche du piano pour un dialogue avec les morts car elle sait « qu’ils rêvent ». Soudain monte en elle l’exigence d’une décision. La méditation doit faire place à la résolution, sous peine de rejoindre ces morts.
Cette résolution est le Kaïros du livre : ce poème adressé directement à l’homme de sa vie avec qui elle va pouvoir exercer chez elle, pour elle, toutes les visions recueillies de l’enfance. À cause de cette métanoïa du chiasme, il fallait changer d’écriture. Ce sera donc de la poésie (librement) versifiée, dans laquelle le mot isolé est roi de prophétie, parce que l’auteure sait que la poésie est création au sens du poïein grec. En 1951, le philosophe Martin Heidegger commente ainsi ce que devrait être la poésie :
« Poétiquement habite l’homme sur cette terre. Dans quelle mesure l’homme habite-t-il poétiquement ? S’il habite ainsi, c’est qu’il parle... que pouvons-nous faire pour sauver le Poème de son manque de pays ?
Libérer la poésie de la littérature, c’est une chose.
Il faut sauvegarder la terre dans son intouchable source à partir du Haut-jeu entre les divins et les mortels, pour ce jeu même. » [2]
C’est ainsi que je définirais la poésie d’Anne-Emmanuelle Fournier : mots rendant sacré le quotidien, sacrés les changements de statut de l’enfant né à la vie, mots qui donnent la verticalité du « Haut-jeu entre les divins et les mortels ». C’est un quotidien semblable à l’épi de blé surgissant de terre, porteur de tant d’archétypes immémoriaux. Renversement ici encore : dans cette partie placée sous le signe de la chanson traditionnelle À la claire fontaine, c’est l’enfant qui enseigne : « cet amour est plus grand, plus ancien que tout ce que je crois être ». Il enseigne par le « désir de parole », écrit l’auteure, et non par la « langue domestiquée ». En archê ên o logos : à l’origine était la parole, écrit le Prologue de Saint Jean. Et du côté de la fin, les rêves montrent que l’âme continue son travail, que la Lumière continue son travail malgré l’extinction de la forme, ce que l’auteure dit par ces mots : « Lorsque le temps aura dissout mon nom sur mes propres lèvres ».
Chacun des poèmes de ce dernier temps du recueil commence par « Je pourrais vivre ». Cette anaphore m’a rappelé la structure du poème « Liberté » de Paul Éluard, extrait de Poésie et Vérité et par exemple fiévreusement mis en musique par Francis Poulenc dans Figure humaine. L’apostrophe d’Éluard résonne : j’écris ton nom, j’écris ton nom, j’écris ton nom : liberté ! On peut penser qu’Anne-Emmanuelle Fournier, qui témoigne en réalité d’une double mise au monde, pourrait faire sienne cette déclinaison : mon enfant-liberté, j’écris ton nom.
[1] François Cheng, Cinq méditations sur la beauté, Albin Michel, 2006, p.35
[2] Revue Obsidiane, « Heidegger » 1982, p. 145. Cette prise de parole prend place lors d’une lecture de poèmes à Bühlerhöhe, ville d’Allemagne près de Baden-Baden.
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31/01/2023
Anne-Sophie SUBILIA
Anne-Sophie SUBILIA
Neiges intérieures
[extrait]
© Philippe Pache
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Extrait
Éditions Zoé, 2022.
Le bruit d'un torrent près des tempes
le bruit du vent dans le cou
je suis seule
pour un moment
j'écris vite et mal
dans ma tête il y a un bourdonnement de corde tendue
je ne comprends pas ce que c'est
si c'est positif ou négatif
peut-être un reste d'excitation.
Pour le moment rien ne me rassure
ici, le paysage m'est hostile.
Je le repousse depuis notre arrivée.
Je vais courir chaque fois que c'est possible.
Mes camarades ont bien compris que c'était nécessaire.
J'ai besoin de me défouler et quand je reviens je suis plus calme.
Ce n'était pas prévu.
Maintenant c'est devenu une habitude.
Quand je cours je reprends une sorte de pouvoir. C'est sans doute une chose de civilisation.
■ © Éditions Zoé
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29/01/2023
Stjepan Hauser (Violoncelliste) - "Oblivion" d'Astor Piazolla
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26/01/2023
Christian Dotremont
Christian DOTREMONT
Abrupte fable
[extrait]
Christian Dotremont
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Extraits
Éditions L’Atelier Contemporain, 2022.
« Sans vous, la poésie n’aurait pas de racines.
Certains d’entre vous, je sais bien, mènent la grande vie. Mais qu’importe ? Votre poésie est […] vouée à la pureté, à l’amour de l’amour, elle est vouée au secret. Elle est toujours résistance, résistance aux “grands barbares”, résistance à toutes les familles, résistance aux “autres”, à ceux dont le cœur n’est qu’une boule de sang.
[…]
La poésie est votre forêt, votre chaumière, votre capitale […] ».
pp.18-19
■ © Éditions L’Atelier Contemporain
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20/07/2022
FEU! CHATTERTON ! (Arthur Teboul) AU CABARET VERT
19:47 Publié dans Arthur Teboul, VIDEOS, ANIMATIONS, DOCUMENTAIRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
17/07/2022
Grisélidis Réal
Grisélidis RÉAL
Revue des Archives Littéraires suisses
Quarto n°50 – 2022
[extraits]
Grisélidis Réal
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Extraits
QUARTO, n° 50 – 2022.
Revue des Archives Littéraires suisses
« […] Ce cinquantième numéro de Quarto aimerait rendre hommage à cette créativité verbale de Grisélidis Réal, d’abord en mettant en avant les documents issus de son fonds aux Archives Littéraires suisses. On s’intéressera notamment à son œuvre la plus connue, Le Noir est une couleur ; à son aventure éditoriale ainsi qu’à ses dimensions éthiques et esthétiques. Il s’agira aussi d’évoquer l’art épistolaire réalien, l’impact philosophique de son fameux Carnet noir, sa place dans les écritures de la prostitution, son exemplarité enfin pour la recherche en sociologie. Nous avons aussi donné la parole à un éditeur, à un écrivain et à une comédienne qui, chacun à sa manière, ont subi le choc de cette lecture. En guise de conclusion, on trouvera un entretien avec Igor Schimek, fils aîné de l’écrivaine. Nous espérons que, par ces différentes approches, ce numéro fera à nouveau résonner cette voix bouleversante, qui nous requiert toutes et tous, au plus intime. »
Extrait de l’éditorial de Fabien Dubosson – p.6.
***
« […] Je me replonge dans mon passé, je revis absolument tout, je retrouve mes anciennes compagnes de tôle, c’est comme si elles étaient ici, dans ma chambre. Je sens les odeurs, j’ai les goûts dans ma bouche. Il me semble à tout moment que je suis enfermée à clé et que dans un grand fracas de ferraille on va m’ouvrir ma porte. C’est hallucinant ! Est-ce que par hasard on perdrait un peu la boule en écrivant ? ça serait comme une seconde vie ? Bizarre… ».
Lettre à Jacques Chessex, 28.10.1970, Fonds Chessex, B-2-REA
***
« […] Enfin, à force de souffrances, de ratures, j’ai eu une lueur, j’ai compris une chose : pas de philosophies inutiles, d’adjectifs superflus, de littérature. Il faut s’en tenir à l’action quotidienne réduite à l’essentiel et c’est tout. De temps en temps, mais vraiment très rarement, on peut s’accorder une petite image, un petit bonbon poétique, mais vraiment il faut les trier sur le volet. Il faut sabrer impitoyablement. La pureté c’est le squelette ! ».
Lettre à Jacqueline Fromenteau, 20.01.1970, Fonds Réal, B-1-FRO
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■ © Revue QUARTO
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27/06/2022
AMY CLAMPITT
Amy Clampitt
Un silence s’ouvre
[extrait]
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Extrait
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Gaëlle Cogan
Préface de Calista McRae
Édition bilingue
Éditions Nous, 2021.
La raiponce cornue
« Chaque jour, de ce terrain
étranger d’un perpendiculaire
enchanteur, fleurissait
quelque chose de nouveau
et, après inspection
détaillée, de merveilleux —
encore une permutation
aromatique-fleurie
de la silène ou de la sauge,
de la scabieuse, de la ciste,
de l’onagre, de la
campanule, que celle-ci,
d’un genre que je n’avais
jamais vu : éperonnée,
avec des ajours en fuseau, sorte de
baldaquin sur tige,
rareté solitaire, élégante,
suspendue, d’une teinte
à mi-chemin entre l’azur
clair du romarin
et le violet plus
sombre de l’ancolie,
qui s’avéra être
nommée raiponce cornue.
Le lendemain elle n’était plus
singulière mais plurielle ;
le jour suivant, multiple.
En une semaine elle était
partout, devenue
simple raiponce cornue,
si familière que
je l’oubliai, et n’y
pensai plus, semble-t-il,
jusqu’au moment où
un volume de l’Encyclopaedia
Britannica, pris sur l’étagère
à une fin quelconque, s’ouvrit
au hasard, sur la raiponce
cornue, nommée,
dépeinte, étonnante
en mémoire tandis que l’amour ancien
refleurissait, encore vibrant. »
[pp.55-56]
■ © Éditions NOUS/NOW
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20/06/2022
Monologue sur un portrait - par Nathalie Riera
NATHALIE RIERA
Monologue sur un portrait
[Samuel B.]
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Extrait
Texte inédit
« Que sait-on de toi, Samuel B. ? Tu es de ceux qui ont toujours pensé qu’un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous, fallait sentir quelque chose en soi se pourfendre, pas de théorie, jamais, tout commence avec le corps, dirait ton ami Paul A. Ton regard ressemble à une mer gelée, et avec tes yeux d’un bleu clair un peu glacial, une sorte d’angoisse transparait, qui a marqué ton visage taillé à coups de serpe. Comment ne pas s’intéresser à toi ? Il y en a un qui a cherché à te connaître. Tu te souviens, c’était en 1968, ta rencontre avec Charles J, un an avant qu’on te décerne le prix Nobel de littérature. Tu te souviens à quel point tu l’intimidais, impressionné par ce qui se dégageait de ta personne. Il y aura plusieurs rencontres entre vous. On peut se retrouver en face de toi sans que tu n’émettes un seul mot, et ça peut durer un long moment ce temps sans parole, ce mutisme malaisant, mais en même temps, paradoxe, ce silence ouvre des perspectives de dialogue. Charles J. était si jeune à l’époque de votre première rencontre, mais c’est peut-être celui qui aura le mieux saisi ton étrangeté. On vous dirait tous deux unis, scellés par un curieux conciliabule, mais Samuel B. tu n’es pas homme à t’épancher. Que s’est-il passé ce jour-là, quand cet homme s’est jeté sur toi, on a parlé d’un clochard avec un poignard, ce coup aurait pu t’être fatal ! Tu souffriras néanmoins d’une fragilité pulmonaire. Austère, minimaliste, monacal, des vocables qui te vont bien. Tu te souviens ces années à Montparnasse, désorienté, perdu, sans ressources, et le tunnel dans ta tête. Presque te plaisais-tu à dire que tu n’es jamais né, drôle de révélation que n’être finalement jamais né, tu l’as écrit dans Tous ceux qui tombent. Samuel B. ta littérature ressemble presque à ta vie, l’écart est très mince entre l’une et l’autre, deux champs qui ne se contredisent même pas… Tu as été profondément marqué par la littérature de Joyce et parmi les artistes, notamment les peintres, ta complicité sera grande avec les Bram et Geer Van Velde, les « peintres de l’empêchement », selon ton expression. D’ailleurs, Charles J. écrira aussi sur ses rencontres avec Bram, comme il a pu le faire à l’occasion de ses rencontres avec toi. Il y a un fait de toi que j’aimerais évoquer, à l’époque où tu recevras ta première distinction, et pas des moindres. Nous sommes en mars 1945 quand tu te vois récompensé d’une croix de guerre et d’une Médaille de la Résistance. Ce prix te semble plus acceptable, voire même moins humiliant que celui du Nobel, qui sera vécu comme une « catastrophe »… Toi et les mondanités, ce n’était pas ton fort, tu me fais penser à cet autre écrivain autrichien Thomas B. et ses fameux Mes prix littéraires, neuf petits récits aux discours assassins face à la vanité de l’industrie littéraire. Samuel B. : si la solitude n’est pas toujours ou forcément un écrin du bonheur, pour toi ce sera surtout l’écriture et son appel infini à la transgression, l’écriture comme l’affirmation d’une expérience extrême, ainsi que le disait Rilke au sujet de l’œuvre d’art, laquelle était pour lui toujours liée à un risque. Avec toi, Samuel B. ce sera l’écriture toujours à l’ombre du silence, à l’ombre du silence, l’écriture, toujours à l’ombre, l’écriture du silence, du silence l’écriture toujours à l’ombre, à l’ombre l’écriture toujours du silence. »
(c) Juillet 2021
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12/03/2022
Les Carnets d'Eucharis - "Sur les routes du monde, vol. 3" - Une lecture de Mazrim Ohrti (Poezibao)
par Mazrim Ohrti – POEZIBAO
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[Les Carnets d’Eucharis – Sur les routes du monde #3 – 2021]
Une fois de plus, explorons la magnifique revue toute en nuances de Nathalie Riera et de ses complices dont le sous-titre promet une pérégrination « tous azimuts ». Confrontons-nous à une mondialité affranchie des affres du mondialisme. L’édito convoque les écrivains-voyageurs, d’Homère à Sylvain Tesson en passant par Chateaubriand, Jack London, Nicolas Bouvier, Kerouac, Jacques Lacarrière. Peinture, arts visuels, danses des mots et des corps nous invitent à suivre ce mouvement perpétuel dans les pas de Pina Bausch avec son Tanztheater, de Pippo Delbono, ce « poète intranquille de la scène » ou d’Ilse Garnier à laquelle se rattache d’emblée le nom de spatialisme. On apprend combien l’Afrique lui fut source d’inspiration autrement qu’à travers « un monde exotique ou un réservoir de motifs pittoresques ».
Il y en a comme à l’accoutumée pour la détente et l’érudition, dans l’idée que l’un ne va pas sans l’autre pour peu qu’on veuille se refaire une santé culturelle par les temps qui courent sans se retourner. Rythme et mesure et liberté créatrice extatique ne s’opposent pas, bien au contraire. ▪ LIRE LA SUITE
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Les Carnets d'Eucharis - "Sur les routes du monde, vol. 3" - Une lecture de Jean-Pierre Longre
par Jean-Pierre Longre
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L’art en mouvement
[Les Carnets d’Eucharis – Sur les routes du monde #3 – 2021]
Les Carnets d’Eucharis, c’est une belle revue à lire comme voyageait Montaigne, sur des modes divers et par étapes curieuses. Montaigne dont il est question avec d’autres, (Chateaubriand, Lamartine, Nerval, Flaubert…) sous la plume de Patrick Boccard, Montaigne, l’un des premiers à pratiquer l’écriture « nomadisée » qui forme le thème du premier dossier de ce numéro. « Sur les routes du monde », nous rencontrons Nicolas Bouvier (avec Jean-Marcel Morlat), Lorenzo Postelli (avec Zoé Balthus), Homère, Kerouac, Lacarrière, Tesson etc. (avec P. Boccard), et nous suivons les itinéraires poétiques, descriptifs, narratifs, souvent illustrés, de Nicolas Boldych (à « Rome-en-Médoc »), Jean-Paul Bota (à Lisbonne), Zoé Balthus (au Japon), Jean-Paul Lerouge (en Ouzbékistan) – et nous nous imprégnons des pages que l’on découvre comme les écrivains-voyageurs se sont imprégnés des lieux qu’ils ont explorés..
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Anne-Emmanuelle Fournier "La part d'errance" - Une lecture de Rodolphe Houllé
Anne-Emmanuelle Fournier
LA PART D’ERRANCE
[Editions Unicité, Coll. « Le Vrai Lieu », 2021]
■ © Anne-Emmanuelle Fournier (sur sa page Facebook)
par Rodolphe Houllé
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Maurice G. Dantec disait qu'une bibliothèque est un arsenal. Si cela est vrai, alors ce livre serait une arme de précision dotée d'un silencieux. Mais une bibliothèque est aussi un bunker et l'on a effectivement le sentiment que ce recueil est écrit alors qu'une catastrophe s'est produite – et continue à se produire. Il témoigne de l'état actuel du monde. Si quelqu'un du futur le lisait, il penserait : alors c'était ainsi, ce monde était ainsi. Car il n'y a pas, en le lisant, de quoi douter de cet état.
Le monde est fracturé. L'homme debout, le dieu et l'animal couchés. Couchés aussi l'air du soir, la lumière et le cadavre. Arrogance de la verticalité, surtout quand elle est immobile.
Cueillir, marcher, passer, traverser, tanguer, ployer, s'incliner, s'écouler.
La fission atomique symbolise cette fracture. L'autoroute, l'usine à porcs, la centrale nucléaire, dans ce triangle où l'homme sain ne peut que perdre la raison se joue quelque chose d'essentiel. Et qu'a-t-il à nous dire, ce « prométhée cafardeux » qui erre de nuit entre le « feu dérobé aux étoiles » et les « animaux concentrationnaires » ? Rien, ou si peu. Devant l'énormité du crime il ne peut que « psalmodier » et « sangloter doucement », abandonner seulement la camisole de la parole technocratique qui catalogue, classe et dissèque, s'identifiant ainsi à l'homme hypothétique évoqué par Paul Celan dans Tübingen qui, « s'il venait […] au monde, aujourd'hui, avec / la barbe de clarté / des patriarches : il devrait / s'il parlait de ce / temps, il / devrait bégayer seulement, bégayer, / toutoutoujours / bégayer ».
C'est que la fracture du monde matériel conduit inévitablement à celle de l'être. La séparation est une autre manière de nommer la fracture. A ce point radical que, même si « Voilà plus de mille ans que nous marchons / sans trouver l'eau », nous ne savons même plus « si nous saurons encore la reconnaître ».
La droite et l'angle dessinent la ligne de fracture qui traverse de part en part l'homme mutilé, « rogné ». Il n'y a pas de ligne droite dans la nature, la forme géométrique apparaît dans l'infinitésimal qui nous a engloutis, nous qui avons consommé le « fruit anguleux de la connaissance » et, munis de l'horloge atomique, disséqué le temps même, abandonnant « le cœur dilaté de ce présent » que rien ne saurait mesurer, sinon « la main pleine de son propre pouls », la « pendule arrêtée » dans le « fond animal des jours ».
Mais ce n'est pas du tout un livre politique, même si à défaut d'une politique, une manière d'envisager l'humain pourrait s'en dégager. Ce n'est pas non plus un livre de colère, même si l'un de ses piliers est la colère, car la colère ne convient pas. Et encore moins un manifeste, car nous avons déjà bien trop pensé (c'est-à-dire, pensé de cette manière voracement tendue vers l'avenir) et que cent-cinquante ans après Rimbaud, plus terrifiant encore, on voit toujours « roulant comme une digue au-delà de la route hydraulique motrice, / Monstrueux, s'éclairant sans fin, — leur stock d'études ».
Assez d'idées. Assez de choses. Assez d'avenir. La Que Sabe chante au-dessus des os, elle sait, que comprendre n'est rien.
Main : « crevassée ». Rumeur : « obscure ». Vent : « aride ». C'est ainsi qu'est le monde, parfaitement inintelligible. Pourquoi donc chercher à comprendre ? Et que comprendre ?
Que faire ? Rien. Cueillir, marcher, passer, traverser, tanguer, ployer, s'incliner, s'écouler.
Errer. Errer sous la force de gravité, « mère de toutes les forces ».
Marcher à côté du cheval et l'abreuver. Le cheval sait, lui aussi. Sa « mâchoire d'ombre », « sa sueur et ses muscles ». Rien d'autre, « dans le soir qui respire / à peine ». C'est le compagnon du lecteur, qu'il marche sous la steppe chamanique ou attende la nuit. Regarder son « visage ».
Regarder les insectes venus « manger aux pieds » de celle « qui ne vieillit plus depuis longtemps » et le moucheron qui « tournoie au-dessus de la table / […] sans doute plus proche que moi / de ce que serait Dieu ». Regarder ce qui est, regarder ce qui vit, c'est-à-dire tout. Brûler le vêtement de cette pensée mortellement civilisée devant le « dieu à tête de buffle » afin de se présenter nu devant « le dieu à quatre pattes ».
Ne plus être séparé.
Nous avons oublié ce que « vivre a de terriblement élémentaire » notait Jean Grosjean dans sa magnifique préface au Journal du manœuvre de Thierry Metz. Anne-Emmanuelle Fournier relève que cet oubli ne saurait cependant être complet et – c'est là sans doute l'un des aspects les plus troublants et les plus dérangeants de son livre – parvient à nous faire ressentir à quel point notre époque, comme toute époque, n'est qu'une pellicule dérisoire immergée dans un temps immémorial où presque rien de ce que nous imaginons connaître n'a de valeur et qui parfois, à la faveur d'un relâchement de l'attention, dissout toute certitude pour nous plonger dans le mystère fondamental et éternel du monde. Le poème qui débute par « Murmurée à l'après-midi / dans la stase d'une saison jaune » réussit de manière admirable à évoquer le malaise, l'étrangeté et la fascination dans lesquels nous emporte irrésistiblement cette lame de temps venue d'un passé vertigineusement lointain submerger le présent.
La « Méditation terrestre » qui clôt l'ouvrage évoque aussi ce glissement, d'une manière peut-être moins inquiétante, mais l'on ne peut s'empêcher de penser que « le son d'une voix » qui « de loin en loin » « perce mollement la canicule », « comme engourdie » et que nous avons « peut-être rêvée / dans cette journée ou dans une autre » n'est autre, incertaine, chancelante, que celle de l'homme, qu'une simple promenade par un après-midi d'été aura suffi à effacer presque entièrement du monde.
Livre compact, sec et lourd comme une pierre. Livre liquide, livre aérien.
Très grande maîtrise du silence. Livre silencieux. Livre qu'on écoute plus qu'on ne le lit qui, refermé, continue à vibrer longtemps dans la mémoire, comme planté dans le mille d'une cible inconnue par une magicienne inquiète. Souhaitons que sa parole soit entendue.
18:21 Publié dans Anne-Emmanuelle Fournier, Les Carnets d'Eucharis, NOTES DE LECTURES/RECENSIONS | Lien permanent | Commentaires (5) | Imprimer | | Facebook
07/11/2021
Les Carnets d'Eucharis 2021 - En livraison dès le 08 novembre 2021
LES CARNETS D’EUCHARIS
(SUR LES ROUTES DU MONDE – VOL. III]
[LIVRAISON LE 08 NOVEMBRE 2021]
avec le soutien de la Fondation Jan Michalski
Jean-Marcel Morlat Zoé Balthus Patrick Boccard Nicolas Boldych Jean-Paul Bota Jean-Paul Lerouge Zagros Mehrkian Estelle Ladoux Nathalie Riera Alain Fabre-Catalan Martine Konorski Claude Darras Marianne Simon-Oikawa Michèle Duclos Camille Loivier Armelle Leclercq Christophe Lamiot Enos Irina Bretenstein Gérard Cartier Geneviève Liautard Jennifer Grousselas Michèle Kupélian Richard Skryzak Dominique Pautre Jean-Paul Thibeau Barbara Bourchenin Jean-Charles Vegliante Patrizia Valduga Naomi Shihab Nye Angèle Paoli
La route d’Anatolie
[Puis la glaise et la boue s’allument de mille feux et le soleil d’automne se lève sur les six horizons qui nous séparent encore de la mer. Tous les chemins autour de la ville sont tapissés de feuilles de saule que les attelages écrasent en silence et qui sentent bon. Ces grandes terres, ces odeurs remuantes, le sentiment d’avoir encore devant soi ses meilleures années multiplient le plaisir de vivre comme le fait l’amour.]
Nicolas Bouvier L’Usage du monde – éditions Quarto Gallimard
Format : 16 cm x 24 cm | 230 pages (dont un Cahier visuel de 8 pages)
| France : 26 € (frais de port compris)
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17:08 Publié dans Les Carnets d'Eucharis, Nathalie Riera | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
20/10/2021
Les Carnets d'Eucharis au Marché de la Poésie - sur le stand 110-114 du CipM
38ème bis Marché de la Poésie Du mercredi 20 au dimanche 24 octobre Place Saint-Sulpice, Paris 6e
|
Le Cipm est au Marché de la poésie, où il accueille un ensemble d’éditeurs et de revues de la Région Sud : Caméras animales, Fidel Anthelme X, Journaud, La Nerthe, L’Ollave, Plaine Page, Vanloo ; Art Matin / GPS, Bébé, Cri-Cri, Fondcommun, GPU, If, Les Carnets d’Eucharis, Muscle, Nioques, Pavillon Critiqvue, Phœnix, Teste. Présentation des livres, des revues, des actions, des projets…
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23:54 Publié dans Les Carnets d'Eucharis, Nathalie Riera | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
09/09/2021
ANNA MILANI - Incantation pour nous toutes (extrait lecture audio 3'54)
ANNA MILANI.
INCANTATION POUR NOUS TOUTES
Lecture d’un extrait par Nathalie Riera
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[■ © ISABELLE SAUVAGE EDITIONS, 2021]
13:22 Publié dans Anna Milani, Isabelle Sauvage | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
03/06/2021
Pascal Quignard à livre ouvert - avec Olivia Gesbert
22:38 Publié dans Pascal Quignard | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook