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08/11/2020

WALLACE STEVENS - Transport vers l'été

WALLACE STEVENS

Transport vers l’été

 

wallace-stevens.jpg

 

 

 

Soldat, il existe une guerre entre l’esprit
Et le ciel, entre le jour, la nuit et la pensée. C’est
pourquoi le poète est toujours dans le soleil

 

 

[Ni renard, ni croûton, ni patates]

 

Il n’est pas là, le vieux soleil,

Aussi absent que quand on dort.

 

Le champ a froid. Les feuilles sont sèches.

Mal est ultime en cette lumière.

 

Dans cet air morne les tiges brisées

Ont des bras sans mains. Ont des troncs

 

Sans jambes ou, pour cela, sans têtes.

Ont des têtes où un cri captif

 

Est le simple mouvement d’une langue.

La neige pétille comme une vision tombant

 

Du ciel, comme la vision de claires disparitions.

Les feuilles sautillent, griffent le sol.

 

C’est grand janvier. Le ciel est rude.

Les tiges dans la glace ont leurs fermes racines.

 

Là, dans cette solitude, une syllabe,

Hors de ces gauches palpitations,

 

Entonne son vide singulier,

Le rien le plus féroce des bruits d’hiver.

 

Là, dans ce mal, nous connaissons

Le bien dans la suprême pureté.

 

Le corbeau rouillé prend son vol.

Son œil brille de méchanceté…

 

On vient le voir ici pour se distraire,

Mais à distance, sur un autre arbre.

 

 

[Extrait de Transport vers l’été]

………………………………………………………………

Éditions Nous, 2020, pp. 43/44.

 

 

 

stevens_transport_b.jpg

 

© Éditions Nous, 2020

CLIQUER ICI

 

Traduit de l’anglais (États-Unis)
par Alexandre Prieux
Collection Now
208 pages

ISBN : 978-2-370840-75-2

 

 

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[BIOGRAPHIE]


Wallace Stevens (1879-1955) peut prétendre, en France, au titre de plus grand poète méconnu de langue anglaise. Souvent considéré comme le centre de son œuvre, Transport vers l’été restait son seul livre non traduit en français.

 

 

18/09/2013

Wallace Stevens - Choix de poèmes traduits par Raymond Farina

 

 

 

WALLACE STEVENS

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©Poésie

 wallace-st.jpg

© Photo : Bettmann/Corbis | http://www.nybooks.com/

Wallace Stevens, early 1950s

 

POÈMES CHOISIS

BOURGEOIS DE LA PETITE MORT / BURGHERS OF PETTY DEATH

ANGLAIS MORT A FLORENCE

ESTHÉTIQUE DU MAL (extrait) / ESTHÉTIQUE DU MAL (Excerpt)

LE VENT TOURNE / THE WIND SHIFTS

      CARTE POSTALE DU VOLCAN / A POSTCARD FROM THE VOLCANO

LE MONDE COMME MEDITATION / THE WORLD AS MEDITATION    

DE LA POESIE MODERNE / OF MODERN POETRY

UN PLAT DE PECHES EN RUSSIE / A DISH OF PEACHES IN RUSSIA

CHATEAU GALANT / GALLANT CHATEAU

CONNOISEUR DU CHAOS / CONNOISSEUR OF CHAOS

CHRONIQUE DE L'HOMME QUELCONQUE / PAISANT CHRONICLE

 

 

Traduit de l’anglais par Raymond Farina

■ Sur le site Les Carnets d’Eucharis

http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com/archive/2013/09/18/wallace-stevens-choix-de-poemes-traduits-par-raymond-farina.html

 

 

 


Wallace Stevens

Poèmes traduits par Raymond Farina

                                

**

 

(BOURGEOIS DE LA PETITE MORT)

 

 

Ces deux là près du mur de pierre

Sont un léger fragment de mort.

L’herbe est encore verte.

 

Mais c’est une mort totale,

Une dévastation, une mort vraiment haute

Et profonde, couvrant toute surface,

Envahissant l’esprit.

 

Les voilà les petits citadins de la mort,

Un homme et une femme,

Semblables à deux feuilles

Qui restent attachées à l’arbre,

Avant que l’hiver gèle et qu’il devienne noir –

 

Vraiment haute et profonde

Sans aucune émotion, un empire de calme, 

dans lequel une ombre épuisée,

Portant un instrument,

Propose, pour finir, une musique blanche.

                                    

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(BURGHERS OF PETTY DEATH)

 

These two by the stone wall

Are a slight part of death.

The grass is still green.

 

But there is a total death,

A devastation, a death of great height

And depth, covering all surfaces,

Filling the mind.

 

These are the small townsmen of death,

A man and a woman, like two leaves

That keep clinging to a tree,

Before winter freezes and grows black-

 

Of great height and depth

Without any feeling, an imperium of quiet,

In which a wasted figure, with an instrument,

Propounds blank final music.

 

-------------------------

 

(ANGLAIS MORT A FLORENCE)

 

**

 

Il se retrouvait un peu moins chaque printemps.

La musique déjà lui faisait défaut. Même Brahms,

Son grave démon familier, marchait souvent à l’écart.

 

Son esprit devenait incertain de la joie

Certain de son incertitude, dans laquelle

Ce grave compagnon le laissait inconsolé

 

A des souvenirs qui le rendaient presque toujours à lui-même.

Ce n’est que la dernière année qu’il dit que la lune nue

N’était pas celle qu’il avait l’habitude de voir, de sentir

 

(Dans les pâles harmonies de lune et d’humeurs

Quand il était jeune), la lune nue et lointaine,

Brillant plus faiblement au fond d’un ciel plus sec.

 

Sa pâleur colorée devenait cadavérique.

Il cultivait sa raison, exerçait sa volonté,

Avait parfois recours à Brahms à la place                                                                                                                            

 

De la parole. Il était cette musique et lui-même.

Ils étaient parcelles d’ordre, une unique majesté.

Mais il se souvenait du temps où il se levait seul.

 

A la fin il se levait avec l’aide de Dieu et de la police,

Mais il se souvenait du temps où il se levait seul.

Il se soumettait à cette unique majesté;

 

Mais il se souvenait du temps où il se levait seul,

Lorsque être et jouir d’être semblaient ne faire qu’un,

Avant que les couleurs ternissent et rapetissent.

             

------------------------- 

 

 

 

 

(ANGLAIS MORT A FLORENCE)

 

A little less returned for him each spring.

Music began to fail him. Brahms, although

His dark familiar, often walked apart.

 

His spirit grew uncertain of delight,

Certain of its uncertainty, in which

That dark companion left him unconsoled

 

For a self returning mostly memory.

Only last year he said that the naked moon

Was not the moon he used to see, to feel

 

(In the pale coherences of moon and mood

When he was young), naked and alien,

More leanly shining from a lankier sky.

 

Its ruddy pallor had grown cadaverous.

He used his reason, exercised his will,

Turning in time to Brahms as alternate

 

In speech. He was that music and himself.

They were particles of order, a single majesty:

But he remembered the time when he stood alone.

 

He stood at last by God’s help and the police;

But he remembered the time when he stood alone.

He yielded himself to that single majesty;

 

But he remembered the time when he stood alone,

When to be and delight to be seemed to be one,                                                                                                                           Before the colors deepened and grew small.

 

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(ESTHÉTIQUE DU MAL)

                                          extrait

 

                                            

                           XII

 

Il ordonne le monde en deux catégories :

Celui qui est peuplé, celui qui ne l’est pas.

Dans les deux, il est seul.

Mais il y a, dans le peuplé,

Outre ses habitants, le savoir qu’il a d’eux.

Et dans le dépeuplé, ce qu’il sait de lui-même.

Quel est le plus désespéré dans les moments

Où son vouloir exige que ce qu’il pense soit vrai ?

 

Est-ce lui-même en eux qu’il connaît ou bien eux

En lui-même ? Si c’est lui-même en eux, ils n’ont

Point de secret pour lui. Et si c’est eux en lui,

Il n’a point de secret pour eux. Car ce qu’il sait

D’eux et de lui détruit chacun de ces deux mondes,

Sauf quand il s’en évade. Etre seul c’est pour lui

Etre dans l’ignorance et d’eux et de lui-même.

 

Cela en crée un troisième sans connaissance,

Où personne ne cherche, où le vouloir n’exige

Rien et accepte tout ce qui passe pour vrai,

Y compris la douleur, qui, autrement est feinte.

Dans le troisième monde, alors, pas de douleur. Oui, mais,

Quel amant en ressent dans de tels rocs, quelle femme,

Même si on la connaît, tout au fond de son cœur ?

 

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(ESTHÉTIQUE DU MAL)

               Excerpt

 

                         XII

 

He disposes the world in categories, thus :

The peopled and the unpeopled. In both, he is

Alone. But in the peopled world, there is,

Besides the people, his knowledge of them. In

The unpeopled, there is his knowledge of himself.

Which is more desperate in the moments when

The will demands that what he thinks be true?

 

It is himself in them that he knows or they

In him? If it is himself in them, they have

No secret from him. If it is they in him,

He has no secret from them. This knowledge

Of them and of himself destroys both worlds,

Except when he escapes from it. To be

Alone is not to know them or himself.

 

This creates a third world without knowledge,

In which no one peers, in which the will makes no

Demands. It accepts whatever is as true,

Including pain, which, otherwise, is false.

In the third world, then, there is no pain. Yes, but

What lover has one in such rocks, what woman,

However known, at the centre of the heart ?

 

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                        XIII

 

Il se peut qu’une vie soit la sanction d’une autre

Comme celle d’un fils pour celle de son père.

Mais cela ne concerne que les seconds rôles.

C’est une tragédie fragmentaire

Au sein du tout universel. Le fils,

Le père aussi, ont fait leur temps, pareillement,

L’un et l’autre, en vertu de la nécessité d’être

Soi-même, de l’inaltérable nécessité

D’être cet inaltérable animal.

Cette puissance de la nature en action est la tragédie

Majeure. C’est le destin sûr de lui,

Le plus jubilant ennemi. Et il se peut

Que, dans son cloître méditerranéen, un homme

étendu, libéré du désir, établisse

Le visible, une zone de bleu et d’orange

Dont changent les couleurs, établisse un moment

Pour contempler la mer, simulacre du feu, et l’appelle le bien,

Le bien suprême, sûr de la réalité

De la plus longue méditation, du maximum,

De la scène de l’assassin. Le mal dans le mal est

Relatif. L’assassin se dévoile lui-même,

la force qui nous détruit est dévoilée dans

Ce maximum, une aventure à endurer

Dans l’impuissance la plus polie. Mais oui !

On sent son action circuler dans nos veines.

 

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                        XIII

 

It may be that one life is a punishment

For another, as the son’s life for the father’s.

But that concerns the secondary characters.

It is a fragmentary tragedy

Within the universal whole. The son

And the father alike and equally are spent,

Each one, by the necessity of being

Himself, the unalterable necessity

Of being this unalterable animal.

This force of nature in action is the major

Tragedy. This is destiny unperplexed,

The happiest enemy. And it may be

That in his Mediterranean cloister a man,

Reclining, eased of desire, establishes

The visible, a zone of blue and orange

Versicolorings, establishes a time

To watch the fire-feinting sea and calls it good,

The ultimate good, sure of a reality

Of the longest meditation, the maximum,

The assassin’s scene. Evil in evil is

Comparative. The assassin discloses himself,

The force that destroys us is disclosed, within

This maximum, an adventure to be endured

With the politest helplessness. Ay-mi!

One feels its action moving in the blood.

 

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 WALLACE STEVENS_Choix de poèmes traduits par Raymond Farina_LCE 2013.jpg

 

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Wallace Stevens traduit par Raymond Farina_LCE 2013.pdf