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05/05/2014

Susan Sontag - Joseph Brodsky

 

Susan Sontag

& Joseph Brodsky

 

 

| © Sur la photo : Susan Sontag, Annie Epelboin & Joseph Brodsky

 

 

 

EXTRAITS DE TEXTES

(choisis par Nathalie Riera)

 

Sempre Susan/Souvenirs sur Sontag

Sigrid Nunez

13E Notes Editions, 2011

 

- :- :- :- :- :- :- :-

 

Marcelin Pleynet dans l’atelier de Robert Motherwell

Extrait du Journal de l’année 1988

Marcelin pleynet

In « Ironie Ironie Ironie »

Interrogation Critique et Ludique n°171 – décembre 2013

 

 

Blog : Ironie

 | © http://interrogationcritiqueludique.blogspot.fr

 

 


 

 

Sempre Susan/Souvenirs sur Sontag

Sigrid Nunez

(Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Ariane Bataille)

13E Notes Editions, 2011

 

 

 

Joseph Brodsky avait trente-six ans. Il venait de s’installer aux Etats-Unis – et deviendrait citoyen américain l’année suivante ; expulsé en 1972 de sa patrie, la Russie soviétique, il avait vécu, depuis, dans différentes villes européennes. Une existence très dure incluant le siège de Leningrad  par les Allemands pendant lequel il était presque mort de faim, un an et demi de travaux forcés dans une ferme (fraction de la peine de cinq ans pour « parasitisme social » purgée en exil au nord de la Russie avant que la sentence ne soit commuée), le tabagisme et une maladie cardiaque l’avaient prématurément vieilli. Son crâne dégarni, ses dents manquantes, son ventre bedonnant, les vêtements informes et négligés qu’il portait tous les jours n’empêchaient pas Susan de lui trouver une allure extrêmement romantique. Dès le début de leur amitié qui durerait jusqu’à la mort de Brodsky en 1996, elle fut folle de lui. Elle faisait partie de ces Américaines lettrées pour qui les écrivains européens seraient  toujours supérieurs à leurs compatriotes, et pour lesquelles un auteur russe, surtout un poète, possédait un attrait particulièrement exaltant et séduisant. W.H. Auden et Anna Akhmatova ne tarissaient pas d’éloges sur Joseph Brodsky, qui était aussi un héros*. Et même un martyr* : un écrivain qu’on avait traité comme un criminel à cause de son art.  D’ailleurs, tout le monde savait qu’il allait remporter le Prix Nobel. Susan était à ses pieds. Elle décelait des éclairs de génie dans la moindre de ses réflexions, dans les calembours qu’il n’arrêtait pas de faire (« Muerto Rico »), dans ses railleries désinvoltes (« Si tu veux être citée, ne cite pas les autres »). Elle supportait ses interminables diatribes contre Tolstoï (il comparait Tolstoï, «en aucun cas l’égal de Dostoïevski », à une sorte de Margaret Mitchell pour intellectuels qui aurait ouvert la voie au réalisme socialiste), ainsi que ses jugements littéraires bizarres (l’écriture de Nabokov avait « trop mariné »). Elle lui pardonnait sa grossièreté (les étudiantes de Mount Holyoke, où il enseignait, étaient des « chiennes » ; les homosexuels minaudaient « pour se faire mettre »).

 […]

Joseph était drôle. Il avait un rire exquis, lèvres serrées, presque un gémissement ; et il riait beaucoup. Malgré les brutalités dont il avait été victime, il gardait un cœur tendre. Il soutenait avec virulence que les poètes étaient des êtres humains d’une classe supérieure, affirmait comptait lui-même parmi les meilleurs du monde ; et cela sans être pour autant snob ou prétentieux. Cet homme généreux, naturellement affectueux, aimait prendre du bon temps – en le partageant de préférence avec une nombreuse compagnie – et possédait un sens de l’humour juvénile, espiègle. Il adorait les chats ; il lui arrivait de pousser un miaulement en guise de bonjour.

 

------------------------------ (p. 28/29)

 

 

 

 

 

 

[* Remarque de Nathalie Riera : J. Brodsky « héros » et « martyr » selon les termes de S. Nunez : ces deux appellations seraient inacceptables pour Brodsky. « Sempre Susan » renferme beaucoup de maladresses dans l’usage d’expressions telles que celles-ci ; sans compter mes quelques interrogations, pour ne pas dire mes quelques doutes, après la lecture de cet ouvrage, notamment sur la relation de Nunez à Sontag, et de son étrange manière de nous soumettre à son jugement, comme une volonté à vouloir régler ses comptes avec l’écrivain. ]

 

 

 

 

 

Marcelin Pleynet dans l’atelier de Robert Motherwell

Extrait du Journal de l’année 1988 (inédit)

Marcelin pleynet

In « Ironie Ironie Ironie »

Interrogation Critique et Ludique n°171 – décembre 2013

 

 

 

Nice, mercredi 20 février

 

[…]

L’action, si l’on peut dire…, disons la « mauvaise action », se passe à Venise. Ville que Brodsky dit aimer pour tout ce qu’elle n’est pas, et où la seule rencontre notoire qu’il y fasse, semble être celle de… Susan Sontag. « Au Londra, où je séjournais aux frais de la Biennale de la Dissidence (…), je reçus un appel téléphonique de Susan Sontag qui séjournait au Gritti dans les mêmes conditions. »

Le décor est posé. Nous sommes entre gens de bonne compagnie. Suit le dialogue : « Joseph, dit-elle, que fais-tu ce soir ? – Rien, répondis-je. Pourquoi ? – Voilà, je suis tombé sur Olga Rudge aujourd’hui sur la piazza. Tu la connais ? – Non. Tu veux dire la femme de Pound ? – Oui, dit Susan (comme on sait, voir plus haut, Olga Rudge ne fut pas « la femme de Pound ». Pound était marié avec Dorothy Shakespear. Il rencontre Olga Rudge en 1923, et ne tarde pas à partager, et jusqu’à ses derniers jours, son existence entre ces deux femmes qui se connaissent et autant que possible s’estiment)… Oui, dit Susan Sontag, et elle m’a invitée pour ce soir. Je n’ai pas la moindre envie d’y aller toute seule. Tu ne pourrais pas venir avec moi… ?

 

Et c’est ainsi que les deux grands spécialistes de la « Biennale de la Dissidence » (sic) vont rencontrer celle à qui l’on doit la redécouverte des partitions de Vivaldi.

 

[…]

 

http://interrogationcritiqueludique.blogspot.fr

 

 

 

 

© Joseph Brodsky

Source photo

 

 Joseph Brodsky (1940‑1996)

 

Poète russe, essayiste anglais et citoyen américain Joseph Brodsky est né à St.Pétersbourg en 1940. Dès la lecture de ses premiers vers, Anna Akhmatova salue en lui le poète le plus doué de la jeune génération. Arrêté, jugé le 18 février 1964 pour parasitisme social et fainéantise, il est condamné à cinq ans de travaux correctifs. Après une campagne internationale, il est libéré en 1965, mais quasiment interdit de publier en URSS. Poussé à émigrer en 1972, il s'installe d'abord à Vienne, avec l'aide du poète anglais W. H. Auden, puis aux États Unis. Ses poèmes, conçus pour la déclamation et la lecture publique, sont essentiellement en russe, alors que sa prose est en anglais. Ses thèmes de prédilection sont historiques et mythologiques, marqués par une forte préoccupation éthique. Il est le traducteur en russe de Donne et de Marvell et un écrivain fortement inspiré par les œuvres de Kafka, de Proust et de Faulkner. En 1991, il devient poète lauréat en Amérique, après avoir reçu le prix Nobel de littérature en 1987. On lui doit notamment Collines et autres poèmes, Aqua Alta et Urania, ainsi que de nombreux essais (Moins qu'un homme, 1986 ; la Peine et la raison, 1995).

 

© Susan Sontag

 

Susan Sontag (1933‑2004)

 

Susan Sontag est sans doute l'écrivain américain le plus « européen ». Née en 1933 à New York, c'est à l'âge de trente ans que Susan Sontag publie son premier roman, Le Bienfaiteur (Le Seuil, 1965), une étude sur la formation de la personnalité. Dans les années 60, elle écrit pour différents magazines et revues. Très engagée à gauche, figure de la scène new-yorkaise, elle est proche d'intellectuels français comme Roland Barthes, auquel elle a consacré un livre (L'écriture même : à propos de Roland Barthes, Christian Bourgois éditeur). Elle publie en 1977 un essai, Sur la photographie, où elle s'interroge sur la différence entre réalité et expérience. Elle défend le concept de « transparence », autrement dit de l'évidence de l'œuvre, avant toute interprétation. Elle publie L'Amant du volcan (1992) et En Amérique (1999) pour lequel elle a reçu le National Book Award. Elle a reçu le Prix Jérusalem pour l'ensemble de son œuvre et en 2003 le Prix de la Paix des libraires à Francfort. Susan Sontag est décédée en décembre 2004.

(Notice visible sur le site de christian bourgois éditeur)

 

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AUTRE SITE À CONSULTER

 

 

Couverture du numéro 6/7

 

[revue la barque No. 8]

Dirigée par Olivier Gallon


Printemps 2011
320 pages + cd audio – 25 euros
ISBN : 978-2-917504-06-2

 

Joseph Brodsky

Présentation (O. G.)

Procès d’un jeune poète « L’affaire Joseph Brodsky »

« Conversation » avec Solomon Volkov

Poèmes (1958-1963) (traduction du russe : Christian Mouze)

L’Horizon, postface (C. M.)

 

Sommaire sur le site | © Cliquer ICI

 

 

 

 

 

 

 

29/07/2012

JOSEPH BRODSKY

 

 

 

JOSEPH (IOSSIP) BRODSKY

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©Sites Esprits Nomades / Poezibao / Les Carnets d'Eucharis

 brodsky by martha pearson 1979.jpg

Joseph Brodsky with cigarette

[Martha Pearson, 1979]

Monterey, Ca

1979

b&w - 20 x 25 cm

 

 

Vertumne et autres poèmes Du Monde entier / Gallimard, 1993

EXTRAIT

Pour le centenaire d’Anna Akhmatova

(traduit par Hélène Henry)

 


                                    

 

Et la page et le feu, et la meule et le grain,

et le cheveu tranché et le fil de la hache,

Dieu conservera tout ; et plus que tout les mots

de pardon et d’amour qui sont sa voix profonde.

Le craquement des os, le pouls brisé, le choc

de la pioche : c’est là leur scansion souterraine ;

car si la vie est une, ils résonnent plus haut

aux lèvres des mortels que dans l’ouate du ciel.

Grande âme, à toi de par-delà les mers, Salut,

Toi qui trouvas les mots, toi, ta mortelle forme

dormante au sol natal, qui grâce à toi reçut

en ce monde emmuré le don de la parole.

 

Juillet 1989

 

 

 

& autre extrait

 

 

Seule la cendre sait ce que signifie brûler jusqu’au bout.
Je le dirai pourtant, après un coup d’œil myope par –devant :
tout n’est pas emporté par le vent, et le balai
qui ratisse ample dans la cour ne ramasse pas tout.
Nous resterons, mégot fripé, crachat, dans l’ombre
sous le banc, où pas un rayon ne pénètre,
et, étroitement enlacés à la fange, comptant les jours,
nous nous ferons terreau, dépôt, couche culturelle.

 

Juillet 1987

 

(Traduit du russe par Véronique SCHILTZ)

 

                                                                                                    

 

SOURCE PHOTOGRAPHIQUE :

General Collection, Beinecke Rare Book and Manuscript Library, Yale University

http://beinecke.library.yale

 

 

 

■ Autres sites à consulter

Esprits Nomades

Poezibao

Les Carnets d'Eucharis

29/04/2009

Joseph Alexandrovich BRODSKY

Brodsky-1986.jpg
en 1986

 

Nature morte

 

« Verrà la morte e avrà i tuoi occhi »

Cesare Pavese

 

 

1

 

Choses et gens nous

entourent. Et les deux

déchirent l’œil.

Mieux vaut vivre dans le noir.

 

Je suis assis sur un banc

du parc et je suis des yeux

une famille qui passe.

La lumière me répugne.

 

C’est janvier. L’hiver.

Selon le calendrier.

Quand le noir me répugnera,

alors je parlerai.

 

brodsky_1991-92_Bengt Jangfeldt.jpg

2

 

Voilà. Je suis prêt. Commencer.

Peu importe par où. Ouvrir

la bouche. Je peux me taire.

Mieux vaut que je parle.

 

De quoi ? Des jours, des nuits,

ou bien encore de rien.

Ou encore des choses.

Des choses et non des

 

gens. Ils mourront.

Tous. Je mourrai aussi.

Vaine entreprise.

Comme d’écrire au vent.

 

Extrait de Poèmes 1961-1987

Traduit par Véronique Schiltz

Monde entier/Gallimard, 1987

 

Stoïcisme, ironie, puissance, éblouissante virtuosité, double ancrage dans la culture russe et dans la culture occidentale, tels sont les traits les plus saillants de l’œuvre de Joseph Brodsky. L’ode, l’élégie, la ballade, le poème philosophique, il n’est pas de forme poétique dans laquelle il ne fasse preuve d’une aisance digne de Pouchkine.

{…}

Pour Brodsky, le poète est « la combinaison d’un instrument et d’un être humain », la première composante tendant à prendre le pas sur la seconde. Sa principale préoccupation ? Les effets du temps sur l’homme. « Les ruines sont le triomphe de l’oxygène et du temps », dit-il. Et les poèmes ? « Ce sont les seules bornes aux attentats du destin et à la vulnérabilité des corps ».

Jean-Baptiste Para, Présentation « Ligne de crête, lignes de feu », in L’HORIZON EST EN FEU Cinq poètes russes du XXème siècle, Poésie/Gallimard (p.22), 2005