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01/05/2018

Anne-Marie Albiach

ANNE-MARIE ALBIACH

Cinq le Chœur

1966-2012

 

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FIGURE VOCATIVE

« Réminiscence »

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  Extrait

 pp. 363-364

 

La nuit « dans ses lambeaux révolus » renouvelle leur trace de dénuements.

Une date préfigure les limites de la faim rendue sauvage et rituelle ; leur rythme de conjugaison en répondait.

Tel se présentait-il et leur regard se libérait des perspectives de force. Il fallait évoluer dans un lieu qui les unissait par-delà l’expression.

 

Je l’appellerai ainsi, je le nommerai,

son nom se réfléchissait dans la ligne droite des épaules ; dans la ligne des paupières ; la mémoire attirait, sur une eau d’étang, des personnages divers, le souffle, et cet extrême imprécis, nouveau à l’excès.

Posaient-ils leur main ouverte sur le point douloureux, et une ardeur tendant vers sa maturité alternait son discours de violences souterraines, de retraits et d’approches.

« Tu as retrouvé des traces de cette jeunesse » – et je me remémore des objets savants pour toi devenus familiers dans leur reddition.

Il a déplacé le vouloir des éléments, la tête baissée pour pressentir l’eau sépia de l’envol. Elle aurait pu croire dans cette immanence ; des rires de gazelles enténébrées dans l’allée. Le sommeil hante la nuque tel une déperdition de soi rompue par la Perte. Un cercle dans nos respirations noires.

 

***

 

 

« Le chemin de l’ermitage »

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  Extrait

 p. 398

 

Face à eux, complices dans le lieu privilégié de blanc et de ceinture précise dans le flou de la jupe, elle vérifie de deux mains le point exact du masque, où le féminin et le masculin s’exaspèrent ; dans la pénombre du double, ils regardent avec apaisement, une fragilité dans leurs jabots d’un bleu évanescent : un songe indécis s’empreint d’elle à eux ; dans l’attente, une blancheur irradie nos pulsions.

Comment pénétrer dans cette luminosité qui annule le spectateur le plus ardent. Deux ardeurs, l’une blanche, l’autre écarlate, séparées par le rideau d’une distance que les occlusions temporelles auraient travaillée.

Cela se situe dans une mémoire immédiate.

Un enjeu traverse les positions, de part et d’autre d’un reflet, alors qu’elle s’astreint à des mouvements altérant cette immobilité.

 

 

 

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© Flammarion, 2014


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04/02/2015

Anne-Marie Albiach

 

 

Du côté de chez…

 

 

ANNE-MARIE ALBIACH

 

 

 Extrait d’un entretien

 

Action Poétique N°74 – juin 1978

  

PHOTOGRAPHIE |Anne-Marie Albiach par Claude Royet-Journoud

  

 

 

 

extrait

 

HENRI DELUY : Je découvre tes textes à un moment où, au niveau des idées et du travail, je sors de ce que j’appellerai, pour aller vite, « La poésie de la tripe »… c’est-à-dire une poésie, comme tu sais, basée sur l’expression directe des sentiments, avec une conception du langage comme transparence, etc. Et je me trouve quand je te lis dans une situation ambigüe… C’est, à la fois, tout à fait différent du type de poésie que tu fais…

 

ANNE-MARIE ALBIACH : En effet, je crois que le côté physique de mes textes est extrêmement  important. En fait, je vis le texte comme un corps, comme la projection d’un corps, mais d’un corps et de son image…

Je ne pense pas qu’on puisse dire que mes textes sont « abstraits ». En fait, ils révèlent le côté physique du souffle, de la Voix (en rapport avec une musique mémorielle obsessionnelle, un Opéra permanent occulté), et de la syntaxe. Ils sont le lieu d’une réitération qui revient alternativement. Le discours n’est abstrait qu’en apparence. En réalité, il se veut concret ; avec des données, par exemple, comme celle de la chute du corps… D’autre part, dans une partie d’Etat, je fais allusion à la traduction que j’ai faite du poète américain Louis Zukofsky, dont il faut noter que la démarche dénonce l’exploitation de l’individu. Dans Etat il y a cet aspect qui n’est pas visible à première vue, mais qui fait que toute écriture porte en soi un engagement physique… Par conséquent, je ne suis pas tellement étonnée que tu puisses passer de cette poésie, dont tu parlais, à une poésie apparemment beaucoup plus conceptuelle, mais qui ne le serait pas parce que c’est avant tout, une poésie du désir, du discours dans le désir… et même sans crainte d’un certain lyrisme ou baroque qui se dénonce.

Mais ai-je répondu à ta question ?

 

H.D. : Oui… Enfin tu dis, en tous cas, ce que je voulais te faire dire…

 

A.-M.A. : J’ajouterais que, dans Etat, il y a un passage en rapport avec Francis Ponge et Ponge, à mon avis, réalise ce que j’appellerais La concrétisation de l’écriture par rapport à l’objet, l’objet que je situe comme « incernable »… Il est une de mes préoccupations : quand je dis : « toutes les évidences lui sont mystère » je dénonce cette nature incernable de l’objet par rapport à la perception qu’on en a. Dans Etat, ce passage marque le contrepoint du plaisir de la lecture de Ponge… De même qu’on revient toujours au physique, dans la lecture, j’essaie toujours de revenir au physique dans l’écriture…

 

 

............................... (p.14)

 

 

 

 

 

 

 | ©Action Poétique N°74 – juin 1978