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02/11/2014

NATHALIE HANDAL - 8 poèmes de Gaza

 

 

NATHALIE HANDAL

8 Poèmes de Gaza

Confessions at Midrange / Confessions à mi-chemin

The Voices and Faces of Palestine - Summer 2014

Voix et visages de Palestine – été 2014

 

 

 

Les Carnets d'Eucharis

 

Nathalie Handal | © INTERNET

 

 

 

 

 

 

 

Confessions at Midrange

 

My heart has telescopes

my eyes have invisible streets

my portrait is of a nation

with a hundred square feet of clouds—

maybe god is a country

my eyes can’t see.

 

 

Dans mon coeur des télescopes

dans mes yeux des rues invisibles

mon portrait est celui d’une nation

sous trente mètres carrés de nuages –

dieu est peut-être un pays

que mes yeux ne peuvent voir.

 

………………………………………………………………………

Confessions à mi-chemin

(Extrait 1)

 

 

 

 


Turka

 

They ask me who I am,

they ask me where I’m from—

how do I explain

from where Jesus is born

except I’m not allowed

to reach his church

Who am I if I can’t be

with my olive groves

who am I

if I can’t find Mohammed

in my prayers

can’t reach Jesus

I am from the Teqoa

and the Dead Sea

from Bethlehem

and Jerusalem—

Dar Handal,

we grow everywhere here,

Dar Talamas,

our ancestors were translators,

so I translate this for you—

I am who I’ve always been

and behind my prayers

are windows

with a city

of endless verbs.

 

 

Ils me demandent qui je suis

ils me demandent d’où je viens –

comment expliquer

d’où Jésus est né

sauf que je n’ai pas le droit

d’aller dans son église

Qui suis-je si je ne puis

demeurer près de mes oliviers

qui suis-je

si je ne puis retrouver Mohammed

dans mes prières

ne puis atteindre Jésus

Je viens du Teqoa

et de la Mer Morte

de Bethléem

et de Jérusalem -

Dar Handal

nous avons grandi partout ici

Dar Talamas,

nos ancêtres étaient des traducteurs

alors je vous traduis ceci -

je suis qui j’ai toujours été

et derrière mes prières

il y a des fenêtres

avec une ville

aux verbes infinis.

…………………………………………………………………………. Turka

(Extrait 2)

 

 

 

COUNTRY

 

The radio was stuck

between two stations

when you told me

you sold

the only thing that

mattered to you.

I said nothing.

We’d been together for years

and I had no idea what you sold

nor what was playing

along the long blue sky

we both insisted was ours.

 

 

La radio était bloquée

entre deux stations

quand tu m’as dit

que tu avais vendu

la seule chose qui

t’était chère.

Je n’ai rien dit.

Nous avons vécu des années ensemble

et je n’avais aucune idée de ce que tu avais vendu

ni de ce qui se jouait

au long du long ciel bleu

que nous persistions tous deux à dire nôtre.

 

…………………………………………………………………………. PAYS

(Extrait 3)

 

 

 

 

 

GAZA

 

Once in a tiny strip

dark holes swallowed hearts

and one child told another

withdraw your breath

whenever the night wind

is no longer a land of dreams

 

 

C’était dans une étroite bande

où des trous noirs engloutissaient les cœurs  

un enfant dit à un autre enfant

retiens ton souffle

lorsque le vent nocturne

n’est plus dès lors une terre de rêves

 

…………………………………………………………………………. GAZA

(Extrait 4)

 

 

 

 

The Gazans

 

I died before I lived

I lived once in a grave

now I’m told it’s not big enough

to hold all of my deaths

 

 

Je suis mort avant de vivre

J’ai vécu une fois dans une tombe

maintenant on me dit qu’elle n’est pas

assez grande

pour contenir toutes mes morts

 

…………………………………………………………………………. LES GAZAOUIS

(Extrait 5)

 

 

 

 

 

 

Tiny Feet

 

A mother looks at another—

a sea of small bodies

burnt or decapitate

around them—

and asks,

How do we mourn this?

 

 

Une mère regarde une autre mère -

un océan de petits corps

brûlés ou décapités

tout autour d’elles –

et interroge,

Comment pleurer cela ?

 

…………………………………………………………………………Tout petits pieds

(Extrait 6)

 

 

 

 

Night Sky Orange

from The Gaza Box

 

I read your book of myths—

did you?

I checked the mirror for your face—

did you?

I checked the ruins and the even larger

ruins in your heart—

did you?

I memorized the shape of black smoke

and the orange sky in every tiny corpse—

did you?

I checked if loneliness was what the body

turns to when death is all it has—

did you?

Did you think of your wife the evening

you killed mine?

And unexpectedly,

an image of your son will cross

your mind,

you will question why

you’ve come after all,

you will breathe differently,

words will no longer be able

to map your crimes.

I checked for the damage in my flesh

—did you?

I found my way back to the scene

in the book

where you erase my name

as it keeps reappearing,

don’t you know,

such letters always revert back

to its original form

so look at me in the eyes

before we both perish.

 

 

 

Ciel Nocturne Orangé

extrait de The Gaza Box

 

J’ai lu ton livre sur les mythes -

et toi ?

J’ai testé le miroir pour ton visage -

et toi ?

J’ai passé les ruines en revue et celles, plus vastes, dans ton coeur -

et toi ?

j’ai gardé en mémoire la forme des fumées noires et le ciel orange dans les plus infimes cadavres –

et toi ?

j’ai vérifié si la solitude était ce que devient le corps quand la mort est son seul bien –

et toi ?

As-tu songé à ta femme le soir où tu tuas la mienne ?

Et de manière inopinée,

l’image de ton fils traversera

ton esprit,

tu te demanderas pourquoi

tu es venu en fin de compte,

tu respireras autrement,

les mots ne seront plus capables

de dresser la carte de tes crimes.

J’ai fait le compte des dégâts dans ma chair

- et toi ?

J’ai retrouvé la scène où

dans le livre

tu effaces mon nom

qui s’obstine à réapparaître,

sais-tu que ces lettres sont de celles qui retrouvent toujours leur forme originelle

alors regarde-moi dans les yeux

avant de périr l’un et l’autre.

 

…………………………………………………………………………

(Extrait 7)

 


Imaginary World with Twelve Birds

from The Gaza Box

 

There is moonlit

in my box

can you give it to me

There are hours

in my box

can you give them to me

There is a world

in my box

there are twelve birds

in my box

can I fly with them ummi

…………………

There is a picture

of my son

in his box

can I see it

before the men arrive

before the floor shakes

before they take my heart

tell them

our souls will leave our torn bodies

but we will never leave

we will multiple in their souls

 

 

Monde Imaginaire avec Douze Oiseaux

extrait de The Gaza Box

 

Il y a du clair de lune

dans ma boîte

peux-tu me le donner

Il y a des heures

dans ma boîte

peux-tu me les donner

Il y a un monde

dans ma boîte

il y a douze oiseaux

dans ma boîte

puis-je voler avec eux ummi

…………………

Il y a une photo

de mon fils

dans sa boîte

puis-je la voir

avant que les hommes n’arrivent

avant que le sol ne tremble

avant qu’ils ne prennent mon coeur

dis-leur

que nos âmes quitteront nos corps déchiquetés

mais que nous ne partirons jamais

nous nous multiplierons dans leurs âmes

 

…………………………………………………………………………

(Extrait 8)

 

 

 

 

 

            All photos by Nathaie Handal

            Taken throughout Palestine

            Permission granted to reprint

            ▪▪▪

            Toutes les photos par Nathaie Handal

            Prises en Palestine

            Permission accordée pour réimprimer


 

Nathalie HANDAL Poète et dramaturge d’origine palestinienne, née à Bethléem. A grandi en France et en Amérique latine. Etudes aux États-Unis, en Grande-Bretagne et dans le monde arabe. Parmi ses livres les plus récents, Poète en Andalousie, Language for a New Century : Contemporary Poetry from the Middle-East, Asia & Beyond et Love and Strange Horses, (Médaille d’or Independent Publisher Book en 2011). Ses pièces les plus récentes ont été mises en scène à la John F. Kennedy Center for the Performing Arts, le Bush Theatre et Westminster Abbey, à Londres. Elle signe la chronique La ville et l’écrivain du magazine World without borders.