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20/12/2023

Andrea Zanzotto, Le Galaté au Bois (éd. La Barque, 2023)

Andrea ZANZOTTO

Le Galaté au Bois

Traduction revue & postface 

Philippe Di Meo

[extraits]

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Andrea Zanzotto

 

 

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  Extraits 

LE GALATÉ AU BOIS

La Barque, 2023

 

 

(INDICES DE GUERRES CIVILES)

 

« Suspendue dans la fièvre                               floue dans la fièvre

            cette bruyère que je n’ai jamais assez tirée

Dans les trous de mémoire                                dans les flux et les poussées

            de la mémoire,                          presque une danse —

            presque floue, bruyère de bruyère,/ en fièvre

Et dans la chimique ténèbre je vais songeant à manier

            l’habile soc        à guider le talent de la roue

Par mille chemins surannée la bruyère               répond              aah non            aah oui

C’est trop avancer impossible rien reculer

(bruyère) (et fleuve dans la ramille légère)          (et des oiseaux) :

            ainsi aux grilles de ramille légère et aux oiseaux

            et aux portails de pur / bois mort

j’appuie le chef comme mimant un repos.

 

Dans le puits de mon corps, corps enseveli,

lié à ses indémontrables puissances

à ses pus à ses vertes / vermineuses réactions avec gêne adéquate

 

avec diligence avec un regard lunetteux, lémure

et renard de cette bruyère n’ayant-véritablement-jamais-existé,

je te fais signe, entre-temps tu m’attends (non ?) —

et comme digne de toute bonne question

sur la tranche azur / virage]                   [sur le stock glacial des choses —

sur la nudité de la grille et du bois —

appuyé — oh soutien —

méditant au pur azur je me consume. »

 

– p.65

 

***

 

(Indices de guerre civile)

 

 

« Parmi les étoiles je ne m’égarerai

qui sur son dos et sur le futur m’apporte

s’effranger de l’hiver

ta non rare non avare oblation le soir

Offertes et reprises un peu plus lointaines pour langues

rassemblées en pépins argentés, d’obscurités en elles-mêmes effondrées, en elles-mêmes

[avec ensevelissement et en-dessous.

Arbres, collusions. Couleurs qui

halètent dans le gris

qui n’est pas rien

qui — avec arbres et étoiles – emmaillote et démaillote toute collusion

donc :

étoiles, pour ainsi dire, ou feux pris au lasso

de l’obscur microscopique

ramassés et relevés

en intime          en ardu,

châtaignes / feux tirées du feu

et devenues les yeux nombreux, déterminés de ton importune

croissance de non-être

et cette brume qui ne couve guère

tant elle est discrétion et ténacité —

qui ne caresse guère,

qui n’endort guère

Trop d’arbres défilés agrafés imbriqués

phyllotaxie qui monte monte et tourbillonne         phyll phyll phyll qui monte

très lente en raison des innombrables lumières

plus qu’esquissées pour des confus pour des chuchoteurs pour des jamais éprouvés

Mais parmi les étoiles je ne m’égarerai, ma vieille friandise.

J’opposerai un état précaire, moi, pire que lune, appuyé au portail.

Appuyé, on le sait. Pour moduler, on le sait. En mort ensorcelée,

en excellente couleur,

en filtre             corde-vocale, spot, Satchmo noir.

Appuyé. Simple. En papille, amygdale, jalon. »

 

– p.67

 

***

 

(VII)

                                   

(Sonnet du sauma au bois et acupuncture)

 

Coup de griffe de subtil tigre, Idéogramme

auquel je confie ma misérable substance,

de yin et yang en la trame tremblant,

cherchant les points où la vie est flamme,

 

tandis que l’aiguille drachmé après drachmé me fouille —

épines ongles lames d’une aimante main —

et propage en moi de méridiennes lignes

yin et yang brisant tout diaphragme.

 

Sous pareille main, sous pareil tigre extrême

comme si par milliers Cupidon en moi s’imprimait,

oui mon trouble soma, oui je me sens moi ;

 

mais ce n’est cependant pas qu’en Toi soient domptés

la lubie, le sophisme, l’enthymème,

et sous ton dard je délire de plus belle.

 

– p.101

 

***

 

 

)(    ( )

 

« Et maintenant je m’engage

je me plonge dans ton or

lune mon unique chef-d’œuvre

 

Bois de toi seule

fleuri lune

horde d’or noire

bois chef-d’œuvre

 

Pupille prompte                         (en vitrine)

et effort prompt

mais la garde est relevée

et tombe d’horizon

en horizon                                (en lamelle de verre)

 

Fleur dont je fleuris toute chose

babiole qui décline

babiole unique chef-d’œuvre »

 

– p.171

 

***

LE GALATE AU BOIS.jpg

© Éditions La Barque

CLIQUER ICI

 

 

23/11/2016

Andrea Zanzotto (extrait de "Idiome")

 

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 | © Andrea Zanzotto Photo : Undo.Net | © Pier Paolo Pasolini

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Idiome

[extrait]

 

 

Librairie José Corti, 2006

© Andrea Zanzotto pour le texte italien

Édité en Italie par Arnoldo Mondadori editore, Milano.

© José Corti pour le texte français.

Selected poems
Traduit de l’italien, du dialecte haut-trévisan (Vénétie) et présenté

par Philippe Di Meo    

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José Corti ICI

 

Notice bio&bibliographique

Andrea ZANZOTTO (1921-2011), natif de Pieve di Soligo, dans la région de Venise. Il est un des poètes les plus considérables de la deuxième moitié du XXème. En 1950, le Prix San Babila lui est décerné par un jury où siègent Giuseppe Ungaretti, Salvatore Quasimodo et Eugenio Montale.

 

 

EXTRAIT

 

en souvenir de Pasolini

 

 

Allant à l’école, dans le train,

entre Sacile et Conegliano

tu mangeais ton morceau de pain ;

je n’étais pas bien loin,

mais en ces temps-là, dix kilomètres étaient une immensité.

C’est pourquoi en ce temps-là,

deux garçons ne se sont jamais rencontrés.

Mais quand donc aurions-nous pu

nous trouver sous le même abri

d’une petite gare en plein champ

avec sa petite cloche qui fait ding, ding, ding

pour nous dire combien profond est le ciel clair –

            et, entre temps, heures, journées et saisons

            avec l’ombre qui écrit s’en vont,

            par les vitres, murets, prés et maisons,

            par les haies et partout dans les lieux écartés,

            racines et gribouillis ?

Mais quand donc, avant qu’arrive le train,

aurions-nous eu le temps

d’échanger deux ou trois mots,

les seuls qu’il peut donner sur cette terre

pour que nous nous connaissions un peu, un peu mais vraiment ?

 

            Plus tard, nous nous sommes parlés, nous nous sommes lus ;

            parfois, nous nous sommes querellés ou nous nous sommes tus,

            la vie nous a poussées sous des horions

            et des traquenards différents,

            moi, immobile, barbouillé de mes vers,

            toi partout avec ta passion pour tout ;

            mais il y avait pourtant un fil pour toujours nous lier :

            de ce qui importe, nous avions la même idée.

 

Je t’attendais ici, en haut où, encore,

avec leurs scintillements soupirent les alba pratalia

mais toujours plus pourris par en dessous et en dessus ;

toi, tu t’es porté avec courage

là où l’Italie délire davantage.

            Ah, pardonne-moi, si maintenant je ne sais te donner

            autre chose sinon ce marmottement, d’un vieil homme désormais…

 

            C’est seulement un pauvre effort, un tremblement,

            pour recoudre, et d’une certaine façon relier

            – un moment seulement, pour te saluer –,

            ce qu’ils ont fait de tes os, de ton cœur.

 

……………………………………………………………………… (pp.117/118)

 

 

 

 | © JOSE CORTI, 2006

 

 

Sacile (Frioul), Conegliano (Vénétie) : villes où les jeunes Pasolini et Zanzotto se rendaient respectivement au collège.

Alba pratalia : vers célèbres de la Cantilène véronaise, attestant du passage du latin à l’italien, cité par Pasolini comme par Zanzotto dans leurs œuvres respectives. Ces prés blancs sont une image, mieux, une allégorie de la page blanche et de l’écriture.

En haut : autrement dit, en Haute Italie : soit : Rome, le centre du pouvoir politique, objet d’un ressentiment traditionnel de la part des Italiens du nord, d’autant plus inexplicable qu’ils représentent 60% des élus du parlement italien.

De tes os de ton cœur : évocation de la mort de Pasolini : ses os avaient été brisés, son cœur avait éclaté sous les coups reçus attesta l’autopsie pratiquée par les médecins légistes.

 

 

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CLIQUER ICI

11/06/2011

Andrea Zanzotto

 

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© Andrea Zanzotto photographié par Giovanna Borgese

 

 

 

Ellébore: ou quoi donc ?

Sur le site une autre poésie italienne

22/08/2010

Andrea Zanzotto

Phosphènes

Andrea ZANZOTTO
     Littérature étrangère, Ed. José Corti, 2010

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Extrait

 

Bibelots et gel

(p.107)


 

(…)

 

Eh ! eh ! Oncle novembre, tu nous as constellés ainsi/aux primeurs du gel,/tu nous as extraits ainsi/en « là » propices mais inaccessibles,/de fenêtres en fenêtres – nous / ultimes/tu nous tresses en tintements, en déclivités, en étrangetés/- depuis l’intérieur vers l’extérieur toujours plus intérieur/- depuis des intérieurs aux meubles made in paradise/- avec de petits rideaux papillonnets en mutation/et bibelots dirais-je et nous dirais-je,/

c’est/ pour se connaître comme non vus ni racontés         ni attestés/et se réfugier en racontars, en rumeurs/en boîtes de fer-blanc déteintes des cours/tandis que sévit le silence           le cristal/et se cogne à l’infini               le bel esprit/tandis que s’enflanque la pièce/tandis que deux nous nous enflanquons, défendus/aux pèlerins mousses-couleurs-souris/parmi des déclics de fanfrelunes, de fauchesoleils/Rougeoyer, verdoyer, faucher,/ronger, jaunifier au-delà des bruits sourds et des sérénités,/l’azuriquer de longuissimes modulations optiques/prend racine et patrouillant s’affile              (au noir)/se fie      - tchac- aveugle.

(…)

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Dis-moi ce que j’ai perdu,

dis-moi en quoi je me suis perdu

et pourquoi autant, j’ai presque tout laissé,

        au pied du mur -,

        oh ! fagots, écrins, fardeaux de ronces et puis là

        lumières gémellaires, auriculations dans l’infini pomoerium

 

 

Dimmi che cosa ho perduto

dimmi in che cosa mi sono perduto

e perché cosi tanto, quasi tutto

         ho lasciato a piè del muro –

         oh fastelli scrigni fardelli di rovi e poi là

         gemellari luci, auricolazioni nell’infinito pomerio

 

Editions José Corti