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25/08/2013

Bernard Noël

 

Noel_Bernard_2010.jpg

Photographie : © Sophie Bassouls

 

 

Bernard Noël

 

 

 

 

■ LIEN : http://www.sophiebassouls.com/page.php?page=ecrivains&alias=Noel_Bernard_2010-05-23

 

 

 

 

 

 

 

ce qui nous leurre est si lié à l’œil qu’il faut

étriper le regard pour ouvrir le tombeau.

 

sous ce chapeau moral, les mots prennent des rides,

et le ronron qui suinte aux articulations,

couvre un chuintement de tête qui se vide :

rien ne sert de penser, il faut penser à fond.

empifrée de savoir, la conscience a du bide,

tout son caca mental engorge la vision.

 

dans le dodelinement du dernier gâtisme,

être un vieux qui oublie son alphabêtisme !

 

le visible déjà me prend comme une mer…

 

o les yeux, les yeux, les yeux qu’on cloue à l’amer

étonnement de voir claquer la fermeture

idéale et l’esprit naitre de cette injure :

lors, tout n’est que signe, humanisme et littérature.

 

Extrait de « Troisième suite »

 

-------------------------    (p.24)

 

 

 

 

être ou pas quel trou en tête du paraître

 

mourir meut le temps et non le temps mourir

entre soi et soi toujours cela pénètre

maniant le vif auquel il s’enchevêtre

enterrez la terre ou bien faudra gésir

 

à nu reste l’os rêveur rassi de l’être

 

sac à sang ne veut saignée il ceint l’obscur

un oubli sans houle et dur comme les choses

il veut vivre et va dans la vue du futur

vaillant d’être vivace par ce qu’il ose

rire à la ruine au râle au dodo du rien

éboue le baba qui se frime aérien

 

et la bouche bée bleue cherchant le suis-je

tout à trac détraqué ô cru vertige

ce qui croise en nous le vif et le vestige

 

Extrait de « Quatrième suite »

 

-------------------------    (p.41)

 

 

 

Bruits de langues

Bernard Noël

Editions talus d’approche, 1980

 

---------------------------

 

Philippe Beck

 

BECK.jpg

 

Source photo :

C/o Œuvres Ouvertes de Laurent Margantin

 

 

Philippe Beck

 

 

 

 

■ LIEN : http://www.oeuvresouvertes.net/spip.php?article230

 

 

 

 

5. Couture

 

Feu est dressé.

Cheminée mange paille.

La paille rapide et verticale.

Haricot tombe

à côté de brin d’or.

Braise dialogue avec eux.

Paille s’interroge.

Braise fait un saut par hasard.

Le hasard élancé.

Elle quitte la cendre.

Haricot a évité le feu.

Paille a fui les doigts

de la femme qui veut manger.

Ils sont parallèles à la mort.

Vers un autre pays.

En chemin, Paille est un pont

du ruisseau.

Braise passe à petits pas.

Le courant fait du bruit.

Mer a des lames ou des plis

d’hymnes collectifs,

les collections de souplesse

dans un texte d’eau dure

qui ferait peur à des fleurs de terre.

Braise s’arrêt à cause de la peur.

Comme une fleur de feu.

Paille s’allume,

et casse en deux, tombe à l’eau,

où Braise meurt.

Haricot est au bord. Dans un pays de prudence

et de plaisir.

Il éclate de rire ce soir.

Un tailleur passe et recoud

H. Divisé.

Recouture de fil noir.

Dans le soir d’huile.

Et de rayons.

Il y a des repas réciproques.

 

 

 D’après « Bout de paille, braise et haricot »

 

-------------------------    (p.30/31)

 

 

Chants populaires

Philippe Beck

Editions Flammarion, 2007

http://editions.flammarion.com/peoples_detail.cfm?ID=133245&levelCode=home 

 

-------------------------

 

 

92.

 

Traces embaumées de chaman

séparent du désert.

Parures précieuses,

car le sable résiste au vent polyvalent.

Au désert s’élargit la mémoire

de collection de branches dressées

dans pinède,

et de piquets feuillus accidentels

fichés dans Indifférence.

Chaman vise en principe

un volume de décrets

par nœuds de tendons et de crispations.

Cependant que bribes séparées

gomment atoll,

varech, herbe à avirons, volant d’eau,

cuir, herbe-ruban et coup de vent soleils,

entrant dans longue

histoire d’hommes tout

au moisson de contrariétés.

Il s’agit Surnature impossible

et pointe insuffisance de l’Insurmontée.

Le désert naturel où il bouge reste

l’addition de férocité, symétrie et dépendance

renforcée.

Jusqu’à l’esthétique de l’abeauté.

Mer violette acceptée.

 

 

-------------------------    (p.104)

 

 

 Dans de la nature

Philippe Beck

Editions Flammarion, 2003

ICI 

 

-------------------------

 

 

 

 

Philippe Beck a publié treize livres de poésie dont quatre aux éditions Flammarion, dans la collection « Poésie » : Chants populaires (2007) ; Dans de la nature (2003) ; Aux recensions (2002) ; Dernière Mode familiale (2000). En 2006, une monographie lui a été consacrée : L'Impersonnage (avec G. Tessier, Argol).

 

 

 

Autres sites à consulter :

Terres de Femmes

 

02/08/2013

Une pause

Les Carnets d’Eucharis

reprendront après le 20 août 2013.

 LOGO EUCHARIS.jpg

 

LES CARNETS D’EUCHARIS

Nathalie Riera

Courriel : nathalieriera@live.fr

http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com

 

 

 ●●●●●●

 

29/07/2013

Antonio Porchia, voix réunies (éditions Erès, 2013)

 

ANTONIO PORCHIA

Voix réunies

 (Editions Erès, 2013)

 

 

COLLECTION « PO&PSY » dirigée par Danièle Faugeras & Pascale Janot

Traduites de l’espagnol par Danièle Faugeras

SITE DE L’EDITEUR - http://www.editions-eres.com/

 

 

 

Sans titre 1.jpg

Antonio PORCHIA

 Site officiel | © http://www.antonioporchia.com.ar/

 

 

 

 

____________________________________________________________________________

 

 

Antonio Porchia (1885-1968), natif de la région de Calabre (Italie), est décrit comme un homme très introverti, ne parlant que très peu, aussi secret que ses voix intérieures. Poète-aphoriste d’un unique ouvrage : « Voces » (Voix), dont la première édition est adressée au poète et critique Roger Caillois, il émigre en Argentine, à Buenos Aires, dans les années 1910, après le décès du père. Parmi les personnalités littéraires marquées par le travail de Porchia, citons Breton, Miller, et parmi ses proches amis, Juarroz et Badii. Dès 1949, « Voces » sera traduit et publié en France (par Caillois), puis également en Allemagne, en Italie et en Amérique du Sud.

 

Les Editions Erès ont réunies dans leur intégralité les voix d’Antonio Porchia, dans une nouvelle traduction de Danièle Faugeras. Voix réunies est le deuxième volume de la collection PO&PSY in extenso.

 

Ouvrage composé de 1182 aphorismes,  ou sortes de « sentences », la présente traduction s’appuie sur la publication en 2006 par les éditions Pre-Textos (Valencia).

 

 

Nathalie Riera, juillet 2013

Les carnets d'eucharis

 3193.jpg

 

 

                           

 

 

 

Les hauteurs guident, mais dans les hauteurs.

La alturas guÍan, pero en las alturas.

 

---------------------------------------------------------------------------             35

 

***

 

Mes yeux, pour avoir été des ponts, sont des abîmes.

Mis ojos, por haber sido puentes, son abismos.

 

---------------------------------------------------------------------------             40

 

***

 

Cent hommes, ensemble, sont la centième partie d’un homme.

Cien hombres, juntos, son la centésima parte de un hombre.

 

---------------------------------------------------------------------------             45

 

***

Le lointain, le très lointain, le plus lointain, je ne l’ai trouvé que dans mon sang.

Lo lejano, lo muy lejano, lo más lejano, sólo lo hallé en mi sangre.

 

---------------------------------------------------------------------------             57

 

***

La fleur que tu tiens dans tes mains est née aujourd’hui et déjà elle a ton âge.

La flor que tienes en tus manos ha nacido hoy y ya tiene tu edad.

 

---------------------------------------------------------------------------             85

 

***

La douleur ne nous suit pas : elle marche devant.

El dolor no nos sigue : camina adelante.

 

---------------------------------------------------------------------------             107

 

***

Tu es venu à ce monde qui ne comprend rien sans mots, presque sans mots.

Has venido a este mundo que no entiende nada sin palabras, casa sin palabras.

 

---------------------------------------------------------------------------             111

 

***

L’arbre est seul, le nuage est seul. Tout est seul quand moi je suis seul.

El árbol está solo, la nube está sola. Todo está solo cuando yo estoy solo.

 

---------------------------------------------------------------------------             124

 

***

L’homme aveugle porte une étoile sur ses épaules.

El hombre ciego lleva una estrella sobre sus hombros.

 

---------------------------------------------------------------------------             233

 

 

 

■ SITES A CONSULTER :

 

Editions Erès

http://www.editions-eres.com/parutions/psychanalyse/poetpsy/p3193-voix-reunies.htm

 

Site officiel Antonio Porchia

http://www.antonioporchia.com.ar/

 

 

 

27/07/2013

Kate Summerscale

 

 

Kate Summmerscale

La déchéance de Mrs Robinson

 (Christian Bourgois Editeur, 2013)

 

 

JOURNAL INTIME D’UNE DAME DE L’EPOQUE VICTORIENNE

Traduit de l’anglais par Eric Chédaille

SITE DE L’EDITEUR - http://www.christianbourgois-editeur.com/

 

 

 

 

Kate Summerscale

Juin 2006 | Bloomsbury plc | © Mark Pringle

 

 

 

Une lecture de Nathalie Riera 

____________________________________________________________________________

 

« La déchéance de Mrs Robinson » a pour cadre le procès devant le tribunal des Divorces et Affaires matrimoniales d’Henry Oliver Robinson et d’Isabella Walker. Après avoir découvert par accident le journal intime de son épouse, et son aveu d’adultère, H.O. Robinson convoque le tribunal londonien pour dissolution de son mariage. Requête qui soulève la question de l’écrit comme preuve et de la complexité face à la crédibilité du journal intime et à la véracité des évènements qui y sont rapportés. Le journal d’Isabella ne serait-il pas le produit d’un dérangement mental ? de fantasmes sans corrélation avec des faits réels, ou, au contraire, l’œuvre d’un esprit s’adonnant à une activité purement littéraire, se jouant à mêler réalité et fiction sans autre but qu’une « forme d’apprentissage, d’exercice préalable à la composition d’un roman. » (p.212). Ici, référence à Emily Brontë et sa sœur Anne, et à la diariste Fanny Burney.

Consigner ses expériences pour une femme née dans la société victorienne, c’est faire du journal un lieu de révélation et d’effusion, mais aussi un moyen de « déchiffrer sa vie », et pour une anglaise de classe moyenne, être « capable d’attenter à la décence avec sa plume » : « Comme l’économiste et philosophe Herbert Spencer, qui décrivait ses mémoires comme ‘une histoire naturelle de (sa) propre personne’, elle dressait le relevé de son évolution personnelle. En écrivant et en lisant son journal, elle avait espoir de comprendre son moi aliéné et conflictuel par le biais de cette extériorisation, de pénétrer dans sa propre tête et sous sa propre peau. » (p.61)

Dans l’histoire littéraire, certains journaux intimes passent pour apocryphes, ou ont au contraire la réputation d’un excès d’honnêteté. Kate Summmerscale cite à ce sujet les carnets d’Horace Walpole qui « consigna délibérément des choses fausses » (p.205), à l’opposé du journal de Samuel Peppys « réputé pour sa franchise ». Du temps de l’époque victorienne, « la rédaction des annales de la vie domestique et spirituelle » révèle un goût prononcé pour l’introspection, tels que les carnets personnels du mémorialiste et bibliophile John Evelyn, parus pour la première fois en 1818.

 

Outre les fonctions du journal intime, Isabella souffre d’un mariage malheureux, institution considérée de son point de vue : « arbitraire et inique ».  Lecture et écriture sur soi, contre le desséchement et l’esseulement : K. Summerscale ne manque pas de faire un parallèle avec Madame Bovary. Isabella écrit son journal à la même époque que la parution du roman de Gustave Flaubert.

Durant le procès, journalistes, médecins et spécialistes du royaume seront appelés à témoigner, à partir des écrits d’Isabella, autrement dit à mettre en cause la véracité du journal.  Mais la « défense d’Isabella fut beaucoup plus dégradante que ne l’aurait été un aveu d’adultère. » (p.224) Isabella considère cette lecture non consentie de son journal « comme une agression quasi sexuelle ». Dans une lettre pleine de rage, elle écrit :

« Que des hommes, de parfaits inconnus, nullement autorisés à le faire, se soient crus en droit d’y mettre le nez, de dépouiller et de censurer mes écrits intimes, d’y choisir des passages, avec leurs pattes fouineuses, impudentes, ignobles, cela je ne puis le comprendre. Je n’aurais jamais agi de même, pas plus que je n’aurais eu la bassesse d’espionner leurs prières, les balbutiements de leur sommeil ou les accents de leur délire ; je me serais tenue pour insultée par la simple invite à lire des pages destinées au seul regard de leur rédacteur. » (p.229)

 

« Le journal offre un aperçu de ce que pourrait devenir la société si la vision nouvelle, évolutionniste, du monde venait à s’imposer ».

 

Nathalie Riera, juillet 2013

Les carnets d'eucharis

 

                                    

 

 

 

 

 

p. 214.

 

 

Mr Nightingale décrit son journal comme son « seul réconfort », mais il est devenu un symptôme et même une cause de sa maladie. Lorsqu’il est dérobé et lu par d’autres personnes, il le trahit ; au lieu de l’aider à voir en lui-même, il permet à d’autres de lire en lui ; au lieu de le laver de son péché, il le livre à ceux qui vont le châtier. La passivité de ce journal est une illusion. A la fin de la pièce, Mr Nightingale reçoit ce conseil : « Brûlez ce livre et soyez heureux ! »

 

 

 

***

 

p. 212/213.

 

Diaries (du latin dies) et journals (du français jour) étaient par définition un lieu d’épanchements quotidiens, mais leur apparente immédiateté pouvait être trompeuse. Isabella remplissait souvent le sien un ou plusieurs jours après les évènements qu’elle décrivait. Un journal pouvait n’offrir qu’une approximation du temps véritable, de même qu’il pouvait ne faire que suivre et effleurer les sentiments qu’il cherchait à définir avec précision. Il agissait sur celle qui le tenait, tendant à en intensifier les émotions et à en altérer les perceptions. Jane Carlyle, épouse de l’historien John Carlyle, décrivit ce processus dans le sien à la date du 21 octobre 1855 : « Ton journal, qui ne parle que de sentiments, accuse tout ce qui est artificiel et morbide en toi ; cela, je l’ai vécu. » L’acte de tenir un journal faisait honneur à maintes valeurs de la société victorienne – la confiance en soi, l’autonomie, la capacité de garder des secrets. Poussées trop loin, ces vertus pouvaient toutefois se changer en vices. L’autonomie pouvait se faire déconnexion radicale d’avec la société, ses codes, ses règles et ses contraintes ; le secret pouvait se muer en dissimulation, le contrôle de soi en solipsisme, l’introspection en monomanie. »

 

 

 

  

■ SITES A CONSULTER :

 

Christian Bourgois Editeur

http://www.christianbourgois-editeur.com/fiche-livre.php?Id=1384

 

 

 

09/07/2013

Les Carnets d'Eucharis N°38 - Eté 2013

●●●●●●Poésie/Littérature Photographie

Artsplastiques●●●●●●●●●●●●

En ligne

 

 

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Les carnets d’eucharis n°38

ÉTÉ 2013

COUVERTURE CARNET D'EUCHARIS 38_Eté 2013.jpg

  [BY MYSELF « BOUQUETS DE FLEURS & GRAMINÉES »]

© Nathalie Riera, 2013

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Cliquer ICI

08/07/2013

Nathalie Riera, Paysages d'été - une lecture de Marie-Hélène Prouteau

Paysages d'été_Nathalie RieraPaysages d’été

Juillet 2013 par Marie-Hélène Prouteau

Site : Recours au Poème

 

 

 

Editions Lanskine, 2013

72 pages, 14 euros

http://www.editions-lanskine.fr/livre/paysages-dete

 

 

Ce recueil de Nathalie Riera a quelque chose d’un art de la joie, le mot revient souvent. Lumière du soleil, sèves du sud, galop des chevaux, il y a chez elle une disposition sensuelle à accueillir la beauté du monde qui se trouve exacerbée par ce moment d’acuité singulière de la rencontre amoureuse.

Comment garder l’intensité de ce premier souffle du désir, voilà ce qu’elle dit avec une infinie justesse. Les trois parties du livre dessinent un glissement dans l’espace et dans le temps qui va du bonheur amoureux en train de se vivre au geste d’une femme qui écrit, « près de [lui] dans l’écart » et non dans la fusion. Pas de mièvrerie ici, l’auteure de La parole derrière les verrous n’oublie pas « les tollés du monde ». La chevelure au vent, la jupe qui flotte, la crinière du cheval sont présentes. Autant d’instantanés traversés d’images, celle de l’effleurement en particulier. Au cœur est le sentiment aigu que rien n’est jamais si fulgurant que l’amour lointain, cité en exergue : « elle a pleuré imploré la main absente : c’est étrange de penser que l’amour n’offre pas tout et ainsi préfère-t-elle alors l’amour dans sa fermeté de garder son origine »

Au fil des versets à la syntaxe bousculée et aux associations inédites, l’émotion passe de l’embrasement, soleil, pierres, amour confondus, à la pénombre où s’écrit le roman. Ainsi se joue la liberté d’une voix de femme qui parvient à être elle-même dans l’écriture. Celle de Nathalie Riera se situe dans l’écart, pour reprendre sa formule, porteuse d’une énergie nouvelle et créatrice, à l’image de la revue qu’elle anime, Les Carnets d’Eucharis

 

Paru dans Encres de Loire numéro 64.

 

 

 

 

LIEN 

 

cliquer ICI

 

 

 

 

Lucien Clergue par Claude Darras

portrait lucien clergue par claude darras.jpg

logo pdf.jpg

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29/06/2013

Etienne Faure, La vie bon train

 

 

 

 

Etienne Faure

 

 

 

La vie bon train

(proses de gare)

Etienne Faure

Champ Vallon, 2013

 

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La hiérarchie des bagages est signée en pleine peau d’une marque ostensible ou en tissu écossais doublé de caoutchouc, en plastique dur – aspect métal – ou en imitation du cuir bleu ciel usé aux angles. Du skaï. D’autres viatiques en polyester ou carton font l’affaire, et aussi en bois pour ranger l’instrument. Derrière ces matériaux nobles ou imités, les balluchons ont encore droit de cité sur de petits trajets, rappelant les voyages plus lointains noués aux quatre coins du globe. A dos d’homme elles circulent, ces besaces qui se ressemblent, d’où le tissu provienne : la technique des tissages est souvent la même à des milliers de kilomètres de distance, à des centaines de jours à pied, des heures à vol d’oiseau ou par bateau – des siècles de décalage à dos de femme. Bouclée d’un ceinturon de père de famille, une valise avachie resurgit parfois, suivi de près par le magique sac en plastique, bagage léger, imperméable et adapté aux formes les plus folles. (Et puis d’autres, à jamais, ont bourré leurs poches et leurs revers de vestes en inconditionnels du tout portatif.)

           

 

-------------------------    (p.19)

 

 

Et puis soudain les arbres transparents tout l’hiver – on voyait à travers – réapparaissent autour de l’enceinte avec des bourgeons. La verdure fait écran. A quel signal les oiseaux au printemps se mettent-ils à chanter dès l’aube quand la gare ne bouge pas d’un train ? Avec des filtres et des mégots, ils ont bâti leur nid dans l’espace sans soleil au-dessus des quais. Les voies délaissées débordent en verdeur chronique, accaparant le fer et les remblais. « Rendue à la nature » est exagéré, mais le fait est qu’après chaque ondée la traverse en est recouverte. Les plantes à contre-voie ont repoussé. Comme autrefois envolés des jardins, les émissaires sont venus germer le long des rails. Des cruciféracées aux oreilles vertes qui la nuit faisaient le bonheur des lapins dans la gare, presque une garenne, où divaguaient les chiens. Mais c’était bien avant. Les petits potagers ont pris le large depuis belle lurette et avec eux tous les rongeurs végétariens. D’où viennent alors ces graines, ces spores, ces akènes ? On dirait des amis que vent emporte.

           

 

-------------------------    (p.39)

 

 

 

Etienne Faureest né en 1960. Il vit et travaille à Paris.

Il a publié dans les revues NRF, Conférence, Théodore Balmoral, Rehauts, Europe, Le Mâche-Laurier, Pleine Marge, Contre-allées. http://www.m-e-l.fr/etienne-faure,ec,832

 

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la vie bon train.png

 

 

 

 

 

 

 

SITES À CONSULTER

 

Champ Vallon

Terres de Femmes

Poezibao

Thibault Marthouret, En perte impure

 

 

 

EnperteimpureThibault.jpg

 

Illustrations :

Laure Chapalain

12 X 15 cms
74 pages
10 €
ISBN 978-2-9543831-1-8

 

 

Thibault Marthouret

 

 

 

 

■ LIEN : http://lecitrongareeditions.blogspot.fr/

 

 

 

 

aveuglant retour

 

Violence de la lumière revenue après tant de silence.

 

Paupières, pétales,

            les enveloppes  se scindent,

            les filaments gluants

s’étirent, s’étiolent –

la vie s’extirpe de la saison morte.

 

Les lèvres s’ouvrent aussi.

            Elles laissent passer des sons informes

            qui se prennent dans les fils de sève,

            cordes molles,

            variations de gorges réveillées.

 

En haut, la clarté des chants,

            trilles, pépiements,

            voûte d’échanges tenus de branche

            en branche ;

à terre, rien n’est achevé :

 

            des monticules s’érigent,

            des mues en loques pendent des pierres,

les appétits de vie cisaillent la forêt,

            l’écaille qui voilait l’œil se décolle.

 

C’est là que l’éclat blesse –

l’alentour blanc,

l’absence.

           

 

-------------------------    (p.34/35)

 

 

 

En perte impure

Thibault Marthouret

Le Citron Gare Editions, 2013

http://lecitrongareeditions.blogspot.fr/

 

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Thibault Marthouret est né en 1981. Après des études d’anglais à l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand et un mémoire de DEA consacré à l’œuvre poétique de Sylvia Plath, il est aujourd’hui professeur agrégé à l’Université. Sa poésie a été accueillie dans une vingtaine de revues. Lauréat en 2009 de la bourse André Rochedy accordée par Cheyne éditeur, il contribue en 2010 à la série Codicilles de la plasticienne eOle. Il travaille actuellement à l’élaboration d’un ouvrage hybride, A quelle peau s’avouer, avec le compositeur Tana Barbier et l’artiste franco-mexicaine Lisa Gervassi, ainsi qu’à un projet de livre en collaboration avec la photographe Magali Lambert autour de son œuvre et, plus particulièrement, de sa collection Eres una maravilla / Tu es une merveille créée à la Casa Velázquez.

 

14/06/2013

Paul Blackburn

 

PAUL BLACKBURN

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© Poésie Poetry

 paul blackburn.jpg

 

 

 

©SOURCE PHOTO | INTERNET | Paul Blackburn (1926-1971)

 

EXTRAITS

Villes suivi de Journaux

 

Traduction de l’anglais (Etats-Unis) par Stéphane Bouquet

■ Sur le site Les Carnets d’Eucharis

http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com/paul-blackburn/

 

 


                                    

 

 

P. BLACKBURN, Villes suivi de Journaux

Editions José Corti, 2011

(traduit par Stéphane Bouquet)

         

                               

 

(FLEXIONS)

 

 

 

**

 

les fleuves de l’après-midi

coulant autour de toi quand tu

bouges             t’arrêtes et après

debout dans ma salle de bains

nue parmi les jeunes plantes

dans la lumière verte et que tu chantes

doucement pour toi-même

                                                

 

-------------------------  (p. 137)

 

 

(A FAIRE, SE REVEILLER)

 

 

 

**

 

 

Quelqu’un ici

te respire

à 5 h du matin dans la lumière jaune

Eté.

Et je te respire, les endroits

où nos corps se touchent sont chauds,

 

 

j’entends la mélodie légère ton souffle

en silence, ma tête

                        et mes épaules se déplacent dans l’aube pour saisir

                                         les différents angles d’un peu de visage

et de chair endormis

quand ils inspirent

près de moi.

 

J’inspire, je

te respire

ici près de moi

dans la lumière jaune, je capture

différents angles de ton visage et de tes seins, tes

hanches saillantes

et soyeuses sous le ventre doux, ton

visage est différent chaque

fois que je bouge, l’angle de ta hanche, la rondeur des

 

seins    .           A Guadalajara, 55

kilomètres de Madrid

                                   disent

                                               toutes les affiches, je

me soulève sur un coude, dégringole, et

pose ma tête entre tes jambes pour

te goûter, la

dernière chose

qui reste    .

                                                

 

-------------------------  (p. 157)

 

 

(JOURNAL : JUIN 1971)

 

 

 

**

 

 

L’épicéa de l’autre côté de la fenêtre

            de la chambre bourdonne de guêpes

                        et d’abeilles cette année encore  .   La

mangeoire des oiseaux cloués un peu plus bas de l’autre côté de

            l’arbre

            assez haute pour les oiseaux, assez basse pour que je puisse la remplir

            sans monter sur quelque chose   .     Hier,

Joan vit deux cardinaux de tout près  .   Un couple

: rouge brillant du mâle, rouge chamois

            de madame  .  sont restés toute la matinée

                        à chanter  .  ça lui fit si plaisir  .

 

13  .  VI  .  71

                                                

 

-------------------------  (p. 208)

 

 

 

 

**

 

 

O M B R E    d’un grand oiseau

                                                                       qui flotte

plus bas sur la moitié ensoleillée de la route

                        court d’est en ouest     .     Nous

ici, sous l’abri des arbres, au

                                   sud de la rue

on attend que le lézard vienne,

que le chat se pointe à la fenêtre du toit

                                               miaulant pour entrer   .

 

Nous sommes des animaux affamés rodant sur cette route.

 

Je me demande, TOUT CELA EST-IL DE L’AMOUR ?

 

Nous sommes allongés ici dans l’ombre de l’après-midi

            l’ombre des couvertures       a glissé    .

 

Amour & faim    .    L’oiseau

 

            le lézard, le chat,

 

                        nous-mêmes   .    Les ombres de la couronne

                                                                       des arbres

 

balaient la moitié de la rue, sur

la chaussée et le caniveau.   plus bas.

 

Ombre d’une feuille.

 

22  .  VI  .  71

                                                

 

-------------------------  (p. 216)

 

 

(A  B  C  DAIRE)

 

 

 

**

 

 

Avant les hommes

étaient des dieux, les animaux

étaient eux-mêmes, aucun

sens de l’immortalité pour

ainsi dire.          Comment

                        vivre les uns avec les autres

                        au fond, n’alla jamais

                        sans problème  .  Le

 

dieu à tête de chacal, le

lion à tête de femme, les

gorgones étaient les protectrices des hommes durant

                                   ce long voyage  .  Nous

portons le M O T           avec nous.

Viens maintenant, lis : un nouveau

                        monde est en train d’arriver

 

25  .  VI  .  71

                                                

 

-------------------------  (p. 218)

 

                                                

 

 

 

 

 

 

 

 

JOSÉ CORTI

ÉDITIONS

2011

 

 

 

 

 

AUTRES SITES A CONSULTER

EPC :  http://epc.buffalo.edu/authors/blackburn/

TERRES DE FEMMES :  http://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2011/11/paul-blackburn-villes-suivi-de-journaux.html

MODERN AMERICAN POETRY :  http://www.english.illinois.edu/maps/poets/a_f/blackburn/about.htm

EDITIONS JOSE CORTI :  http://www.jose-corti.fr/titresetrangers/Villes_journal_Blackburn.html

 

 

 

 

Elizabeth Bishop

 

ELIZABETH BISHOP

 ---------------------------------

©Poésie Poetry

bishop young.jpg

  

©SOURCE PHOTO | INTERNET | Elizabeth Bishop (1911-1979)

 

EXTRAIT

Nord & Sud

 

Traduction de l’anglais (Etats-Unis) de Claire Malroux

 

 

■ Sur le site Les Carnets d’Eucharis

http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com/elisabeth-bishop/

 

 

 

 

 


                                    

 

 

Elizabeth Bishop, Nord & Sud

Editions Circé, 1996 (pour la traduction française)

1983 by Alice Helen Methfessel

         

                               

 

 

(FLORIDE)

 

 

 

 

**

 

L’Etat au nom le plus charmant,

l’Etat flottant dans l’eau saumâtre,

cimenté par les racines de la mangrove

qui vivantes, portent des huitres en grappes

et mortes, jonchent de squelettes les marais blancs ;

parsemé, comme en un bombardement, de verts mamelons

pareils à d’antiques obus où germe l’herbe.

L’Etat peuplé de longs oiseaux en forme de S, bleus et blancs,

et d’invisibles oiseaux hystériques montant chaque fois la gamme

précipitamment dans un accès de colère.

Tangaras gênés de leur apparence criarde,

pélicans ravis de faire les clowns,

qui s’amusent à longer la côte sur les forts courants,

louvoient entre les îles de la mangrove

et sèchent sur les bancs de sable leurs ailes d’or humides

par les soirs ensoleillés.

D’énormes tortues, douces et désarmées, meurent,

laissent sur les grèves leurs carapaces incrustées de bernacles

et leurs gros crânes blancs aux orbites rondes

deux fois plus grandes que celles d’un homme.

Les palmiers claquent dans la forte brise

 

comme les becs des pélicans. La pluie tropicale vient

raviver les colliers de coquillages décolorés :

larmes de Job, alphabet chinois, la rare Junonia,

peignes bariolés et oreilles de dames,

disposés comme sur une natte grise de calicot pourri

la jupe de la princesse Peau-rouge ensevelie ;

tout le littoral affaissé, monotone, interminable,

en est délicatement orné.

 

Trente urubus au moins descendent lentement, lentement,

vers un cadavre repéré dans le marécage,

en cercles pareils à des flocons de sédiment agités

s’enfonçant dans l’eau

La fumée des feux de bois filtre de fins solvants bleus.

Sur les souches et les arbres morts, le bois calciné est du velours noir.

Les moustiques

vont en chasse au son de leurs féroces pizzicati.

La nuit tombée, les lucioles dessinent au sol la carte du ciel

jusqu’au lever de la lune.

D’un blanc froid, mat, elle brille en une trame lâche

et cet Etat putride, négligent, n’est que points noirs

trop espacés, et laides blancheurs : sa plus médiocre

carte postale.

La nuit tombée, les étangs semblent s’être enfuis.

L’alligator, qui possède cinq cris distincts :

amitié, amour, accouplement, guerre et menace –

geint et parle dans la gorge

de la princesse Peau-rouge.                                         

 

-------------------------  (p. 70/73)

 

 

(FLORIDA)

 

 

 

 

**

 

The state with the prettiest name,

the state that floats in brackish water,

held together by mangrove roots

that bear while living oysters in clusters,

and when dead strew white swamps with skeletons,

dotted as if bombarded, with green hummocks

like ancient cannon-balls sprouting grass.

The state full of long S-shaped birds, blue and white,

and unseen hysterical birds who rush up the scale

every time in a tantrum.

Tanagers embarrassed by their flashiness,

and pelicans whose delight it is to clown;

who coast for fun on the strong tidal currents

in and out among the mangrove islands

 

and stand on the sand-bars drying their damp gold wings

on sun-lit evenings.

Enormous turtles, helpless and mild,

die and leave their barnacled shells on the beaches,

and their large white skulls with round eye-sockets

twice the size of a man’s.

the palm trees clatter in the stiff breeze

like the bills of the pelicans. The tropical rain comes down

to freshen the tide-looped strings of fading shells :

Job’s Tear, the Chinese Alphabet, the scarce Junonia,

parti-colored pectins and Ladies’ Ears,

arranged as on a gray rag of rotted calico,

the buried Indian Princess’s skirt;

with these the monotonous, endless, sagging coast-line

is delicately ornamented.

 

Thirty or more buzzards are drifting down, down, down,

over something they have spotted in the swamp,

in circles like stirred-up flakes of sediment

sinking through water.

Smoke from woods-fires filters fine blue solvents.

On stumps and dead trees the charring is like black velvet.

The mosquitoes

go hunting to the tune of their ferocious obbligatos.

After dark, the fireflies map the heavens in the marsh

until the moon rises.

Cold white, not bright, the moonlight is coarse-meshed,

and the careless, corrupt state is all black specks

too far apart, and ugly whites; the poorest

post-card of itself.

After dark, the pools seem to have slipped away.

The alligator, who has five distinct calls :

friendliness, love, mating, war, and a warning –

whimpers and speaks in the throat

of the Indian Princess.

                                                

 

-------------------------  (p. 70/73)

 

 

 

 

 

CIRCÉ ÉDITIONS

1996

 

05/06/2013

Nathalie Riera - Marché de la Poésie - Samedi 8 juin 2013

MARCHE DE LA POESIE_8 juin 2013.jpg

 

 

Une lecture de Richard Skryzak

CLIQUER ICI

 

 

Nathalie Riera

« Paysages d’été »

Editions Lanskine, 2013

 

 

Extraits de Paysages d’été

 

SITES :  

LITTERATURE DE PARTOUT  

& 

TERRES DE FEMMES

 

 

 

 

 

 

EDITIONS LANSKINE

SITE - http://www.editions-lanskine.fr/

 

01/06/2013

Nathalie Riera, "Paysages d'été, Ed. Lanskine, 2013 - Une lecture de Richard Skryzak

 

NATHALIE RIERA

Paysages d’été

 (Editions Lanskine, 2013)

 

 

EDITIONS LANSKINE

SITE - http://www.editions-lanskine.fr/

 

 

 JUILLET 2012 012.JPG 

 

© Nathalie Riera – Autoportrait, 2012

 

 

 

 

 

UNE LECTURE DE 

Richard Skryzak

__________________________________________________________________________________________

 

   Il y a finalement peu de vrais cris dans la littérature contemporaine. Celui que Nathalie Riera fait entendre avec Paysages d’été résonne haut et fort, entre chant d’amour et incantation du désir.

   Ce roman en forme de flux saisit d’emblée le lecteur dans un vertige poétique dont il a peu de chance de sortir indemne. Véritable manifeste de la sensualité, il souligne l’engagement de l’auteur pour une littérature qui de nos jours fait figure de résistance. Pour cela, Nathalie Riera construit un idiolecte, basé sur une écriture fluide, multiple, kaléidoscopique, où s’imbriquent les niveaux de perceptions, de sensations et de narrations ; jaillissement du sens, fêtes des sens,  jouissances. Il ne s’agit plus ici de raconter de façon calme et linéaire, mais de pénétrer par les mots la matière même des êtres. De saisir le tremblement des corps,  l’électricité des affects, le fourmillement énergétique à l’œuvre à la fois dans les émotions et l’acte d’écrire. Quelque chose comme l’insoutenable instabilité des particules. On pense ici  aux qualités de l’image électronique et à l’art vidéographique dont le fondateur Nam June Paik disait : « Nous aimerions avoir trois vies. Une vie pour créer. Une vie  pour vivre et aimer - c’est la même chose. Une vie pour étudier, chercher. Mais nous n’en avons qu’une. Alors nous alternons comme dans un montage vidéo. » Il s’agit ainsi d’apprendre de l’écriture ce qu’est la vie et réciproquement.

    A la musicalité du style, Nathalie Riera ajoute la picturalité. Présente dès le titre Paysages d’été qui évoque Poussin ou Renoir, elle imprègne le texte dans le mélange des chairs, la chatoyance des tissus, tout ce jeu subtil des sentiments et des couleurs, des atmosphères et des intensités qui rappellent tant  le 18ème siècle des Watteau, Boucher ou Fragonard.  Bonnard n’est pas loin. Le déjeuner sur l’herbe de Manet non plus.  Mais c’est dans l’écriture même que la peinture agit. Dans le rendu cubiste de l’emboîtement des corps. Dans le phrasé impressionniste des fragments et des vibrations. Dans l’approche expressionniste des pulsions et des fantasmes. «  Où commence l’écriture ? Où commence la peinture ? » se demande Roland Barthes dans L’empire des signes.  

   L’une des qualités de l’auteur, presque introuvable aujourd’hui, est d’aborder l’érotisme sans jamais être vulgaire, l’autobiographie sans sombrer dans le narcissisme. La richesse de son écriture vient sans aucun doute de là, de cette tension, de ce savant dosage entre la retenue et l’écart, entre la délicatesse et la violence des passions. Le récit n’est plus procédé d’énonciation, mais d’Annonciation : « Je ne suis plus visitée »  dit-elle comme a du dire Marie à l’Ange Gabriel.

   Monet voulait peindre comme l’oiseau chante. Nathalie Riera, elle, écrit comme le cheval galope - métaphore assumée et récurrente - bondissant d’une ligne à l’autre, ne laissant aucune prise aux obstacles ni aux ponctuations. Il y a urgence et elle le sait. Impatiente dans une époque où  barbarie et  bêtise gagnent chaque jour du terrain,  elle sème sur ce qui reste des livres ses odes et ses épiphanies.

   L’écrivain inscrit sa démarche dans une généalogie littéraire et cinématographique (Sarraute, Casares, Resnais) qui n’a que faire des modes et des stratégies esthétiques. Seul importe ce qui pousse à créer. Et rien d’autre. Sinon continuer. Car ce qui se joue ici, c’est l’acte poétique comme geste de survie. Se souvenir de ce qui sera. Quand la promesse des mots se métamorphose en Beauté, que nulle définition ne peut atteindre. Quand le désir d’écriture redevient tout simplement l’écriture du Désir.

 

 

 

Les Carnets d’Eucharis © Richard Skryzak

 

 

                               

 

 

 

 

 

 

 

Extraits de Paysages d’été

 

SITES :

LITTERATURE DE PARTOUT

&

TERRES DE FEMMES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

***

 

 

Nathalie Riera vit en Provence. Elle est l'auteur notamment d’un essai sur la contribution positive du théâtre et de la poésie dans l’espace carcéral : La parole derrière les verrous (éditions de l'Amandier, 2007), de livres de poésie : ClairVision (Publie net, 2009), Puisque Beauté il y a (Lanskine, 2010), Feeling is first/Senso é primo (Galerie Le Réalgar, 2011 – Collection "1 et 1" : un artiste et un écrivain – sur les peintures de Marie Hercberg), puis récemment aux éditions du Petit Pois : Variations d'herbes (collection Prime Abord, 2012). Elle dirige par ailleurs la revue numérique Les Carnets d'Eucharis depuis 2008 (37 numéros), et publie régulièrement en revue (Diptyque, The Black Herald…). Vient de paraître aux Editions Lanskine : Paysages d’été (2013). Création et lancement en février 2013 de la revue-papier Les Carnets d’Eucharis, Année 2013 (Hommage à Susan Sontag). (Source : http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com)

 

 

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■ SITE A CONSULTER :

 

Les Editions Lanskine

 http://www.editions-lanskine.fr/livre/paysages-dete

Cole Swensen, Le nôtre (Ed. José Corti, 2013) par Tristan Hordé

Une lecture de

Tristan Hordé

 

 

 

Cole Swensen

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Cole Swensen © Photo : Carl Sokolow

Source : https://jacket2.org/podcasts/where-real-exceeds-ideal-poemtalk-52

 

 

 

Le nôtre

Editions Corti, 2013

Traduit de l'américain par Maïtryi et Nicolas Pesquès

 

 

 

   Après L'Âge de verre en 2010 et Si riche heure en 2007, Maïtryi et Nicolas Pesquès proposent la traduction d'un troisième ensemble de Cole Swensen sur la "matière" française. Le plus ancien prenait pour prétexte Les très riches heures du duc de Berry, livre d'heures achevé à la fin du XIVe siècle, et le second livre s'attachait aux tableaux de Pierre Bonnard ; Le nôtre — jeu sur le nom pour le titre en anglais Ours — est construit à partir de la création par André Le Nôtre de nombreux jardins au XVIIe siècle. Le livre s'apparente à un livre d'histoire, avec ses divisions ("Histoire", "Principes", "Vaux-le-Vicomte", etc.) ; on suivrait donc l'invention du jardin à la française avec d'abord la création de Vaux-le-Vicomte en 1666 — « les femmes jaillissaient des carrosses, en plumes d'autruche et en rivalités / chatoiements / inclinaisons » — qui entraîna la disgrâce du surintendant Fouquet. Il y aurait ensuite Versailles, sommet de l'art de Le Nôtre, mais aussi Saint-Cloud, Chantilly, Les Tuileries, Saint-Germain-en-Laye, d'autres encore. À côté de la figure de Louis XIV, d'autres personnages apparaissent, comme Charles Le Brun, et, en remontant le temps, Marie de Médicis, Colbert. Ajoutons, quand sont évoquées les orangeries construites au XVIIe siècle, des réflexions sur l'évolution générale des sociétés (« L'histoire des fruits exotiques est parallèle à celle de l'ascension des classes moyennes »).

   Cependant, même si les faits rapportés sont exacts, ils ne constituent qu'un matériau et, très rapidement, ce n'est pas la partie historique, volontairement lacunaire, qui retient le lecteur : il s'aperçoit que dans Le nôtre le temps est comme déréglé,  qu'il y a glissement dans une phrase d'une époque à une autre. Tout se passe comme si, ouvrant une porte, un personnage traversait les siècles ; ainsi pour Marie de Médicis au Palais du Luxembourg :

                        Sortant au premier jour de l'été 2007, Marie

                        voit des centaines de gens jouer sur les pelouses et dans les allées

                        qui ont été entièrement redessinées, et les chaises métalliques vertes,

                        leur bruit particulier quand on les traîne sur le gravier [...]

   Marie hurle, sans que les gens se soucient d'elle — mais s'agit-il bien de Marie de Médicis, puisque « [c]hacun a un geste ou une expression qui le montre hors du temps » ? Et pourquoi ne pas croire ces deux anglaises qui, au début du XXe siècle, s'égarant dans les allées des jardins de Versailles, se retrouvèrent vivre pendant quelques moments au lendemain de la Révolution de 1789 ?

   L'art du jardin consisterait à reconstruire le monde, ou peut-être même à le contenir : le jardinier doit parvenir à « ouvrir l'espace » pour que le jardin n'ait plus de limite et procure une « illusion d'infini ». L'espace est totalement transformé, de manière bien plus vive que « peint sur une tasse de porcelaine » : on reconnaîtra toujours la tasse pour ce qu'elle est, alors que le jardin de Le Nôtre avec ses multiples allées, pièces d'eau, bosquets, plans lointains, est un monde en lui-même ; les sous-titres le suggèrent, "Un jardin est un visage", "une marée", "une approche infinie", etc, c'est-à-dire « tout un jeu / dans lequel les pièces s'ajustent ».

   Les temps et les espaces se mêlent, et s'engouffrent dans la fiction d'autres jardins éloignés du jardin à la française, ceux vus par Montaigne en Italie et celui lié, après la Passion, à la mort et à la renaissance — qui pourraient définir le jardin —, quand une autre Marie s'approche du jardinier :

                       

                        On nous avait promis

                                               et Marie tend les bras au jardinier

                        que par l'humilité du toucher

                                               qui recule d'un pas

           

   Cole Swensen parle d'anamorphose, et le mot rend compte des jeux d'illusion qu'elle propose, y compris dans le poème titré "Paradis" : l'homme et le jardin n'existeraient pas l'un sans l'autre et ils disparaîtraient sitôt séparés, mais leur liaison ne serait-elle pas aussi une perte de soi, ce que suggèrent les derniers vers : « On appelait oubliettes les premiers jardins publics de l'histoire. Sitôt entré, on ne vous distinguait plus des animaux ».

   Ce ne sont pas seulement les repères spatio-temporels qui, ici et là, sont atteints et mis à mal. Le dessin que forme souvent le poème sur la page s'éloigne de l'image toute faite du jardin à la française transparent, sans mystère : les vers peuvent être alignés en milieu de page, les blancs tronçonnent la syntaxe, les enjambements désarticulent le vers, la phrase qui s'est développée, reste inachevée, seul le début d'un nom est écrit, des phrases s'interpénètrent, "nous" renvoie aussi bien à des contemporains de Le Nôtre qu'à des personnages du XXIe siècle, etc. On suit dans le livre la confusion des temps et des espaces, le passage parfois inattendu d'une réalité reconstruite à  un monde imaginé, le jeu du continu et du discontinu, on reconnaît le passé comme énigme autant que le présent... Le dernier poème a pour titre "Garder la trace de la distance" : si le lecteur y consent, il prendra au mot ce que proposent les deux derniers vers : « Tu pourrais revenir / le long d'une voie inconnue. »

 

   Il faudrait s'attarder sur les réflexions croisées de Nicolas Pesquès et de Cole Swensen à propos de ce qu'est traduire, ce serait un autre article — je retiens de l'auteur : « Si écrire, c'est présager sa propre mort, et dépasser l'horizon de cette limite, alors traduire c'est entrer dans la mort d'un autre, et devenir deux fois étranger. »

 

© Tristan Hordé

LES CARNETS D’EUCHARIS N°37, 2013

 

JOSE CORTI : http://www.jose-corti.fr/titresetrangers/le_notre_cole_swensen.html

 

 

 

 

 

 

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Entretien avec Marc Quaghebeur réalisé par Marie Etienne

[Entretien]

Marc Quaghebeur

Les Grands Masques – Editions Renaissance du Livre

Waterloo, Belgique

Collection « Le grand miroir », 2O12

 

 

 

 

 

UN PROJET ORIGINAL et ambitieux

Entretien avec Marc Quaghebeur

réalisé par Marie Etienne

 

        

 

 

A l’occasion de la parution de son roman Les Grands Masques (Editions Renaissance du livre, Waterloo, Belgique), j’ai eu le désir d’un entretien avec Marc Quaghebeur. Un poète n’écrit pas de la prose et surtout de la prose romanesque comme un romancier. Il éprouve le besoin de condenser ses propos, d’éliminer ce qui lui paraît inutile. Ce qui donne, dans le cas de ce livre-là une forme tout à fait originale. Voyons rapidement en quoi elle consiste, avant de donner la parole à l’auteur. Le roman, malgré les coupes sévères dont il fut l’objet au moment de son élaboration, comporte tout de même quelques 300 pages. C’est qu’il met en scène une cinquantaine de personnages, qui évoluent et se rencontrent dans un grand nombre de lieux. Pour brosser un portrait de chacun d’eux, indiquer les liens qui les unissent (ou les désunissent), l’auteur a imaginé de les présenter rapidement en fin de volume. Il faut donc se reporter à ces biographies pour savoir qui ils sont. Reste l’essentiel, c’est-à-dire certains évènements croqués comme de courtes nouvelles, et des dialogues, souvent elliptiques, toujours nerveux, portés par une érudition et une connaissance peu communes de l’art, de la peinture et de la politique, à quoi s’ajoute une réflexion de moraliste sensible mais dénué de complaisance sur le mal qui taraude et qui ronge notre monde.

 

 

 

Marie Etienne. Vous occupez depuis 1980 le poste éminent de Directeur des Archives et Musée de la Littérature à Bruxelles. Comment conciliez-vous cette charge écrasante avec votre travail littéraire ?

 

Marc Quaghebeur. En un sens, ce sont deux mondes séparés, mais sauf à être schizophrène, ils ne sont pas complètement étanches. La vie de voyageur qui est la mienne a nourri la description ou l’évocation des nombreuses villes ou pays d’Europe, d’Afrique ou d’Amérique, entre lesquels circulent mes personnages. D’autre part, l’usage d’archives dans le récit provient certainement de mon métier,  et tout autant de la passion de l’archive qui était celle de mon père. Mon travail contraignant a, en revanche, pesé sur le tempo de la genèse du roman, écrit essentiellement en juillet et août.

 

M. E. Vous êtes par ailleurs l’auteur de nombreux essais  et vous dirigez les collections “Archives du futur” et “Documents pour l’histoire des francophonies”. Je suppose que ce volet de votre activité a nourri votre roman ?

 

M. Q. La hantise de l’Histoire, repérable dans toute mon activité critique, se retrouve dans la matière et dans le questionnement des Grands Masques, une sorte de roman du XXe siècle. L’ancrage et l’engagement dans son siècle du personnage central du roman, le peintre et résistant Ernest De Cormois, procèdent de la même conviction mais l’actualisent tout autrement que dans des écrits consacrés à la littérature d’autrui.

 

M. E. Vous avez publié des recueils de poésie qui constituent le Cycle de la Morte (1) et des proses proches de la poésie (2). Pourquoi ce passage récent au roman ?

 

M.Q. L’écriture des Grands Masques ne signifie pas que je n’écris plus de poésie ou de textes brefs ; simplement la prose romanesque s’est imposée à moi en 2004. Les Grands Masques engrangent les mutations de mes trois livres importants qui les précèdent. Les proses méditatives des Carmes du Saulchoir (2) tournaient autour du visage, de l’art et de la mort, avec en arrière-fond, Tournai, ville détruite par les nazis.

La Nuit de Yusteest faite de trois récits brefs d’un très vieil homme, l’empereur Charles-Quint, qui rebrasse et finit par expliciter sa vie à travers la peinture du Titien. Et, le personnage central de mon roman, Ernest De Cormois, est un peintre qui meurt lui aussi très âgé, qui synthétise dans sa peinture les affres et les espérances du siècle. La diffractation des « petites proses » que sont mes Clairs obscurs se retrouve dans la forme des Grands Masques mais avec un liant, le narratif. Les tableautins de Clairs obscurs ne le permettaient pas.

 

M. E. Pouvez-nous nous parler du sujet de votre livre ?

 

M. Q. Le récit brasse les grands constituants du XXe siècle (nazisme et shoah ; guerre mondiale et décolonisation ; capitalisme et social-démocratie, etc.) mais ne les laisse entrevoir qu’à travers les choix des personnages, les événements qui les ont marqués et l’entrecroisement de leurs destins. Il constitue une forme d’enquête, menée parallèlement par Suzanne Andrieux et Paul de Cormois. Si elle y trouve la matière de son roman, lui découvre le chef-d’œuvre inconnu de son oncle : Les Juifs de Vienne.

L’intrication profonde entre Art et Histoire noue cette fiction. La peinture y occupe une place centrale, mais en abîme. Elle a constitué pour De Cormois la réponse concrète à l’impensable et au Mal absolu sans l’amener jamais à autonomiser l’Art pour autant. S’ils comportent des aspects de roman familial, de roman historique, de roman policier, de roman épistolaire ou de roman d’amour, voire de récit initiatique, Les Grands Masques ne correspondent à aucun de ces genres, qu’ils emmêlent. Il s’agit en effet de restituer, par bribes, traces et trous, en dehors de toute linéarité, un siècle, et des vies à travers lui.

 

M. E. Compte tenu de la variété et de l’importance des sujets brassés, votre roman est relativement court. Ce qui, à notre avis, tient à la forme que vous avez adoptée. Pouvez-vous nous en parler ?

 

M. Q. J’ai fini par choisir la condensation, réduit de moitié le roman initial mais doublé le nombre de chapitres. J’étais toutefois allé trop loin dans l’élagage. Je me suis remis à l’ouvrage, j’ai recréé des liens, facilité certains aspects de la lecture, et abouti à une forme baroque avec une écriture janséniste.

C’est la parole vivante plus que l’extradiégétique qui accouche des morceaux du puzzle, et permet de reconstituer les destins essentiels du livre dont celui de De Cormois, lequel n’intervient jamais dans le récit. Ses tableaux, que j’ai inventés, donnent un liant secret à cet ensemble, patchworkisé mais recomposable en partie par le lecteur. Une forme donc, où la modernité et l’historique, l’individuel et ce qui le mine ou le dépasse vont de pair – ce que préparaient peut-être mes poèmes mais qu’ils n’étaient pas capables d’atteindre.

 

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Quelques titres de recueils poétiques  et de proses

(1) À la Morte,  Montpellier, Fata Morgana, 1990. Oiseaux, Bruxelles, Jacques Antoine éd, 1988. L'Outrage,  Montpellier, Fata Morgana, 1987. Chiennelures,  Montpellier, Fata Morgana, 1983. L’Herbe seule, Lausanne, L’âge d'homme, 1979.

(2) Clairs obscurs, Cognac, Le Temps qu'il fait, 2006. La Nuit de Yuste,  Bruxelles, Le Cormier, 1999. Les Carmes du Saulchoir, Toulouse,  L'Ether vague, 1993.

 

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Note biographique

Né à Tournai en 1947, Docteur en Philosophie et Lettres, critique doublé d’un écrivain, Marc Quaghebeur dirige depuis 1980 les Archives & Musée de la Littérature à Bruxelles. Ses travaux qui ont trait aux rapports entre langue, esthétique et histoire concernent essentiellement les lettres belges et les littératures francophones – et cela, tant au plan de ses recherches que des collections qu’il dirige, « Archives du futur » et « Documents pour l’histoire des Francophonies », notamment. Auteur de nombreux essais, de plusieurs recueils poétiques, puis de proses marquées par le resserrement poétique, il publie son premier roman Les Grands Masques (La Renaissance du Livre, Waterloo, Belgique, 2012) qui met en abyme un peintre immergé dans l’histoire du xxe siècle.

 

Les Carnets d’Eucharis N°37 (Printemps 2013) © Marie Etienne

 

 

 

 

 

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23/05/2013

Les Carnets d'eucharis N°37 - Printemps 2013

●●●●●●Poésie/Littérature Photographie

Artsplastiques●●●●●●●●●●●●

En ligne

 

 

 

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Les carnets d’eucharis n°37

PRINTEMPS 2013

Les Carnets d'eucharis N°37_PRINTEMPS 2013.jpg 

 [Tracteur « Fordson » au Mas des Oliviers] © Nathalie Riera, 2013

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Les Carnets d'eucharis n°37_Printemps 2013.pdf

 

 

 

25/04/2013

Jean-Christophe Bailly - le parti pris des animaux - Christian Bourgois Editeur, 2013

 

 

 

 

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Illustration de couverture :

Gilles Aillaud, Mangouste

Planche extraite du tome I de l’Encyclopédie de tous les animaux,

y compris les minéraux

Franck Bordas Editeur

 

 

Jean-Christophe Bailly

Ecrivain, Poète, Philosophe

(Né à Paris en 1949)

 

 

 

 

■ LIEN :http://www.christianbourgois-editeur.com/fiche-livre.php?Id=1387

 

 

 

[…]

 

            Vivre en effet, c’est pour chaque animal traverser le visible en s’y cachant : des animaux, la plupart du temps, on ne voit qu’un sillage et l’espace de nos rencontres avec eux, lorsqu’ils sont sauvages, est toujours celui de la surprise et de la déception. Ils surgissent, ils sont dans l’ordre du surgi, mais rarement pour qu’à partir de là un déploiement soit rendu possible et s’enclenche. L’affect de la rencontre avec eux reste lié aux régimes de l’irruption, du suspens bref et de la fuite. Au caché, d’où ils viennent, ils retournent, et souvent le plus vite possible, avec une incroyable et élégante dextérité. Avant même que la chasse ne s’informe des modes infiniment variés et des vitesses de cette dissimulation, il semble que la véridicité du monde animal ait eu à s’établir, pour elle-même, sur ce fond glissant de fuites et de refuges : les territoires, qu’on peut définir comme des surfaces arpentées et, donc, comme des surfaces où chaque animal s’expose, peuvent en même temps être considérés comme des réseaux de cachettes et comme l’espace même de la dissimulation. Un territoire, c’est une aire où se poser, où chasser, où errer, où guetter – mais c’est aussi et peut-être premièrement une aire où l’on sait où et comment se cacher. C’est ce qui est si intensément et si scrupuleusement décrit dans Le terrier de Kafka.

Ne plus avoir la possibilité de se cacher, être soumis sans rémission à un régime de visibilité intégrale, c’est à cela que le zoo condamne les animaux qui y sont enfermés. La cage est le contraire absolu du territoire non seulement parce qu’elle ne comporte aucune possibilité de fuite et d’évasion, mais d’abord parce qu’elle interdit le libre passage de la visibilité à l’invisibilité, qui est comme la respiration même du vivant.

           

 

-------------------------    (p.26/27)

 

[…]

 

            Etre bœuf ? Etre loup, thon, hanneton, buse, raton-laveur, chauve-souris… Mais comment faire ? Et par quels chemins passer, et pourquoi ? Et pourquoi non ? Essayer d’être (de suivre) chaque animal, d’aller se lover dans l’ailleurs d’où leur forme nous parvient, c’est-à-dire par exemple être très lourd, ou très léger, voler peut-être, dans la surprise de l’immensité de l’espace, dans l’éphémère : on ne le pourra pas. C’est une pensée, juste une pensée, une évasion hors de l’étroitesse spirituelle. Mais par contre ce qu’elle implique, et qui est que toute existence, toute provenance, toute formation soit maintenue dans son accès à l’ouvert et donc préservée, cela, nous pouvons peut-être le tenir autrement qu’en passant.

 

-------------------------    (p.52)

 

 

le parti pris des animaux

Jean-Christophe BAILLY

Christian Bourgois Editeur, 2013

http://www.christianbourgois-editeur.com

 

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Jean-Christophe Bailly dirige la collection « Détroits ». Ecrivain, poète, philosophe, Jean-Christophe Bailly est également proche de la peinture et du théâtre. En lui passant commande d'un texte pour la scène, en 1981, le metteur en scène Georges Lavaudant l'a entraîné dans une aventure qui depuis s'est transformée en collaboration : les Céphéides, 1983, le Régent, 1986, Pandora, 1992, El Pelele 2003. Depuis quelques années, Jean-Christophe Bailly enseigne à l'Ecole Nationale Supérieure de la Nature et du Paysage à Blois.

 

lhttp://www.christianbourgois-editeur.com/fiche-auteur.php?Id=3

 

S. Corinna Bille

 

 

PIERRE-FRANCOIS METTAN

Théoda de S. Corinna Bille

 (Infolio/Le cippe, 2012)

 

 

LE CIPPE – ETUDES LITTERAIRES

Collection dirigée par Patrick Amstutz

SITE DE LA COLLECTION - http://www.lecippe.ch

 

 

 

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 Corinna Bille

 

 

Lecture

 

Corinna Bille

« écrire : une urgence et un sursis »

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Professeur de français et d’anglais au Collège de Saint-Maurice, Pierre-François Mettan se consacre à l’œuvre de la nouvelliste et romancière S. Corinna Bille : « Qui veut embrasser l’œuvre de Stéphanie Corinna Bille se trouve face à un massif ample et diversifié : poésie, théâtre, romans, nouvelles, proses courtes, écritures de soi, articles de journaux.».  C’est du premier roman « Théoda » que P.- F. Mettan esquisse le profil d’une écrivain profondément attachée à ne pas renier les sources premières de ce qui est moteur de l’écriture. Chez elle, la réflexion ne peut être la garantie du plus ouvert ou du plus vivant. Plutôt privilégier la non-réflexion contre toute forme d’abstraction et d’intellectualisme. Revendiquer cette liberté et s’y tenir offre à l’acte d’écrire sa juste place : non seulement d’être une urgence et un sursis, mais surtout un équivalent de l’acte d’amour.

 

On ne peut se sentir étranger à Corinna Bille. Et c’est bien là tout l’intérêt de cet essai. Sur une centaine de pages se déploie un regard sensible à un art d’écrire et à une femme pour laquelle : « La vie ne valait  la peine d’être vécue qu’en fonction d’une créature et d’une création : la première à aimer, la seconde à construire ».

 

Dans un hors-série, à l’occasion du centenaire de la naissance de S. Corinna Billa, la collection « Cippe », dirigée par Patrick Amstutz, propose également un recueil d’hommages, écrit par 35 auteurs et illustré par 14 artistes.

 

 

Nathalie Riera, avril 2013

Les carnets d'eucharis

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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DOSSIER PDF COMPLET (à télécharger)

Nathalie Riera_S. Corinna Bille par Pierre-François Mettan.pdf

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                     

Théoda de S. Corinna Bille

Pierre-François Mettan

Infolio, Etudes Littéraires, Le cippe, 2012

 

p. 34.

 

 

Après l’orage, la corolle en forme d’étoile des joubarbes s’ouvrait, sur sa tige charnue, à mille places dans les murs et les gravières de Terroua. On s’étonnait devant cette plante, que personne ne pouvait cueillir et mettre en bouquet, les doigts étant gênés par l’épaisseur de sa hampe semblable à un serpent dressé qui aurait porté dans sa gueule une fleur. Elle se fanait avec une lenteur subtile, passant du rose ardent au rose cuivré, pour devenir de plus en plus pâle avant la mort. On disait d’elle : « C’est la fleur du Tonnerre. »

Et comme d’autres fleurs, nés du tonnerre aussi, les serpents se montrèrent.

 

 

 

 

***

 

Cippe à Corinna Bille

Un recueil d’hommages

HORS-SERIE II

Infolio, Etudes Littéraires, Le cippe, Acel 2012

 

p. 111.

 

 

Elle portait la blouse de grosse toile blanche sous son caraco qu’elle ouvrait pour mieux respirer. Une mèche noire tombait sur sa joue, elle la laissait… Elle ne voyait rien. Elle écoutait chanter son corps. De ses deux mains, elle saisissait l’air, l’attirait à elle, s’en entourait. Elle savait qu’il était chargé du désir de Rémi. A la lumière de cet homme, son corps fleurissait. Elle devenait plus que belle : vivante. Et cette vie l’exhaussait, la projetait hors d’elle-même. Chacun devait le sentir ; partout où elle allait, les gens s’écartaient pour lui laisser place, comme si ce fût une femme immense qui s’avançait. Elle ne leur donnait pas un regard. On la haïssait parce que ce bonheur provoquait chacun, le heurtait dans ce qu’il avait de plus secret, de plus cher : sa tranquillité.

 

 

In « Une magicienne des lettres » de Claudine Houriet

 

 

 

 

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Armand C. DESARZENS

Gravure burin technique mixte sur cuivre (16 x 11 cm)
Tirage 12 ex. sur papier Fabriano et japon encollé
Août 2012

 

Source : http://www.acdesarzens.ch/

 

 

***

 

 

Stéphanie Bille naît à Lausanne, le 29 août 1912. Elle est la fille d’Edmond Bille, peintre qui vit en grand seigneur dans un castel baroque, le Paradou, où il reçoit des célébrités : C.-F. Ramuz, Jouve, Istrati… Stéphanie choisira le prénom Corinna en référence au village de Corin cher à sa mère. Elle est élève chez les sœurs à Sierre puis à Lucerne, étudiante à l’école de commerce à Sierre, puis en littérature à Zurich. En 1934, elle épouse le comédien Vital Geymond, rencontré sur le tournage de Rapt, et s’installe à Paris. Elle quitte Paris et Vital Geymon en 1936 et retourne en Valais. Sa vocation d’écrivain est née en 1927. Atteinte de pleurésie en 1936, lente à guérir, elle passe plusieurs années entre Sierre et Chandolin, écrit. Ses premiers textes sont publiés en 1937 dans l’Anthologie des jeunes poètes de Romandie. En 1938, elle rencontre Georges Borgeaud avec qui elle aura une liaison difficile jusqu’en 1942. Borgeaud lui fait alors rencontrer Maurice Chappaz, avec qui elle s’installe à Geesch l’année suivante. Ils auront trois enfants. Le couple vivra longtemps sans pouvoir se fixer, d’une maison à l’autre. En 1953, un erythème attaque gravement la tête de Corinna Bille, et la fera souffrir le restant de ses jours. En 1958, la famille s’installe à Veyras, que Corinna quittera souvent pour des voyages (Afrique, Allemagne, Russie, Grande-Bretagne). Elle meurt le 24 octobre 1979. La mort et l’amour, la passion et le désir, sont les thèmes le plus souvent abordés par Corinna Bille. Le rêve tient chez elle une grande place. Beaucoup de ses rêves, qu’elle note, inspireront ses histoires. Corinna Bille choisit l’art concis et ramassé de la nouvelle pour dire l’explosion du désir et sa violence destructrice. Ses textes témoignent d’une sensualité vécue jusqu’au tragique en même temps que d’une grande attention au monde vivant – flore et faune – du Valais. (Source : http://www.plaisirdelire.ch/bille-s-corinna)

 

 

 

 

■ SITES A CONSULTER :

 

Bibliothèque nationale suisse
Archives littéraires suisses ALS

http://www.nb.admin.ch/sla/03131/03443/03927/04110/index.html?lang=fr

 

Culturactif

http://www.culturactif.ch/ecrivains/bille.htm

 

Zhou Shichao par Claude Darras

Portrait Claude Darras

 

Zhou Shichao

Le nouveau monde d’un peintre lyrique

 

 

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 Avril 2013 © Claude Darras

 

 

 

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