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10/02/2024

Stefanu Cesari, Peuple d'un printemps

Stefanu CESARI

PEUPLE D’UN PRINTEMPS

Pòpulu d’una branata

[extraits]

 

stefanu cesari 3.jpg

Stefanu Cesari

 

 

 

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   Extraits 

Bilingue Corse-Français

  Éolienne, 2021 

 Mention spéciale/Salon du livre insulaire d’Ouessant 2022 – Prix des lecteurs de Corse 2022

 

 

Si elle avait l’odeur du romarin passé sur la peau et votre langue parlée était pour la racine sous la terre vous partageriez le nom des choses venues dans la lumière parce que tout était vivant à portée de la main / son visage la flamme d’un petit renard s’en allant par les vignes, brûlées la nuit et qu’il n’en reste rien, qu’une page noire, une histoire pleine de ce que l’on mange ce que l’on sacrifie / elle te dit le lait ne peut cailler sans l’agneau, et tu la regardes faire ce qu’elle a fait depuis toujours, prier pour le troupeau et le multiplier / assise sur ta dépouille elle te gouverne et ton désir jamais tu n’oublies, si tu la laisses dormir au milieu de son œuvre, des cordes nouées pour le chien des couteaux pour les herbes, qui veillera sur ta vie revenue au-dedans ?

 

Elle aurait voulu que tu dises que tu fasses parler les arbres les cailloux tout ce sel toute cette sève et que la joie vienne après bourdonnante aux oreilles, martèle poitrine, des quatre membres à la roue, s’élève la voix du sang battu, à l’heure de la quatrième veille, quand des milliers de pierres plantées droites seront un vrai calvaire, tu ne sauras plus, si la lueur des cierges t’aveugle, ou bien ces yeux cernés de noir, la sueur tombée du front.

 

[p.73]

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Danse improvisée, il faut aller chercher chaussures si les pieds sont nus pour battre la terre t’essouffler à la peine petit accordéon posé sur un mouchoir offerte la tête, quatre membres et poitrine pour la mesure, un langage chanté un essaim d’abeilles posé contre musique et chaque parole me blesse il n’appartient qu’à toi une femme cherche son amour perdu se transforme en oiseau, annò / è troppu luntanu, Oi riturnella / non mi rišpunna, annò, è troppu luntanu / è sutt’a na frišcura / è sutt’a na frišcura  chista durmennu, Oi riturnella è sutt’a ma frišcura chi sta durmennu si tu perdais le fil que deviennent les vêtements les sortes de tissus coupés cousus ensemble feuilles de couleur sans émaux, ou de très fines rayures d’un autre ton, tous tes enfants maigres auraient la même vêture, c’est la danse qu’ils font, elle les fait ressembler à la jupe de leur mère, tous les instruments des ténèbres rassemblent leurs forces, vivant au bout des mains, bruits d’une nuit d’avril, de poumons sans voix, sortes d’insectes, d’une violente clarté pas encore venue, l’annonce, elle pointera par les yeux, regard perçant la moindre apparence, remontant le fil d’or dans le vivant tissu, voyant l’infime grouillement dans tout quel effroi la mouvante musique est folle et tourne encore bien après toi, beau détail d’une damnation.

 

[p.89]

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Il y a toutes sortes de scorpions celui que l’on porte au front celui pour la main sous la pierre l’un pour se garder de l’autre, pour la peine, je ne saurais pas dire ma mère quelle a été la route je ne saurais pas dire mon père si je vous rêve encore, c’est la fièvre sûrement cette piqûre au rouge infime, tous ces visages peints pour chaque nom sans fin, l’innocence revenue elle fut volée tant de fois, je ne saurais pas dire avec si peu toute la vie se cachant sous la courbure des morts, elle y cache si bien ses yeux épouvantés, ses yeux si doux d’une bête qui attend, je passerai sans voir sans toucher, je ne brûlerai rien, ni la racine d’une bruyère qui ne brûle jamais ni ma parole reprise, ni les quelques chromos, de corps de sarments sous la vigne, ces lieux sont un livre fermé, même en ne dormant jamais je ne saurais pas dire même en comptant mille-huit-cents mille-neuf-cents médailles et stylets registres effacés pour nier les ardeurs, moisissures, enfantements mises-bas, fosses communes, hôpitaux, villes en ruines et nouvelles aux espoirs bien vendus, je ne saurais pas dire pourquoi, je ne suis jamais seul d’un scorpion à l’épaule porté cet autre qu’il faut nourrir, il précéda la naissance et de loin c’est une ombre au soleil, maintenant il dort.

 

[p.123]

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© Éoliennes

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