05/11/2014
Olivier Salazar Ferrer - Les possessions transparentes, éd. de Corlevour, 2014
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UNE NOTE DE NATHALIE RIERA
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Les possessions transparentes
Olivier Salazar Ferrer
Corlevour, 2014
Olivier Salazar Ferrer | © France-Culture
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en route vers une destination inconnue, sans aucune raison valable : telle semble être la volonté du professeur de philosophie dans le roman au titre énigmatique « Les possessions transparentes » d’Olivier Salazar-Ferrer. Que peut-il en être de la recherche du voyageur et de celle du poète, l’une et l’autre sont-elles de même souche, en tant que le voyageur comme le poète sont sensibles à notre diversité en réduction : combien les cultures sont fragiles face aux standardisations de la représentation de soi. (p.22) Que revient-il au voyageur, sinon dans le choix d’une ascèse d’entreprendre l’expérience de la « désappropriation » : bouleverser le régime de la propriété avec ses clôtures phénoménologiques et sociales (p.12) — d’être dans une « liberté de déliement » : Il s’agissait de délier, de rejeter les cordages sur le quai, de se départir (…) (p.13) — de se faire « Voyageur du Divers » dont l’action (en opposition à la théorie) est de « faire s’exalter sa propre existence par la différence et le divers ». Un roman de cette envergure ne peut se dérouler sans quelques évocations ou références à des écrivains, des philosophes et des poètes majeurs (David Thoreau, Victor Segalen, Bashô, Rainer-Maria Rilke, Blaise Cendrars, Gustave Roud, Léon Chestov…). Opposer le voyage à toute action d’appropriation, est-ce alors pour mieux croire « à la puissance magique de l’inaccompli » : n’avoir rien à réaliser, mettre en pratique la théorie de l’inaccompli comme réserve d’énergie, comme défaut ou appel d’être dans la substance même du monde (p.43). Pour le voyageur, réappropriation également de « l’innocence du verbe », ou encore de la jeunesse de la langue, en référence à Holderlïn.
Nathalie Riera, novembre 2014
© Les Carnets d’Eucharis
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« Le voyage était devenu objet de science, dépiauté, analysé, classifié, dévoré par les vampires analytiques (…) notre siècle n’était-il pas dévoré par la passion de l’appropriation, par sa décomposition de l’objet en relations exprimables, de façon à le reproduire, quitte à briser la puissance fougueuse qui l’animait ? Je percevais parfois la culture moderne comme une immense pieuvre collée au réel, habile à se saisir de la moindre proie vivante pour en sucer la vie. Le récit de voyage, cette ombre du réel que Segalen avait voulu subvertir dans son poème Equipée, n’était plus qu’une coquille vide sur le sable de notre culture.
Il y avait pourtant une façon de faire vivre une œuvre, de la charger de ses possibilités de sens, de l’illuminer de l’intérieur pour la faire advenir à sa fonction authentique qui est de créer de la vie. (…) Sans aucun doute, cette vieille Europe poudrée, héritière des monarchies, empêtrée dans ses richesses et dans une histoire millénaire qui lui collait aux fesses, devait se tourner vers les cultures des autres continents…»
............................... (p.34/35)
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« On avait rallumé les bougies. « Aimez-vous le Stabat Mater de Pergolèse ? » avais-je demandé au sommelier, tandis que les voix s’élevaient dans leur architecture transparente. Terrifié, sans répondre, la main tremblante, il avait servi le vin, un Vosne Romanée premier cru 1985. Je l’avais fais danser entre mes doigts. Robe rubis, carminée avec l’âge, vague secrète de sous-bois nocturnes avec des parfums mouillés de mousse, O quam tristis. Reflets de fruits rouges et noirs, imprégnés de la senteur de la violette. A la seconde approche : Vidit suum dulceum natum, timidité et audace mêlées, robe de feu, presque grenat, tirant sur le pourpre sombre. Corps ardents sur la neige. Inflammatus et accensus. Fruit mûr sur fond épicé, échos de cuir et de fourrures. Envol lourd d’oiseaux sauvages qui frôlent de leurs ailes les étangs embrumés. Aubes d’automne où résonne le pas méthodique des chevaux sur les feuilles mortes. Chœurs soutenant les voix singulières. Reprise paisible puis consentement à l’extinction. »
............................... (p.118)
Quatrième de couverture
Le narrateur est un professeur de philosophie qui se rend à un colloque consacré aux écrivains voyageurs. Il traverse en train un paysage de montagnes enneigées. Il est mythomane et s'invente des identités lors de ses conversations avec les passagers. Tandis qu'il accumule les notes pour sa conférence, les intempéries retardent son arrivée. Bloqué dans une ville de montagne, il est confronté aux pensionnaires de l'Hôtel des Glycines : les étudiants représentés par le jeune Frédéric Berlioz et l'anglais Graham Barker, enthousiaste et fantasque, le Docteur Arenberg, philosophe juif américain, le professeur Alexander, rationaliste ironique, la japonaise Mlle Kyoubou qui se singularise par un comportement sadomasochiste, le poète violoncelliste aveugle Umberto Baldi et sa charmante fille Clara dont la présence va bouleverser la paix apparente de l'hôtel, la serveuse du Café du Théâtre, prénommée Madame de Warrens à cause de sa ressemblance avec la protectrice de Rousseau. Le narrateur prend l'habitude d'errer la nuit dans la ville, découvrant le théâtre, le domaine des Charmettes envahi par la neige,
où flotte l'ombre de Rousseau... Le lecteur découvre peu à peu que les personnages sont en lutte, à des degrés divers, pour une quête du réel. Le narrateur est déchiré par un conflit entre possessions matérielles et aspirations spirituelles qui affrontent tous les jeux de l'illusion. Seul le poète aveugle Umberto Baldi invite les autres personnages à voir ce que l'on ne voit pas, mais il sera rapidement expulsé de l'Hôtel par les autres invités. Le voyage représente donc une série de dépossessions, mais aussi une reprise de la vérité à travers une série d'expériences spirituelles. Le narrateur, tombé amoureux de Clara au cours d'une promenade avec elle et son père, prendra la fuite la veille de sa conférence, hanté par la nature indicible de ce qu'il veut dire, pour se réfugier dans un hôtel désert, dans une petite ville de montagne encore plus isolée en altitude. Est-il sur les traces du vieux poète italien et de sa fille Clara ? C'est dans cet hôtel fantôme qu'il fait l'expérience d'un repas mystique qui va clore le récit, avec la vision d'une petite fille qui joue avec l'invisible.
Olivier Salazar-Ferrerest maître de conférences depuis 2007 en littérature française à l’Université de Glasgow en Ecosse. De formation à la fois philosophique et littéraire, ses publications portent sur les littératures du XIXe et XXe siècle, notamment sur la littérature d’avant-garde, avec plusieurs essais sur Benjamin Fondane (Benjamin Fondane, Oxus, 2004 et Benjamin Fondane et la révolte existentielle, De Corlevour, 2007), la littérature féminine, la littérature existentielle (Bespaloff, Chestov, Grenier, Jankélévitch) la phénoménologie (Pour une phénoménologie de la vie - Entretiens avec Michel Henry, De Corlevour, 2010), la littérature de voyage (Blaise Cendrars, J.M.G. Le Clézio, Nicolas Bouvier, Jacques Lacarrière), les croisements entre arts visuels, poésie, littérature et philosophie. Il est également l’auteur de poésie (Adieu à Terre rouge, In limine, 2001 ; Poèmes du silence et de la neige, In Limine, 2003 ; La Roulotte peinte, In Limine, 2006 ; La Haute Provence de l’esprit, In Limine, 2013), de récits (Un chant dans la nuit, De Corlevour, 2007) et d’adaptations théâtrales (Benjamin Fondane, L’Exode, Festival d’Avignon, 2008). Il a été nommé ambassadeur de la culture en 2012 par le City Council de la ville de Glasgow.
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SITES À CONSULTER
LES POSSESSIONS TRANSPARENTES
Editions de CORLEVOUR
| © Cliquer ICI
FURET DU NORD
Entretien d’Olivier Salazar-Ferrer avec Sylvie Aragnac (extraits)
| © Cliquer ICI
18:59 Publié dans Les éditions Corlevour, Nathalie Riera, NOTES DE LECTURES/RECENSIONS, Olivier Salazar-Ferrer | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
02/11/2014
NATHALIE HANDAL - 8 poèmes de Gaza
NATHALIE HANDAL
8 Poèmes de Gaza
Confessions at Midrange / Confessions à mi-chemin
The Voices and Faces of Palestine - Summer 2014
Voix et visages de Palestine – été 2014
Nathalie Handal | © INTERNET
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Confessions at Midrange
My heart has telescopes
my eyes have invisible streets
my portrait is of a nation
with a hundred square feet of clouds—
maybe god is a country
my eyes can’t see.
Dans mon coeur des télescopes
dans mes yeux des rues invisibles
mon portrait est celui d’une nation
sous trente mètres carrés de nuages –
dieu est peut-être un pays
que mes yeux ne peuvent voir.
………………………………………………………………………
Confessions à mi-chemin
(Extrait 1)
Turka
They ask me who I am,
they ask me where I’m from—
how do I explain
from where Jesus is born
except I’m not allowed
to reach his church
Who am I if I can’t be
with my olive groves
who am I
if I can’t find Mohammed
in my prayers
can’t reach Jesus
I am from the Teqoa
and the Dead Sea
from Bethlehem
and Jerusalem—
Dar Handal,
we grow everywhere here,
Dar Talamas,
our ancestors were translators,
so I translate this for you—
I am who I’ve always been
and behind my prayers
are windows
with a city
of endless verbs.
Ils me demandent qui je suis
ils me demandent d’où je viens –
comment expliquer
d’où Jésus est né
sauf que je n’ai pas le droit
d’aller dans son église
Qui suis-je si je ne puis
demeurer près de mes oliviers
qui suis-je
si je ne puis retrouver Mohammed
dans mes prières
ne puis atteindre Jésus
Je viens du Teqoa
et de la Mer Morte
de Bethléem
et de Jérusalem -
Dar Handal
nous avons grandi partout ici
Dar Talamas,
nos ancêtres étaient des traducteurs
alors je vous traduis ceci -
je suis qui j’ai toujours été
et derrière mes prières
il y a des fenêtres
avec une ville
aux verbes infinis.
…………………………………………………………………………. Turka
(Extrait 2)
COUNTRY
The radio was stuck
between two stations
when you told me
you sold
the only thing that
mattered to you.
I said nothing.
We’d been together for years
and I had no idea what you sold
nor what was playing
along the long blue sky
we both insisted was ours.
La radio était bloquée
entre deux stations
quand tu m’as dit
que tu avais vendu
la seule chose qui
t’était chère.
Je n’ai rien dit.
Nous avons vécu des années ensemble
et je n’avais aucune idée de ce que tu avais vendu
ni de ce qui se jouait
au long du long ciel bleu
que nous persistions tous deux à dire nôtre.
…………………………………………………………………………. PAYS
(Extrait 3)
GAZA
Once in a tiny strip
dark holes swallowed hearts
and one child told another
withdraw your breath
whenever the night wind
is no longer a land of dreams
C’était dans une étroite bande
où des trous noirs engloutissaient les cœurs
un enfant dit à un autre enfant
retiens ton souffle
lorsque le vent nocturne
n’est plus dès lors une terre de rêves
…………………………………………………………………………. GAZA
(Extrait 4)
The Gazans
I died before I lived
I lived once in a grave
now I’m told it’s not big enough
to hold all of my deaths
Je suis mort avant de vivre
J’ai vécu une fois dans une tombe
maintenant on me dit qu’elle n’est pas
assez grande
pour contenir toutes mes morts
…………………………………………………………………………. LES GAZAOUIS
(Extrait 5)
Tiny Feet
A mother looks at another—
a sea of small bodies
burnt or decapitate
around them—
and asks,
How do we mourn this?
Une mère regarde une autre mère -
un océan de petits corps
brûlés ou décapités
tout autour d’elles –
et interroge,
Comment pleurer cela ?
…………………………………………………………………………Tout petits pieds
(Extrait 6)
Night Sky Orange
from The Gaza Box
I read your book of myths—
did you?
I checked the mirror for your face—
did you?
I checked the ruins and the even larger
ruins in your heart—
did you?
I memorized the shape of black smoke
and the orange sky in every tiny corpse—
did you?
I checked if loneliness was what the body
turns to when death is all it has—
did you?
Did you think of your wife the evening
you killed mine?
And unexpectedly,
an image of your son will cross
your mind,
you will question why
you’ve come after all,
you will breathe differently,
words will no longer be able
to map your crimes.
I checked for the damage in my flesh
—did you?
I found my way back to the scene
in the book
where you erase my name
as it keeps reappearing,
don’t you know,
such letters always revert back
to its original form
so look at me in the eyes
before we both perish.
Ciel Nocturne Orangé
extrait de The Gaza Box
J’ai lu ton livre sur les mythes -
et toi ?
J’ai testé le miroir pour ton visage -
et toi ?
J’ai passé les ruines en revue et celles, plus vastes, dans ton coeur -
et toi ?
j’ai gardé en mémoire la forme des fumées noires et le ciel orange dans les plus infimes cadavres –
et toi ?
j’ai vérifié si la solitude était ce que devient le corps quand la mort est son seul bien –
et toi ?
As-tu songé à ta femme le soir où tu tuas la mienne ?
Et de manière inopinée,
l’image de ton fils traversera
ton esprit,
tu te demanderas pourquoi
tu es venu en fin de compte,
tu respireras autrement,
les mots ne seront plus capables
de dresser la carte de tes crimes.
J’ai fait le compte des dégâts dans ma chair
- et toi ?
J’ai retrouvé la scène où
dans le livre
tu effaces mon nom
qui s’obstine à réapparaître,
sais-tu que ces lettres sont de celles qui retrouvent toujours leur forme originelle
alors regarde-moi dans les yeux
avant de périr l’un et l’autre.
…………………………………………………………………………
(Extrait 7)
Imaginary World with Twelve Birds
from The Gaza Box
There is moonlit
in my box
can you give it to me
There are hours
in my box
can you give them to me
There is a world
in my box
there are twelve birds
in my box
can I fly with them ummi
…………………
There is a picture
of my son
in his box
can I see it
before the men arrive
before the floor shakes
before they take my heart
tell them
our souls will leave our torn bodies
but we will never leave
we will multiple in their souls
Monde Imaginaire avec Douze Oiseaux
extrait de The Gaza Box
Il y a du clair de lune
dans ma boîte
peux-tu me le donner
Il y a des heures
dans ma boîte
peux-tu me les donner
Il y a un monde
dans ma boîte
il y a douze oiseaux
dans ma boîte
puis-je voler avec eux ummi
…………………
Il y a une photo
de mon fils
dans sa boîte
puis-je la voir
avant que les hommes n’arrivent
avant que le sol ne tremble
avant qu’ils ne prennent mon coeur
dis-leur
que nos âmes quitteront nos corps déchiquetés
mais que nous ne partirons jamais
nous nous multiplierons dans leurs âmes
…………………………………………………………………………
(Extrait 8)
All photos by Nathaie Handal
Taken throughout Palestine
Permission granted to reprint
▪▪▪
Toutes les photos par Nathaie Handal
Prises en Palestine
Permission accordée pour réimprimer
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Nathalie HANDAL Poète et dramaturge d’origine palestinienne, née à Bethléem. A grandi en France et en Amérique latine. Etudes aux États-Unis, en Grande-Bretagne et dans le monde arabe. Parmi ses livres les plus récents, Poète en Andalousie, Language for a New Century : Contemporary Poetry from the Middle-East, Asia & Beyond et Love and Strange Horses, (Médaille d’or Independent Publisher Book en 2011). Ses pièces les plus récentes ont été mises en scène à la John F. Kennedy Center for the Performing Arts, le Bush Theatre et Westminster Abbey, à Londres. Elle signe la chronique La ville et l’écrivain du magazine World without borders.
17:03 Publié dans Nathalie Handal | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
24/10/2014
Nathalie Riera et Richard Skryzak présentent LES CARNETS D'EUCHARIS sur RADIO CAMPUS
11:40 Publié dans Les Carnets d'Eucharis, Nathalie Riera, Richard Skryzak | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
23/10/2014
Nathalie Riera & Les Carnets d'Eucharis sur Radio Campus
Emission radiophonique enregistrée le 26 septembre 2014
AVEC RICHARD SKRYZAK & NATHALIE RIERA
CE JEUDI 23 OCTOBRE 2014
EMISSION ENTRECOUPEE DE POEMES LUS PAR NATHALIE RIERA
Richard et Nathalie nous offriront EGALEMENT une sélection musicale.
jeudi 23 octobre / 18H / 106.6FM
Site de Radio Campus | © ICI
15:39 Publié dans Les Carnets d'Eucharis, Nathalie Riera | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
10/10/2014
Nathalie Riera & Brigitte Broc en lecture à la Librairie Le Carré des Mots (Toulon)
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Rencontre-Lectures
Autour de la poésie
Avec Brigitte Broc & Nathalie Riera
invitées par Rémy Durand & L’Association Gangotena (Toulon)
à la Librairie LE CARRÉ DES MOTS
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Poésie
avec Nathalie Riera et Brigitte Broc
8 octobre 2014
Librairie Le Carré des Mots
4, place à l'huile
83000 TOULON
Devant la Librairie toulonnaise LE CARRE DES MOTS
Nathalie Riera (de dos, à gauche) Gilbert Renouf et Rémy Durand
Photographie © Claude Brunet
Photographie © Claude Brunet
Sur le seuil de la Librairie LE CARRE DES MOTS
Brigitte Broc
Photographie © Nathalie Riera
Rémy Durand (à gauche) & Gilbert Renouf
Photographie © Nathalie Riera
PHOTOGRAPHIES NUMERIQUES | © Claude Brunet & Nathalie Riera
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Nathalie Riera en lecture
Paysages d’été, éd. Lanskine, 2013
Variations d’herbes, éd. du Petut Pois, 2012
Feeling is first, Galerie Le Réalgar, 2011
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et des extraits de Solaria & Sealandsky
(à paraître aux éd. du Petit Pois)
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18:28 Publié dans LECTURES PUBLIQUES, Nathalie Riera | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
05/10/2014
Inger Christensen - alphabet
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Du côté de chez…
Inger Christensen
Alphabet
Ypsilon, 2014
édition bilingue danois-français
traduction de Janine & Karl Poulsen
YPSILON | © http://ypsilonediteur.com/fiche.php?id=122
11
l’amour existe, l’amour existe
ta main qui, blottie dans la mienne, s’oublie telle
un petit et la mort impossible à se souvenir
impossible à se souvenir comme une vie
inamissible, aussi légèrement comme par mouvement chimique
par-dessus crételles et bisets, tout,
se perd, disparaît, impossible à se souvenir que
des troupeaux d’hommes déracinés, de bêtes et de chiens
qui existent ça et là, disparaissent ;
les tomates, les olives, les femmes
brunes qui les récoltent, se flétrissent, disparaissent,
tandis que le sol poudroie de nausée, une poudre
de feuilles et de baies, et que les boutons du câprier
ne seront jamais récoltés, confits au sel
et mangés ; mais avant qu’ils ne disparaissent, avant que nous
ne disparaissions, un soir, attablés avec
un peu de pain, quelques poissons sans abcès et de l’eau
qui sagacement a été changée en eau, l’un des
mille sentiers de guerre historiques traverse tout
à coup la pièce, tu te lèves, les frontières,
les frontières existent, les rues, l’oubli
partout, mais ta cachette ne s’approche pas,
regarde, la lune est par trop éclairée et le Chariot de David
retourne aussi vide qu’il est venu ; les morts veulent
qu’on les porte, les malades veulent qu’on les porte, les pâles
soldats usés ressemblant à Narcisse veulent qu’on
les porte, tu te promènes si bizarrement éternel,
et seulement quand ils meurent tu t’arrêtes
dans un jardin de choux dont personne ne s’est occupé
depuis plusieurs siècles, trouves en écoutant une source
tarie quelque part en Carélie peut-être, et pendant
que tu songes à des mots comme chromosomes, chimères,
et à la croissance frustrée des fruits de la passion
tu enlèves d’un arbre un peu d’écorce et la manges.
............................... (p.38/39)
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les défoliants existent
par exemple la dioxine
qui défeuille arbres et
buissons et détruit
hommes et animaux
en arrosant
récoltes, forêts
on obtient défeuillaison
et mort au milieu
de l’été le plus fructueux ;
ce changement du chagrin
ce lumineux matin
autrement merveilleusement heureux
l’herbe a disparu
et l’air a filé
son dais venimeux sans fils
par-dessus plages par-dessus forêts
par-dessus corps par-dessus biens
............................... (p.91)
le ciel est un antre
où les oiseaux fanés
pourrissent comme des fruits déchus
où les nuages étales
pulvérisent des cités
et les chassent, tourbillons gracieux,
comme sable à travers sable
comme eau à travers eau
même les visqueuses limaces
sont poreuses comme ces glaces
dont le reflet de l’homme s’est perdu
seule une tige d’ortie
contera défeuillée
comment en désespoir nous nous sommes crées
une terre sans fleurs
asexuée comme le chlore
regarde une pâle étoile matinale
étincelle comme un encéphale
qui est presque éteint et usé
trop diffus pour se rappeler
l’étreinte des êtres
dans un vol sans ailes
dans un pré parfumé
dans un chaud lit d’été
regarde la source claire
est tarie et petite
et remonte le rocher,
et les roses sans fond
se cachent dans des marais
du pollen inamissible mis de côté
dans l’éternité
la même écriture les y met au net
celle qui décrit la course des nuages
celle qu’Archéoptérix a gravée dans des pierres
en travers d’une pure et vertigineusement bleue
l’éternité
l’éternité
............................... (p.93)
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Note de l’éditeur
Inger Christensen (1935-2009) publie Alfabet en 1981. Ce livre peut être considéré comme le centre et la clé de son œuvre, d’où (re)commencer à découvrir cette écriture d’une complexe simplicité. Par sa construction basée à la fois sur une structure mathématique, la suite de Fibonacci, et la structure la plus connue de la langue, l’alphabet, Inger Christensen définit son lieu d’invention et de représentation, inséparables, de la vie : le poème. Dans Alphabet, sa vision du monde et du langage prend corps dans le vortex qui entraîne irrésistiblement la formation des poèmes. L’existence de toute chose est une apparition à chaque fois qu’un dire singulier en saisit l’universalité.
Autres informations sur un site danois
The almost magically singing poem about fear and love, power and powerlessness had been in preparation since Lys (1962, Light) and Græs (1963, Grass) and was continued in prose novels (including Det malede værelse - 1976, The Painted Room - with a subject from Renaissance Mantua), essay writing and particularly the series of poems Alfabet (1981, Alphabet), which in accordance with the title combines the letter system with a mathematical sequence of numbers to form a development idea, likewise unfolded in a rich range of subjects.
In Sommerfugledalen (1991, The Butterfly Valley) she explored the sonnet cycle and created glowingly beautiful poems about death and hope under the title symbol of the book, which suggests a transformation idea.
With her prominent position, Inger Christensen has managed the traditions of modernism in moving poetry which has been translated into the principal languages. | © Cliquer ICI
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SITE À CONSULTER
INGER CHRISTENSEN
Sur le site : POETRY FOUNDATION
| ©Cliquer ICI
17:54 Publié dans DANEMARK, Inger Christensen, Ypsilon | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
04/10/2014
Helga M. Novak - Chaque pierre orpheline (Ed. Hochroth, Paris)
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Du côté de chez…
HELGA M. NOVAK
Chaque pierre orpheline
Hochroth, Paris
anthologie bilingue
Traduction de l’allemand par Élisabeth Willenz
avec une illustration par Ladislaja de Layre
HOCHROTH | © http://www.paris.hochroth.eu/fr/3154/chaque-pierre-orpheline/
me dérober voilà tout ce que je veux
me dérober voilà tout ce que je veux
loin de l’armoise et de l’élyme
loin des pierres que jamais
personne ne changera en pain
loin des algues qui ne seront
plus mêlées à la farine du pain
loin des noeuds de marin des filets
me dérober aux mouettes
et à leurs yeux injectés de sang
crier je peux le faire toute seule
et hurler contre l’océan
le miroir de la mer je le recouvrirai
et les miroirs de la maison
ici des frégates tombent du mur
le souffle se glace par 30 degrés
ici les voiles se flétrissent dans les lits
et les coquillages pâlissent dans les chevelures
ici les pendules sonnent mais aucune ne marche
personne n’arrache plus de feuille au calendrier
me dérober voilà ce que je veux
telle une reine incendiaire
loin de son trône enflammé
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tout s’est envolé
espérant te faire plaisir
je t’ai cueilli au bord de la Méditerranée
une fleur de pissenlit
grande comme une méduse
espérant te faire plaisir
je t’ai coupé en Asie
une églantine
rouge comme une langue de dragon
espérant te faire plaisir
je t’ai acheté en Amérique
un cœur-saignant de nylon
plus gracieux qu’un cœur tendre
ah tableaux décrochés métaphores
ce que j’ai à t’offrir
est un fagot de phrases de mots
de terminaisons fléchies et de syllabes
sur d’informes racines sans âge
l’as-tu compris est-ce pour cela
que tu as décampé déguerpi
fleur de pissenlit Méditerranée
Asie églantine mais rouge
le cœur tendre Amérique point là de quoi
rester à m’attendre
je fus par un bouquet de séneçon accueillie
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Note de l’éditeur
Helga M. Novak, poétesse islandaise d’expression allemande, est née en 1935 à Berlin. Enfant abandonnée, adoptée et élevée en R.D.A., elle connaît une vie de ruptures et d’exils (en Islande, en R.F.A.), avant l’isolement dans la forêt de Legbąd, en Pologne, où elle vivait depuis 1987. La dimension politique de ses premiers recueils lui vaut d’être déchue de sa nationalité est-allemande en 1966. Marquée par de multiples traumatismes, sa poésie puise aussi dans le spectacle d’une nature désolée, sombre scène d’une indomptable amertume.
Helga M. Novak nous a quittés le 24 décembre 2013.
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SITES À CONSULTER
HELGA M. NOVAK
Sur le site : HOCHROTH (Paris)
| © Cliquer ICI
19:50 Publié dans ALLEMAGNE/AUTRICHE, Helga M. Novak, Hochroth | Lien permanent | Commentaires (1) | Imprimer | | Facebook
01/10/2014
Christophe Grossi - Ricordi - L'Atelier Contemporain, 2014
Christophe Grossi
Ricordi
Dessins de Daniel Schlier
Prière d’insérer d’Arno Bertina
(L’ATELIER CONTEMPORAIN,2014)
L’ATELIER CONTEMPORAIN
François-Marie Deyrolle
SITE - http://www.r-diffusion.org/index.php?ouvrage=LAC-14
© Christophe Grossi
Une note de Nathalie Riera
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■■■ Recueil de 480 « Mi ricordo », et cette question qui traverse ou sous-tend tout le livre : à qui appartient la mémoire ? Il n'est alors pas plus belle tentative que cette réponse sans prétention aucune : « je me demande si l’essentiel ne se passe pas plutôt dans notre corderie, là où nous tirons, tendons, nouons, relions fils et ficelles, où l’intime embrasse l’espace et le temps, où se mélangent héritage, filiation et transmission ; dans ce lieu du vertige qui a sa langue, son tracé et sa construction propres, où nous luttons contre la fascination et la peur du vide et où nous laissons derrière nous des pointillés de vie. » Il n’y a pas que ce que nous avons vécu qui peut faire œuvre de souvenir, ce qui peut devenir notre souvenir est aussi ce qui appartient à quelqu’un d’autre que soi, sans appartenance à notre part biographique ou à notre part d’expérience. Se souvenir, c’est-à-dire « Je se souvient », implique que nous devons toujours nous méfier des témoignages : « Nous nous souvenons, nous croyons nous souvenir, nous embellissons ou grisons la réalité, nous l’arrangeons sciemment ou non, en fonction de l’interlocuteur. » Ainsi que des jaillissements, il convient d’entendre « Mi ricordi » comme « Je se souvient d’autres histoires que la nôtre et de vies arrachées au vide. » Dans la genèse de ces « Ricordi » l’auteur raconte : « N’ayant pas vécu les années quarante, cinquante et soixante en Italie, n’ayant pas fait le chemin de mes aïeux, je ne me souviens pas de cette époque et ne peux prétendre me souvenir de ce que je n’ai pas vécu bien que je me souvienne de ce que j’ai lu, entendu, vu, écrit, retenu, de toutes ces années ».
Nathalie Riera, octobre 2014
© Les Carnets d’Eucharis
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215. Mi ricordo
qu’aujourd’hui, parce que j’étais absent, il ne me reste plus que cette pratique de faussaire : l’écriture.
:- :- :- :- :
322. Mi ricordo
que le narrateur de sa propre histoire est souvent un faussaire qui s’ignore.
:- :- :- :- :
375. Mi ricordo
ne veut pas dire « Je me souviens » mais « je suis un corps projeté dans une histoire de langue perdue » ou « éteins la lumière et raconte ».
:- :- :- :- :
469. Mi ricordo
que j’ai commencé à écrire « Mi ricordo » non pas pour me souvenir mais parce que j’ai déjà tout oublié.
:- :- :- :- :
480. Mi ricordo
que ces « ricordi » étaient dispersés, flous, retenus, perdus, avant de s’imposer en héritage.
SITES À CONSULTER
PUBLIE NET
| © Cliquer ICI
cHRISTOPHE GROSSI
Sur le site : DÉBOÎTEMENTS
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20:04 Publié dans Christophe Grossi, Nathalie Riera, NOTES DE LECTURES/RECENSIONS | Lien permanent | Commentaires (1) | Imprimer | | Facebook
21/09/2014
Nathalie Riera et Les Carnets d'Eucharis au Chant de la Terre
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Rencontre-Lectures
Autour de la poésie et de la revue LES CARNETS D’EUCHARIS
Nathalie Riera est invitée par André Zaradzki & l’Association Les Amis du Chant de la Terre
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Le Chant de la Terre
avec Nathalie Riera
19 septembre 2014
Librairie Le Chant de la Terre
Pont Saint-esprit (LE GARD)
André Zaradzki (de dos, à gauche) Nathalie Riera (de dos, à droite)
Photographie © Claude Brunet
Photographie © Claude Brunet
Lecture de textes inédits, du recueil « Sol aria & Sealandsky » (à paraître aux éditions du Petit Pois)
PHOTOGRAPHIES NUMERIQUES | © Claude Brunet
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Présentation du projet des Carnets d’Eucharis, 2015
(Paul Auster et la poésie)
Les Carnets d’Eucharis (dans leur version numérique)
23:38 Publié dans Les Carnets d'Eucharis, LES CARNETS D'EUCHARIS (pdf & calaméo), Nathalie Riera | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
15/09/2014
RENCONTRE-LECTURE avec Nathalie Riera (vendredi 19 septembre 2014)
Rencontre-Lecture
La Librairie Le Chant de la Terre
Avec Nathalie Riera
VENDREDI 19 SEPTEMBRE 2014 à 20h30
La Librairie Le Chant de la terre
André Zaradzki
16 rue Joliot Curie
30130 Pont-Saint-Esprit
tél. 04 66 50 27 44
Association les amis du Chant de la terre
Centre Pépin
70 avenue Gaston Doumergue
30130 Pont-Saint-Esprit
courriel :amisduchantdelaterre@free.fr
Nathalie Riera nous proposera quelques lectures de "Paysages d'été" (paru en 2013 chez Lanskine) ainsi que des textes inédits du prochain recueil prévu pour cet automne, aux éditions du Petit Pois : "SOLARIA & SEALANDSKY". Elle présentera également la très belle revue Les Carnets d'Eucharis qu'elle dirige, au cours d'un échange avec le public.
C'est un deuxième passage à la librairie puisqu'elle avait accompagné les éditions du Petit Pois qui étaient nos invités au dernier Printemps des Poètes.
Nous démarrons avec Nathalie Riera une nouvelle saison au Chant de la terre par un beau rendez-vous à ne pas manquer !
Libre participation au chapeau.
Nathalie Riera et Les Carnets d’Eucharis
Sur le site : Librairie Le Chant de la Terre
| © Cliquer ICI
Sur le site : Les Amis du Chant de la Terre
| © Cliquer ICI
Page Facebook : facebook.com/lesamisduchantdelaterre
│© Les Carnets d’Eucharis
17:22 Publié dans LECTURES PUBLIQUES, Les Carnets d'Eucharis, LES CARNETS D'EUCHARIS (pdf & calaméo), Nathalie Riera | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
04/09/2014
Vivian Maier
22:06 Publié dans VIDEOS, ANIMATIONS, DOCUMENTAIRES | Lien permanent | Commentaires (1) | Imprimer | | Facebook
30/08/2014
LA REVUE DE PRESSE "Les Carnets d'Eucharis"
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Les Carnets d’Eucharis | 2011 - 2014
(version papier et version numérique)
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REVUE DE PRESSE
PRESSE ÉCRITE
- Médiapart
- Europe
- Diérèse
- Cahiers littéraires internationaux « Phoenix »
- Cahier Critique de Poésie (CCP) du Cipm
- Le Matricule des Anges
SITES NUMERIQUES
- Recours au Poème
- Ent’Revues
- J-P. Longre
- « La Pierre et le Sel »
- Sitaudis
http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com/
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Dans ce jardin d'Eucharis
Patrice Beray
MEDIAPART
Edition : Revues & Cie
Revue numérique, chaque rendez-vous des Carnets d'Eucharis exalte à satiété l'œil des artistes comme autant d'espaces du dedans qui se découvrent poème, photographie, pensée, histoire, parce qu'il y a un mot, une matière, l'autre ou le monde pour les faire advenir.
Les deux récentes mises en ligne des Carnets d'Eucharis sont exemplaires de cette approche, qui est une ouverture, au ressort d'une sensibilité, celle de son unique revuiste, Nathalie Riera. Car solitaire, l'œil creuse d'abord de son empreinte toute présence, à la seule force de sa perception.
Ainsi de ces personnages figurés par l'objectif de la photographie (ou du cinéma... muet) qui n'attendent que d'être vus, et qui s'insinuent dans les pages d'un même numéro, telle l'actrice (et styliste plurielle) Natacha Rambova, compagne de Rudoph Valentino (en couverture du numéro de mai/juin).
© Marianne Breslauer
Ou encore au travers des visées de la photographe allemande Marianne Breslauer (1904 - 2001) et de la jeune photographe Lilya Corneli (couverture du numéro de juillet/août). Mais surtout, il faut prendre au mot cet espace qui s'effeuille du dedans au dehors, et entourner les pages (ou les éditer), car les mots nous guettent, nous épient même, dans ce jardin statuaire. Les Carnets d'Eucharis se rassemblent alors en un bouquet d'échos, dont le texte surgit à la tourne : la revue fourmille d'études, de présentations d'auteurs (de D. H. Lawrence à Bernard Noël en passant par Alejandra Pizarnik, Danielle Collobert ou Annemarie Schwarzenbach). C'est que la revue de Nathalie Riera sait s'adosser au contemporain pour un passage à l'œil, tout en levée d'écrous (voir ce billet : http://blogs.mediapart.fr/blog/patrice-beray/311208/pour-une-annee-lumiere-avec-nathalie-riera). Et dans le sillage de George Oppen*, on ne ratera pas l'incitation à visiter les expositions de John Cohen**, « photographe de la beat generation.
© John Cohen
*A paraître en novembre une édition de ses « poésies complètes », traduites par Yves Di Manno, aux éd. José Corti (j'y consacrerai un article dans le journal).
**En juillet à l'adresse de la galerie Serge Aboukrat, place Furstemberg à Paris, et jusqu'au 24 septembre à l'initiative de Michèle Cohen à la galerie La Non-Maison, 22, rue Pavillon, 13100 Aix-en-Provence.
Patrice Beray
© MEDIAPART (19 Août 2011)
■ SITE - http://blogs.mediapart.fr/edition/revues-cie/article/190811/dans-ce-jardin-deucharis
Isabelle Lévesque
© DIÉRÈSE, N°54 (Automne 2011)
■ SITE - http://diereseetlesdeuxsiciles.com/44674.html
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Nathalie Riera publie le 32ème numéro des Carnets d'Eucharis qu'elle a initiés au début 2008. Elle poursuit là une entreprise aux qualités exemplaires tant par la forme que par le fond. Accessible en téléchargement au format PDF, la revue est consacrée à la littérature, particulièrement la poésie, à la photographie et aux arts plastiques. On y trouve des textes, des recensions, des coups de projecteurs, des dossiers (dans ce dernier numéro la poète italienne Mariella Bettarini), des hommages, des port-folios, toute la diversité rassemblée d'une curiosité attentive et d'un savoir sans pédantisme.
Rien d'étonnant à cela quand on connaît le parcours de Nathalie Riera qui, de formations à la prise de parole en animations d'ateliers de théâtre et d'écriture avec des publics divers n'a cessé d'être en prise avec une réalité humaine et sociale à laquelle elle tente de donner une juste place.
Rien d'étonnant non plus à lire Nathalie dont l'écriture mêle le souci de nommer sans entraves la réalité à une délicatesse musicale des mots et à ce que Gérard Larnac appelle un « pansensualisme ».
Il y a les ruines, les failles, que rien ne peut réparer, où se perd ma voix, ne reste
que la fêlure d’une lettre
alors l’agrume des mots
comme l’anis et la verveine sont la joie du jardin
comme une goutte d’encre la rivière
STREAM LIKE A SPOT OF INK
s’embellir du velours, ne rien garder de la tristesse, au fil des ombres la foi pour
ce qui nous ouvre le chemin
à travers une branche, une goutte d’encre
marcher dans les allées où renaître après les feuilles, après le jaune
sur le papier vide, sur la route, le rebord du lit
ne veux pas la flétrissure
sur le papier sur la route, des paysages calmes et profonds, et mon visage qui
raconte ses rêves, la douce parole de l’encre
In ClairVision, © publie.net
La Pierre et le Sel ne peut que recommander l'attention de tous ses lecteurs sur le travail de Nathalie Riera qui est un exemple de ce que permet Internet en termes de création et de réflexion, loin du superfétatoire et des egos.
Pierre Kobel
© LA PIERRE ET LE SEL (24 février 2012)
■ SITE - http://pierresel.typepad.fr/la-pierre-et-le-sel/2012/02/l...
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Les métamorphoses d'Eucharis
MEDIAPART
Edition : Revues & Cie
L’album numérique des Carnets d’Eucharis de Nathalie Riera s’enrichit dorénavant d’un volume annuel, décliné sous forme papier. Le premier numéro vient de paraître, centré sur la figure et l’œuvre de Susan Sontag.
Même si nombre de revues (à l’instar d’Europe, mais aussi bien Les Hommes sans épaules de Christophe Dauphin, entre autres exemples) continuent de dédier leur espace exclusivement au texte, et ce indépendamment de leurs préoccupations, la revue est sans conteste un lieu privilégié pour interpeller, « mimer les arts voisins » selon la formule de Michel Deguy.
Revue numérique, n°36, hiver 2013
Cette interrogation sur la matière, les enjeux qui sous-tendent la représentation en propre d’une pratique artistique, peut se traduire dans des approches de revuistes clairement revendiquées comme « transdisciplinaires » (ainsi que le promeut par exemple la revue Gruppen).
Format numérique, multimédia oblige, les publications essaimées par Nathalie Riera ont fait leur miel de ces pratiques croisées : poésie, fiction, réflexion s’offrant à d’autres tracés, à d’autres formes aux contours d’une même réalité, mais métamorphosée par le dessin, la photographie, la peinture, voire la traduction.
De même, ce premier numéro papier des Carnets d’Eucharis fait plus que la part belle à la photographie (Virgil Brill, Patricyan), à la peinture (Bruno Le Bail, Pierre Alechinsky).
Sans doute, le désir de tenir en main le volume de ces Carnets s’est-il manifesté dans le continu même, l’accompagnement fécondant de l’hommage qui est rendu à Susan Sontag. Dans le dossier qui lui est consacré, une phrase liminaire de Michaël Glück pourrait valoir pour l’ensemble du projet éditorial des Carnets d’Eucharis : « Tout, dans l’univers, existe pour aboutir à une photographie. » On y découvrira autour de Nathalie Riera, attachées « au désir d’émancipation totale » de Susan Sontag, de fortes contributions (Sylvie Durbec, Angèle Paoli...).
Dans cet ensemble qui requiert bien plus le sens de la métamorphose que celui essentialisé et clivant de la métaphore, on suivra « au pas du lavoir » les découvertes d’un riche cahier poétique scandé notamment par Béatrice Machet, Claude Minière, Georges Guillain, Gérard Cartier, Gilbert Bourson :
Des Tziganes sur la terrasse de l’aube
vont et viennent chaussés de rythmes
avec des pas naufrageant les marches de l’hôtel
qui flamboie sous son emplâtre de brouillard
qui peu à peu se dissipe et disperse le bruit
des tracteurs invisibles du monde
le matin jubile pour celui qui ouvre
sa chambre fermée avec la clé des mots
au mail-plus-loin des voix tendent leur épiderme
où stagnent en épis les roulottes des joies
qui peu à peu occupent le grand silenciaire
de la nostalgie
cependant que partout
le monde se déplie comme un billet de banque
(Gilbert Bourson)
Patrice Beray
© MEDIAPART (16 mars 2013)
■ SITE - http://blogs.mediapart.fr/edition/revues-cie/article/160313/les-metamorphoses-deucharis
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Nathalie Riera est une lectrice infatigable. Egalement Poète, elle a publié Puisque beauté il y a (Lanskine, 2010), un recueil qui, en se gardant de tout solipsisme, couronne le jour qui passe et sait jouer des saisons de l’homme sur la terre. Depuis 2008, elle diversifie, dans sa revue numérique Les carnets d’Eucharis, les approches et les contenus littéraires. Sans sectarisme mais ouvert aux tendances esthétiques les plus novatrices, son site est devenu incontournable.
Voici aujourd’hui la publication d’une première version papier de ces carnets.
Ma décision d’en venir, une fois par an, à une version papier, est une manière de ne pas négliger un pan du lectorat qui s’avère peu attaché à la seule lecture numérique (…) Claude Minière m’a fait part de cette pensée : « dans le passage à l’édition papier, il y a un geste significatif. Par là, vous allez vers ce qui se donne à la main, ce qui peut se lire dans la main (dans la méditation) – et donc n’est plus sous l’impression binaire « informatique », se déroulant pour l’œil seul. (Réponse de Nathalie Riera à une question de Richard Skryzak dans l’avant-propos).
Au sommaire, on découvrira un dossier riche d’enjeux sur Susan Sontag (avec notamment des contributions d’Angèle Paoli, Jacques Estager et Nathalie Riera). La rubrique Au pas du lavoir nous offre à lire des poèmes de Mathieu Brosseau, de Gérard Cartier, de Gilbert Bourson, de Béatrice Machet… et de Claude Minière qui s’impose, d’après moi, comme le poète le plus singulier de notre modernité :
La mémoire passe de la ville à la campagne
quand les feuilles roses et grises s’unissent et se séparent selon le vent
le tronc ne bouge pas
déroulé du passage
définition spatiale du vocabulaire
au centre et à l’écart.
Les rubriques Le chantier du photographe, Traduction et Recensions concluent ce premier numéro d’admiration et de création.
Pascal Boulanger
© RECOURS AU POEME (2013)
■ SITE - http://www.recoursaupoeme.fr/revue-des-revues/les-carnets-d%E2%80%99eucharis/pascal-boulanger
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L’événement est à marquer d’une pierre blanche. Ces dernières années, on voyait surtout des revues qui passaient – étaient contraintes de passer – de l’état papier à l’état virtuel. On s’est presque habitué à tourner des pages qui n’avaient aucune réalité palpable, même si la machine, par excès de zèle, imite parfois le bruit ! La littérature, l’écrit, en voie de dématérialisation : la chose avait, a toujours, de quoi nous alarmer. Là, c’est l’inverse : le papier a une consistance, une odeur. On respire mieux soudain.
Les Carnets d’Eucharis, animés par Nathalie Riera, existent depuis 2008 en version numérique. Prose et poésie, mais aussi arts plastiques et réflexion critique se rencontrent, se croisent, dialoguent. Dans le premier numéro papier elle explique dans un entretien la vocation de sa revue : « Ma décision d’en venir, une fois par an, à une version papier, est aussi une manière de ne pas négliger un autre pan du lectorat qui s’avère peu attaché à la seule lecture numérique. Je n’ai aucune certitude quant à savoir si cela est ou non un bon choix. Certains lecteurs ont trouvé la démarche curieuse, l’estimant à contre-courant de ce qui se passe actuellement, à savoir la désertion du support papier en faveur du support numérique. » Puis elle cite cette amorce d’analyse par Claude Minière : « Dans le passage à l’édition “papier”, il y a un geste significatif. Par là, vous allez vers ce qui se donne à la main, ce qui peut se lire dans la main (dans la méditation) – et donc n’est plus sous l’impression binaire “informatique”, se déroulant pour l’œil seul. C’est important. » Oui, Claude Minière a raison de souligner la signification de ce passage préalable par la main qui éprouve avant l’œil, autrement que lui. Ce « travail de circulation » dont parle Nathalie Riera trouve là, en même temps que son support naturel, sa raison d’être.
Le premier numéro est consacré à Susan Sontag, avec des contributions diverses et des extraits de l’œuvre. La littérature n’est pas un secteur délimité. « Lire c’est espérer le voyage qui ébranle mes certitudes ou mes acquis », affirme Nathalie Riera dans le même entretien. Le geste esthétique comme volonté de « faire de la résistance » : Susan Sontag, jusqu’à sa mort en décembre 2004 à New-York (elle était née en 1933) incarna cet esprit de résistance. La vieille Europe autant que le Nouveau Monde, la politique et l’esthétique, la capacité d’admiration et la volonté d’analyse s’harmonisaient chez elle au sein d’une grande intelligence. Intelligence dont témoignent ses écrits, y compris posthumes (on édite actuellement son Journal chez Christian Bourgois). « Si je me suis engagé en littérature, tout d’abord comme lectrice puis comme écrivain, c’est aussi une extension de mes sympathies pour d’autres personnes, d’autres domaines, d’autres rêves, d’autres mondes, d’autres grandes questions. » Cette forme de « sympathie », assez rarement revendiquée par les écrivains, ne vient pas concurrencer l’intelligence, mais la renforcer.
Le dossier Sontag occupe environ le tiers du numéro. Des cahiers de création, poétique, photographique et de traduction, forment la deuxième partie. Enfin, classiquement (mais nécessairement), un ensemble de recensions critiques conclut le numéro.
Patrick Kéchichian
© La Revue des revues, N° 50 (2013)
■ SITE - http://www.entrevues.org/revue_extrait.php?id=8193
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Voici la venue d’une revue annuelle qu’il convient de saluer avec force. Celle-ci est une version « palpable» des Carnets d’Eucharis publiée en ligne depuis 2008 par cette âme ardente qu’est l’écrivaine Nathalie Riera.
La matérialité de la revue attire l’œil d’emblée : format oblong, soyeuse couverture noir anthracite où se détachent les titres en rouge, substantielle livraison de 203 pages. On la tient en main comme une promesse. Les carnetsd’Eucharis sont donc bien de ces sortes d’objets de l’esprit qui « se donnent à la main […] qui peuvent se lire dans la main…. » (Claude Minière).
Ce numéro 2013 rend hommage à Susan Sontag, hommage qui occupe le tiers du volume sous la forme de 9 contributions, précédé d’une très belle introduction de Sylvie Durbec. Viennent ensuite plusieurs cahiers rehaussés d’images en noir/blanc (dont certaines de N. Riera) : - cahier de création poétique dont le magnifique titre « Au pas du lavoir » incite à découvrir les contributions de Machet, Brosseau, Minière, Guillain, Cartier, Bourson, Couvé, Boulanger, Péglion, Riera ; - suit un ensemble de 4 portofolio où s’imbriquent textes et photographies, prenant en compte des travaux de Patricyan, Brill, Le Bail, précédé d’un belle introduction de Cosculluela ; - un entretien avec le peintre Bruno Le Bail, suivi d’un cahier de traduction (Erich Fried, Alda Merini, Annalisa Cima) ; le tout est complété par une abondante recensions de lectures.
Nathalie Riera est militante de la ferveur littéraire/poétique, et cette ferveur ne va pas sans véhémence, qui la caractérise entre toutes. En cela, elle accomplit un acte politique. On pourrait incruster au fronton de son entreprise cette formule (qu’elle revendique, d’ailleurs), fondement d’un engagement dans le monde et pour le monde : la poésie ? « Une maison qu’on peut habiter sans ridicule, un vêtement qu’on peut endosser sans ridicule, une attitude qu’on peut adopter sans ridicule… (Ponge).
Joël-Claude Meffre
© Revue EUROPE, N°1014 – Octobre 2013
SITE - http://www.europe-revue.net/
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Marie-Christine Masset
© PHOENIX, N°13 (mars 2014)
■ SITE - http://www.revuephoenix.com/actualite_revue_phoenix.html
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« Eucharis me dit que c’était le printemps » écrivait Arthur Rimbaud dans Iluminations, ce Carnet 2 est luxuriance et luminosité. Nathalie Riera ne fait pas semblant avec la poésie, la littérature, la photographie, et les Arts Plastiques. Tout est là, choisi et composé. Le sommaire, dense, tient ses promesses : Etienne Faure (Entretien conduit avec Tristan Hordé), Au Pas du Lavoir (neuf poètes), Le Chantier du Photographe, Portfolio (cahier visuel et textuel), En Haut du Pré (anthologie de textes contemporains et de paroles d’artistes), Traductions (six poètes), Portraits, Lectures. A cela s’ajoutent des photographies de Nathalie Riera : Au Jardin Hanbury, elles ne jalonnent qu’en apparence les différentes parties, elles invitent à avancer encore plus, à se laisser surprendre par ce printemps où chaque contributeur offre son regard et sa voix, son œuvre. Découverte, oui, à l’égal de l’œuvre photographique de Eric Bourret dans Portfolio: « L’ivresse des sommets », qui, nous écrit François Coadou « invite à ressentir la vie fût-ce un instant seulement dans l’ivresse dionysiaque des sommets, qui est aussi celle des abîmes, en esprits libres. » Au Pas du Lavoir, lieu de rencontres et de paroles, laisse les voix plurielles approcher, saisir le lecteur, anthologie surprenante où foisonne et brille la force de la poésie, quelques étincelles entre autres, Fabrice Farre : « Je laisse cette chaise contre la mienne/je vieillis plus vite si j’oublie le temps/et le corps qui venait s’installer », Corinne Le Lepvrier : « /enfant petite en avance et pressée je pleure tout cela déjà : preuve que l’on n’a pas d’âge que l’on ne possède rien. », Marie Etienne : « cette mort étalée dans le bus, ce chagrin dévoré de tendresse, l’inanité de ce diamant, stupide, énorme, dans un appartement déserté par la mort ». La voix d’Aurélie Foglia ne s’encombre pas du tumulte des eaux, elle sait extraire l’essentiel :
Avoir perdu
la main
Sourire au mot
Poésie
Mal interpréter
ce sourire
Dans Le Chantier du Photographe, le texte de Claude Minière : Sur une photographie extrait de « Mallarmé & les fantômes », fait sienne cette phrase de Blanchot : « le langage offre le spectacle d’une puissance singulière et magique ». En Haut du Pré nous rappelle ce parti pris de Nathalie Riera de ne faire l’impasse d’aucune forme artistique, telle est l’éthique même de sa revue, non pas parcours exhaustif de la création contemporaine, mais accueil et reconnaissance de la beauté où qu’elle soit. Le poème dans La Raison Pure de Paul Louis Rossi en est une preuve :
le fruit de la grenade
les graines le goût la
couleur la transparence
Puis des oiseaux dans
le cercle d’un soleil noir
boucle close
Le soleil il vient
du sol cheval cabré
peu dans le ciel
Les traductions, graines aussi de grenade, offrent à ce carnet ses ouvertures sur le monde, où se découvriront : William Sydney Graham, poète écossais, Paul Stubbs, poète britannique, Mort de l’Utopie d’après A piece of Waste Land de Bacon : « du monde d’Eliot, entre les roseaux humains et / le pelvis échoué et brisé du vent, sont encore piégés les quelques/ dernières pages de son livre » ; Mariangela Gualtieri, traduite par Angèle Paoli, au lyrisme vibratoire : « créature drue, toujours agenouillée qui transforme en autel la crevasse/ et le bord du trottoir » ; Juan Gelman, poète argentin ; Viviane Campi, autre voix italienne ; Eva-Maria Berg, poète allemande et Mina Loy poète anglaise :
Leda
Visiteur sub rosa
S’évanouit au profit de sa fille aînée
entraînant vers les roseaux
l’héritage et l’obstacle
de sa poitrine d’oiseau
Comme elle le fit pour Susan Sontag, dans son article « Mina Loy : une cartographe de l’imaginaire », Nathalie Riera nous invite à découvrir le parcours extraordinaire de cette femme. Avant les lectures (articles serait plus juste), le portrait critique de René Knapen par Claude Darras éclaire la densité tragique de son œuvre picturale, cette « fusion de l’allégorie de la mort et du portrait ».
Oui, ce carnet porte bien son nom : le printemps est là et Eucharis rayonne : Elisabeth Bishop peut écrire que « le jardin des plantes a fermé ses grilles » celui d’Hanbury est sans limites.
Marie-Christine Masset
© RECOURS AU POEME (printemps 2014)
■ SITE - http://www.recoursaupoeme.fr/revue-des-revues/les-carnets-deucharis-version-papier-opus-2/m-c-masset
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Le premier numéro en version imprimée était consacré à Susan Sontag; le second « poursuit sa ligne exploratrice des figures d’écritures » en laissant libre cours « à une constellation d’écrits inédits qui multiplient les franchissements et les traversées », selon les mots de la rédactrice en chef, Nathalie Riera. Cela donne un volume qui, pour hétérogène qu’il puisse d’abord paraître en matière générique et linguistique, trouve son unité dans le choix exigeant des textes et des images, un choix fondé sur la qualité esthétique et sur l’originalité thématique, dans une exploration des « paysages de la poésie et de la littérature ».
Après un entretien avec Étienne Faure autour de son dernier opus, La vie bon train, puis des photographies d’Éric Bourret commentées par François Coadou, le chapitre « Au pas du lavoir » présente des poèmes, des proses, des versets, des sentences lyriques avant un texte de Claude Minière extrait de « Mallarmé et les fantômes » et une « Petite anthologie de Textes contemporains er de Paroles d’artistes » (« En haut du pré »). Puis une partie multilingue avec des œuvres de W.S. Graham, Paul Stubbs, Mariangela Gualtieri, Juan Gelman, Viviane Ciampi, Eva-Maria Berg, Mina Loy traduites par Blandine Longre, Angèle Paoli, Raymond Farina, Brigitte Gyr, Olivier Apert… Enfin, des portraits et lectures critiques qui ouvrent un vaste horizon littéraire, et où chacun peut glaner sa nourriture.
Il faudrait tout citer, et l’on serait tenté de reproduire de larges extraits d’une revue qui, selon le souhait de la rédaction, a de grandes chances de muer le lecteur en « paysagiste », et à laquelle on souhaite une belle route.
Jean-Pierre Longre
© SITE J-P. LONGRE (avril 2014)
■ SITE - http://jplongre.hautetfort.com/archive/2014/04/02/vibration-de-langue-et-d-encre-5338166.htm
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© CCP, N°27 – Centre International de Poésie Marseille (printemps 2014)
■ SITE http://www.cipmarseille.com/publication_fiche.php?id=7a3f5ed78e87ae01d3ce99cd75218e85&PHPSESSID=04061d43614d1398014f7b474afd7611
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Blason de la dernière version papier des Carnets d’Eucharis, le lis d’Amazonie photographié par Nathalie Riera, qui dirige la revue internet du même nom. On connaît bien le site qui propose régulièrement des notes critiques et la présentation de poètes francophones ou traduits (une iconographie, des articles, des liens…). Cette revue annuelle marque la volonté de Nathalie Riera de diversifier les supports pour offrir « les mots comme autant de tracés, de traces, et bruits de sources »
On retrouve la ponctuation des photos, fleur ou papillon, monarque échoué que l’on voudrait protéger par la caresse d’une feuille ou déclinaison de variations imperceptibles : les ciels d’Éric Bourret laissent percer un noyau lumineux pris dans les nuages vaporeux (traîtres yeux du songe, l’image crépusculaire ou augurale nous traverse), dans un portfolio de 16 pages accompagné d’un texte de François Coadou.
Alors, nous lisons les poèmes :
« Quelques torches
allumées sur nos steppes
les prenons pour
des arbres »
Rien de neutre, les amers poétiques de Jean-Louis Bernard renouent le présent à la fibre préhistorique. Les poèmes proposés sont tantôt des inédits, tantôt des poèmes choisis dans l’œuvre déjà publiée d’un auteur comme ceux d’Étienne Faure qui ouvre la revue après l’éditorial, textes éclairés par l’entretien sur La vie bon train (éd. Champvallon) que mène Tristan Hordé : la gare comme lieu réel de passage certes, mais aussi perçue dans des « descriptions imaginaires » grâce à une « prose à demeure, pour un travelling circulaire », ce qui permet d’évoquer « le déploiement de la phrase » qui n’est pas le même en vers ou en prose.
Inédits, les fragments de Marie Étienne : pour chaque paragraphe une amorce de lieu, des bribes de récit les suivent et nous font pénétrer « autour du pot à miel qu’est le soleil ».
Inédites également les listes poétiques de Corinne Le Lepvrier et d’Aurélie Foglia :
« /enfant on garde ses trésors tout près du lit de l’oreiller où reposer la tête dans la poche de la robe chasuble dans le cartable dans le livre où déposer ses mains dans le sourire où se cacher
[…]
/enfant engoncée dans un anorak je suis potelée désolée il semble assise sur un banc comme posée déposée là ; je vais devenir une femme menue ; je vais rester petite ce sera ma forme désolée définitive je crois » (Corinne Le Lepvrier)
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« Avoir perdu
la main.
Sourire au mot
poésie.
Mal interpréter
ce sourire.
Chercher une écriture
en chair forgée.
Voir sans les yeux.
Fouiller des lèvres.
Peindre avec la langue. » (Aurélie Foglia)
Cela dans le cadre de pages bordées par un fil rouge, couleur qui traverse d’ailleurs la revue : chapitres du sommaire, titres des groupements ou nom des artistes selon les parties.
Après « Au pas du lavoir », « le chantier du photographe » : Claude Minière (qui offre aussi des poèmes « numériques ») évoque Stéphane Mallarmé dans ses rapports à la photographie de Nadar et à la peinture de Manet.
« En haut du pré » propose une anthologie de textes contemporains. Paul-Louis Rossi, dans La Raison pure, rapproche Thomas de Quincey et Emmanuel Kant. Richard Skryzak retrace son parcours dans Les Rêveries d’un vidéaste solitaire…
« Traduction » propose des poèmes en version bilingue.
« Portraits – Lectures critiques » présente des études le plus souvent détaillées. Une petite anthologie de poèmes de Mina Loy (traduits par Olivier Pert) suivie d’un article de Nathalie Riera constituent un véritable dossier pour découvrir la poète anglaise. Le texte d’Angèle Paoli nous fait entrer dans Douceur du cerf, de Marie Huot, qui nous entraîne dans l’univers de Giono, en passant par la mer chère à la poète qui, grâce au cerf, dénoue la mémoire en faisant des disparus le tissu du livre.
Force des Carnets d’Eucharis qui, dans une diversité vivante, allie les images du texte poétique à l’analyse en n’hésitant pas à parcourir la poésie du monde.
Isabelle Lévesque, mai 2014
© La Pierre et le Sel
■ SITE - http://pierresel.typepad.fr/la-pierre-et-le-sel/2014/05/les-carnets-deucharis-carnet-2-2014.html#comments
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Dans la jungle des sites consacrés à l’art ou à la poésie, Eucharis, « plante bulbeuse issue des forêts tropicales humides et sombres », fleurit avec grâce et ténacité depuis plus de six ans ; on peut désormais la goûter aussi sous forme imprimée, dans des « carnets » sobres et denses : le numéro deux a paru ce printemps. Écran, papier — contenus différents pour une même ligne ; essayons d’en donner une idée.
Le plan apparaît mûrement pensé. Édito vif et clair, puis sept parties qui, souvent, se répondent : « Entretien » avec un poète ; « Portfolio », sous-titré « cahier visuel & textuel », avec l’œuvre d’un photographe éclairée par une présentation critique ; « Au pas du lavoir », qui regroupe neuf contributions de poètes français contemporains ; « Le chantier du photographe », un essai où la photographie, bien que n’apparaissant pas d’emblée, joue un rôle central ; « En haut du pré », sous-titré « petite anthologie de textes contemporains & de paroles d’artistes » ; « Traduction », qui propose, en version bilingue, un choix d’écrits de sept poètes étrangers ; enfin, « Portraits-lectures critiques », avec une présentation biographique de Mina Loy (dont on aura lu des poèmes à la rubrique précédente) et un « portrait critique » du peintre René Knaepen, suivis d’un riche ensemble de présentations d’ouvrages récemment parus. Ainsi l’ensemble du cahier s’ouvre et se referme sur un regard critique, dialogue à haute voix ou comptes rendus de lecture ; quant aux parties deux et quatre, aux noms exprès bucoliques, l’écho de leurs titres signale ce qu’on y trouve, peut-être le cœur du propos : « comme une fraîcheur d’eau au creux de la main », pour reprendre les mots que Jaccottet applique à ce « très vieux poème », l’Odyssée.
On s’en veut de courir la poste et d’effleurer à peine les contenus. J’ai été particulièrement frappée par les douze vues de ciels, mystérieusement évidentes, d’Éric Bourret, photographe marcheur et philosophe en images. La grande diversité des écritures représentées dans « Au pas du lavoir » (vers mesurés ou non, une fois rimés, dispositifs formels exhibés — listes, cinéma…) me semble ne jamais verser dans un éclectisme facile. Au passage, il m’a plu de noter que la parité, parfaite dans la partie « lectures critiques », était allègrement violée, mais au rebours du sens habituel, dans les rubriques trois et six, dévolues aux poètes. Et la richesse de la rubrique « Traduction » doit bien sûr beaucoup au fait que là, « les poètes traduisent les poètes » (ainsi la façon dont Brigitte Gyr donne à sentir les jeux d’Eva Maria Berg avec la syntaxe et le mètre, malgré l’écart redoutable entre la structure de l’allemand et celle du français, force l’admiration). Enfin, le tissage tout au long du Cahier entre images et textes, tant au plan de la création que du discours critique, est une des forces de cette jeune publication, tout comme l’est, à mes yeux, une mise en rapport constante et juste de ces images et de ces textes avec l’expérience du corps vivant. C’est à bon droit que Nathalie Riera parle, dans son éditorial, de « [multiplier] les franchissements et les traversées ». Vivement le trois !
Myrto Gondicas, mai 2014
© Sitaudis
■ SITE - http://www.sitaudis.fr/Parutions/les-carnets-d-eucharis-carnet-deux.php
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© Le Matricule des Anges, N°155 (juillet-août 2014)
■ SITE - http://www.lmda.net/
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27/08/2014
Arlt
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08/08/2014
Eugène Savitzkaya, BUFO BUFO BUFO
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Du côté de chez…
Eugène Savitzkaya
Eugène Savitzkaya
© Photographie de Mélanie Gribinski
http://www.melaniegribinski.com/index.php?/poetes/
Bufo bufo bufo
Les éditions de Minuit, 1986
Les Carnets d’Eucharis | © http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com/
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Ogre parmi les floraisons, dauphin, je la mouillerai
vivante, ourse à la toison, au cœur, à la bouche
bordée de pétales, cousue et décousue, peinte et
blanche, dauphin, épouvantée, dévorant les fleurs,
jetée sur les prés, sur les eaux, à la machine,
à la boue nouvelle, au cœur immobile, pesant
moulin, moteur, mère, fleur sur l’étang ou tache
sur la neige, ourse que je pénétrerai troué, au cou,
la chaîne fine qui me décapitera avant le jour, à la
machine, éphèbe, jeune homme Sali, coloré, pourri,
Angèlique petite fille, Dominique mordue, coloriste qui
crache sur la neige, qui bave dans le lait,
perturbant les moussons, trouant d’un doigt
le paysage et l’œil d’un garçon de boucherie.
........................... (pp.25)
Vidé de mon cœur je me reluis, disait le pêcheur
guettant l’ombre, son foie dans le liquide de
la rivière, doucement rouge et transparent,
de salive je suis rempli, elle déborde et coule
peu à peu, écume sur le liquide de la rivière,
la mangent les poissons montant en flèche,
l’étendard violet dressé, ondulant, ils
dévorent les fleurs que j’ai jetées dans le
soleil et perdues, il roucoulait, sa langue
enroulée, son vélocipède couché sur les roseaux,
je les mangerai cette nuit, leurs entrailles
sur l’assiette jaune de porcelaine et de limon,
avec du jasmin et la couleur bleue du pinceau,
les os sur le bord dentelé, puis je laverai
la faïence dans le pur liquide, troublant la
rivière, verre tremblant, glacé d’œufs, de
feuilles minuscules et rondes, avec le gravier
du fond et le sable de la berge, mais son
bras gela, parlant il s’endormit, de crachat
rempli, de sang parfumé, sa canne noire
au-dessus du monde, son reflet dans l’eau.
........................... (p.61)
Au couteau je fus découpé et mes morceaux
posés sur les planches, j’étais le bœuf qui
traîne les charrettes, l’âne, l’orang-outan,
découpé je fus par l’épée qui traversait les
ténèbres, par la main qui fouillait la nuit, par
les vilains doigts sans ongles, écourté je fus,
en mon encore sur les plantes à lait, saumon,
puissant, bœuf musclé, scié par la scie qui
passe entre les planches, qui fouille le
fumier et l’étable, et mis sous terre avec mes os.
........................... (p.63)
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Ed. de Minuit, 1986 | © CLIQUER ICI
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Ed. Argol, 2014 | © CLIQUER ICI
22:09 Publié dans Eugène Savitzkaya | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
02/08/2014
Une Journée d'Andrei Arsenevitch (One Day in the Life of Andrei Arsenevich, 1999)
CHRIS MARKER
ONE DAY IN THE LIFE OF
ANDREI ARSENEVICH
1999, 55mn
« Qui mieux que Marker (…) pouvait s’aventurer sur les terres tarkovskiennes ? Alors qu’André S. Labarthe regrettait dans un entretien à Libération l’absence de Tarkovski parmi les cinéastes auxquels avait été consacré un volet de Cinéastes de notre temps, il reçut quelques jours plus tard une lettre de Marker. Ce dernier signalait avoir dans ses archives des rushes se situant entre le tournage de son ultime film et la mort du cinéaste russe. Quatre ans plus tard, l’épisode existait. Le titre du film paraphrase celui du roman d’Alexandre Soljenitsyne, « Une journée d’Ivan Denissovitch », implacable témoignage, le tout premier paru en 1962 du Goulag soviétique. Artiste « obsédé de la liberté » en URSS, Tarkovski a vécu une sorte d’exil intérieur (c’est ainsi que l’on caractérisait le fait d’être déporté dans les camps du goulag) dans son propre pays avant de le quitter – sans retour, bien malgré lui – en 1982, notamment pour tourner « Nostalghia » (1983) en Italie et « Le Sacrifice » (1986) en Suède. »
[…]
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© Arnaud Hée
Extrait d’un article paru dans le magazine du court-métrage « Bref » : Les constellations Chris Marker – N°108, 2013 (volume 3).
18:08 Publié dans VIDEOS, ANIMATIONS, DOCUMENTAIRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
01/08/2014
Robert Walser
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Du côté de chez…
Robert Walser
© Robert Walser en 1905
La promenade
L’Imaginaire, Gallimard, 2013 (reédition)
Traduction de l’allemand par Bernard Lortholary
(Site) GALLIMARD | © http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/L-Imaginaire/La-promenade
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Tandis que tu prends la peine, cher lecteur, d’avancer à pas comptés, en compagnie de l’inventeur et scripteur de ces lignes, dans le bon air clair du matin, sans hâte ni précipitation, mais de préférence d’une façon tout à fait propre, bonhomme, objective, posée, lisse et tranquille, voilà que nous arrivons tous deux devant la boulangerie déjà signalée, avec sa prétentieuse inscription dorée, et nous nous arrêtons, atterrés, enclins que nous sommes tant à l’affliction profonde qu’à la stupeur sincère devant cette grossière esbroufe et le gâchis qu’elle entraîne du même coup aux dépens d’un paysage qui nous est des plus chers.
Spontanément, je m’écriai :
- Pardieu, l’on est en droit d’être passablement indigné, face à de telles barbaries enseignardes et dorées, frappant les paysages circonvoisins du sceau de la cupidité, du lucre et d’un misérable abrutissement des âmes. Un maître boulanger a-t-il réellement besoin de se produire avec une pareille pompe et, par sa réclame stupide, de jeter en plein soleil autant de feux et d’étincelles qu’une coquette du demi-monde ? Qu’il pétrisse et enfourne donc son pain avec la modestie qui sied à l’honnêteté et à la raison. Dans quelle esbroufe commençons-nous à vivre, si les communes, les riverains, les autorités et l’opinion publique non seulement tolèrent, mais hélas manifestement vont jusqu’à approuver ce qui heurte tout sentiment de courtoisie, tout sens de la beauté et de la décence, ce qui s’étale ainsi de façon morbide, croyant devoir se parer de je ne sais quel clinquant lamentable et dérisoire, comme s’il braillait aux quatre vents, à cent mètres à la ronde : « Je suis tel et tel, j’ai tant et tant d’argent, et je prends la liberté de vous imposer mon tapage ! Certes, ce faste hideux fait de moi un rustre, un balourd et un béotien, mais je doute que personne n’aille m’interdire ma balourdise ! »
............................... (p.22/23)
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Puis-je avouer que, ces derniers temps, je suis parvenu à la conviction que l’art de la guerre peut être tout aussi difficile et exiger tout autant de patience que l’art d’écrire, et inversement !
Les écrivains aussi, comme les généraux, procèdent souvent à d’interminables préparatifs avant d’oser passer à l’attaque et livrer bataille, autrement dit lancer sur le marché de la librairie un livre, un produit de leur art ou de leur industrie, décision qui déclenche parfois de terribles contre-attaques. Il est notoire que les livres provoquent immanquablement des comptes rendus qui s’y rapportent, et qui prennent parfois un ton si acerbe que le livre ne peut que disparaître sans délai, tandis que manifestement son pauvre, pitoyable et indigne auteur s’étouffe lamentablement et sans aucun doute désespère à force de doute.
............................... (p.39/40)
Robert Walser (1878-1956)
Né le 15 avril 1878 à Bienne, dans le canton de Berne. Il avait sept frères et sœurs. Il publie son premier roman, Les enfants Tanner, en 1907. Son deuxième roman, Le commis, paraît en 1908, et en 1909 L’Institut Benjamenta. Il écrit ensuite des nouvelles et des poèmes, dont La promenade, qui date de 1917. Son dernier livre, La rose, paraît en 1925. En 1929, il entre dans une clinique qu’il ne devra plus quitter. Il meurt en 1956 , le jour de Noël.
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Autres sites : ŒUVRES OUVERTES
(Laurent Margantin)
| © CLIQUER ICI
VIDEO
« MONSIEUR ET TRES RESPECTABLE CORRESPONDANT »
2003
(Olivier Gallon)
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31/07/2014
SUSAN SONTAG dans Les Carnets d'Eucharis, 2013 (N°1)
E X T R A I T S
Les Carnets d’Eucharis, Année 2013
(HOMMAGE A SUSAN SONTAG)
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[…]
Devant l’image qui montre la douleur des autres, il reste à lutter contre plusieurs attitudes : la défection morale mais aussi la naïveté de qui croit découvrir l’horreur ou le cynisme de celui qui la voit comme une représentation et rien d’autre.
En entendant les propos de Macha Makéïeff à la radio vantant « la beauté convulsive » de Fukushima, j’aurais aimé lui opposer les arguments de Susan Sontag. Pour voir de la beauté dans la catastrophe, il faut soit se sentir hors du désastre, en le regardant de loin comme un spectacle et fuir ainsi sa propre peur, ou être en mesure de la transformer en œuvre, ce qui n’empêche pas d’en mesurer la réalité. De l’horreur, de la guerre, en effet, peuvent naître des tableaux et des poèmes. Otto Dix, Apollinaire, Picasso et bien d’autres artistes pourraient être cités. Cette douleur, si nous pouvons l’éloigner bien entendu, et même la transformer, elle n’en existe pas moins. Susan Sontag évoque en ce sens le travail du photographe canadien Jeff Wall comme antidote à l’indifférence devant la guerre. Il n’est jamais allé en Afghanistan mais a conçu une immense photographie[1] en 1992 à partir d’une installation mettant en scène des soldats morts. « Antithèse du document », cette image de Jeff Wall nous donne à voir l’horreur de la guerre mieux que des images de reportage réel. Il n’est pas hasardeux que l’artiste se réfère explicitement à l’œuvre de Goya.
Susan Sontag, après avoir réfléchi sur ce qui l’éloigne en partie de sa position dans ses précédents essais sur la photographie - qu’elle qualifie de conservatrice, la diffusion des images entrainant une apathie morale - explicite son cheminement de pensée en se référant à une « défense de la réalité » contre les tenants de la représentation. II faut des images, mais vues dans un cadre élargi, dans la compréhension de ce que les hommes sont capables d’infliger à leurs semblables. Revenant sur le travail de mémoire, elle choisit une posture originale : Pour elle, la mémoire est trop souvent associée à un excès de souvenirs qui rendent impossible toute réconciliation, parce que trop facilement utilisés pour opposer les identités au nom de la souffrance particulière de telle ou telle communauté. On se souviendra, outre son origine juive, qu’elle fut aux côtés des Bosniaques à Sarajevo, ou à Jenine, aux côtés des Palestiniens.
« Faire la paix, c’est oublier », écrit-elle.
Par l’image, il s’agit de faire réfléchir, non pas à une monstruosité particulière, mais de montrer de quoi l’humanité est capable en matière de cruauté et de violence. Cette conclusion paraît d’une grande sagesse dans un contexte international dominé par les violences interethniques et communautaires. Leçon de vie, pensée souple et pragmatique, culture ouverte, le livre de Susan Sontag est tout cela et reste un bel encouragement à la vigilance et à ne pas céder à la tentation du cynisme, de l’indifférence ou, pire à ses yeux, de l’angélisme.
« Nous » – ce « nous » qui englobe quiconque n’a jamais vécu une telle expérience – ne comprenons pas. Nous ne saisissons pas la chose. Nous ne pouvons pas nous représenter ce que c’était. Nous ne pouvons imaginer à quel point la guerre peut être horrible – ni à quel point elle peut devenir normale. Nous ne pouvons ni comprendre, ni imaginer. C’est ce que chaque soldat, chaque journaliste, chaque travailleur humanitaire, chaque observateur indépendant ayant connu le feu de la guerre et eu la chance d’échapper à la mort qui frappait les autres, tout près, éprouve, obstinément, et ils ont raison»[2]. […]
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© Sylvie Durbec
Extrait de « Devant Susan Sontag, écrire ? », (p.23/24)
[…]
Il est devenu plausible que, dans des situations où le photographe a le choix entre une photo et une vie, il choisisse la photo.
Puis elle-même et la rédaction, et surtout la France la meilleure, la plus consciencieuse, perdirent trois photographes et un reporter en Algérie et deux journalistes à Suez, et là Trotta lui dit : la guerre que vous photographiez pour les autres, pour le petit-déjeuner, elle ne vous épargne donc pas non plus ! Je ne sais pas, mais je suis incapable de verser une larme sur tes amis. Quand quelqu’un se précipite dans le feu pour rapporter chez lui quelques bonnes photographie de la mort des autres, il peut bien, avec cette ambition sportive, mourir lui aussi, il n’y a là rien de particulier, ce sont les risques du métier, rien de plus ! Élisabeth avait perdu toute contenance, car tout ce qu’ils faisaient à ce moment-là, elle le considérait comme la seule attitude juste, il fallait que les gens apprennent, et de façon précise, ce qui se passait là-bas, et il fallait qu’ils voient ces photos pour « être secoués, réveillés ». Trotta dit seulement : Ah bon, le doivent-ils ? Le veulent-ils ? Réveillés, seuls le sont ceux qui peuvent imaginer ça sans vous. Penses-tu être obligée de me photographier des villages détruits et des cadavres pour que je me représente ce qu’est la guerre, ou bien ces enfants indiens pour que sache ce qu’est la faim ?
De même que l’appareil photo est une sublimation de l’arme à feu, photographier quelqu’un est une sublimation de l’assassinat : assassinat feutré qui convient à une époque triste et apeurée.
Qu’est-ce que c’est cette prétention idiote ? Et celui qui ne sait rien, il feuillette vos séries de photos bien réussies, en esthète ou simplement écoeuré, mais cela doit dépendre de la qualité des clichés, tu en parles si souvent, l’importance de la qualité, est-ce qu’on ne t’envoie pas partout parce que tes photos ont cette qualité ? Demanda-t-il avec un léger mépris.
Une photo qui informe sur la détresse qui sévit dans une zone où on ne la soupçonnait pas ne fera pas la moindre brèche dans l’opinion publique, en l’absence de sentiments et de prises de position qui lui fournissent un contexte adéquat. (…) Les photos sont incapables de créer une position morale, mais elles peuvent la renforcer (…)
[…]
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© Michaël Glück
Extrait de « Tout, dans l’univers, existe pour aboutir à une photographie », (p.33)
[…]
L’aventure de la forme a été négligée, abandonnée, au profit du témoignage infini et de ce qu’un Stéphane Mallarmé appelait si justement, et avec quel dégoût, « l’universel reportage ». Inceste, viol, pédophilie, meurtre, cancer, conflit, crise financière, magouille politique, suicidé de frais, tout est bon, aujourd’hui, pour inscrire le roman dans le fil d’une actualité dont, en fait, il ne dit pas grand-chose, la critique sociale ayant, depuis longtemps, trouvé refuge dans le « roman noir ».
Le journal entretient notre représentation du monde comme fragmentation aléatoire et déréalisation quotidienne. La seule lecture que l’on peut décemment en faire est une lecture sur le mode surréaliste. Le journalisme possède, en effet, ce talent très particulier qui consiste à rendre considérable le banal et banal le considérable. Règne de la donnée hors contexte, de l’information partielle, des « chiens écrasés », de l’obsession « people », du dernier « débat de société » à la mode ; le J.T. et Internet n’ont fait que renforcer ces travers. C’est pourquoi ce dont nous aurions le plus besoin, aujourd’hui, c’est d’auteurs débranchés, inactuels, aptes à inquiéter les routines. Pas des experts en « faits divers » abonnés aux alertes automatiques de Google. Des auteurs du « dehors », en quête de vigueurs nouvelles.
Tristan Tzara, dans le manifeste Dada de 1918 : « Une œuvre compréhensible est produit de journalisme ». Aujourd’hui, la multiplication des accès à une information devenue pléthorique, contradictoire et omniprésente aurait dû frapper les auteurs par le côté précisément inconstituable de son discours. Or, tout se passe comme si l’écrivain n’avait pas noté la profonde aphasie de notre commun présent. La littérature semble partout, face au texte inarticulable de l’actualité, dans un état de sidération servile quant au contenu et de repli conservateur quant à la forme. Son obsession du sens la réduit à n’être qu’une simple donnée parmi d’autres. Les romans industriels sont devenus aussi jetables que le journal quotidien. En en empruntant les thèmes, ils finissent par en partager le destin.
[…]
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© Gérard Larnac
Extrait de « Sontag apparamment », (p.36/37)
Susan Sontag, comme chacun d’entre nous, était un personnage « de son époque ». Plus encore, elle fut l’un des principaux interprètes de cette époque. Elle sut adopter plusieurs masques littéraires comme celui de critique d’art, d’avocat polémique des causes politiques et sociales, jusqu’à celui de romancière, de correspondant de guerre, témoignant en cela de la grande variété de sa personnalité, (on pourrait même penser disparité), ce dont elle fut toujours consciente. En écrivant au sujet de Sartre elle avait lancé l’idée que le philosophe, fidèle aux rites primitifs de l’anthropophagie, les transposait afin de « manger le monde ». Elle nommait cet élan : cosmophagie. On pourrait lui retourner le compliment, Susan Sontag a avalé, a dévoré la vie comme le monde, en jouant de nombreux rôles. Une figure de l’excès s’il en fut.
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© Béatrice Machet
Extrait de « La revanche de l’intellect », (p.39)
[…]
Remettant en question sa mentalité de « citoyenne de l’empire américain », analysant avec lucidité ses contradictions personnelles ainsi que les paradoxes auxquels elle se trouve confrontée, elle tente d’approcher au mieux et de comprendre l’état d’esprit et la culture de ceux qui l’accueillent, elle, l’Américaine, avec tant de désarmante bienveillance. Une fois surmontés le côté négatif des toutes premières impressions et le désarroi qu’elles engendrent, l’une des difficultés majeures, dans la démarche intellectuelle et humaine qui est la sienne, consiste à se dépouiller des images que la femme et la militante se sont construites au cours de sa vie ; « sarabandes d’images » qu’elle porte en elle, qui forgent ses convictions et qui façonnent sa personnalité. Car « c’est une chose d’imaginer et autre chose de découvrir la réalité », de la saisir dans son épaisseur, indépendamment du « moulage qui portait la marque de l’esprit américain ».
[…]
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© Angèle Paoli
Extrait de « Trip to Hanoi ou le récit d’une « révolution intérieure » », (p.45)
[…]
« Pour moi, voyager, c’est se remplir l’esprit. (…) je vois combien la notion de « voyageur » a infiltré, parfumé, nourri mon rêve naissant de devenir écrivain. Quand je reconnais que tout m’intéresse, que dis-je d’autre, sinon que je veux voyager partout ? »
Chez Sontag les notions de lecture et d’écriture sont aussi intimement liées à la notion de voyage. Voyager pour défendre des libertés est un engagement qui se passe de toute démagogie, et sur ce point Sontag est sans concession. Elle a non seulement voyagé sur les terres de la littérature, mais elle a aussi directement vécu, pendant un certain temps, dans des pays en guerre. Durant l’été 1993, elle se rend, pour la deuxième fois, à Sarajevo pour monter En attendant Godot de Beckett – (« il était sûrement aussi dangereux d’aller à Barcelone en 1937 qu’il l’est d’aller à Sarajevo en 1993 ») – De 1965 jusqu’au début des années 1970, elle milite contre l’agression américaine au Vietnam. Autant de luttes et de positionnements qui définissent son profil d’écrivain, c’est-à-dire ne se voulant ni crédule ni idéaliste. Pour Sontag, rien de plus lamentables que ces « intellectuels tristement dépolitisés d’aujourd’hui, avec leur cynisme toujours prêt, leur accoutumance au divertissement, leur réticence à subir de l’inconfort au nom d’une cause quelconque, leur dévotion à leur sécurité personnelle. »
« L’art se crée parmi des hommes vivants et concrets, donc imparfaits. […] Il faut que votre verbe vise à atteindre les hommes et non les théories, les hommes et non pas l’art. » écrivait Witold Gombrowicz, dans son Journal, 1954.
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© Nathalie Riera
Extrait de « Susan Sontag et le désir d’une émancipation totale », (p.58)
[…]
Si la photographie a très tôt intéressé les écrivains (Hugo, Zola, Lewis Carroll), c’est que se joue en elle, à travers elle, la question de la trace, de l’empreinte, de la Graphie. Photo-Graphie. Ecriture de la lumière. Ecriture par la lumière. La lumière par l’écriture. La preuve par la lumière qui non seulement peut se voir, mais en plus s’écrire. Et que signifie au fond écrire sur la photographie sinon chercher dans l’écriture de la lumière une réponse à l’écriture du texte, c’est à dire à la lumière de l’écriture ? De ce point de vue il faut remonter très loin pour trouver l’origine du problème; à Moise et aux tables de la Loi. Moïse voit d’abord et ensuite ça s’écrit. D’où l’alliance originelle image/texte, le texte fait image car l’image est un texte. Susan Sontag, née Rosenblatt, ne peut l’ignorer. Une langue commune aux deux medias qui fonctionne au régime de la Révélation (le fameux révélateur photographique) et de l’Impression (sur un support, papier ou autre, au moment où Sontag écrit la photo argentique est encore la norme).
[…]
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© Richard Skryzak
Extrait de « Petite diversion à propos de Sur la Photographie de Susan Sontag », (p.60)
[…]
Susan Sontag a écrit “La maladie comme métaphore” à la fin des années ’70. Trente ans et des poussières plus tard, la maladie s’est compliquée, la métaphore en est devenue plus rugueuse encore, la chape de plomb s’est faite plus dense, plus lourde, plus sournoise. La maladie appartient plus que jamais à l’industrie pharmaceutique qui boursicote, protocole, cultive les effets d’annonce, promet, laisse espérer que dans quelques années au vu des résultats obtenus sur les rats, souris, lapins, cochons et autres cobayes, les malades du futur auront, sinon le privilège de guérir, au moins celui de ne plus traîner pendant toute leur vie le boulet d’avoir été un jour “gravement” malade et d’obtenir enfin un prêt dans une banque.
Or, même si l’espoir est le dernier à mourir, ça fait quand même un bail que durent ces “quelques années” parsemées de “molécules du futur”, de “nous y sommes”, de “blouses blanches reprises devant un microscope qui va voir ce que personne n’a encore réussi à voir, là bientôt, très bientôt”. Dans ce cirque médiatique qui vend de l’espoir périmé avant même qu’il n’arrive aux intéressés, le livre de Susan Sontag devient repère, il fixe les choses et nous les rend afin que nous regardions ce que tout est devenu. Un livre rare. Qui nous montre comment la métaphore de la maladie s’est développée, s’est embellie, continue à pousser dans le terreau des conflits, des injustices, des jeux de pouvoirs économiques et politiques qui parcourent désormais la planète à la vitesse des réseaux qui sillonnent espace, terre, ciel, mers, océans et air.
“La maladie comme métaphore”, Susan Sontag l’a voulu “essai”, une forme qui valorise et valide une recherche méthodique, presque universitaire mais qui en même temps s’adresse à tous sans tomber dans le piège de la “vulgarisation”. La question est trop délicate pour être simplifiée. Alors l’auteur argumente, étoffe, montre, prend à témoin l’histoire, la littérature, écarte le malade, sciemment l’évite, par respect, presque par tendresse, comme une mère elle le cache à la vindicte dont il est le sujet-objet-raison, la cause de quelque chose qui le dépasse et dont il ne sait rien. Comment pourrait-il le savoir lui qui est confronté plus que jamais à la vie dans ces instants où quelque chose a basculé ou s’est déclaré ou s’est mis à exister, à vivre. On ne meurt pas à petit feu, on meurt un point c’est tout, c’est la vie qui veut ça, pas la maladie. La maladie ne veut rien, elle vit sa vie, suit son évolution, court à sa perte de toutes les façons, guérison ou mort sont pour elle la même chose, la fin de son aventure. La maladie n’est jamais mortelle, c’est l’homme qui est mortel. Et pas seulement l’homme. Les arbres, les animaux et même la radioactivité sont mortels, ce n’est qu’une question de temps. Un jour, la vie se transforme en d’autres vies et/ou une infinité de morts, finalement chacun choisira son credo ou ne choisira rien et se laissera aller à l’indéfinition même de ce bagage encombrant. Mais mourir n’est pas au goût du jour. Dans une société qui mise sur « l’idéal d’une santé parfaite », la mort est forcément un échec. Susan Sontag revisite les siècles, la littérature, la peste, la syphilis, la tuberculose. Et le cancer. Dont elle prépare l’entrée en scène dès le début du livre, il est là entre les lignes, sujet délicat, « maladie mortelle (ou jugée l’être), parce qu’elle est ressentie comme obscène au sens originel du terme, c’est-à-dire de mauvais augure, abominable, répugnante, offensante pour les sens. »
[…]
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© Patricia Dao
Extrait de « La maladie comme métaphore », (p.62/63)
SUSAN SONTAG
Les Carnets d’Eucharis, Année 2013
(HOMMAGE A SUSAN SONTAG)
Like some Americans and many Europeans, I would far prefer to live in a multilateral world – a world not dominated by any one country (including my own).*
Comme certains Américains et comme de nombreux Européens, je préfèrerais de loin vivre dans un monde multilatéral – un monde qui ne serait pas dominé par un seul pays (quel qu’il soit, y compris le mien) – Literature is freedom(The Friedenspreis acceptance speech of Susan Sontag)
[Susan Sontag, « La littérature est la liberté » in Garder le sens mais altérer la forme, Christian Bourgois Editeur, 2008, (p.248) Traduit de l’Américain par Anne Wicke.]
Les Carnets d’Eucharis, Année 2013
(HOMMAGE A SUSAN SONTAG)
Format : 170 x 250|206 pages| ISSN : 2116-5548
ISBN : 978-2-9543788-0-0
2013
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29/07/2014
Chris Marker, La jetée, 1962
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16/07/2014
"En bref" d'Anthony Dufraisse
LE MATRICULE DES ANGES| N°155 (juillet / août 2014)
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Site : LE MATRICULE DES ANGES
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14/07/2014
Paul Thek
© Paul Thek
[Photo : Peter Hujar]
Robert Wilson en conversation avec Elisabeth Sussman, Whitney Museum of American Art, New York, et Theodore Bonin, Alexander and Bonin, New York
Né à Brooklyn en 1933, Paul Thek grandit à Floral Park, dans l’Etat de New York, avant de s’installer en 1951 à New York. Il se forme à l’Art Students’ League, au Pratt Institute et à Cooper Union et développe rapidement un mode de vie nomade, entre la côte Est des Etats Unis et l’Europe. Lors d’un séjour en Sicile puis à Rome en 1963, l’artiste est impressionné par les catacombes et les reliquaires. Il entreprend peu après sa très significative série des Technological Reliquaries (Reliquaires technologiques, 1964-1967), basée sur la rencontre de cires anatomiques et de matériaux industriels raffinés. « A New York à cette époque, il y avait une telle tendance au minimal, au non-émotionnel, à l’anti-émotionnel, même, que je voulais dire à nouveau quelque chose à propos de l’émotion, à propos du côté hideux des choses. Je voulais rendre à l’art les caractéristiques de la chair humaine crue », explique-t-il en 1969 dans une interview avec Emmy Huf pour De Volkskrant. Tandis qu’il fréquente la scène underground réunie à la Factory d’Andy Warhol, en particulier Jack Smith, le cinéaste de Flaming Creatures (1963), son œuvre construit une réponse critique au Minimalisme et au Pop Art. Susan Sontag, avec qui il est lié d’une forte amitié dès 1959, lui dédicace son premier livre, Against Interpretation (Contre l’interprétation, 1966), incluant notamment ses Notes on Camp. LIRE LA SUITE
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