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08/02/2020

Eduardo Arroyo. La peinture est aussi un combat - Nathalie Riera

Nathalie Riera

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 [Eduardo Arroyo. La peinture est aussi un combat]                                       

 

  

« Les artistes, en général, écrivent peu » affirmait Eugène Delacroix, et non sans raison, quand on sait l’importance, pour ce peintre-écrivain du XIXe siècle, de l’écriture expérimentale du journal comme un espace essentiel à son art pictural. En écho à Delacroix, notre contemporain Eduardo Arroyo s’est toujours intéressé aux peintres, notamment ceux qui étaient à la fois peintres et écrivains, « les peintres les plus intéressants sont ceux qui écrivent ». Il cite entre autres Max Ernst et Giorgio De Chirico comme « piliers » de sa peinture. Par ailleurs, Arroyo ne se cache pas d’être un artiste protéiforme : « Je ne suis qu’un peintre qui fait beaucoup de choses, qui se balade de l’écriture à la poésie, de la sculpture à la scénographie, pour arriver à la peinture, et peindre avec plus de force ».

Si peinture et littérature sont chez lui indissociables, son exil de l’Espagne franquiste le décidera à choisir la peinture plutôt que la littérature. On parlera d’une peinture « autobiographique » liée à la Figuration narrative, un mouvement pictural né au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris qui revendiquait « l’intérêt de l’anecdote, le droit au récit ». Pour Fabienne Di Rocco, traductrice, « […] cette conception de la peinture arcboutée sur l’anecdote et la littérature, il la tient autant de Francis Picabia que de Giorgio De Chirico »[1].

Né en 1937 à Madrid, Arroyo quitte l’Espagne en 1958, ce « pittoresque Paradis des mouches » où toute vie est soumise à la terreur. Banni de son pays par le régime de Franco, son passeport lui est confisqué le 25 octobre 1974 à Valence. Il attendra la fin du cauchemar et la restitution de son passeport espagnol le 1er avril 1976 avant de remettre les pieds sur le sol ibérique. Dans Berlin – Hiver 1975-1976, il écrit : « Le 20 novembre 1975, Francisco Franco Bahamonde rendait son âme dans un hôpital de Madrid, troué par les canules, percé par des tuyaux de différentes couleurs, lardé d’aiguilles. Moi, je suivais à la radio sa lente agonie. J’étais cloué au téléphone avec ma famille et, avec la main qui me restait libre, je peignais la réplique de la Ronde de nuit. Repeint, ce tableau, dans sa genèse et dans sa fin, exprime un souffle d’espoir ou la fin d’un cauchemar pour moi et pour l’Espagne. La mort du dictateur redonnait sens à ma vie »[2].

Arroyo est un artiste de la rupture, marqué par l’exil et par la fin d’un XXe siècle « riche de contradictions et de découvertes ». Dans le catalogue Eduardo Arroyo, Berlin-Tanger-Marseille, Germain Viatte précise au sujet de l’exil, outre qu’il permet à l’artiste d’affirmer sa propre singularité : « Le départ est une réaction du peintre aux menaces sur sa propre identité […]. Après les bouleversements du début du siècle et le traumatisme de la Grande Guerre, tout l’art moderne historique semble être ainsi né de l’exil. Dans ses ruptures successives, il a entraîné à travers l’Europe, puis outre Atlantique via Marseille, une cohorte d’ambulants réfractaires à l’étouffement. »[3] Eduardo Arroyo faisait partie du lot.

Peindre dans la rupture, c’est donner une physionomie à l’Histoire : « j’avais décidé irrévocablement de devenir un peintre d’Histoire ou d’histoires au pluriel »[4]. Sans condescendance pour le chantre du Ready-made il peint « Vivre et laisser mourir ou la fin tragique de Marcel Duchamp », une façon de crier haro sur la supercherie de l’avant-garde américaine ; avec « Les Quatre dictateurs » le peintre se mue en « assassin » : « il dissèque le Généralissime dans un grouillement de viscères […] éviscère aussi Salazar, Mussolini, Hitler… »[5]. Quand il aborde Napoléon en tant que figure de l’histoire : « c’est contre l’histoire, telle qu’elle m’a été enseignée que mes tableaux se dressent, contre l’histoire définitive, immuable, statufiée »[6]. Arroyo ne voue aucune sympathie pour Dalí et son adhésion à Franco, non plus pour Miró « dont il juge inacceptable les voyages entre Paris et Majorque alors que Picasso refuse de transiger et de rentrer en Espagne. »[7] Arroyo révèle n’avoir « jamais peint un seul tableau en Espagne de Franco. Jamais, j’ai vendu une seule litho (…) j’ai commencé à exposer en Espagne en 1977 », il veut dire deux années après la mort de Franco. En contrepartie le peintre-écrivain n’hésite pas à multiplier les hommages pour les poètes, les artistes et les étudiants victimes du franquisme, qui face à l’ennemi choisiront pour la plupart le suicide plutôt que l’arrestation. Il peint le suicide de Walter Benjamin à Port-Bou. Il peint le diptyque « Jean Hélion évadé en route de Poméranie vers Paris » pour saluer son aîné qui s’est évadé du Stalag II-B, en Silésie, le 13 février 1942. Arroyo ne peut concevoir l’acte de peindre sans cette attitude de transgression et il est conscient qu’il ne pourra jamais s’en sortir indemne, et tant mieux et tant pis. Il a toujours eu l’intuition que la peinture était libre, que tout était permis dans la peinture.

Constellation (non sans quelques coups d’éclats !) du trio Gilles Aillaud, Eduardo Arroyo et Antonio Recalcati, à une époque où les avant-gardes méprisaient la peinture. Arroyo s’en explique dans une interview avec Guitemie Maldonado et Jacques Henric : « … la peinture a toujours été mal vue… elle sentait la térébenthine. Mais moi je l’ai toujours défendue, elle m’a toujours intéressé, avec la littérature, les deux. »[8] Arroyo exclut la dimension « politique » dans sa peinture, lui accordant plutôt d’être « obsessionnelle ». De même il remet en question « l’efficacité de l’art dans la lutte idéologique ». Avec une « ironie joyeuse », il avoue : « J’aurais 20 ans aujourd’hui je serais bibliothécaire. Je peindrais pas. Tout le monde peint la même chose. »[9]

Formé à la peinture dès son arrivée à Paris, Arroyo choisit la multiplicité des pratiques picturales : collage, céramique, gravure, lithographie, jusqu’à l’invention d’objets scéniques, d’installations éphémères pour le théâtre ou l’opéra (plusieurs collaborations avec le metteur en scène Klaus Michael Grüber). Tout un travail de recherche et de création nourri de littérature, mais aussi de cinéma, de photographie, sans oublier sa passion pour la boxe, car rien n’échappe à cet artiste trublion.

Arroyo mènera une longue enquête, sur près de cinq années, pour écrire la biographie du légendaire Panama Al Brown (Alfonso Teofilo Brown), alias la « libellule noire » : « Al Brown me hantait, j’étais incapable de peindre. Alors je l’ai raconté ». La biographie de 300 pages est publiée la première fois en 1982.[10]

J’ignore si Arroyo a lu le remarquable livre de Joyce Carol Oates, De la boxe [11]. Sûrement qu’il partagerait cette évidence que « … la boxe, c’est en fait bien la vie, et qu’elle est loin d’être un simple sport […] ». Arroyo ne désapprouverait pas le point de vue de l’écrivain américaine qui ne voit pas dans la boxe la dimension ludique telle que reconnue dans le baseball, le football ou le basket : « On joue au football, on ne joue pas à la boxe », précise-t-elle. Je me permets ce parallèle dès lors qu’Arroyo fait entendre ne pas supporter les existentialistes, dont Sartre, « parce qu’ils méprisaient le sport. Mais le sport, ce n’est pas un mensonge, comme la peinture ou la littérature. Si on saute 2,20 m, on saute 2,20 m et si on saute 2,18 m, on ne saute pas 2,20 m. »[12]

Grand admirateur de Ray Sugar Robinson, Arroyo n’est pas le seul artiste attiré par la boxe ni le seul écrivain à écrire sur le sujet. On peut citer Norman Mailer (qui avait pour maître en littérature Hemingway, lui-même attiré par la boxe mais qui n’écrira que sur la corrida) et son livre sur le géant du ring Cassius Clay-Mohammed Ali, alias « le Plus Grand Athlète du Monde »[13].

Cinq années consacrées à l’écriture de Panama Al Brown n’est bien sûr pas anodin. Des liens de parenté peuvent exister entre le boxeur et l’artiste, quand l’un et l’autre se construisent sur la douleur ou comme l’écrit Oates « une des explications de la fréquente attirance qu’éprouvent de grands écrivains pour la boxe (de Swift, Pope et Johnson à Hazlitt, Lord Byron, Hemingway, sans parler de nos Norman Mailer, Georges Plimpton, Ted Hoagland, Wilfrid Sheed, Daniel Halpern et autres) reste la recherche systématique de la douleur dans ce sport, et ce au nom d’un projet, du but d’une vie… »[14]

Arroyo peint aussi la boxe de même qu’il collectionne divers documents sur le Noble Art. « Eduardo Arroyo, du ring à l’atelier, même combat » titre le journal L’Humanité du 21 octobre 2015 suite à la mise en vente le 22 octobre de plus de 300 documents qui retracent l’histoire des héros de la boxe. Parmi les peintures et les dessins d’Arroyo : l’huile sur toile de Marcel Cerdan (en 1972), Jack Johnson (1969, collage et papier de verre), le poète-boxeur Arthur Cravan après son combat contre Jack Johnson (1991, mine de plomb sur papier), puis encore Cravan, avant et après le combat avec Johnson (1993, aquarelle et mine de plomb sur papier), sans oublier son hommage à l’ancien mineur polonais Yanek Walzak (1974, mine de plomb)…et bien d’autres figures de la boxe à consulter sur le site de l’éditeur.[15]

« Lorsque j’étais enfant puis adolescent, il y avait beaucoup de combats de boxe à Madrid. Je suis allé voir des réunions à partir de l’âge de sept ou huit ans, en particulier avec mon grand-père. J’ai notamment eu la chance d’assister au championnat d’Europe entre Raymond Famechon et Luis de Santiago, le 29 juillet 1950, à Madrid. À l’époque, j’avais 13 ans. À partir de ce moment-là, j’ai commencé à beaucoup aimer ce sport même si je ne le pratiquais pas car je faisais du basket. Puis, quand je suis venu vivre à Paris en 1958, cela a vraiment été formidable. Il y avait le Palais des Sports, l’Élysée Montmartre, le Central, etc. J’allais tout le temps assister à des galas. J’aimais l’ambiance extraordinaire des salles, le public issu de milieux et de quartiers différents. Au Central, les titis parisiens avaient des formules extraordinaires et géniales. Ils rigolaient beaucoup avec un peu de dérision. Quand un boxeur était K.-O., ils avaient par exemple coutume de crier : “Faites de la place pour laisser passer la veuve !” À mes yeux, tout cela était très beau et magnifique. J’ai commencé à comprendre la richesse de la boxe et l’étendue de son champ aussi bien au niveau littéraire que cinématographique, sans compter les biographies de boxeurs. »[16]

Arroyo aurait été amusé d’entendre le champion poids plume irlandais Barry McGuigan répondre à la question « Pourquoi êtes-vous boxeur ? » : « Je ne peux pas être poète. Je ne sais pas raconter les histoires… ».

Un parcours thématique de ses œuvres depuis 1964 s’est tenu à la Fondation Maeght (de juillet à novembre 2017) sous le titre d’un tableau d’Arroyo « Dans le respect des traditions ». 7 autres toiles plus récentes seront réalisées pour cette exposition. C’est à cette occasion que j’ai découvert le travail engagé d’un artiste pour qui la parole était à la peinture.

Au moment où j’écris ces lignes, j’apprends la disparition d’Eduardo Arroyo, à 81 ans, le 14 octobre 2018. Avec un éléphant géant (semblable à celui du dessinateur et graveur Alfred Kubin), Arroyo avait rêvé de son enterrement aux côtés de ses livres préférés : « L’éléphant m’apportait mes livres ! Pas la totalité, bien sûr, mais une bonne part de ceux que j’aime, ceux que pour rien au monde je n’oublierais, ceux qui ont occupé mes nuits d’insomnie. […] Je me recouchai alors et posai ma nuque sur Robinson Crusoé, le volume qui serait mon compagnon dans l’au-delà, et me tiendrai lieu de passeport pour passer la frontière, la frontière de l’expiration […] »[17]

 

© Contribution publiée dans Les Carnets d'Eucharis (2019).

 

[BIBLIOGRAPHIE]

[Livres d’Eduardo Arroyo]

Deux balles de tennis, Flammarion, 2017.

Minutes d'un testament, Éditions Grasset & Fasquelle, 2010.

Dans des cimetières sans gloire : Goya, Benjamin et Byron-Boxeur, Grasset, 2004.

Panama Al Brown, 1902-1951, Grasset, 1998.

Saturne ou le banquet perpétuel, Éditions Jannink, Paris, 1994.

Sardines à l'huile, Édition Plomb, 1993.

 

 

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© Nathalie Riera, en mémoire à Eduardo Arroyo | Le poète-boxeur Arthur Cravan.

Collage sur papier canson noir profond (d’après un dessin d’Eduardo Arroyo, 1937).

 

 

[1] Fabienne Di Rocco, Eduardo Arroyo et le Paradis des mouches, Galilée, Paris, 2017, p.119.

[2] Eduardo Arroyo, Berlin – Tanger – Marseille, Musée Cantini, Marseille (12 février – 18 avril 1988).

[3] Ibid.

[4] Eduardo Arroyo, Dans les cimetières sans gloire – Goya, Benjamin et Byron-Boxeur, Grasset, Paris, 2004, p.56.

[5] Fabienne Di Rocco, Eduardo Arroyo et le Paradis des mouches, op. cit. p.39.

[6] Ibid., p.54.

[7] Ibid., p.62.

[8] In Art Press n°446 (juillet-août 2017).

[9] Ces paroles sont extraites de « Visite dans l’atelier de ce grand personnage de la Figuration narrative » (vidéo du journal Le Figaro) : http://www.lefigaro.fr/culture/2017/08/05/03004-20170805ARTFIG00013-eduardo-arroyo-l-ironie-joyeuse-du-peintre.php

[10] Eduardo Arroyo, Panama Al Brown, 1902-1951, Grasset, Paris, 1998.

[11] Joyce Carol Oates, De la boxe, Tristram, Auch, 2012.

[12] In Art Press, op. cit.

[13] Norman Mailer, Le Combat du siècle, Denoël, Paris, 2000 (Traduit de l'américain par Bernard Cohen).

[14] Joyce Carol Oates, op. cit. p. 31.

[15] Collection Eduardo Arroyo. De la boxe, etc., 2015. Site des éditions Piasa : https://www.piasa.fr/fr/auctions/collection-eduardo-arroyo

[16] Eduardo Arroyo raconte dans les colonnes de France Boxe. Voir le site : http://www.ffboxe.com/news-24660-boxe-professionnelle-arroyo-l-adieu-aux-armes.html

[17] Eduardo Arroyo, Deux balles de tennis, Flammarion, 2017.

16/11/2019

Pouvons-nous nous passer de pesticides ?

05/06/2019

Les Carnets d'Eucharis au Marché de la Poésie (Paris)

L’ATELIER DES

CARNETS D’EUCHARIS

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vous attend sur le stand d’Ent’Revues (700/704)

place St. Sulpice, Paris VI

(5-9 juin 2019)

pour la présentation de la dernière parution de la revue Les Carnets d’Eucharis et son cru 2019 dédié à Claude Dourguin.

 

samedi 8 & dimanche 9 juin 2019

à partir de 11h30 (toute la journée).

 

+ d'info :

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15/05/2019

Cees Nooteboom - 533. Le Livre des jours

 

 

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Cees Nooteboom 

 

Le Diario Novo de Cees Nooteboom

 

L’écrivain néerlandais Cees Nooteboom signe son dernier livre chez Actes Sud sous le titre 533. Le Livre des jours, à ne pas comparer à un journal, mais plutôt « quelque chose qui permette de fixer de temps à autre un peu du flux perpétuel de ce que vous pensez, de ce que vous lisez, de ce que vous voyez, mais en aucun cas un réceptacle à confessions ». Dans ce Diario novo, selon une expression de l’auteur, « Etats d’âme et examens de conscience n’y ont pas leur place », ce qui importe est d’avoir des choses à dire et à cela je me permets un rapprochement quand pour Max Frisch il convenait que toutes « choses à dire » soit dit « très précisément, et très simplement, c’est-à-dire sans ambition littéraire. Une bouteille à la mer ».[1] Toujours dans son Journal berlinois, vit-on pour dire quelque chose et à qui ?

Dans Le Livre des jours, ce sont pensées, voyages et souvenirs, entre le 1er août 2014 et le 15 janvier 2016, qui livrent le portrait d’un écrivain qui se demande toujours « Jusqu’à quel âge doit-on se soucier du monde ? » en même temps que le portrait d’un homme transformé « en individu de masse » : « pour personne vous n’êtes qui vous êtes », écrit-il. Cees Nooteboom vit dans ce « monde de malentendus » mais se réserve quelques échappées, sortes de temps de suspension, ce qui ne signifie pas pour autant que l’écrivain se tient loin du monde. Cees Nooteboom partage son temps entre Amsterdam et Berlin, puis, depuis plus de quarante ans, migre chaque été, pour quatre mois, jusqu’à l’île de Minorque, en Espagne. S’adapter dans une autre vie, dans un autre pays est « un exercice spirituel », mais ce qui est plein d’enseignements, ce qui requiert le plus l’attention de l’écrivain en dehors de l’île et de sa géographie maritime c’est son jardin : « Ce jardin, c’est un portrait de ton âme », mais aussi : « Il faut cultiver notre jardin, dit Voltaire (…) Je ne suis pas une plante, mais si c’était au contraire le jardin qui me cultive, moi ? ».

Le Livres des jours rapporte des moments d’observation, une attention toute particulière de l’écrivain pour les cactus, ces « habitants les plus impassibles du jardin » à la vue desquels « l’on ne peut s’empêcher de croire à la symétrie et à l’harmonie comme finalités de la création », puis également les aeoniums arboreum avec « ses feuilles vert clair disposées en cercle avec une belle régularité mathématique » ou encore les sempervivums : « Ces plantes n’ont pu être conçues que par un génie euclidien ». Ainsi, le séjour insulaire serait-il la promesse de mieux consentir au monde, lui accorder meilleure figure, c’est-à-dire s’accommoder de sa part tragique. Cees Nooteboom est « né avant une guerre » où son père trouvera la mort à la fin de l’hiver 1945 lors du bombardement de son quartier, « ensuite il y a eu des guerres pendant tout le reste de ma vie », écrit-il.

Le monde ne peut être autrement que paradoxal et la littérature n’est-elle pas pour s’en faire témoin ? Cees Nooteboom accorde à la littérature une juste place, loin du superflu ou de tout ce qui la rapprocherait d’une « perfection sculpturale ». Se rapproche-t-il de Witold Gombrowicz pour qui « le propos de la littérature n’est pas de résoudre les problèmes, mais de les poser ». À sa lecture de Cosmos, il reconnaîtra chez l’écrivain polonais son « absence totale de compromis ». En est-il ainsi du rôle de l’écrivain, de n’écrire comme personne d’autre et, pour reprendre Max Frisch, de ne surtout pas être le « pantin de l’opinion publique ».

Tout comme les arbres du jardin, les livres sont la famille de l’écrivain, mais pas n’importe quel livre. Il faut que le livre vous donne cette « impression d’avoir passé des heures à faire du trapèze (…) Travailler sans filet, sous la menace d’un saut périlleux, cela peut vous arriver aussi en lisant ». Quelques pages sont consacrées aux écrivains hongrois Miklós Bánffy, Péter Esterhazy et Miklós Szentkuthy et, plus brièvement, aux poètes Leopardi, « un haut sommet que j’ai l’intention de gravir depuis des années » et Mallarmé pour sa « poésie dépouillée de tout superflu » que Cees Nooteboom compare à un Malevitch ou un Mondrian.

 

14/05/2019

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© Nathalie Riera

 

 

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[1] Max Frisch, Journal berlinois (1973-1974), éd. Zoe, 2016.

04/05/2019

Lire Charles Racine aujourd'hui - Une présentation d'Alain Fabre-Catalan

 

Les Carnets d’Eucharis Hors-Série

CHARLES RACINE

DANS LA NUIT DU PAPIER

 

 

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Lire Charles Racine aujourd’hui

 

 

Charles Racine (1927-1995) est un poète suisse dont l’œuvre fut partiellement publiée de son vivant. Outre une plaquette, Sapristi, (Zürich, Hürlimann, 1963), il publia sous son nom deux livres : Buffet d’orgue (Zürich, Hürlimann, 1964) et Le Sujet est la clairière de son corps (Paris, Maeght, 1975). Il collabora par ailleurs à de nombreuses et prestigieuses revues en France, dont Le Nouveau Commerce, La Traverse, L’Ephémère, Po&sie et Argile.  

 

Il fut ainsi le contemporain ou l’ami de nombreux poètes qui écrivirent l’histoire de la poésie des années 60 et 70, comme Jacques Dupin, André du Bouchet, Jean Daive ou Michel Deguy, et fut soutenu par d’éminents critiques tels Georges Poulet ou Jean Starobinski, pour ne citer que quelques noms. Jusque dans l’effacement de ses écrits, Charles Racine et sa langue « posthume » témoignent de l’existence de la poésie. Cette œuvre qui semblait vouée au secret est désormais sortie de l’ombre où se tient l’étincelle du poème qui luit sous un Ciel étonné. Ce fut le titre du recueil posthume qui reprit en 1998, à l’initiative de Martine Broda et de Jacques Dupin, Le Sujet est la clairière de son corps (Maeght, 1975) avec les principaux écrits de Charles Racine publiés dans différentes revues françaises. Ainsi dans sa trajectoire solitaire avait-il croisé l’aventure éditoriale de la revue L’Éphémère créée sous l’impulsion de l’éditeur d’art Aimé Maeght. Avec le souci d’interroger la matière du poème, élargie à la question de l’art, l’écriture de Charles Racine trouva un port d’attache temporaire dans les pages de L’Éphémère puis de la revue Argile, de prometteuses revues qui accueillirent ses textes grâce aux rencontres avec les poètes de l’époque. L’étonnant recueil qui parut aux éditions Maeght en 1975 donnait à lire un subtil assemblage de textes, véritable alliage poétique accompagné de quatre gravures d’Eduardo Chillida. Par-delà son titre générique, Le Sujet est la clairière de son corps, ce recueil qui n’ouvrira pas un chemin vers d’autres projets de publication, constitue en lui-même un art poétique, et à sa manière singulière d’exister, « un lieu hors de tout lieu », ainsi que le définit le poète et ami Claude Esteban. Cette exceptionnelle publication reste pour les écrits de Charles Racine qui se poursuivront dans un retrait de plus en plus marqué jusqu’aux années 1990, un espace unique de dévoilement qui ne laissa pas indifférents les lecteurs du moment. Ainsi ce fut dans le premier numéro d’une nouvelle revue fondée en 1977 par Michel Deguy, la revue Po&sie, que parurent en ouverture un ensemble de poèmes de Charles Racine datés de 1942 à 1968. Cette poésie vouée à l’exil de l’écriture et qui met en question la lecture même du poème jusque dans le suspens d’une langue qui s’abîme dans ses reprises incessantes, a pris le risque d’exposer son échec, sans jamais oublier l’injonction de Paul Celan dans son discours Le Méridien prononcé le 22 octobre 1960 : « Prends plutôt l’art avec toi pour aller dans la voie qui est le plus étroitement la tienne. Et dégage-toi. »

 

Les Carnets d’Eucharis

Conçue sous forme de triptyque, cette publication rassemble tous les articles publiés dans les numéros annuels des Carnets d’Eucharis des éditions 2016 et 2017, augmentée en 2018 de documents inédits, dont un long entretien avec Gudrun Racine, l’épouse du poète, dépositaire des Archives Charles Racine à Zurich. Placée sous le signe de « la rencontre de Charles Racine », elle a pour dessein d’éclairer les lecteurs autant sur la vie que sur l’œuvre d’un poète longtemps dissimulé.

Des articles, des poèmes, des lettres, des notes, des manuscrits, des entretiens et des témoignages ont aidé à la réalisation de cet ouvrage exceptionnel diffusé en France et en Suisse. Cette édition spéciale « Charles Racine – Dans la nuit du papier » constitue la première monographie consacrée au poète suisse et a été publiée en décembre 2018 avec le soutien de la Fondation Jan Michalski par la revue Les Carnets d’Eucharis que dirige Nathalie Riera. Cet hommage a été́ rendu possible grâce au concours de ceux qui ont été́ proches du poète, mais aussi de ceux qui ont pressenti une œuvre à venir.

 

 

Présentation assurée par Alain Fabre-Catalan

© RECOURS AU POÈME – (4 mai 2019)

SITE – CLIQUER ICI

 

30/04/2019

Les Carnets d'Eucharis 2019 - une lecture d'Hugo Pradelle pour Ent'Revues

Les Carnets d’Eucharis 2019

●●●●●Poésie | Littérature | Les Arts de l’Image (photo&vidéo) ●●●●●● 

 

 

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Les Carnets d’Eucharis : Un cheminement nécessaire

 

 

Dans l’œuvre de Claude Dourguin, « l’immobilité est considérée comme contraire à la vie. Il y a nécessité de quitter ce qui abrite et protège, d’éprouver le vif des choses », écrit Tristan Hordé. « Dans chaque livre, Claude Dourguin tente inlassablement de restituer quelque chose de ‘l’inapparente réalité’, allant du paysage à l’imagination, appréciant dans ce mouvement ce qui nous demeure inconnu, labyrinthe où l’on erre pour se retrouver autant que pour se perdre. »

Le dernier numéro des Carnets d’Eucharis, deuxième volet d’une série intitulée « sur les routes du monde », se centre sur son travail, déployant onze contributions qui situent un auteur secret, discret, mystérieux. Une écrivaine du labyrinthe paradoxal de la nature, de la marche, de l’immensité du dehors et de ce qui se joue au plus profond de soi. Claude Dourguin refuse la fixité, la ponctualité. Elle parcourt le monde, la nature, leurs voies secrètes et infinies. Dans l’entretien qui ouvre le long dossier qui lui est consacré, elle confie : « le parcours, ou le parcourir, m’importe, m’est une nécessité. » Son œuvre répond à la nécessité d’un cheminement, d’une prospection attentive. C’est pour elle, visiblement, la nature même de l’écriture. « Le chemin, la route traversent des paysages divers, descendent, montent ; et les différences de pente, de nature du terrain sont infinies, subtiles. Chaque manière d’aller, différente, assure une liberté d’itinéraire, de rythme, de tempo. L’écriture connait ce climat de libre allure qui s’autorise les arrêts, les reprises, les détours. Ce sont aussi les modes du vagabondage, de la flânerie », dit-elle.

Chacune des contributions de ce numéro fort riche se lira comme l’un de ses détours dans lequel on trouvera une respiration, un repos, un écho. On réalise d’abord, comme très doucement heurté, que Claude Dourguin inscrit sa pensée dans la matière même du monde. Jean-Baptiste Para y insiste avec netteté, dans un excellent article, pour elle : « le réel avant tout ». Un réel qui réclame une attention totale, auquel il faut se frotter. C’est une « expérience du moment », écrit Michael Bishop. On s’y suspend, on s’y concentre. Comme l’écrit Marco Martella en paraphrasant Rilke : « être poète (…) c’est accepter la terre, retrouver sa place d’être humain au milieu des choses du monde, et si la poésie a une tâche, c’est d’indiquer le chemin qui mène au monde, à sa présence sensible. » Le rapport aux choses, à leurs formes, à ce qui entoure, qui nous fait condition, le temps que l’on accepte d’y transformer, augure d’une œuvre qui préfère l’expérience à la subjugation du symbole ou de la langue pour la langue. Ce qui fascine tous les contributeurs du numéro, c’est bien cette prospection.

Rien de bavard, d’inutile, de superflu. On se trouve face à une œuvre qui ordonne au monde un rapport d’évidence. Il faut montrer, sentir, exprimer. Comme l’écrit Martella : « Tous les poètes chez qui l’écriture et l’existence ne font qu’un nous l’ont dit : la parole ne peut être qu’une réponse à la vie, un geste de louange, un acte dû. » Quand la poésie égale la vie, on reconnaît que l’autre, le monde extérieur, ce qui n’est pas soi, existe et qu’il nous altère. Le dossier fourni des Carnets d’Eucharis offre l’occasion rare de découvrir et de se plonger dans l’œuvre de Claude Dourguin sans l’isoler, ni l’aborder avec une forme de précaution qui la différencierait. Au contraire, l’ensemble du numéro semble répondre à ce chemin qu’elle ouvre devant chaque lecteur. On lira ainsi un texte sur Olivier Rolin, auteur bien connu, qui a consacré de nombreux textes au voyage, ses voyages dans le nord de l’est, obsédé par la Russie. Quelques titres ainsi : Sibérie (Inculte), Le Météorologue (Seuil), Baïkal-Amour (Paulsen), Bakou, derniers jours (Seuil), Solovki (Le bec en l’air)… On lira aussi un texte sur Clarice Lispector ou sur le peintre Aduardo Arroyo. On y découvre des poètes traduits du grec, du taiwanais, de l’allemand ou de l’italien, belles surprises, ou on y lit des textes inédits de Jean-Paul Bota, Laurent Enet ou Thierry Dubois, des entretiens avec Christophe Lamiot Enos et André Ughetto…

On s’arrêtera sur la conversation entre Nathalie Riera, Claude Brunet et André Ughetto qui avance, comme pas à pas, dans l’existence d’un infatigable promoteur des revues. On y découvre son enfance, sa jeunesse, les livres qu’il aime, qui l’ont poussé en dehors de lui, de l’évidence de l’existence : La Peste de Camus ou Le Hussard sur le toit de Giono. On y suit aussi sa carrière d’enseignant, son obsession d’une transmission vivante des textes, ses enthousiasme, l’importance de se découvrir des relais. Il y explique son rapport à l’image animée, au cinéma, ses rencontres, ses films, ses rapports avec René Char, la poésie tout simplement. Et parle de la revue qu’il anime avec une grande énergie, sur tous les fronts, avec son équipe volontaire : Phoenix (dont nous rendions compte du dernier numéro consacré à André Velter). Une revue majeure dans laquelle la poésie venue d’ailleurs, la traduction, occupent une part importante. On pourra lire, comme en écho avec elle, un texte de Rita R. Florit, poète italienne (un entretien avec elle figure au sommaire), qui pourrait répondre au chemin ouvert par Claude Dourguin :

Trouver la terre, parcourir, noter, ceindre, créer des liens

Et pourtant être libre dans l’unique souci : la terre, tandis qu’Ishtar

Gravide fait peser un joug d’amour qui assombrit la pensée,

L’enchaîne à elle-même.

 

Trovare la terra, percorrere, segnare, cingere, creare vincoli

Eppure essere libri nell’unico pensiero : la terra, mentre Ishtar

Gravida, grava un giogo d’amore che annotta il pensiero,

L’inacatena a se stesso.

(traduction par Angèle Paoli)

 

Hugo Pradelle

© ENT’REVUES (25 avril 2019)

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15/03/2019

LES CARNETS D'EUCHARIS - SUR LES ROUTES DU MONDE (Vol. II, 2019)

LES CARNETS

D’EUCHARIS

[Édition 2019]

 

 

 

CLAUDE DOURGUIN

CLARICE LISPECTOR – OLIVIER ROLIN – EDUARDO ARROYO

 

 

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 [PARUTION LE 25 MARS 2019]

 

Tristan Hordé Myrto Gondicas Pierre Chappuis Bernhild Boie Jean-Baptiste Para Claude Chambard Éryck de Rubercy Marco Martella Didier Pinaud Richard Blin Michaël Bishop Nathalie Riera

 

 

 

[… l’asphalte trace ses trajectoires de tentation, montées, courbes, descente, sombres, humides ou claires elles arpentent le pays, me voici encore et toujours halée par le mirage des découvertes, dans l’air glacial et dur projetée vers là-bas – au loin que je rejoindrai, une lumière, une contrée, un rivage, des architectures différentes, une manière autre de parler…]

[Extrait]

 ……………………………………………………………………………..

Chemins et Routes, Éditions Isolato, 2010.

 

 

Nicolas Boldych Michel Gerbal Catherine Zittoun André Ughetto Rita R. Florit Christophe Lamiot Enos Jean-Paul Bota Gilles Debarle Thierry Dubois Laurent Enet Benoît Sudreau Victoria Gerontasiou Yin Ling Gianni D’Elia Sarah Kirsch…      

 

 

Format : 16 cm x 24 cm | 216 pages (dont un Cahier visuel de 8 pages)

| France : 26 € (frais de port compris)

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L’ATELIER LES CARNETS D’EUCHARIS BP 90044 - 83521 Roquebrune-sur-Argens Cedex

 

 

© L’Atelier des Carnets d’Eucharis, 2019

 

31/01/2019

Charles Racine. Dans la nuit du papier. (Une lecture d'Isabelle Baladine HOWALD sur Poezibao)

 

Les Carnets d’Eucharis Hors-série

CHARLES RACINE

DANS LA NUIT DU PAPIER

 

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Toujours belle et soignée, la livraison des Carnets d’Eucharis, dirigés par Nathalie Riera, est cette fois consacrée à Charles Racine (1927-1995) sous l’efficace et fine coordination d’Alain Fabre-Catalan.


Charles Racine, à la réputation discrète mais très estimée, est le poète d’une œuvre particulière, constamment exigeante. Ses poèmes existent maintenant aux éditions Grèges, et le dossier des Carnets d’Eucharis, sous-titré « Dans la nuit du papier », vient compléter la vision que l’on peut maintenant avoir de ce poète toujours en quête. Il réunit poèmes et textes déjà publiés dans d’autres éditions de la revue, et est agrémenté de lettres, manuscrits, témoignages, textes et poèmes ainsi que d’un entretien essentiel (de même pour l’introduction) mené par Alain Fabre-Catalan avec Gudrun Racine, l’épouse du poète. D’autres entretiens, émouvants et éclairants (comme celui de son voisin et ami Gérard Zinsstag) apportent leurs témoignages vivants de ce poète toujours en déplacements extérieurs et intérieurs…  
Lire la suite sur POEZIBAO

 

12/12/2018

CHARLES RACINE - DANS LA NUIT DU PAPIER / Edition spéciale - Parution le 17 décembre 2018

LES CARNETS

D’EUCHARIS

[Édition spéciale 2018]

 

 

CHARLES RACINE

DANS LA NUIT DU PAPIER

 [PARUTION LE 17 DECEMBRE 2018]

 

 

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Lambert Barthélémy

Silvio R. Baviera

Alain Fabre-Catalan

Frédéric Marteau

Charles Racine

Gudrun Racine

Nathalie Riera

André Wyss

Gérard Zinsstag

 

Charles Racine : Dans la nuit du papier, numéro hors-série des Carnets d’Eucharis (2018) est une première monographie consacrée au poète suisse Charles Racine (1927-1995). Pour Nathalie Riera, Directrice de la revue, à l’initiative de cette publication, cet hommage monographique a été rendu possible grâce au concours de ceux qui ont été proches du poète, mais aussi de ceux qui ont pressenti une œuvre à venir.

 

Même si les signes de reconnaissance ont été nombreux, le nom de Charles Racine est resté dans l’ombre durant les années 1980/1990. Il faudra attendre 1998, trois ans après la disparition du poète, pour la parution de Ciel étonné (Éditions Fourbis), avec les préfaces de Jacques Dupin et de Martine Broda. Puis récemment, de 2013 à 2017, la publication des trois volumes des œuvres (presque) complètes aux éditions Grèges, avec les préfaces de Yves Peyré et de Jean Daive.

 

Toute la vie de Charles Racine sera une vie d’exil entre Zurich et Paris. Ses liens à Paris avec les poètes seront nombreux : Yves Bonnefoy et André du Bouchet le publieront dans la revue L’Éphémère (1967), André Dalmas dans Le Nouveau Commerce, Claude Esteban dans Argile et Michel Deguy dans Po&sie. Jacques Dupin l’introduira dans sa collection chez Maeght avec la publication en 1975 du recueil Le Sujet est la clairière de son corps (illustré par des gravures d’Eduardo Chillida).

 

Conçu sous forme de triptyque, Charles Racine : Dans la nuit du papier rassemble tous les textes publiés dans les numéros annuels des Carnets d’Eucharis des éditions 2016 et 2017, augmenté en 2018 de documents inédits, dont un long et passionnant entretien que Gudrun Racine (l’épouse du poète, dépositaire des Archives Charles Racine à Zurich) a bien voulu accorder à Alain Fabre-Catalan et qui, placé sous le signe de « À la rencontre de Charles Racine », est un document de toute importance, à dessein de nous éclairer autant sur la vie que sur l’œuvre de Charles Racine.

 

La coordination de cette édition spéciale assortie d’un cahier visuel en quadrichromie est assurée par le poète Alain Fabre-Catalan.

 

Des textes, des poèmes, des lettres, des notes, des manuscrits, des entretiens et des témoignages ont aidé à la réalisation de cet ouvrage exceptionnel diffusé en France et en Suisse.

 

 

 

Je m’éveillerai de la mort

c’est certain ! Je traverserai

les lignes, les courbes de ma texture

les enjambant toutes, je serai libre de tout opprobre

je serai la route et le vaisseau

je serai l’eau voyante, l’eau voyant ceux qui existent

Je n’irai pas portant mon sac vide de pain

 

1975

 

[Extrait de « Il faut avoir traversé l’écriture]

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Poésie ne peut finir, Éditions Grèges, 2017, p.177.

 

 

[VOTRE COMMANDE]

 

 

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CONTACT: Nathalie Riera nathalriera@gmail.com /

 

Format : 16 cm x 24 cm | 104 pages (dont un Cahier visuel de 8 pages)

| France : 26 € (frais de port compris)

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Ouvrage publié avec le soutien de la Fondation Jan Michalski.

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30/11/2018

Les Carnets d'Eucharis 2018 - une lecture de Mazrim Ohrti (pour Recours au Poème)

 

 

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Dernier opus annuel ver­sion papier, suite du numé­ro « por­traits de poètes vol.1 » paru en 2016. C’est Gustave Roud qui se fait tirer le por­trait avec les hon­neurs. La cou­ver­ture nous invite à un plon­geon en des eaux qu’on devine accueillantes mal­gré l’inconnu sous la sur­face. Comme tou­jours, en plus de poé­sie, il est ques­tion d’arts visuels péné­trés en mots et en images. Et cette « entrée dans l’eau » imprime tout son mou­ve­ment en port­fo­lio par la maî­tresse des lieux, Nathalie Riera. Les rédac­teurs habi­tuels, Richard Skryzak, Martine Konorski, Laurence Verrey, Alain Fabre-Catalan, Tristan Hordé, Angèle Paoli, Claude Brunet… mettent leur savoir-faire et leur ins­pi­ra­tion au ser­vice des divers por­traits, entre­tiens et tra­duc­tions (3 poètes ita­liennes). 

Un tra­vail grâce auquel des auteurs vivants et très actifs en côtoient d’autres dis­pa­rus, tels que Marina Tsvetaïeva, Armel Guerne ou Czeslaw Milosz, dont la sin­gu­la­ri­té de leur écri­ture comble un lec­to­rat qui sub­siste – faut-il le rap­pe­ler ? « A claire-voix », quête, fon­de­ments et genèse des écrits chez Julien Bosc, Brina Svit ou Esther Tellerman (sou­riez, vous êtes fil­més !). Chacun, à sa manière, tente de faire res­sor­tir du poème la por­tée uni­ver­selle de sa pro­blé­ma­tique. C’est entre pudeur et besoin de révé­la­tion que sont évo­qués ces fer­ments néces­saires que sont trau­ma­tismes et bles­sures internes.

« Au pas du lavoir » pro­pose des poèmes de gens plus ou moins connus sur la place (de Rodolphe Houllé à Hélène Sanguinetti, de Jean-Paul Lerouge à Isabelle Lévesque). Le dos­sier consa­cré à Gustave Roud foi­sonne. Pas moins de qua­torze auteurs (dont James Sacré, Nathalie Riera, J-C. Meffre… L. Verrey et A. Fabre-Catalan, tous deux coor­di­na­teurs du dos­sier) pour don­ner envie de lire l’auteur suisse (donc à part), cer­né par ses tro­pismes buco­liques aptes à faire rimer Amour et Nature sous une réso­nance par­fois élé­giaque. Idyllique, cham­pêtre sont des adjec­tifs qui reviennent à pro­pos de l’œuvre du poète vau­dois – néo-roman­tique ? Traducteur de Rilke, Hölderlin, Novalis ou Trakl, son tra­vail « s’apparente à la lente approche d’un pay­sage », il aura influen­cé Philippe Jaccottet, Anne Perrier ou Maurice Chappaz, pour ne citer que ses pays. Il faut évo­quer enfin Roud pho­to­graphe (avec quelques repro­duc­tions ici), amou­reux aus­si de la pein­ture ; celle de Gérard de Palézieux notam­ment en laquelle il se retrou­vait, comme en témoigne leur échange épis­to­laire qui dura 25 ans jusqu’à la mort du poète en 1976. Deux autres artistes moins connues sont éga­le­ment mises à l’honneur. Nancy Cunard, poète d’origine anglaise, éga­le­ment édi­trice, maî­tresse d’Aragon (dur métier !), ayant fui son milieu social aus­si argen­té qu’étriqué à tant d’égards. Elle y répon­dra par son enga­ge­ment mili­tant pour la cause afro-amé­ri­caine et afro-euro­péenne dis­cri­mi­née comme on le sait dans le monde occi­den­tal et contre la mon­tée des tota­li­ta­rismes de l’époque. Sa  Negro antho­lo­gie  de 1934, au faible reten­tis­se­ment alors, se voit re-publiée en 2018 aux nou­velles édi­tions J. M. Place en fac-simi­lé, « aug­men­tée d’un appa­reil cri­tique ».

Charlotte Salomon ferme ce trio d’honneur du numé­ro : « jeune peintre alle­mande morte en 1943 dans le chaos du nazisme », par ailleurs sou­mise au germe héré­di­taire de la folie. « Liberté de ton » et « audace iro­nique » carac­té­risent ce jeune tem­pé­ra­ment bien trem­pé de son temps qui lais­se­ra à la pos­té­ri­té un mil­lier de gouaches et un livre (gra­phique) inti­tu­lé Vie ? ou théâtre ?, publié en fran­çais aux édi­tions du Tripode en 2015 où l’histoire de sa vie est peinte et dépeinte. On retien­dra la suite de la « conver­sa­tion autour du poste de télé­vi­sion » amor­cée dans le numé­ro de 2017 entre Alain Bourges et Richard Skryzak, le second inter­vie­want le pre­mier, cette fois-ci sur son œuvre écrite. On dis­serte entre autre sur la façon dont la réa­li­té est fina­le­ment aus­si indexée sur l’imaginaire que l’inverse, pré­texte à orga­ni­ser sa vie tout en résis­tant « à la sou­mis­sion ou la folie ». Au bout du compte, un numé­ro qui confirme son foi­son­ne­ment éclai­ré, à abor­der par où l’on veut. D’un mot une image, d’une image la sen­si­bi­li­té du lec­teur qui s’anime et glisse entre les dis­ci­plines, pas si éloi­gnées que ça les unes des autres.

 

Mazrim Ohrti

© RECOURS AU POEME (novembre 2018)

SITE – CLIQUER ICI

01/05/2018

W. G. Sebald

W.G. SEBALD

Les Anneaux de Saturne

 

 

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  Extrait

 pp. 223-225

 

[…] Quand le taxi, une grande limousine scintillante, était arrivé, j’avais tenu ouverte la porte arrière pendant qu’elle s’installait au fond. Sans un bruit, la limousine s’était mise en mouvement, et Anna n’avait pas eu le temps de s’adosser que l’on était déjà loin de la ville, plongé dans une forêt, incroyablement profonde et traversée de rais de lumière étincelante, qui s’étendait jusque devant la maison de Middleton. On avançait à une allure dont on ne pouvait pas dire si elle était rapide ou lente, non point sur une route mais plutôt sur une voie merveilleusement moëlleuse, de loin en loin légèrement incurvée. L’atmosphère à travers laquelle la voiture se déplaçait était plus dense que l’air et avait quelque chose d’un lent court d’eau. J’ai vu la forêt défiler dehors, dit-elle, des détails infimes, impossibles à rendre, me sont apparus en pleine clarté, les fleurs minuscules sur les coussins de mousse, les brins d’herbe les plus fins, les fougères tremblantes et les troncs gris ou bruns, lisses ou rugueux se dressant à la verticale, disparaissant à quelques mètres de hauteur dans le feuillage impénétrable des buissons poussant entre les arbres. Par-dessus s’étendait une mer de mimosas et de malvacées d’où dégringolaient, venant d’un étage encore plus élevé de ce monde forestier foisonnant, des centaines de sortes de plantes grimpantes qui flottaient tels des nuages blancs ou roses dans les branches des arbres surchargées d’orchidées et de bromélias et semblables aux vergues de grands voiliers. Et couronnant le tout, à une hauteur que l’œil avait peine à atteindre, oscillaient des cimes de palmiers dont les fins plumets en éventail étaient de ce vert noir insondable, apparemment soutenu d’or ou de cuivre, que Léonard applique aux faîtes de ses arbres, ainsi qu’en témoigne, par exemple, La Tentation de Marie ou le Portrait de Ginevra de’ Benci. Mais l’incroyable beauté de tout cela, dit Anna, je n’en ai plus maintenant qu’une idée vague, et de même, je ne pourrais plus décrire précisément la sensation que me procurait le fait de rouler à bord de la limousine sans chauffeur à ce qu’il semblait. En fait, je n’avais pas l’impression de rouler mais plutôt de planer comme cela ne m’était plus arrivé depuis l’enfance, lorsque je pouvais effectivement me mouvoir à quelques pouces au-dessus du sol. Durant le récit d’Anna, nous étions sortis ensemble dans le jardin déjà gagné par la nuit. En attendant le taxi, nous nous tenions près de la pompe hölderlinienne, et dans le faible reflet projeté depuis l’une des fenêtres du salon sur le trou du puits ceint d’un muret, je vis, avec un frisson qui me pénétra jusque dans la racine des cheveux, un scarabée pagayer d’un bord sombre à l’autre, sur le miroir de l’eau.

 

 

 

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© Actes Sud, Babel, 2017

 

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Anne-Marie Albiach

ANNE-MARIE ALBIACH

Cinq le Chœur

1966-2012

 

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FIGURE VOCATIVE

« Réminiscence »

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  Extrait

 pp. 363-364

 

La nuit « dans ses lambeaux révolus » renouvelle leur trace de dénuements.

Une date préfigure les limites de la faim rendue sauvage et rituelle ; leur rythme de conjugaison en répondait.

Tel se présentait-il et leur regard se libérait des perspectives de force. Il fallait évoluer dans un lieu qui les unissait par-delà l’expression.

 

Je l’appellerai ainsi, je le nommerai,

son nom se réfléchissait dans la ligne droite des épaules ; dans la ligne des paupières ; la mémoire attirait, sur une eau d’étang, des personnages divers, le souffle, et cet extrême imprécis, nouveau à l’excès.

Posaient-ils leur main ouverte sur le point douloureux, et une ardeur tendant vers sa maturité alternait son discours de violences souterraines, de retraits et d’approches.

« Tu as retrouvé des traces de cette jeunesse » – et je me remémore des objets savants pour toi devenus familiers dans leur reddition.

Il a déplacé le vouloir des éléments, la tête baissée pour pressentir l’eau sépia de l’envol. Elle aurait pu croire dans cette immanence ; des rires de gazelles enténébrées dans l’allée. Le sommeil hante la nuque tel une déperdition de soi rompue par la Perte. Un cercle dans nos respirations noires.

 

***

 

 

« Le chemin de l’ermitage »

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  Extrait

 p. 398

 

Face à eux, complices dans le lieu privilégié de blanc et de ceinture précise dans le flou de la jupe, elle vérifie de deux mains le point exact du masque, où le féminin et le masculin s’exaspèrent ; dans la pénombre du double, ils regardent avec apaisement, une fragilité dans leurs jabots d’un bleu évanescent : un songe indécis s’empreint d’elle à eux ; dans l’attente, une blancheur irradie nos pulsions.

Comment pénétrer dans cette luminosité qui annule le spectateur le plus ardent. Deux ardeurs, l’une blanche, l’autre écarlate, séparées par le rideau d’une distance que les occlusions temporelles auraient travaillée.

Cela se situe dans une mémoire immédiate.

Un enjeu traverse les positions, de part et d’autre d’un reflet, alors qu’elle s’astreint à des mouvements altérant cette immobilité.

 

 

 

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© Flammarion, 2014


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Claude Dourguin

 CLAUDE DOURGUIN

POINTS DE FEU

 

© éditions Corti, 2016


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COLLECTION en lisant en écrivant

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  Extraits

 p. 47

 

Le souhait de Debussy de « décongestionner » la musique par le plein air, un siècle après on peut le faire aussi bien pour la littérature (la peinture également, à condition de ne pas l’entendre comme un retour à des formes vides – mais Tal Coat, Soulages ou Szafran témoignent avec bonheur).

 

***

 p. 56

 

Moments heureux à la vigne, dans les dernières lumières du jour tant la chaleur est forte. Sur la pente très raide de l’escarpement rocheux il y avait à effeuiller, à couper les entrejets. Avec ceux des ruches, de la lavande, des oliviers, voici bien l’un des plus riches travaux qui soient, à la faveur duquel s’éprouve la satisfaction d’accomplir une donnée naturelle, de l’accroître, de favoriser et orienter son développement vers une qualité sinon une quintessence. L’humanité en nous aussi se réalise – savoirs, pratiques, sensations –, en cet accord parfait avec notre lieu – la poésie ici, vécue, en quelque sorte, quelque dure soit la tâche.

 

***

 

 p. 69

 

Chance des peintres, ils peuvent inventer leurs techniques. La création de son propre langage pour l’écrivain existe, certes, elle le définit également, mais sa part de liberté, d’invention est bien moindre parce que la littérature exige tout de même une part de compréhension (l’échec du lettrisme, par exemple, trouve là sa source).

 

*

 

Soulages fait référence, pour expliquer l’une de ses démarches, à une phrase de Saint Jean de la Croix : « Pour toute la beauté, jamais je ne me perdrai. Sauf pour un je-ne-sais-quoi qui s’atteint d’aventure. » Cette nécessité – comme en mer de savoir saisir le vent qui survient –, ce don, on ne s’attendait peut-être pas à sa revendication – en termes semblables, qui plus est – par le peintre des noirs trop souvent crédité de la mise en œuvre systématique d’un projet intellectuel.

 

 

 

 

 

11/03/2018

Les Carnets d'Eucharis - Portraits de Poètes, Vol. II - 2018

Avec plaisir de vous annoncer la publication du dernier opus 2018 de la revue Les Carnets d’Eucharis (version papier). En cliquant sur les liens ci-dessous, vous pourrez lire les premières pages, ainsi que télécharger le bulletin d’abonnement pour vos commandes. En vous en remerciant d'avance. 

 

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LES CARNETS D’EUCHARIS 2018

gustave roud    nancy cunard   charlotte salomon

 

Pierre Bast Julien Burri Alain Fabre-Catalan Alessio Christen Julie Delaloye Claire Genoux Geneviève Liautard Daniel Maggetti Joël-Claude Meffre Sabine Péglion Bruno Pellegrino Stéphane Pétermann & Émilien Sermier Nathalie Riera James Sacré Laurence Verrey Gustave Roud

Marina Tsvetaïeva Jane Hirshfield Brina Svit Jean-Marc Lovay Armel Guerne Esther Tellermann Julien Bosc Rodolphe Houllé Jean-Paul Lerouge Isabelle Lévesque Hélène Sanguinetti Muriel Stuckel Amelia Rosselli Luigia Sorrentino Claudia Azzola…

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© L’Atelier des Carnets d’Eucharis, 2018 



 

11/02/2018

Les Carnets d'Eucharis (2017) par Mazrim Ohrti (pour Poezibao)

 

 

LES CARNETS D’EUCHARIS

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Sur les routes du monde (vol.1)

 

 

          [Revue "Les Carnets d'Eucharis", par Mazrim Ohrti]

 

Pour celles et ceux qui ne la connaîtraient pas, la revue Les Carnets d’Eucharis rassemble poésie, littérature, photographie, arts visuels ; elle est visible également sur le site de Nathalie Riera, chapeautrice en chef donc, qui se révèle très impliquée.

Revue qui naquit en numérique en 2008 pour s’enrichir d’une version papier annuelle dès 2013. A son comité de rédaction figurent quelques noms du moment concernant cette parole créatrice de bien des nourritures terrestres, les uns poètes s’accommodant des autres plutôt critiques, et réciproquement. Inutile de les nommer (au risque de vouloir faire caution), ils se reconnaîtront. Toute de noir toute de blanc (à quelques reproductions près, photos et peintures), toute de noir et blanc, et le rouge parfois aidant, la revue laisse voir dossiers, études, entretiens, traductions, portraits, critiques et poèmes. 


Ce numéro confirme les autres par sa densité, sa luxuriance lumineuse au regard des disciplines qui s’interpénètrent et ainsi se supportent mutuellement. Ce qui lui donne un air de permaculture, soit une alternative à ce que l’industrie du prêt-à-penser impose par ses ornières… dans le secteur culturel aussi. Et il y a là de quoi nourrir toute la planète. Même cinéma, vidéos, photo et peinture en sont le sujet dans une large mesure ; notamment sous l’œil de Richard Skryzak, vidéaste et écrivain dont le travail fut visible dans l’émission « Die Nacht/La Nuit » sur Arte. Ainsi Sharunas Bartas est à l’honneur dans ce numéro, mais pas que. C’est ce poète méconnu, Charles Racine, qui ouvre la voie par un dossier où « hommage » lui est rendu ; par un témoignage, des extraits de poèmes et des propos exégétiques à son endroit. La thématique mentionnée « sur les routes du monde » s’illustre par Bruce Chatwin, Annemarie Schwarzenbach et Bartas, écrivains ou cinéaste, et voyageurs, cherchant ce qu’il y derrière la notion de nomadisme. Si dans un premier temps il s’agit d’accéder à un ailleurs possible, un « otherground » (illustré par Sylvie Ballester) dans le but très clair d’expérimenter la verdeur de l’herbe, dans un second temps, c’est davantage pour se repaître d’une certaine aridité au contraire, où pousse malgré tout une humanité profonde et spontanée, élémentaire et inconditionnelle, rendue à sa quintessence car dénuée, car libre au-delà de tout idéal préfabriqué et de modèle théorique, en des paysages, des lieux où la beauté réside avant tout dans leur vérité. Autant sur les vestiges de peuplades disparues depuis longtemps que chez des groupes minoritaires actuels mais marginalisés, tout autant oubliés. C’est pour chacun de ces auteurs en rupture avec leur temps, par sa critique devant l’Histoire en sa fabrique, sous couvert d’études sociologiques et d’actions anthropologiques lointaines, le moyen de se nourrir de ces cultures qui fait office de lieu commun. Au regard de quoi on peut se demander s’il n’y a jamais eu des lieux où vie et poésie se confondent, où la vérité de l’individu transparaît un tant soit peu dans son expression ? Ces trois auteurs issus de trois générations différentes (se suivant comme en filiation), ont su organiser leur fuite pour des motifs différents. Mais dans tous les cas, afin de surmonter leur quête de soi impossible dans les lieux qui les ont vus naître et grandir en se confrontant à eux-mêmes par le voyage. S’il y a une seule route à suivre, c’est ce « chemin excentrique » selon Hölderlin, quitte à s’y brûler. 


Concernant les arts visuels, il faut lire les propos d’Alain Bourges sur la télévision, sujet de son livre très circonstancié écrit en 2008, au titre ambivalent : « Contre la télévision, tout contre ». Débat inépuisable à propos de ce « monde devenu visible à lui-même », machine dont l’homme n’a jamais été aussi dépendant et ne cesse d’explorer de nouveaux champs d’action. L’omniprésence de l’image, dont l’enjeu s’étend désormais à l’exploration de ses avatars technologiques, cette image à tous les étages de notre vie, laborieuse et pratique, comblant également notre espace culturel (au sens large), a-t-elle de quoi se justifier en tant que nouveau langage ? Et entretiens encore, et entretiens toujours, beaucoup, dans la revue qui traque les conditions de l’expérience de l’écriture soumise à celle de la vie, illisible et insaisissable ; chez des personnalités telles que Marie Cosnay ou Erri De Luca (« citoyen de (s)a langue »), dans l’intimité de leur voix portée, le cas échéant, vers la traduction puisqu’il y est aussi beaucoup question ici. Ainsi, on trouvera de la poésie italienne (à partir de poètes à qui rendre justice ou hommage selon leur notoriété), britannique également, et même de la poésie française traduite en anglais (why not !). Et bien sûr, de la poésie française circonscrite à la langue de Molière ; représentée, entre autres, par Philippe Jaffeux, Noémie Parant, Ariel Spiegler ou Isabelle Pinçon. « Et banc de feuilles descendant la rivière » (jamais la même donc), rubrique introduisant notes, portraits et lectures critiques, de Corso à Martine Konorski, où le bateau s’arrête enfin. Les Carnets d’Eucharis vivent avec leur temps-suspendant-la-matière sous un regard mouvant. Cette matière qui, si elle échappe à certains, à chaque fois s’invite en viatique au pérégrin.


Mazrim Ohrti, vendredi 15 décembre 2017 ………………………………………


Les Carnets d’Eucharis, « Sur les routes du monde », 2017, 192 p. 19€.

 

 

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09/09/2017

To Each Unfolding Leaf

 

 

 

 

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Pierre Voélin

 

To Each Unfolding Leaf

 

To Each Unfolding Leaf est une anthologie américaine proposée et dirigée par John Taylor. Son choix est porté sur une partie de l’œuvre poétique de Pierre Voélin, depuis ses premiers recueils – Sur la mort brève (1984) et Les Bois calmés (1987) – jusqu’aux plus récents – Y (2015) et Des voix dans l’autre langue (2015). Les poèmes sélectionnés s’étendent sur quatre décennies, de 1976 à 2015.

Ainsi que le souligne John Taylor, si Pierre Voélin est sans conteste l’une des figures les plus importantes de la poésie contemporaine suisse francophone, il reste toujours très peu connu des pays anglophones. J. Taylor assure une longue introduction en même temps que la traduction (du français à l’anglais) de l’ensemble paru récemment à New York chez l’éditeur Paul Roth de Bitter Oleander Press.

Né en 1949, à Courgenay, dans le Jura, Pierre Voélin dira être « Suisse par inadvertance ». À ce propos, J. Taylor nous met en garde, ce serait une grave erreur de lire la poésie de P. Voélin dans un contexte littéraire exclusivement suisse. Parmi les influences poétiques de sa jeunesse, on peut allégrement citer, au premier chef René Char, puis Henri Michaux et Francis Ponge, sans omettre son admiration pour Jacques Dupin et Jean Grosjean.

Sur cette étendue de 40 années de poésie, les paysages évoluent dans leurs particularités, nous assurant que le pouvoir de la poésie est d’être toujours « ce mince filet d’eau que l’on continue d’entendre au cœur de la nuit ». P. Voélin est particulièrement sensible aux tragédies de l’Histoire (les génocides de la Shoah, du Rwanda, la guerre en ex-Yougoslavie) et à la nuit des poètes qui ont souffert de l’enfer de leur temps (Akhmatova, Mandelstam, Celan…). Marion Graf précise que « La diction de Voélin, brisée, étincelante, elliptique, reste marquée par la fréquentation décisive de ces poètes ». Pour René Char, nous rappelle P. Voélin, le poète est le « conservateur des infinis visages du vivant ».

Les poèmes choisis révèlent des thèmes récurrents, comme l’exaltation de l’amour (et la perte), le rapport de l’individu à la nature (et particulièrement à l’environnement rural), les possibilités d’une quête spirituelle au cœur du monde contemporain… Dans son rapport au monde, le poète reconnait entretenir « un rapport panique… Il y a une intensité, une urgence ». De fait, ce rapport donne à sa poésie d’être ancrée dans le réel « où il n’y a pas de gras, mais de l’os, de la structure », dit-il.

Les 8 sections de l’anthologie nous font entendre une poésie que le seul mot de « lyrique » ne suffirait pas à définir, les poèmes étant conduits par une profonde empathie pour le monde du vivant, et envers quoi le poète veut tenir parole, faire tenir la parole debout, l’écriture en recours, à ne cesser de louer (pour ne pas oublier) les victimes et les opprimés de l’Histoire. « Écriture (…) établissant, / rétablissant partout sur les vieilles terres d’Europe le cadastre du feu ». Mais plus encore : « Écriture comme on partage le pain et le sel. » Le texte « Des cris et du silence », écrit en 1994, porte une épigraphe en hommage aux habitants de Sarajevo, du temps de la Bosnie assiégée par l’armée serbe.

Le poème « Nuit du premier Novembre » est dédié à Paul Celan, le poète est ici célébré au cœur d’une écriture amie : « Il rouvre encore les pages noires de l’ortie / avant que d’un coup ne l’embarque un fleuve ». Le poème « Les Bois Calmés » s’adresse à Pierre Chappuis, l’ami proche : « Douleur est l’autre voix qui nous rassemble ». Si la toponymie est la poésie des géographes, elle est aussi celle des poètes. Une note de Pierre Voélin nous apprend que Les Bois Calmés est une localité que l’on peut trouver sur la carte de France, quelque part en Franche-Comté. Il précise : « c’est un lieu-dit repéré sur la carte au 25/000 millième lors de mes nombreuses promenades de l’adolescence dans ce coin de pays – ce doit être un angle de forêt, et un bout de pré où paissent des vaches de la race montbéliarde, à grandes taches rouges sur le ventre, le dos, le haut des pattes ». Pierre Voélin se définit « comme un poète frontalier, un poète français de la façade est de l’Hexagone ».

L’Arménie comptera parmi ses pays d’élection. Il dit avoir rêvé d’un voyage en Arménie en découvrant le texte éponyme d’Ossip Mandelstam, dans la traduction d’André du Bouchet. C’est en 2009 qu’il y met les pieds, en compagnie de quelques amis. Et c’est à cette occasion qu’il écrit « Le poème en Arménie : notes ».

Avec To Each Unfolding Leaf, nous entrons dans les sous-bois et les hauts-plateaux de la langue. Poésie qu’on peut dire vallonnée, en rien étale, d’où la langue est « langue contournée / debout dans le chêne / … et si longtemps perdue ». Paysages accidentés d’où écouter dans leur étrange consonance « le myosotis poudreux de la douleur ». Le froid accompagne toute parole, écrit Pierre Voélin, « Je chante avec les pousses du froid / et les ramures et le noir d’écorce ». Puis, « l’esprit s’ouvre à des puis de neige (…) / Février jette sur la neige une poignée d’abeilles ». Et enfin, « Vivre de ce peu – de cette lumière de neige / de ce rien qu’offre la neige ».

Y, séquence écrite entre 2011 et 2013, a pour légende un extrait de la Vita Nuova de Dante. Y voir peut-être comme une espérance toujours possible, entre les nœuds et les décousus de la nuit, qui donne aux fleurs les plus « accourcies » d’encore pouvoir fleurir et au cœur de pareillement battre « en son jardin de graines ». Dans l’épissure du monde, « l’exil infini de l’amour ».

« Amour que j’appelle … / Que les pluies viennent te prendre par la taille / qu’elles célèbrent ton pas d’amoureuse / la menuiserie de ta gorge ».

08/09/2017

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© Nathalie Riera

 

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02/09/2017

Olivier Rolin

 

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Olivier Rolin

 

Olivier Rolin, un écrivain de l’investigation

 

Appréhender l’œuvre d’Olivier Rolin, en fournissant quelques clefs de lecture, tel est le défi et le vœu exaucé de Gérard Cartier en réunissant 16 contributeurs dans le dernier numéro de la revue Europe (juin-juillet-août 2017). En tant que proches ou amis, C. Garcin, M. Enard, J. C. Bailly, P. Michon, J.C. Milner… tous auscultent une œuvre essentiellement composée de romans et de récits géographiques, une production intellectuelle où Littérature, Histoire et Géographie se définissent pour G. Cartier comme les trois pôles « du triangle magique qui structure l’imaginaire d’Olivier Rolin »

Cartier interroge l’écrivain, notamment sur sa période de militantisme politique, une expérience que Rolin ne manque pas de juger comme initiatrice à son activité de romancier. Son engagement au sein de la Gauche Prolétarienne (1967-1974) puis, par la suite, son investissement en qualité de reporter-journaliste, auront été sûrement déterminants dans sa nécessité de s’inscrire dans le « réel » – comme Rolin le précise, entendre par « réel » la géographie, la topographie –. Son regard sur le roman en tant que forme littéraire s’appuie chez lui sur deux figures illustres, Barthes et Kundera. Dans les Propos recueillis par G. Cartier, à la question de savoir à partir de quoi écrivons-nous, la réponse de Rolin est claire et sans emphase : « C’est à partir d’une débâcle que j’ai commencé à écrire ». Il affirme que la littérature a été sa « sortie d’Egypte ».

Parler d’écriture chez Rolin relève d’une certaine modestie, celle de tenter des hypothèses et de ne pas être toujours dans des affirmations radicales : « (…) écrire répond au début à un désir de sortir du carcan des certitudes politiques, et aussi de ‘m’en sortir’, tout simplement. C’est une démarche d’éloignement, un mouvement centrifuge (…) C’est Barthes encore qui le dit : écrire, c’est faire sécession ».

Poètes, écrivains, artistes ne sont pas toujours en accord avec leur société. Parmi les désaccords ou les colères de Rolin, on retiendra son refus à « cette détestation actuelle de la nostalgie », puis à cette « étrange maladie » que peut être la haine du passé. Parce qu’il est aussi poète, Gérard Cartier sera particulièrement sensible à l’usage de la langue d’Olivier Rolin, à son « extrême diversité » qui est de recourir « à tous les niveaux de vocabulaire, du plus savant (le latin et le grec) au plus familier et même, à l’occasion, au trivial ». L’écriture chez lui n’est pas une écriture qui se répète, souligne G. Cartier, elle « se réinvente de livre en livre ».

Pour Christian Garcin, « O. Rolin est un écrivain qui a du souffle » ; pour Pierre Michon, il « est l’exemple de celui qui à grands pas (…) m’aide à sortir de la terreur » ; pour Jean-Claude Milner il « est habité par une passion. Elle a un objet qui se nomme monde ». Norbert Czarny retient de la littérature telle que lue et pratiquée par Rolin qu’elle « n’est pas un jeu mondain. Elle à avoir avec la mort, elle est un risque, pour qui écrit et pour qui lit ». Agnès Castiglione interroge le lien de la Littérature et de l’Histoire. Chez Rolin la Littérature ne peut pas être conçue sans un écho du passé, avec lui le roman se fait plutôt    « art de la mémoire », « c’est cette aptitude de la littérature à faire dialoguer entre elles, à travers tous les siècles, les grandes voix de l’humanité, à mettre en communication le passé et l’avenir, comme dans la transmission d’un héritage »

Jean-Claude Pinson a connu « fugitivement » Rolin à une époque lointaine, du temps où tous deux fréquentaient le même lycée. Pinson analyse les raisons qui ont conduit Rolin à recourir à la littérature, et notamment à l’écriture romanesque, choix déterminé, selon lui, par le fait que le recours au roman « est justifié par des valeurs d’ordre philosophique (éthique) autant qu’esthétique. C’est qu’il s’agit d’abord d’en finir avec le mensonge entretenu par les illusions et les simplifications de la pensée militante. Prenant acte de ce que fut le XXe siècle, ‘celui de grands mensonges sanglants’, O. R. choisit, en lieu et place de l’idéologie politique, de ses certitudes et de ses ‘mots d’ordre’, le roman, son scepticisme, son sens de la complexité… ». Si le roman est bien trop souvent l’ennemi du poète – jugement partagé et admis par Olivier Rolin – , le choix de la prose chez lui est justement de ne pas mettre de côté la poésie. Pinson souligne qu’ « il n’y a pour lui qu’une nature de la littérature ».

Pour Jean-Pierre Martin, la littérature comme régénérescence, comme possesseuse d’une « vertu », comme réparatrice du passé, « appelle à une refondation ». Martin ajoute : « Ce qui réunit Ponge et Michaux, Nabokov et Orwell, Borges et Cendrars, d’autres encore – tous plus ou moins passeurs de Rolin –, c’est l’exploration et la réinvention du dictionnaire. Le langage comme investigation ».

Investigation, un mot qui sied bien à cet écrivain de notre temps, lequel ne manquera pas – après son aventure subversive au sein de la Nouvelle Résistance Populaire – de pratiquer l’humour et l’auto-dérision, probablement comme un recours à plus de justesse.

 

© Nathalie Riera

Les Carnets d’Eucharis

01/09/2017

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ǀ La Revue EUROPE

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© Vignette : Axel Boyer 

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Autre site à consulter : ǀ remue.net

 

 

15/06/2017

Rencontre-Lectures à Montévidéo (Marseille) - Les Etats généraux de la poésie

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Nathalie Riera – © Photo : Claude Brunet

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Lundi 26/06/2017

Rencontre-lectures

MONTÉVIDÉO (Marseille)

(Créations contemporaines, théâtre, musique, écriture)

Dans le cadre des États généraux de la poésie, en périphérie du 35e Marché de la Poésie (mai-juin 2017 – Paris & Régions), avec les poètes éditeurs Henri Deluy, Julien Blaine, Frédérique Guétat-Liviani, François Heusbourg et Nathalie Riera.

 

 

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MONTÉVIDÉO

3, impasse montévidéo

13006 Marseille

+33 (0)4 91 37 97 35

www.montevideo-marseille.com

 

14/06/2017

La poésie romande vue de France & De la confusion du monde (par Jean-Paul Gavard-Perret)

 LA TRAVERSE DU TIGRE

LA POESIE ROMANDE VUE DE FRANCE

Par Jean-Paul Gavard-Perret

 

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© La Traverse du Tigre, mars 2017
112 pages - 12 €
ISBN  978-2-9543788-5-5
 

 

 

 

Que cette déambulation – plus qu’anthologie – commence par un texte d’Olivier Beetschen est significatif. Comment en effet situer au plus haut niveau un florilège sinon par un poème qui ouvre le lyrisme à un autre poumon que celui des grandes orgues ? Le lecteur – à partir de cette évocation d’une légende enfantine – est convié et transporté vers des points d’horizon que la France a toujours du mal à situer comme si elle était victime, hors Paris, d’une agoraphobie. Pierre Voëlin, Marie-Laure Zoss, Claire Genoux (entre autres) montrent comment le poème devient chemin en un panorama singulier. Certaines écritures sont plus fractales que d’autres mais tout « sent » l’ouverture. Il convient donc de cesser de voir la Suisse comme un écrin : les poètes sortent du bord du Léman, dévalent des bras d’obscurité des grands sapins sous la lune.

Dans sa postface Angèle Paoli rappelle la nécessité du poème afin de retrouver au moins un « semblant d’équilibre » dans un monde qui en manque de plus en plus. Laurence Verrey déplace les paysages admis et porte sur ses lèvres un chant fragile. Ici et comme l’écrit Pierre-Alain Tâche, « le poète a repris le don », celui qui « répond au don d’autrui » sans pour autant que cette reprise soit un banal merci. Antonio Rodriguez ouvre encore plus profondément cette offrande : le corps y a sa place. Et Pierrine Poget le fait murmurer en « reculant sa caméra » afin que l’autre ait toute sa place. 

 

SITE À CONSULTER :
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 LES CARNETS D’EUCHARIS

Sur les routes du monde (Vol.I)

& La Traverse du Tigre

 

 

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© Les Carnets d’Eucharis, mars 2017
192 pages - 19 €
ISBN  978-2-9543788-3-1

 

 

 

De la confusion du monde

Par Jean-Paul Gavard-Perret

 

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Nathalie Riera publie cette année deux carnets. L’un répond à l’économie classique de la revue, l’autre présente une déambulation des plus remarquables dans la poésie romande d’aujourd’hui (d’Olivier Beetschen à Pierre-Alain Tache et Claire Genoux, de Marie-Laure Zoss et Pierrine Poget à Antonio Rodriguez et Laurence Verrey). Ce numéro spécial est une parfaite réussite autant par son contenant que son contenu et dans les multiples éclats des fragments proposés.

Le numéro « Sur les routes du monde » est apparemment plus prolixe. Sans doute parce que le monde l’est. Mais Nathalie Riera a — entre autres — le mérite de faire de sa revue un des rares lieux où est rendu hommage à Charles Racine dont la mort est passée inaperçue. Lambert Barthélemy nous apprend néanmoins qu’une prochaine publication pourrait remobiliser l’attention du lecteur.

Le titre du numéro est justifié par un ensemble de textes qui mettent en relief Bruce Chatwin, Annemarie Schwarzenbach et Sharunas Bartas. Là encore l’esprit des revuistes est — surtout dans les cas des deux derniers cités — de mettre en exergue des œuvres méconnues. Enfin et au-delà d’un portfolio impeccable du vidéaste Alain Bourges, la revue donne ou redonne la voix à des auteurs tels que Philippe Jaffeux et Jacques Estager dont les œuvres sont majeures mais encore confidentielles.

Ces deux ensembles font honneur à l’Atelier — éditeur de la revue. Un tel lieu prouve la vitalité du Sud dans la défense et l’illustration des arts et lettres. Epaulée par Tristan Hordé, Eve-Marie Berg, Claude Darras et quelques autres, Nathalie Riera s’engage dans le corps amoureux de la langue, un corps multiple qui convoque autant l’engagement que l’esthétique. Preuve que la poésie au sens large n’est pas en voie d’extinction.

 

 

SITE À CONSULTER :

Lelittéraire.com
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05/06/2017

Les Carnets d'Eucharis, N°51 (Printemps-été 2017)

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Poésie | Littérature Photographie | Arts visuels 

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Les carnets d’eucharis 51

PRINTEMPS-ÉTÉ 2017

 

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Format revue numérique  ICI

 

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