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15/04/2010

Israël Eliraz

eliraz.jpg

dans La grande famine, Patrick Kavanagh¹

parle au cheval comme à un frère.

 

Laisse-moi, Juan, te parler comme

à un cheval.

 

Mets le nez dans l’herbe mouillée. Le vert

jauni déjà à l’est. Les fourmis rouges,

comme à Ulysse, t’apportent

 

une touffe d’herbe, avec la poussière de la terre,

c’est tout ce qui compte.

 

A aucun moment de ta vie tu ne fus

plus proche de tes éléments

qu’ici, aujourd’hui.

 

Pourquoi est-il si triste le voyage

qui cherche sa matière ?

 

Et ce très vieux geste, se dresser

et partir. Il y a un chemin

à faire

 

 

 

¹ The Great Hunger

 

Israël Eliraz, Laisse-moi te parler comme à un cheval, Librairie José Corti, 2005

07/08/2008

Israël Eliraz - Laisse-moi te parler comme à un cheval


eliraz_couv.jpg 1


une crainte se dessine dans les
joncs. L'herbe absorbe la sueur

Usée du soir.


Nous sommes piégés par les suffixes,
les légendes, spirales creusées
par le désert salé.


On parle d'une solidarité perdue.


On trace des parenthèses, des guillemets
devenus perfides.


À l'extrémité, les morts puent dans la
buée, la narration, le ressort
des idées.


Est-ce une région qui ne concerne plus Dieu ?


Qui a défini le Levant pli
entre deux plis


2

épuisé ne veut pas dire vide ou brume.


Le sable ne cesse de faire commerce,
les voix nous emportent vers un
dédoublement des noms dans


une zone où « les mouvements s'étaient arrêtés ».


Le plomb s'est cassé dans le crayon.


Le carbone dans les semelles s'effrite.


Des formes se cherchent dans les lignes,
les gestes, formant une poche d’


épaisseur énigmatique, une nappe
de poussière, léger tissu


3

où l'air sèche creuse une bouche,

on croit deviner un volcan
minuscule.


On s'appuie sur autre chose que
la parole, signes abandonnés.


 

Le regard change à mesure que la matière
(sable, choses) s'immobilise.


Le jaune qui est blanc-gris est baratté
par la vue comme pour dire :
écartez d'ici.


Un gris monte de la terre et s'ajoute au
Jourdain comme une peau, près des
formes achevées dans le jaune.


On ne voudrait pas que ça finisse.


Faut-il déterminer cette courbe


4

la vue comme toile encollée sur toile.


Le climat d'un lieu balayé
par un cri.


Cela correspondant précisément à quoi ?


Une blessure qui s'est taillée près d'une
courbe surprenante du ventre fait
pousser un alphabet sémite.

 


« Le passant aperçoit une ligne, puis
continue en se disant qu'il
a cru voir… »


Est-ce que la poche peut suivre
une tangente ?


Qu'est-ce que tu cherches


5

on essaie le long puis le large des
champs brûlés. On cherche


( cherche-t-on ?)


des Bodhisattvas dans les joncs qui
ont disparu complètement.


À l'extrémité du lieu se ranime
« tout est dit », qui veut dire la
matière du pays n'explique rien,
ne t'y appuie pas.


N'oublie pas les joies de toute une vie.


Ne t'en fais pas un drame. Vérifie
le lieu des forces matérielles.


« Ce qui est dans ce qui n'est pas »
est une phrase intraduisible

Editions José Corti, 2005 (pp.73/77) - Extrait "Ce sont proprement des commentaires"

eliraz.gifAprès avoir écrit deux pièces de théâtre, Israël Eliraz, né à Jérusalem, se consacre exclusivement à la poésie. Polyglotte et fin connaisseur de la langue française, il supervise lui-même les traductions (14 recueils traduits). Bien connu du public français amateur de poésie, ses quatre derniers recueils, Petit Carnet du Levant, Abeilles/Obstacles et Comment entrer dans la maison... et Dîner avec Spinoza et quelques amis, ont connu un grand succès d’estime ; la plupart des revues spécialisées les ont remarqués.

Les Editions José Corti poursuivent la publication de son œuvre avec ce cinquième volume.

http://www.jose-corti.fr/titresetrangers/Laisse-moi-eliraz.html