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01/05/2014

Vaclav Havel

 

Václav Havel

 

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Václav Havel

[1936-2011]

Photo  d’Ivan Kyncl

 

EXTRAIT

Prague au carré

(par Claudio Magris, revue Sigma, 2 mars 1978)

 


Dans les essais qu’il a écrits quand il était persécuté par le régime communiste alors au pouvoir, dans la Tchécoslovaquie envahie par les Soviétiques en 1968, Havel défendait la vie contre l’idéologie, distinguait infatigablement la vérité de l’apparence, en accusant le totalitarisme d’anéantir la première avec la seconde ; il luttait pour l’authenticité contre le mensonge, pour les valeurs contre la réduction de l’existence entière à la simple satisfaction des besoins, pour le sens de la vie et pour l’art qui l’exprime. Durant ces années-là, Havel luttait contre la dictature du communisme brejnévien, qui l’incarcérait, mais en même temps il se demandait si cette tyrannie n’était pas aussi la « caricature de la vie moderne en général » et si la situation en Tchécoslovaquie à cette époque n’était pas « en réalité une sorte de mémento pour l’Occident, qui lui dévoilait son destin latent ».

  

 

■ Claudio Magris

Alphabets, Ed. Gallimard/L’Arpenteur, 2012

Traduit de l’italien par Jean et Marie-Noëlle Pastureau

 

 

 

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À CONSULTER

[L’ESPRIT DE L’ESCALIER] 

Václav Havel et la vie dans la vérité

| © Cliquer ICI

22/10/2012

Ernesto Sabato par Claudio Magris

 

ERNESTO SABATO

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 Ernesto Sabato Buenos Aires en 2005 par Eduardo Longoni.jpg

Ernesto Sabato

[à Buenos Aires, 2005]

par Eduardo Longoni

 

EXTRAIT

Ernesto Sabato et les deux écritures

(par Claudio Magris, Corriere della Sera, 2 avril 2000 et 17 avril 2002)

 

 


La grandeur créatrice et humaine de Sabato réside dans la rigueur avec laquelle il a respecté les deux vérités, la diurne et la nocturne, sans les confondre et sans faire de l’une un alibi pour déformer l’autre. De ce point de vue, il constitue une exception rare parmi les écrivains, qui sont parfois des margoulins. Souvent celui qui professe – avec une véritable honnêteté intellectuelle ou avec une rhétorique fausse – la vérité diurne et affirme des valeurs positives se fait le douanier vigilant de la moralité et barre la route aux vérités de la nuit parce qu’il a peur de les regarder ou en est incapable. Celui qui au contraire fait profession de fréquenter les ténèbres, le gouffre obscur où tout se confond, en profite souvent, même de jour, pour se soustraire à tout choix moral, pour imposer sa domination sur les autres, en s’attribuant un permis de transgression qui autorise toutes les bassesses, toutes les prétentions et toutes les arrogances. Sabato, lui, descend dans le noir, là où l’on découvre qu’il n’est pas très important de savoir combien font deux et deux et que parfois cela peut même faire cinq, mais quand il remonte à la surface il n’en profite pas pour tricher sur l’addition et ne pas payer ce qui est dû aux autres. Et quand il entre en lice, il ne le fait pas, comme tant de ses confrères, en se limitant à protester dans les manifestations ou dans les salons, à signer des pétitions ou à lancer des invectives, mais en mettant en jeu sa vie, son temps, son travail.

Il ne s’est pas contenté de signer des appels contre les bourreaux de la junte militaire argentine mais, en tant que Président de la Commission d’enquête sur les personnes disparues en Argentine pendant la dictature, il a travaillé concrètement, en sacrifiant son écriture, pour reconstituer l’existence, l’itinéraire et le sort de beaucoup de desaparecidos, pour savoir comment et où étaient morts Untel ou Untelle, avec le sentiment humain et poétique de l’individualité unique et non interchangeable de chacun de ces noms et de ces destins perdus. C’est ce respect, humble et intrépide à la fois, pour chacun qui constitue sa grandeur humaine, à des années-lumière de la risible suffisance narcissique fréquente chez tant d’écrivains, surtout parmi ceux de second ordre mais aussi chez quelques uns des plus doués.

 

 

 

 

 

                                                                                                    

 

 

 

■ Claudio Magris, Alphabets, Ed. Gallimard/L’Arpenteur, 2012

Traduit de l’italien par Jean et Marie-Noëlle Pastureau

 

 

 

17/03/2012

Claudio Magris

Claudio Magris

Alphabets

Editions Gallimard, 2012

Collection « L’Arpenteur »

Traduction de l'italien par Jean et Marie-Noëlle Pastureau

560 pages • 29,50 €

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Magris Claudio (cr) Carles Mercader.jpg

Claudio Magris – Photo : Carles Mercader

 

 

 

4ème de couverture

 


 

Jorge Luis Borges se plaisait à dire qu'il laissait à d'autres le soin de se glorifier des livres qu'ils avaient écrits, car il préférait pour sa part tirer gloire des livres qu'il avait lus. Cette anecdote donne le ton d'Alphabets, ouvrage dans lequel Claudio Magris nous convie à un long voyage à travers des livres qui ont laissé en lui une durable empreinte. La littérature est à ses yeux une expérience de vie. Elle soutient ou attise l'intensité de notre existence et en dilate infiniment les confins. Il évoque dans Alphabets des livres qui nous forment, mais aussi des livres qui ont à la fois le pouvoir de nous blesser et d'apaiser la blessure. Des livres qui nous permettent de connaître et d'ordonner le monde, et d'autres qui en révèlent le chaos destructeur, l'enchantement et l'horreur. Des livres qui s'entrelacent à la vie, se confrontent à l'Histoire et nous marquent parfois de leur 'signe absolu '. Des livres qui transcendent leur propre perfection esthétique pour dire la douleur non moins que la beauté, l'amour non moins que la tragédie ou l'abjection. Des livres traversés par des lueurs salvatrices et d'autres qui se penchent au bord du néant. Au terme d'un vaste et passionnant périple qui nous emmène à la rencontre de nombreux écrivains et qui explore des thèmes aussi divers que la colère, le courage, la mélancolie ou la guerre, Alphabets se conclut par réflexion lucide et nuancée sur les rapports entre littérature, éthique et politique. On s'aperçoit alors que dans ce nouveau livre, le grand écrivain triestin a dessiné en filigrane une sorte d'autobiographie littéraire, comme dans le célèbre apologue borgésien dans lequel un artiste peint des paysages, des montagnes, des îles et s'aperçoit au soir de sa vie qu'il a en réalité composé son autoportrait.