13/09/2012
Jacques Audiberti
Hommage à Jacques Audiberti
(1899-1965)
© Photo : Source Internet
(JACQUES AUDIBERTI)
«Des tonnes de semence»
Extraits – Poésie/Gallimard, 1999
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FINIT L’ANGOISSE…
LOZÈRE
La raison hercynique où le temps nous commence
décapita les monts poussés d’avril d’avant.
Sans cesser d’émerger tout s’aplatit. Le vent
attentif redouta l’immense de l’immense.
Je le vis qui balance aux perrons de son nid
devant le piège nu des longueurs décloîtrées
et qui palpe d’abord, formules des contrées,
les tourelles de brume aux nappes de granit.
Il s’élança, plus tard, pour qu’il fauche et qu’il sème,
hors des faces du nul dont il tendait le cri.
le rocher, ciel second du ciel qui ne sourit,
frissonna comme un torse au tranchant du système.
Et le vent, et le roc, et le ciel, et ces noirs
sapins qui vont filant, comme leurs brus les plantes,
l’inerte éternité des époques volantes,
entamèrent la ronde à l’angle des renards.
Chaque jour possédait le jour qui l’achemine
mais succombait en masse au même qui le suit.
Solaire fenaison, n’importe quelle nuit
ne s’écartait de toute, où la bête rumine.
L’âge croyait dormir, ressort des absolus,
groupé dans l’épaisseur des mornes carapaces,
pèlerin, cependant, vers ses propres espaces
et vers l’horrible honneur des bonds où je me plus.
La vipère pondait sous les bombes de lave.
La gluante belette épouvantait gratis.
La moelle truquait l’os en faveur du métis.
L’oiseau gelé tintait comme un anneau d’esclave.
L’épi croissait dès lors que, souffle ! tu te fuis,
et que l’onde ruisselle et qu’enfin se décore
de velours caressant où ne bougent encore
que les loups membraneux la courbure des puys.
L’exécrable grêlon d’un corridor aveugle
émane, et se répand, mot de l’orgueil qui vient.
La mousse pénétrée et le schiste bovin
forment le dieu cornu qui se lève et qui beugle.
Il épouse la nymphe où rouit le brochet.
Elle lui sert la voix d’une source commune.
Leur opaque conflit fait que tremble la dune.
Et le vautour flaira le monstre qui marchait.
[…]
[p.63]
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.
FINIT L’ANGOISSE…
LATVIA
Ne mugit pas la mer comme cent mille vaches
grosses de casques de bison frappant des gâches
pour un tonnerre bas qui nous répute frits
quand nous accourt le large étroitement épris
de supplanter à sublimités monotones
le calcaire gradin de nos terres lettones,
leurs tourtes de fumier, leurs fleuves de sapins.
Marchands d’hymnes, fermiers par le givre repeints,
lesteurs portant leur nuque écrite de losanges
par le vent, juifs taillés dans le kyste des anges,
ou bien ce cheval rose avec un museau bleu
qui broute la limaille et songe au fils de Dieu,
nous gueulâmes de peur dès qu’un parfait silence
d’ange inaperçus que leur fougue balance
débuta vers Riga, vers le rivage… Sans
aussitôt décharger ses carrosses puissants
sur la ville qui tremble au cerceau d’une baille
la mer montait ainsi qu’une gueule qui bâille
ou comme une forêt lève en trois cent six ans,
tous ensemble un soupir au prix de nos présents.
Matière de cristal dont l’éminence appelle
d’un cotre chaviré la navale chapelle,
la mouvante donnée allait, que ne retint
nul mot, nous liquider avec notre pantin
de hangars, de tombeaux, de butoirs, d’hypogées.
Les falaises de l’onde insondable allongées
des tonnes de faiblesse et de lieu transparent
où colossal subvient le fusible parent
dont la planche du monde organise le rêve
détruisent la grandeur et bâtissent la trêve.
Devant nous jusqu’où donc la mer tenait debout ?
Non pas face du sphinx, odeur du caribou
ni la page plaquant les étages du livre
mais présence au-delà du plan qu’elle délivre,
mais somnambule à vif qui pend sur la cité,
elle n’abrogeait rien de son opacité.
De sens incommutés qu’exalte et que caresse
tant de nomade humeur chez l’antique paresse
des lois dont le soleil nous cacha les raisons
nous saisissons ce bloc de pâles horizons
l’un sur l’autre campés pour le poids magnétique
qui groupe et qui retient aux pieds de la Baltique
notre peuple enrichi par l’avril de la mort.
Nul ne songeait à fuir ces prodiges du nord
vers le carré d’herbe ou de route où le dilue
bientôt l’écroulement de la masse goulue
qui ses dents mènera jusqu’aux acres du Don.
La paupière drissée et tendu d’espadon
et le poil des poignets qui flambe, nous, les types,
nous préférions, brusquant nos moitiés et nos pipes,
presque oiseaux moyennant la vigueur du désir
abject, sur nous cette eau qui, rocher de plaisir,
parachève le meurtre en souffrant qu’elle hésite
et s’enfle à retenir la finale visite.
[…]
Inévitable, ainsi, la mer, où les vapeurs
montent au pôle avec de la barbe à l’amure,
où l’albatros discerne une noire ramure
de fleuves poursuivis, ressource des salmons,
l’image où nous planons lorsque nous n’écumons,
où la pose paisible au drapé de septembre
porte un soleil de cire au bout d’un cierge d’ambre,
où le vent dégourdit sur son bancal bourru
la moulure des bricks, le jupon de la bru
et l’ardente rousseur des signes et du phare,
l’étrangère qui file un sol qu’elle sépare,
la nonne ou le pêcheur s’étonne de pêcher,
l’étale frondaison d’un profil de pêcher
derrière quoi bondit, empanaché de neige
et d’érable, l’élan rosi de la Norvège,
l’huile de lis, la nue où le maître des blés
ordonne un pur tissu de désastres câblés,
la voisine introduite aux jargons de l’aïeule,
la longue vie au loin tournant comme une meule,
moulant son propre grain sans arrêt rentoilé,
la mer capricieuse étoffait le délai
du perpendiculaire et sinistre baptême.
[…]
De nous et de la mer qui donc était la mer ?
Nous cherchions, à travers le voile à peine amer,
les noyés déglingués sous un trépied de franges,
mes oursins, fabuleux soupirants des oranges,
des vaisseaux du passé la dentelle de bois
où voyage, en velours, le bel astre, parfois,
d’une pieuvre où la roue avec l’astre compose
et, pareilles leurs dents à celles d’une rose,
les poissons dont les flancs étincellent d’amour.
La mer n’hébergeait rien qu’une espèce de jour.
D’argent comme aux blasons ou comme la syllabe
qui l’enferme, répudiés le thon, le crabe,
le malarmat poilu, le silure crêté,
prompte à se compléter de sainte rareté
dont l’intime bouquet la prouve et l’apprivoise,
elle faucha sur soi la myrte et la framboise,
gravit légèrement son fantôme d’éther,
de sa lisse clôture au sourire de fer
investit sa vacance, épuisa sa nuit pleine,
montagne se promut sans se déprendre plaine
et, peignant au rayon de son sexe jamais
son urne éviscérée et franche de fumets,
exaspère d’oubli les piliers d’une attente.
[…]
[p. 68/77]
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ET LA MORT…
C.P.
[…]
si je demeure doux sans douceur véritable…
ô passion de l’homme aux mains de ses enfants…
Avant ce soir, je gémirai sous mon cartable…
femelle, ô garce nue et ta langue qui fend…
le myrte dans le mufle et la croix dans les membres
qui fend mon cœur de vie et mon poumon de chair
et le regard peuplé de livres et de chambres…
fille divine ici commère de l’enfer !...
On me mordra, douceur ! dans ce monde qui tremble
toi qui lèves si haut ta jambe aux justes bas…
enfin de voir trembler quelqu’un qui lui ressemble
que je vois que te peuple un gouffre de sabbats !...
Reviens, douceur ! avec ta minceur qui vaut seize…
ô jument ricanante, ô reine des poisons…
tes colliers de sainfoin et de paille de chaise…
femelle, ô garce nue et tes âpres toisons…
tes souliers de fontaine et tes cils de pervenche…
ô malédiction mystique d’être moi !...
et cette insanité qui fait que je me penche…
ô rage de chercher les éviers de la loi !...
encore sur la glaise, où, terrible, tu daignes…
la bonté de la loi, la douceur de la loi…
encore sur cette herbe où je sue, où je saigne…
la douceur d’une face aussi belle que toi…
encor sur ces cailloux moins froids que ma main gauche,
plus belle qu’elle-même et que notre douleur…
sur cette fleur soumise à ce fer qui me fauche…
plus belle qu’une fleur, moins belle qu’une fleur.
[p.92/95]
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Autres sites à consulter
■ Site © Association des Amis de Jacques Audiberti, 2011
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THE BLACK HERALD N°3 - Septembre 2012
REVUE
The Black Herald
Issue #3 - Septembre 2012
Literary magazine – Revue de littérature
90 pages - 15€ / £13 / $19 - ISBN 978-2-919582-04-4
Poetry, short fiction, prose, essays, translations.
Poésie, fiction courte, prose, essais, traductions.
With / avec W.S. Graham, Gregory Corso, Andrew Fentham, Louis Calaferte, Iain Britton, Jos Roy, Tristan Corbière, Michael Lee Rattigan, Clayton Eshleman, Denis Buican, John Taylor, César Vallejo, Anne-Sylvie Homassel, Cécile Lombard, Gary J. Shipley, Rosemary Lloyd, Bernard Bourrit, Mylène Catel, Nicolas Cavaillès, Ernest Delahaye, Sébastien Doubinsky, Gerburg Garmann, Michel Gerbal, Allan Graubard, Sadie Hoagland, James Joyce, João Melo, Andrew O’Donnell, Kirby Olson, Devin Horan, Dominique Quélen, Nathalie Riera, Paul B. Roth, Alexandra Sashe, Will Stone, Anthony Seidman, Ingrid Soren, August Stramm, Pierre Troullier, Romain Verger, Anthony Vivis, Elisabeth Willenz, Mark Wilson, Paul Stubbs, Blandine Longre et des essais sur / and essays about Charles Baudelaire, Francis Bacon. Images: Ágnes Cserháti, Olivier Longre, Will Stone, Devin Horan. Design: Sandrine Duvillier.
The Black Herald
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Galerie Le Réalgar - Dominique Albertelli
Galerie Le Réalgar
Contact: Daniel Damart 0687602234
Adresse: 23 rue Blanqui, 42000 Saint Étienne
lerealgar@gmail.com
LA VIE EN DOUCE
Œuvres de Dominique Albertelli
Du 15 Septembre au 19 Octobre 2012
Vernissage le 15 Septembre à partir de 18h
"Quelque chose, rouge."
Un texte de Laurent Cachard
illustré des reproductions des peintures de Dominique Albertelli
(Ouvrage de la collection "1 et 1" des Éditions le Réalgar en vente à la Galerie au prix de 4€)
,
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04/09/2012
Katherine Mansfield
Katherine
Mansfield
Villa Pauline et autres poèmes
Traduction et préface de Philippe Blanchon
Site Editions la Nerthe/ http://librairielanerthe.blogspot.fr/
Le recueil s’ouvre sur des vers de jeunesse, écrits entre 21 et 23 ans et se clôt sur les derniers écrits alors qu’elle avait entre 29 et 31 ans. Dix ans donc entre les premiers et les derniers.
Dans les premiers poèmes elle restitue les approximations du langage enfantin. Cette enfance passée près de son frère revient de façon obsessionnelle : son ultime poème est inspiré encore par un souvenir avec son frère.
Les poèmes de la Ville Pauline sont centraux tant biographiquement que dans l’usage que Mansfield fait de l’art des vers. Ils forment un ensemble nous donnant à lire les mouvements émotionnels de Katherine lors de son premier séjour sur la Côte d’Azur : les retrouvailles avec Murry et sa perception de la nature.
Ces poèmes montrent une grande liberté, tant sur le plan métrique que par ses thèmes. La grande nouvelliste nous offre des récits en vers brefs ou non, elliptiques ou paraboliques, où sa tendresse comme son humour trouvent à s’exprimer.
Plus elle gagne en maturité plus elle donne vie à chaque être et à chaque élément naturel rentrant dans le poème. Elle est sans cesse au bord d’un abîme tout en étant au cœur du monde. Sa perception aigüe anime ses vers qui trouvent leur plein aboutissement en leur aspiration réconciliatrice. Mansfield oscille, d’un sentiment à l’autre. Elle fait fusionner son imagination en éveil depuis l’enfance et ses expériences de femme.
Les deux tiers de ces poèmes sont inédits en français.
Parution : 22/10/2012
ISBN : 9782916862316
88 pages
11,5 x 17
10.00 euros
À paraître le 22/10/2012
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Benjamin Moser - une biographie sur Clarisse Lispector
Benjamin Moser
Clarisse Lispector – Une biographie
« Pourquoi ce monde »
Editions des femmes/Antoinette Fouque, 2012
Clarisse Lispector
***
Fruit d’années de recherche, la biographie de Clarice Lispector par Benjamin Moser est à la fois un témoignage et un roman. Avec ce portrait passionnant et sensible, l’auteur nous révèle, sans en altérer la part d’ombre, la troublante identité de celle qui pouvait dire « je suis si mystérieuse que je ne me comprends pas moi-même ».
La petite fille née en Ukraine inventait des histoires magiques pour sauver sa mère, condamnée par les violences subies lors d’une terrible guerre civile. Écrivaine reconnue, Clarice Lispector n’abandonne pas sa croyance dans la force magique du langage. Elle place au coeur de son oeuvre la question des noms et de la nomination,
proche en cela de la démarche des mystiques juifs. Elle ne cessa jamais de s’approprier les mots et d’en faire ressortir toute l’étrangeté jusqu’à devenir la
« princesse de la langue portugaise ».
Benjamin Moser s’attache à rendre chacune des expressions– femme, épouse, mère, écrivaine–d’une personnalité singulière tout en mettant en lumière le contexte historique et culturel, en Europe comme au Brésil, qui sous-tend cette destinée. Les nombreuses citations d’une oeuvre qui fut peut-être la
« plus grande autobiographie spirituelle du xxe siècle » nous invitent à lire ou relire, inlassablement, la prose unique de Clarice Lispector.
***
Benjamin Moser, écrivain, éditeur, critique et traducteur, est né à Houston (Texas) en 1976 et vit aux Pays-Bas. Il est diplômé des universités Brown (États-Unis) et d’Utrecht (Pays-Bas). Il découvre Clarice Lispector en étudiant le portugais.
Pourquoi ce monde – Une biographie de Clarice Lispector, son premier livre, salué par une critique unanime a été publié aux États-Unis (Oxford University Press), et au Royaume-Uni. Une traduction en allemand est en préparation.
Il est directeur éditorial pour les nouvelles traductions des oeuvres de Clarice Lispector à paraître chez New Directions, aux États-Unis, et chez Penguin Modern Classics, au Royaume-Uni. (Source : le site des Editions des femmes/Antoinette Fouque)
des femmes/Antoinette Fouque
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27/08/2012
Joanna Szczerbic & Jerzy Skolimowski
Joanna Szczerbic & Jerzy Skolimowski
23:48 Publié dans CLINS D'OEILS (arts plastiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
Philippe Blanchon, "La ville vue de dos"
Couverture de Paul Keller
[poèmes 1986-1995]
Extrait
nostalgie du silence de trop de calomnies
orgues mols et déconfiture grinçante
jours des concerts las :
ces vains bruits farce mauvaise
quand le bourreau se met à geindre
***
les gares aux voix des filles-chats :
lisses en l’automne attendu
(sa douleur / l’ultime portrait)
de l’intérieur :
l’oreille qui bascule
vers la sœur à la taille tenue
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Cesare Pavese par Philippe Leuckx
Cesare PAVESE
© Source : INTERNET
LE 27 AOUT 1950, CESARE PAVESE DISPARAISSAIT APRES UNE CARRIERE FULGURANTE
par Philippe Leuckx
Soixante-deux ans. Sans doute l'un des plus doués de la génération italienne qui va de la période fasciste aux lendemains de la libération. Les lettres italiennes des années trente et quarante voient arriver ce prodige, cet hyperdoué, tout à la fois traducteur, professeur de lettres, grand amateur de littérature américaine, antifasciste notoire qui en a payé pour ses convictions (un séjour de confinato en Calabre), poète, romancier, nouvelliste, diariste. Le temps d'une quinzaine d'années, de la parution de LAVORARE STANCA (1936) à son suicide à l'Hôtel Roma de Turin (1950), il produit des dizaines de nouvelles, deux livres de poésie, une bonne dizaine de romans brefs, un journal littéraire (MESTIERE DI VIVERE), édite chez Einaudi, traduit de beaux livres américains, connaît les soubresauts de la guerre et des suites de la libération, l'émergence du communisme italien et les premières inquiétudes de la future société occidentale, industrialisation massive, années aussi où ses tourments personnels, sentimentaux s'aiguisent jusqu'à l'usure.
On s'étonne de voir aujourd'hui le peu d'intérêt pour ce poète immense, pour ce romancier qui a donné sans doute avec LE BEL ETE, LA LUNE ET LES FEUX, LE CAMARADE les plus beaux fleurons romanesques de la période dite néo-réaliste.
Pas de Pléiade! Pas de commémoration en 2008 pour son centenaire de naissance, du moins en France. Pas de Magazine Littéraire personnalisé!
Etrange sinon injuste.
Né à San Stefano Belbo dans les Langhe, très vite orphelin de père, vit à Turin, avec l'intense souvenir de son enfance rurale. Ce thème prégnant - la perte des collines de l'enfance - traverse toute l'oeuvre et offre l'un des mythes fondateurs de l'oeuvre pavésienne.
Mais avec Cesare Pavese, tout est toujours plus complexe voire démultiplié en nuances et en ramifications. Ces aller-retour campagne/ville importants vont déterminer une quantité de regards et d'histoires autour et au pourtour de ces lieux essentiels. Excepté "La prison" qui relate son séjour de résidence forcée par le régime fasciste, toutes ses oeuvres déroulent un fort lien avec la topographie mentionnée. Tantôt, ce sont les cheminements d'amis et/ou d'amies au travers des collines ou au sein de la ville. Ce sont les nouvelles liées au travail en usine (Trilogie des machines), en campagne (Travailler fatigue). Quand on n'évoque pas les collines de la résistance ou les combats d'un communiste, camarade et partisan. Bien sûr, les oeuvres les plus intenses répondent à l'appel d'air des Langhe, des environs, entre vignes et fêtes rurales (La lune et les feux). Le jounal, publication posthume, trace les épreuves et les preuves intellectuelles, littéraires d'un parcours d'une lucidité éblouissante. Le "tu" auquel l'auteur s'adresse est un juge impitoyable de soi-même, qui consigne toute avancée, tout rejet, toute déperdition, sans complaisance. Comme les diverses étapes par lesquelles une conscience littéraire de haut vol est passée.
Il y a quelque chose de sismique, de vibratile chez Pavese, et un ton, insurpassable. Qu'il se mette à la place d'un ouvrier des routes, d'une responsable de maison de mode (Clélia de "Tra donne sole"), d'un fervent politique, ou d'un émigrant, chaque fois le narrateur distille une incomparable vertu aux personnges. Vertu au sens romain. Et le lecteur se sent d'emblée pris par cette manière de rendre compte d'une vie unanimiste.
Et puis, qui a aussi bien parlé des femmes, de la fête, des amitiés?
En février 2013, je serai content de présenter aux "Midis de la poésie" "LAVORARE STANCA", qui est un regard sur son monde. Une lecture du monde par Pavese, dans une manière qui relève aussi bien de l'attention précise que de la tension suspendue.
■ SITE A CONSULTER :
23:16 Publié dans Cesare Pavese | Lien permanent | Commentaires (1) | Imprimer | | Facebook
23/08/2012
Giacomo Cerrai
Giacomo
CERRAI
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© Site Les Carnets d’Eucharis
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QUATRE POÈMES
Traduits par Raymond Farina
…
■
■ Sur le site Les Carnets d’Eucharis
http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com/
Giacomo Cerrai
Quatre poèmes
Traduit de l'italien par Raymond Farina
Aruspices
Le grincement de la balançoire
obsédant, il ressemble
au cri des oiseaux qui tombent
dans le bleu.
Qui sont-ils je l’ignore
peu importe. Seulement,
l’air las, des petits
citadins et leurs mères
aux poumons
chargés d’une fumée légère.
Les oiseaux crient
méthodiques. On dit qu’ils pressentent
le premier acte le second
d’un drame
sans entracte
Aruspici
Il cigolio dell’altalena
ossessivo, somiglia
al grido di uccelli che precipitano
nell’azzurro.
Chi siano non so
né importa. Solo
aria stanca, bambini
cittadini e madri
con un carico di fumo leggero
nei polmoni
Gli uccelli gridano,
metodici. Si dice presèntano
l’atto primo il secondo
d’un dramma
senza intervallo
(le ciel reflété sur une fenêtre très lointaine)
Le ciel reflété sur une fenêtre très lointaine
son obliquité de périscope, de lumière
qui tombe par un hasard infini,
et son rayon qui offusque,
par une direction insolite,
un plan parallèle différent,
notre liberté de penser,
de jeter au vent la plus-value,
la vie qui nous reste,
un autre sud
de monde renversé et d’horizons
de temps et lieu,
ce privilège de pierre
qui attend immobile le coucher de soleil
et son déracinement…
Les frontières ne sont pas tracées,
disparaît le droit divin de la lumière
qui agit
et qui vire au rouge,
l’indifférence des oiseaux,
silhouettes obscures dont la migration
traverse des territoires
sur une fenêtre lointaine.
(il cielo riflesso su una finestra lontanissima)
Il cielo riflesso su una finestra lontanissima
la sua obliquità di periscopio, di luce
che precipita da una casualità infinita,
e il raggio che traffigge,
da una direzione inconsueta,
da un differente piano parallelo,
la nostra libertà di pensare,
di gettare al vento il plusvalore,
la vita che ci avanza,
un differente sud
di terra capovolta e orizzonti
di tempo e luogo,
questo privilegio di pietra
che attende immobile il tramonto
o il suo sradicamento…
i confini non sono segnati,
cessa il diritto divino della luce
che agisce
e vira al rosso,
e indifferenza degli uccelli,
oscuri sagome migranti
attraversano territori
su una finestra lontana.
(aux vieux et aux enfants qui ne saisissent pas)
Aux vieux et aux enfants qui ne peuvent saisir
entre pouce et index
le geste vague et incertain
de l’exiguïté des rêves, comme
celui de considérer la finesse des cheveux
devant la transparence du ciel,
un geste opposable
comme la main sur le cœur pour retenir
le souffle ou celui qui s’enfuit ou la pensée
qui vient à l’esprit tout à coup et avorte…
que soit l’inexpérience la déshabitude de vivre,
la lassitude des os la myopie du moi,
perdre notre prise sur les choses
c’est comprendre les choses leur indicible anarchie
de feuilles qu’agite un vent majeur ;
et l’œil, en hésitant, guide le geste
et le geste ouvre et ferme des horizons
ou ferme le cercle.
(dei vecchi e dei bambini il non cogliere)
dei vecchi e dei bambini il non cogliere
tra pollice e indice
il gesto incerto e vago
dell’esiguità dei sogni, come
chi considera la finezza di capelli
contro la trasparenza del cielo,
un gesto opponibile
come una mano sul cuore a trattenere
il fiato o chi fugge o il pensiero
che improvviso balùgina e abortisce…
che sia imperizia disabitudine del vivere,
stanchezza delle ossa miopia dell’io,
il perdere la presa sulle cose
è capire le cose la loro indicibile anarchia
di foglie mosse da un vento superiore ;
e l’occhio incertamente guida il gesto
e il gesto apre e chiude orizzonti
o chiude il cerchio
(une erreur remédiable)
Si nous avions - imaginais-je –
l’espoir secret des enfants :
se réveiller un matin
avec la seule obligation de vivre
avec le courage des pastels
avec l’avenir d’une feuille blanche
et des oiseaux aériens
revenir en arrière en interrompant
le jeu ou réparer
des blessures même profondes des méchancetés
avec de petites blandices.
Si nous avions le droit au retour
juste avant la limite de l’innocence
au bord d’une journée imprévoyante
le simple geste qui efface
la douleur
fait renaître l’amour scelle
dans ce toujours un toujours
qui est nôtre. Si nous pouvions
sauver ce qui peut l’être
comme à la fin d’une journée
de vacances
fermer les tiroirs en riant
comprendre que nous avons grandi
et peut-être
que l’essence de l’action
est une erreur remédiable…
(un rimediabile errore)
Avessimo – immaginavo –
la speranza segreta dei bambini :
risvegliarsi un mattino
col solo obbligo di vivere
col coraggio dei pastelli
col futuro di un foglio bianco
e di uccelli ventosi
tornare indietro interrompendo
il gioco o risarcire
ferite pur profonde cattiverie
con piccola blandizie.
Avessimo il diritto al ritorno
appena prima del limite dell’innocenza
sull’orlo d’una giornata improvvida
il semplice gesto che cancella
il dolore
ripristina l’amore sigilla
in questo sempre il sempre
che è nostro. Potessimo
salvare il salvabile
come alla fine d’un giorno
di vacanza
chiudere ridendo i cassetti
capire che siamo cresciuti
e forse
che essenza dell’agire
è un rimediabile errore…
■ Bio-bibliographie :
Giacomo Cerrai est né à S.Giuliano Terme (Pise). Il a fait ses études de Littérature italienne à Pise, où il travaille et vit. Après la publication de son premier recueil, intitulé « Imperfetta elisse », il a collaboré à la revue de photographie et d’écriture « Private » (n°18/2000) et à l’ouvrage collectif, consacré à Cesare Pavese « AA.VV. – Cesare perduto nella pioggia », dirigé par Massimo Canetta (Di Salvo Editore, Naples). Il a été rédacteur en chef de la section « Poésie » du site de littérature « I Fogli nel Cassetto », jusqu'à sa fermeture, à la fin de l’année 2002. Ses textes figurent sur de nombreux sites, blogs et revues de poésie en ligne tels que « Dadamag » (n°6, 1999), « La costruzione del verso » de Gianfranco Fabbri, « L’Attenzione» (n°4, janvier 2007), « La poesia e lo spirito », « Viadellebelledonne », « Sottopelle », « Cartesensibili ».
Est également disponible sur « Lulu.com » une version imprimée de « La ragione di un metodo », un recueil de textes écrits au cours des années 80-90. On peut trouver, par ailleurs, sur le blog de Francesco Marotta « La dimora del tempo sospeso », quatorze poèmes du même auteur, écrits à des périodes différentes.
Giacomo Cerrai figure aussi dans l’anthologie de Luca Ariano et Enrico Cerquiglini « Vicino alle nubi sulla montagna crollata » ( Campanotto Editore). Il a récemment publié en ebook « Sinossi dei licheni » aux « Editions Clepsydra » et, en juillet 2009, aux « Editions l’Arca Felice » de Salerne, « Camera di condizionamento operante ». Ces deux ouvrages sont téléchargeables gratuitement. Viennent également de paraître –sur GAMMM- un texte expérimental, « A tribute to John Cage » et, en co-traduction, avec Rita R. Florit et Alfredo Riponi, l’anthologie de poèmes de Ghérasim Luca « La fine del mondo – Poesie 1942-1991 » (Joker Edizioni, 2012). De prochaine publication aux « Editions L’Arcolaio » le recueil « Diario estivo e altre sequenze »
Il gère l’espace web « Imperfetta Ellisse » (http://ellisse.altervista.org).
20:59 Publié dans Giacomo Cerrai | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
22/08/2012
Non, la Grèce n’est pas morte !
■■■ Il y a quelques semaines, en large titre de pleine page d’un grand quotidien français, on pouvait lire cet avis de décès stupéfiant : « La Grèce est morte ». Déjà énoncé en 1956 par Cornélius Castoriadis, le thème de la mort de la Grèce est aujourd’hui repris par de nombreux intellectuels et notamment par un écrivain grec contemporain majeur : Dimitris Dimitriadis. Tel constat, aussi absolument désespéré, n’est pas un des moindres signes du désarroi politique, matériel et moral qui a envahi ce pays. Faut-il pour autant l’accepter fatalement, enregistrer cette nouvelle sans plus de doute ni d’examen ? Partant pour plusieurs semaines en Grèce continentale et insulaire, la parcourant du sud au nord, d’est en ouest, je m’attendais à constater tristement l’incroyable fin de ce pays et du mythe qu’il porte, à assister en témoin à son enterrement, et en vieil ami à prendre ma part du deuil.
Certes dans les villes, à Athènes surtout, la misère matérielle et morale est immédiatement perceptible, et pas seulement parce que de nombreux migrants, dont beaucoup d’enfants, y errent et mendient : des signes sont là, irréfutables, qui témoignent de la réalité pesante de la crise, de son étendue et de sa profondeur. Celle-ci n’est plus la matière abstraite d’une phraséologie redondante ayant envahi les médias et les cerveaux occidentaux, car sur place cela se voit, se sent, se dit : les Grecs en majorité, vivent plus mal, inquiets et pessimistes.
Pourtant, au-delà du constat des causes qui ont depuis des décennies affaibli la Grèce (clientélisme et corruption des deux principaux partis politiques alternativement au pouvoir, affaissement des vertus populaires traditionnelles, emprise d’un libéralisme aux méthodes sauvagement prédatrices, inefficience de certains services publics, féodalités économiques persistantes, chômage croissant, exil des jeunes), je voudrais ouvrir une brèche d’espoir en rappelant les incomparables forces résiduelles dont dispose ce pays, aptes à stimuler une vision moins désespérée de son présent et de son avenir. Car c’est avant tout d’un espoir mobilisateur dont ce pays a besoin afin de se libérer des pronostics et des pressions qui l’accablent. Au creux même de la dépression, il lui faut mobiliser une foi en lui-même, en son identité singulière, les leçons de son histoire et la vitalité de ses racines, par là susciter un élan apte à répondre, comme René Char a pu le suggérer en des temps également dramatiques, « à chaque effondrement des preuves (…) par une salve d’avenir ».
Comme dans la plupart des pays du monde, les villes grecques concentrent la majorité de la population nationale et tendent à faire oublier « l’autre Grèce » qui ne perçoit ni ne vit la crise de la même façon. Il suffit de s’éloigner des villes, de parcourir les très nombreuses portions sauvages des milliers de kilomètres du littoral grec, préservé, contrairement à d’autres côtes méditerranéennes, de l’inflation anarchique d’immeubles qui les ont définitivement défigurées et dépoétisées, de parcourir les campagnes couvertes d’oliviers, d’arbres fruitiers, de vignes, où s’épandent troupeaux de chèvres et ruchers, de s’attarder dans les villages dont la silhouette évolue lentement, pour retrouver un art de vivre peu perturbé par la crise, sachant entretenir et promouvoir des réflexes de production, d’autonomie et de solidarité. Celui-ci permet une bénéfique mise à distance, à la fois psychologique et concrète, de la problématique de crise qui obsède les populations européennes. Il peut paraître naïf d’opposer ainsi la relative quiétude du monde campagnard et insulaire grec, protégé par sa perpétuation des modes de vie traditionnels, au mal-vivre croissant des citadins, plus directement exposés, de vanter les atouts d’un environnement naturel et d’une forme de vie qualitativement axée sur la jouissance de biens premiers, essentiels, par opposition à l’enfoncement de populations entières dans la solitude, la misère et le désespoir. Mais en Grèce cette opposition est moins simpliste et moins grande qu’il n’y paraît car malgré le caractère tentaculaire de la mégalopole athénienne et de sa banlieue sud-ouest industrielle, malgré les villes de diverses tailles du pays, le citadin grec est rarement coupé du pays profond qui lui sert de véritable base de ressources, psychologiques et matérielles, affectives et poétiques. Beaucoup de citadins grecs disposent en effet, à la campagne ou sur une île, d’une maison –souvent de famille- d’où eux-mêmes et sinon des proches rapportent et partagent olives, huile, légumes, fruits, confitures, miel, fromages, pain, vin, ouzo, raki. Ces denrées garantissent bien plus qu’une part savoureuse de la subsistance alimentaire : un lien affectif et traditionnel apte à nourrir la force mentale, affective et poétique par laquelle nombre de Grecs semblent mieux résister à l’angoisse et la disette générées par la crise que ne le laissent imaginer les informations accessibles en France. La solidarité familiale traditionnelle, maintenue très forte, contribue sur les plans matériel, psychologique et affectif, à cette résistance. Ainsi, à partager quelques semaines la vie de ce peuple, ce qui ressort est la perpétuation de ses atouts psychologiques et culturels essentiels par lesquels, sans tomber dans des clichés de propagande touristique, un certain art de vivre reste bien vivant, et par là salvateur. Les terrasses des cafés et les tavernes sont majoritairement fréquentées par des Grecs qui, affichant cette tranquille lenteur qui subsiste malgré tout, continuent à aimer plus que d’autres, le partage d’un verre ou d’un plat à l’air et au soleil, à tirer des chaises dans la rue pour une conversation. De ce pays riche de vastes espaces sauvages dont la beauté stupéfiante reste inchangée il faut donc –et de beaucoup- corriger la lecture, essentiellement médiatique, qu’inspire la seule référence urbaine, (c’est-à-dire concentrationnaire) et prendre en compte le lien racinaire entretenu par chaque Grec avec des modes de vie séculaires où dans des territoires à faible densité humaine mais aux richesses naturelles intactes, il entretient un rapport mythique à l’espace et au temps. Ceci n’est malheureusement ni apparent dans les reportages télévisés, ni valorisé par les clientélismes politiques, lesquels semblent plutôt s’acharner à favoriser par la répétition de la peur de l’avenir, un populisme réactionnel tenté par les extrêmes.
Non seulement riche d’une géographie et d’une sociologie singulières ce pays mythique est également porté par une histoire qui l’irrigue encore, même si parfois elle lui pèse et que, dans l’espoir de se régénérer, il est tenté de la brader. Sans remonter exagérément le temps, ce fut au XIX° siècle la révolte contre l’occupation ottomane et l’indépendance retrouvée. Au XX° siècle la successive résistance au nazisme qui amena la guerre civile, puis à la dictature des colonels. Mais les déterminations de l’histoire moderne ne sauraient éclipser l’influence encore vivante de la période antique. Plutôt que de la liquider une bonne fois pour toute comme le suggère Christos Chryssopoulos dans son roman La destruction du Parthénon, (et avant lui Yorgos Makris) par la métaphore symbolique de la pulvérisation de l’Acropole qui coiffe de façon écrasante la cité-capitale et par là tout le pays, il convient au contraire de prendre en compte le bénéfice psychologique que confère, encore aujourd’hui à la population, la conscience d’être héritière d’un passé prestigieux nourri des génies qui ont hissé ce pays au rang d’une des plus vieilles et des plus hautes civilisations. Cela se remarque de nombreuses façons dans la vie nationale et contribue au sentiment d’unicité, d’unité et de dignité du peuple. Des noms des rues aux prénoms des gens, des mentions abondantes des dieux et des personnages de la mythologie à l’évocation des récits et légendes, joués ou chantés, au théâtre, en musique, en chansons, c’est dans la vie quotidienne de tous les Grecs que s’entretient cette référence, continuée et magnifiée, aux périodes de l’histoire du pays pourvoyeuses d’une grande part de l’honneur –sinon de l’orgueil- national. En cela la Grèce sait –et implicitement le rappelle à tous- qu’elle est certainement le pays le plus originel, et peut-être le plus référenciellement rassembleur de la culture européenne, qu’elle est donc incontournable pour poursuivre la construction politique, économique et culturelle de l’Europe.
Mise à mal par un système économique et bancaire qui l’a dépassée, et sans cependant pouvoir s’exempter de ses propres maux intérieurs, politiques surtout, qui l’ont gravement fragilisée, la Grèce n’est pas seulement le parent pauvre et problématique de l’Union européenne, la brebis galeuse de la zone euro. Elle reste à la fois un pays exceptionnel dont les ressources historiques, géographiques, culturelles, humaines, mythologiques et poétiques sont utiles à tous les Européens, et un peuple, certes aujourd’hui inquiet et tourmenté, stigmatisé quoique victime, mais vaillant et capable de s’arc-bouter une nouvelle fois contre un sort contraire ; un pays qui sait instinctivement qu’il possède les richesses inviolées de sa géographie, de son histoire, de sa singularité anthropologique, et qui en tire sa force latente, capable de résistance et de rebond. Décidément non la Grèce n’a pas à précipiter sa mort, à s’offrir en victime sacrificielle d’une communauté étrangère cherchant à garantir sa survie en faisant d’elle un bouc-émissaire, n’a pas à se renier, ni à céder aux tendances suicidaires auxquelles la porterait la dépression qui l’affecte, à tout feindre d’arranger par sa disparition oblative. Plutôt que de jouer les pleureuses du cortège funèbre, l’œuvre la plus urgente des intellectuels grecs est de revitaliser les forces souterraines intactes du pays qui a besoin d’eux comme d’un chœur moderne, vigile et lancinant. Non la Grèce n’est pas morte, ne peut pas mourir. Et si aujourd’hui l’Europe paraît la soutenir de ses perfusions, c’est en réalité, au plus profond, l’Europe qui a vitalement, et pour toujours, besoin d’elle.
© Jean-Claude Villain, Ecrivain
22:22 Publié dans Jean-Claude Villain | Lien permanent | Commentaires (3) | Imprimer | | Facebook
29/07/2012
JOSEPH BRODSKY
JOSEPH (IOSSIP) BRODSKY
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©Sites Esprits Nomades / Poezibao / Les Carnets d'Eucharis
Joseph Brodsky with cigarette
[Martha Pearson, 1979]
Monterey, Ca
1979
b&w - 20 x 25 cm
Vertumne et autres poèmes Du Monde entier / Gallimard, 1993
■
EXTRAIT
Pour le centenaire d’Anna Akhmatova
(traduit par Hélène Henry)
…
Et la page et le feu, et la meule et le grain,
et le cheveu tranché et le fil de la hache,
Dieu conservera tout ; et plus que tout les mots
de pardon et d’amour qui sont sa voix profonde.
Le craquement des os, le pouls brisé, le choc
de la pioche : c’est là leur scansion souterraine ;
car si la vie est une, ils résonnent plus haut
aux lèvres des mortels que dans l’ouate du ciel.
Grande âme, à toi de par-delà les mers, Salut,
Toi qui trouvas les mots, toi, ta mortelle forme
dormante au sol natal, qui grâce à toi reçut
en ce monde emmuré le don de la parole.
Juillet 1989
& autre extrait
Seule la cendre sait ce que signifie brûler jusqu’au bout.
Je le dirai pourtant, après un coup d’œil myope par –devant :
tout n’est pas emporté par le vent, et le balai
qui ratisse ample dans la cour ne ramasse pas tout.
Nous resterons, mégot fripé, crachat, dans l’ombre
sous le banc, où pas un rayon ne pénètre,
et, étroitement enlacés à la fange, comptant les jours,
nous nous ferons terreau, dépôt, couche culturelle.
…
Juillet 1987
(Traduit du russe par Véronique SCHILTZ)
■ SOURCE PHOTOGRAPHIQUE :
General Collection, Beinecke Rare Book and Manuscript Library, Yale University
■ Autres sites à consulter
23:46 Publié dans Joseph Brodsky | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
27/07/2012
Nathalie Riera (Extraits de "Puisque Beauté il y a" traduit en italien par Francesco Marotta)
NATHALIE RIERA
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© Editions Lanskine Puisque Beauté il y a, 2010
Nathalie Riera à Port Lligat (Cadaquès, Espagne) en juin 2002
Extraits
Traduit en italien par Francesco Marotta
Ta voix en eau peu profonde: sa menthe des marais,
et ses graines qui germent à la lumière.
Ta voix à fleur d’eau qui m’appelle.
Me boire. Me susurrer. Me festoyer.
Mouvementée ma longue silhouette herbacée, poussée
par les vents et leurs risées amères.
Quelques égratignures à mes couleurs, et sur mes murs
de lierre et de pierre, volettent mes cursives de papillons.
A nouveau le chant de l’oiseau que les feuillages épient.
La géomancie de leur chute. L’arborescence de leurs
figures sur le sol.
Et pour toi et moi le prodige de ce que nous sommes
capables d’édifier pour nous conduire aux cimes et aux
racines de notre provenance.
Décrypter les initiales de notre amour.
Décrypter les ombres des sommets et des fossés, et le
grésillement du soleil dans les arbres.
Si nos rêves et nos pensées ne penchent plus du côté
du soleil, s’il n’y a plus rien à espérer de soi et de l’autre
que nos assortiments de plantes invasives.
--------------------------------------- (p.28)
La tua voce in acqua poco profonda: la sua menta di palude,
i suoi semi che germogliano alla luce.
La tua voce a fior d’acqua che mi chiama.
Bevimi. Sussurrami. Festeggiami.
Si agita la mia lunga figura erbacea, mossa
dai venti e dalle loro risate amare.
Qualche graffio ai miei colori, e sui miei muri
d’edera e di pietra, i miei svolazzanti corsivi di farfalle.
Di nuovo il canto dell’uccello che le foglie spiano.
La geomanzia della loro caduta. L’arborescenza delle loro
figurazioni sul terreno.
E per te e me il prodigio di ciò che siamo
capaci di costruire per portarci verso le cime e alle
radici della nostra provenienza.
Decifrare le iniziali del nostro amore.
Decifrare le ombre delle alture e dei fossati, e il
frusciare del sole tra gli alberi.
Se i nostri sogni e i nostri pensieri non si tendono più verso
il sole, se non vi è più niente da sperare di sé e dell’altro
se non le nostre combinazioni di piante invasive.
Des chuchotis d’insectes le papier que tu froisses,
le craquèlement de tes lèvres: ce que tu cherches
à écrire, alors que tu ne sais encore rien du froid,
et de ses crimes.
Un bruit d’abeille la mer et l’aube, écrire
Pour tout ce qui est terre, et fragile. Ainsi nos
feuilles rugissantes dans les poussières sonores des
cités, ou dans les arbres qui nous enseignent les
branches et leurs coups d’archets.
Et mes souvenirs blancs comme du jasmin.
--------------------------------------- (p.46)
Bisbigli di insetti il foglio che accartocci,
la screpolatura delle tue labbra: ciò che cerchi
di scrivere, quando non sai ancora nulla del freddo,
e dei suoi crimini.
Un ronzio d’ape il mare e l’alba, scrivere
per tutto ciò che è terra, e fragile. Così le nostre
foglie che urlano nella polvere sonora delle
città, o negli alberi che ci insegnano
i rami e i loro colpi d’archetto.
E i miei ricordi bianchi come il gelsomino.
Parfois massif est le bleu de la mer.
J’écris avec l’encre de la lisière, avec le réel ancré
dans la pierre, avec l’immédiateté de l’air, l’imminence
de l’instant, la contiguïté du noir et du blanc.
J’écris à l’orée de ce qui ne me tient plus en lisière,
et de ce que je maintiens dans la plus étroite servitude.
Le bleu massif de l’enfance dans la lumière de la
colline.
Ma verte contemplation.
--------------------------------------- (p.50)
A volte compatto è l’azzurro del mare
Scrivo con l’inchiostro del margine, con il reale ancorato
nella pietra, con l’immediatezza dell’aria, l’imminenza
dell’istante, la contiguità del nero e del bianco.
Scrivo sul limitare di ciò che non mi trattiene più nella morsa,
e di ciò che tengo nella più ferrea schiavitù.
L’azzurro compatto dell’infanzia alla luce della
collina.
La mia contemplazione verde.
■ La dimora del tempo sospeso (Francesco Marotta)
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Nota biobibliografica
Nata nell’aprile del 1966 (originaria di Lille), Nathalie Riera vive in Provenza, autrice di un saggio, La parole derrière les verrous (Ed. de l’amandier, 2007), e di raccolte di poesia: ClairVision (Ed. Publie.net, 2009), Puisque Beauté il y a (Ed. Lanskine, 2010), Variations d’herbes e Paysages d’été (in via di pubblicazione entro il 2012).
Pubblicata in riviste cartacee e siti telematici dedicati alla poesia e alle arti figurative, ha tenuto seminari di scrittura e partecipato a letture pubbliche nelle mediateche, le prigioni, le scuole.
Ha creato la rivista telematica Les Carnets d’eucharis, che gestisce dal marzo 2008 (34 numeri editi fino ad oggi).
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09:58 Publié dans Francesco Marotta, Nathalie Riera | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
26/07/2012
George Oppen
GEORGE OPPEN
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© Editions José Corti Poésie complète, 2011
Série américaine
Extraits
Traduit par Yves di Manno
Même si dans une sorte d’été les durs bourgeons fleurissent
Avec une profusion féminine
Le « cœur de la
Taille d’un pouce », le petit noyau de l’être,
Si peu artistique,
Le cœur sans élégance
Incapable de saisir
Le monde
Et qui produit l’art
Ne s’avère pas plus gros
Qu’un petit faucon
Se posant échevelé sur le rebord d’une fenêtre.
Tels des faucons du moins ne sommes-nous pas
Nulle part, et je dirai
Où nous sommes
Même si cela perturbe
Les fenêtres qui surveillent
L’activité
Des jours
Dans les rues
Sans horizon, rues
Et jardins
Des technologies féminines
Du désir
Et de la compassion qui vêtiront
Tout un chacun, émergeant
De l’air
Incivil
Malfaisant
Comme un faucon
Du nid d’un
Faucon comme doit être
Dit-on le nid
D’un tel oiseau, et continuant
Donc à parler de la
Technologie des brindilles
--------------------------------------- (DANS CE QUI (1965), p.111)
[…]
32
Que simplement cela soit beau
Que simplement cela soit beau
Ô, beau
Rouge bleu vert – les lèvres humides
En riant
Ou la spirale de la coquille blanche
Et la beauté des femmes, la perfection des tendons
Sous la peau, la perfection de la vie
Qui peut tanguer dans le flux
Du désir
Non de la vérité mais de l’autre
La peau lumineuse, lumineuse, ses mains qui s’agitent
A l’aune de son incroyable besoin
--------------------------------------- (D’ETRE EN MULTITUDE (1968), p.208)
23:42 Publié dans George Oppen, José Corti | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
Salvatore Quasimodo
SALVATORE QUASIMODO
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© Editions Unes Poèmes, 2000
Peut-être le coeur
Traduit de l'italien par Michel Costagutto
S’engloutira l’odeur âcre des tilleuls
dans la nuit de pluie. Sera vain
le temps de joie, sa furia,
sa terrassante morsure de foudre.
Il reste un peu d’indolence,
un geste, une syllabe,
comme un lent vol d’oiseaux entrevu
à travers la brume. Et tu attends encore,
quoi, mon égarée : un moment
qui décide, qui rappelle l’origine ou la fin :
c’est égal, désormais. Ici la fumée noire des incendies
dessèche la gorge. Si tu peux,
oublie ce goût de soufre,
et la peur. Les paroles nous fatiguent,
ressurgies d’une eau lapidée ;
peut-être nous reste-t-il le cœur, peut-être le cœur…
--------------------------------------- (p.36)
23:04 Publié dans Salvatore Quasimodo | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
Steve Reich - Music for 18 musicians
14:52 Publié dans VIDEOS, ANIMATIONS, DOCUMENTAIRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
Steve Reich - electric counterpoint
14:24 Publié dans VIDEOS, ANIMATIONS, DOCUMENTAIRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
25/07/2012
ARTHUR CRAVAN
ARTHUR CRAVAN "POÈTE ET BOXEUR" par MELMOTH
ARTHUR CRAVAN
Poète et Boxeur
(1887-1918)
JE SUIS TOUTES LES CHOSES, TOUS LES HOMMES, ET TOUS LES ANIMAUX !
21:20 Publié dans Arthur Cravan | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
20/07/2012
Theodore Roethke - Elegy For Jane
■Theodore Roethke
Theodore Roethke
American poet
(1908 – 1963)
■ LIEN : http://www.poets.org/poet.php/prmPID/13
■ ■ ■ In 1908, Theodore Roethke was born in Saginaw, Michigan. As a child, he spent much time in the greenhouse owned by his father and uncle. His impressions of the natural world contained there would later profoundly influence the subjects and imagery of his verse. Roethke graduated magna cum laude from the University of Michigan in 1929. He later took a few graduate classes at Michigan and Harvard, but was unhappy in school. His first book, Open House (1941), took ten years to write and was critically acclaimed upon its publication. He went on to publish sparingly but his reputation grew with each new collection, including The Waking which was awarded the Pulitzer Prize in 1954.LIRE LA SUITE
Elegy For Jane
(My student, thrown by a horse)
I remember the neckcurls, limp and damp as tendrils;
And her quick look, a sidelong pickerel smile;
And how, once startled into talk, the light syllables leaped for her,
And she balanced in the delight of her thought,
A wren, happy, tail into the wind,
Her song trembling the twigs and small branches.
The shade sang with her;
The leaves, their whispers turned to kissing,
And the mould sang in the bleached valleys under the rose.
Oh, when she was sad, she cast herself down into such a pure depth,
Even a father could not find her:
Scraping her cheek against straw,
Stirring the clearest water.
My sparrow, you are not here,
Waiting like a fern, making a spiney shadow.
The sides of wet stones cannot console me,
Nor the moss, wound with the last light.
If only I could nudge you from this sleep,
My maimed darling, my skittery pigeon.
Over this damp grave I speak the words of my love:
I, with no rights in this matter,
Neither father nor lover.
------------------------- (ELEGY FOR JANE)
_______________
Theodore Roethke
THE UNOFFICIAL SITE
22:26 Publié dans Theodore Roethke | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
18/07/2012
PURE - Film de Lisa Langseth
01:09 Publié dans VIDEOS, ANIMATIONS, DOCUMENTAIRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
14/07/2012
Les Carnets d'Eucharis ETE 2012 - n°34
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Les carnets d’eucharis n°34
ETE 2012
2012 © Photo : Nathalie Riera – La série des paniers «abricots »
[SOMMAIRE………]
American Girl
RUTH ORKIN
Claire Pestaille
PHOTOGRAPHIE
Dora Maar
DU CÔTÉ DE…
Nathalie Michel (Souffle continue)
Raphaële Bruyère/Juliette Lemontey(La carpe, le pinson…)
Gilbert Bourson(Parking blanc)
Jacques Estager (Deux silhouettes, Cité des Fleurs)
Animal regard António Ramos Rosa
Gregory Corso Mexican impressions
CHRISTIAN BOURGOIS EDITIONS ANTONIO LOBO ANTUNES la nébuleuse de l’insomnie
EDITIONS JOSE CORTI ROBERT ALEXIS Les contes d’Orsanne
COLONNA EDITIONS ANGELE PAOLI Solitude des seuils
AUPASDULAVOIR
PIERRE AGNELSandro Penna, non ho fatto niente
■■■ EUGENIO MONTALE[Poesia Italiana]
Francesco Marotta … Antonella Anedda
DES LECTURES/DES PORTRAITS
Nathalie Riera Variations d’herbes par Angèle Paoli
Claude Dourguin La peinture et le lieu par Tristan Hordé
[Peinture&Céramique]Sophie Combres, Fille de la terre et du feu par Claude Darras
REVUE(S)
Triages – # Supplément 2012 (D’écrire j’arrête)
Diérèse – # 56 (Thierry Metz)
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Au format PDF
http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com/media/02/02/3096811378.pdf
&
Au format CALAMEO
http://fr.calameo.com/read/0000370718a123a07a9e3
21:01 Publié dans LES CARNETS D'EUCHARIS (pdf & calaméo), Nathalie Riera | Lien permanent | Commentaires (1) | Imprimer | | Facebook