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13/09/2012

Jacques Audiberti

Hommage à Jacques Audiberti

(1899-1965)

 

 

 

 Jacques AUDIBERTI.jpg

 

© Photo : Source Internet

(JACQUES AUDIBERTI)

http://www.audiberti.com/

 

 

 

 

 

 

«Des tonnes de semence»

Extraits Poésie/Gallimard, 1999

________________________________________________________

 

FINIT L’ANGOISSE…

LOZÈRE


La raison hercynique où le temps nous commence

décapita les monts poussés d’avril d’avant.

Sans cesser d’émerger tout s’aplatit. Le vent

attentif redouta l’immense de l’immense.

 

Je le vis qui balance aux perrons de son nid

devant le piège nu des longueurs décloîtrées

et qui palpe d’abord, formules des contrées,

les tourelles de brume aux nappes de granit.

 

Il s’élança, plus tard, pour qu’il fauche et qu’il sème,

hors des faces du nul dont il tendait le cri.
le rocher, ciel second du ciel qui ne sourit,

frissonna comme un torse au tranchant du système.

 

Et le vent, et le roc, et le ciel, et ces noirs

sapins qui vont filant, comme leurs brus les plantes,

l’inerte éternité des époques volantes,

entamèrent la ronde à l’angle des renards.

 

Chaque jour possédait le jour qui l’achemine

mais succombait en masse au même qui le suit.

Solaire fenaison, n’importe quelle nuit

ne s’écartait de toute, où la bête rumine.

 

L’âge croyait dormir, ressort des absolus,

groupé dans l’épaisseur des mornes carapaces,

pèlerin, cependant, vers ses propres espaces

et vers l’horrible honneur des bonds où je me plus. 

 

La vipère pondait sous les bombes de lave.

La gluante belette épouvantait gratis.

La moelle truquait l’os en faveur du métis.

L’oiseau gelé tintait comme un anneau d’esclave.

 

L’épi croissait dès lors que, souffle ! tu te fuis,

et que l’onde ruisselle et qu’enfin se décore

de velours caressant où ne bougent encore

que les loups membraneux la courbure des puys.

 

L’exécrable grêlon d’un corridor aveugle

émane, et se répand, mot de l’orgueil qui vient.

La mousse pénétrée et le schiste bovin

forment le dieu cornu qui se lève et qui beugle.

 

Il épouse la nymphe où rouit le brochet.
Elle lui sert la voix d’une source commune.

Leur opaque conflit fait que tremble la dune.

Et le vautour flaira le monstre qui marchait.

 

[…]

 

 

  [p.63]

-------------------------

.

 FINIT L’ANGOISSE…

LATVIA

 

Ne mugit pas la mer comme cent mille vaches

grosses de casques de bison frappant des gâches

pour un tonnerre bas qui nous répute frits

quand nous accourt le large étroitement épris

de supplanter à sublimités monotones

le calcaire gradin de nos terres lettones,

leurs tourtes de fumier, leurs fleuves de sapins.

Marchands d’hymnes, fermiers par le givre repeints,

lesteurs portant leur nuque écrite de losanges

par le vent, juifs taillés dans le kyste des anges,

ou bien ce cheval rose avec un museau bleu

qui broute la limaille et songe au fils de Dieu,

nous gueulâmes de peur dès qu’un parfait silence

d’ange inaperçus que leur fougue balance

débuta vers Riga, vers le rivage… Sans

aussitôt décharger ses carrosses puissants

sur la ville qui tremble au cerceau d’une baille

la mer montait ainsi qu’une gueule qui bâille

ou comme une forêt lève en trois cent six ans,

tous ensemble un soupir au prix de nos présents.

 

Matière de cristal dont l’éminence appelle

d’un cotre chaviré la navale chapelle,

la mouvante donnée allait, que ne retint

nul mot, nous liquider avec notre pantin

de hangars, de tombeaux, de butoirs, d’hypogées.

Les falaises de l’onde insondable allongées

des tonnes de faiblesse et de lieu transparent

où colossal subvient le fusible parent

dont la planche du monde organise le rêve

détruisent la grandeur et bâtissent la trêve.

Devant nous jusqu’où donc la mer tenait debout ?

 

Non pas face du sphinx, odeur du caribou

ni la page plaquant les étages du livre

mais présence au-delà du plan qu’elle délivre,

mais somnambule à vif qui pend sur la cité,

elle n’abrogeait rien de son opacité.

De sens incommutés qu’exalte et que caresse

tant de nomade humeur chez l’antique paresse

des lois dont le soleil nous cacha les raisons

nous saisissons ce bloc de pâles horizons

l’un sur l’autre campés pour le poids magnétique

qui groupe et qui retient  aux pieds de la Baltique

notre peuple enrichi par l’avril de la mort.

 

Nul ne songeait à fuir ces prodiges du nord

vers le carré d’herbe ou de route où le dilue

bientôt l’écroulement de la masse goulue

qui ses dents mènera jusqu’aux acres du Don.

 

La paupière drissée et tendu d’espadon

et le poil des poignets qui flambe, nous, les types,

nous préférions, brusquant nos moitiés et nos pipes,

presque oiseaux moyennant la vigueur du désir

abject, sur nous cette eau qui, rocher de plaisir,

parachève le meurtre en souffrant qu’elle hésite

et s’enfle à retenir la finale visite.

 

[…]

 

Inévitable, ainsi, la mer, où les vapeurs

montent au pôle avec de la barbe à l’amure,

où l’albatros discerne une noire ramure

de fleuves poursuivis, ressource des salmons,

l’image où nous planons lorsque nous n’écumons,

où la pose paisible au drapé de septembre

porte un soleil de cire au bout d’un cierge d’ambre,

où le vent dégourdit sur son bancal bourru

la moulure des bricks, le jupon de la bru

et l’ardente rousseur des signes et du phare,

l’étrangère qui file un sol qu’elle sépare,

la nonne ou le pêcheur s’étonne de pêcher,

l’étale frondaison d’un profil de pêcher

derrière quoi bondit, empanaché de neige

et d’érable, l’élan rosi de la Norvège,

l’huile de lis, la nue où le maître des blés

ordonne un pur tissu de désastres câblés,

la voisine introduite aux jargons de l’aïeule,

la longue vie au loin tournant comme une meule,

moulant son propre grain sans arrêt rentoilé,

la mer capricieuse étoffait le délai

du perpendiculaire et sinistre baptême.

 

[…]

 

De nous et de la mer qui donc était la mer ?

 

Nous cherchions, à travers le voile à peine amer,

les noyés déglingués sous un trépied de franges,

mes oursins, fabuleux soupirants des oranges,

des vaisseaux du passé la dentelle de bois

où voyage, en velours, le bel astre, parfois,

d’une pieuvre où la roue avec l’astre compose

et, pareilles leurs dents à celles d’une rose,

les poissons dont les flancs étincellent d’amour.

 

La mer n’hébergeait rien qu’une espèce de jour.

 

D’argent comme aux blasons ou comme la syllabe
qui l’enferme, répudiés le thon, le crabe,

le malarmat poilu, le silure crêté,

prompte à se compléter de sainte rareté

dont l’intime bouquet la prouve et l’apprivoise,

elle faucha sur soi la myrte et la framboise,

gravit légèrement son fantôme d’éther,

de sa lisse clôture au sourire de fer

investit sa vacance, épuisa sa nuit pleine,

montagne se promut sans se déprendre plaine

et, peignant au rayon de son sexe jamais

son urne éviscérée et franche de fumets,

exaspère d’oubli les piliers d’une attente.

 

[…]

 

  [p. 68/77]

-------------------------

 

ET LA MORT…

C.P.

 

[…]

 

si je demeure doux sans douceur véritable…

ô passion de l’homme aux mains de ses enfants…

Avant ce soir, je gémirai sous mon cartable…

femelle, ô garce nue et ta langue qui fend…

 

le myrte dans le mufle et la croix dans les membres

qui fend mon cœur de vie et mon poumon de chair

et le regard peuplé de livres et de chambres…

fille divine ici commère de l’enfer !...

 

On me mordra, douceur ! dans ce monde qui tremble

toi qui lèves si haut ta jambe aux justes bas…

enfin de voir trembler quelqu’un qui lui ressemble

que je vois que te peuple un gouffre de sabbats !...

 

Reviens, douceur ! avec ta minceur qui vaut seize…

ô jument ricanante, ô reine des poisons…

tes colliers de sainfoin et de paille de chaise…

femelle, ô garce nue et tes âpres toisons…

 

tes souliers de fontaine et tes cils de pervenche…

ô malédiction mystique d’être moi !...

et cette insanité qui fait que je me penche…

ô rage de chercher les éviers de la loi !...

 

encore sur la glaise, où, terrible, tu daignes…

la bonté de la loi, la douceur de la loi…

encore sur cette herbe où je sue, où je saigne…

la douceur d’une face aussi belle que toi…

 

encor sur ces cailloux moins froids que ma main gauche,

plus belle qu’elle-même et que notre douleur…

sur cette fleur soumise à ce fer qui me fauche…

plus belle qu’une fleur, moins belle qu’une fleur.

 

                   [p.92/95]

-------------------------

 

 

 Jacques Audiberti logo.jpg

 

Autres sites à consulter

Site © Association des Amis de Jacques Audiberti, 2011

http://www.audiberti.com/

 

 

 

 

 

THE BLACK HERALD N°3 - Septembre 2012

 

REVUE

 

 

 

 

 THE BLACK HERALD 3.jpg

 The Black Herald

Issue #3 - Septembre 2012

Literary magazine – Revue de littérature

90 pages - 15€ / £13 / $19 - ISBN 978-2-919582-04-4

Poetry, short fiction, prose, essays, translations.

Poésie, fiction courte, prose, essais, traductions.

 

With / avec W.S. Graham, Gregory Corso, Andrew Fentham, Louis Calaferte, Iain Britton, Jos Roy, Tristan Corbière, Michael Lee Rattigan, Clayton Eshleman, Denis Buican, John Taylor, César Vallejo, Anne-Sylvie Homassel, Cécile Lombard, Gary J. Shipley, Rosemary Lloyd, Bernard Bourrit, Mylène Catel, Nicolas Cavaillès, Ernest Delahaye, Sébastien Doubinsky, Gerburg Garmann, Michel Gerbal, Allan Graubard, Sadie Hoagland, James Joyce, João Melo, Andrew O’Donnell, Kirby Olson, Devin Horan, Dominique Quélen, Nathalie Riera, Paul B. Roth, Alexandra Sashe, Will Stone, Anthony Seidman, Ingrid Soren, August Stramm, Pierre Troullier, Romain Verger, Anthony Vivis, Elisabeth Willenz, Mark Wilson, Paul Stubbs, Blandine Longre et des essais sur / and essays about Charles Baudelaire, Francis Bacon. Images: Ágnes Cserháti, Olivier Longre, Will Stone, Devin Horan. Design: Sandrine Duvillier.

 

 

 

The Black Herald

is edited by Paul Stubbs and Blandine Longre

Comité de rédaction : Paul Stubbs et Blandine Longre

 

 

Black Herald Press

http://blackheraldpress.wordpress.com/

Blog

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& Twitter

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Galerie Le Réalgar - Dominique Albertelli

 

Galerie Le Réalgar
Contact: Daniel Damart 0687602234
Adresse: 23 rue Blanqui, 42000 Saint Étienne
lerealgar@gmail.com

 

 

 

LA VIE EN DOUCE
Œuvres de Dominique Albertelli

Du 15 Septembre au 19 Octobre 2012

Vernissage le 15 Septembre à partir de 18h

 

quelque chose, rouge.jpg

 

 

http://www.lerealgar.com/

 

"Quelque chose, rouge."

Un texte de Laurent Cachard

illustré des reproductions des peintures de Dominique Albertelli
(Ouvrage de la collection "1 et 1" des Éditions le Réalgar en vente à la Galerie au prix de 4€)

 






,

 

04/09/2012

Katherine Mansfield

 

Katherine

Mansfield

Villa Pauline et autres poèmes

Traduction et préface de Philippe Blanchon

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Site Editions la Nerthe/ http://librairielanerthe.blogspot.fr/

 

 

Le recueil s’ouvre sur des vers de jeunesse, écrits entre 21 et 23 ans et se clôt sur les derniers écrits alors qu’elle avait entre 29 et 31 ans. Dix ans donc entre les premiers et les derniers.

Dans les premiers poèmes elle restitue les approximations du langage enfantin. Cette enfance passée près de son frère revient de façon obsessionnelle : son ultime poème est inspiré encore par un souvenir avec son frère.

Les poèmes de la Ville Pauline sont centraux tant biographiquement que dans l’usage que Mansfield fait de l’art des vers. Ils forment un ensemble nous donnant à lire les mouvements émotionnels de Katherine lors de son premier séjour sur la Côte d’Azur : les retrouvailles avec Murry et sa perception de la nature.

Ces poèmes montrent une grande liberté, tant sur le plan métrique que par ses thèmes. La grande nouvelliste nous offre des récits en vers brefs ou non, elliptiques ou paraboliques, où sa tendresse comme son humour trouvent à s’exprimer.
Plus elle gagne en maturité plus elle donne vie à chaque être et à chaque élément naturel rentrant dans le poème. Elle est sans cesse au bord d’un abîme tout en étant au cœur du monde. Sa perception aigüe anime ses vers qui trouvent leur plein aboutissement en leur aspiration réconciliatrice. Mansfield oscille, d’un sentiment à l’autre. Elle fait fusionner son imagination en éveil depuis l’enfance et ses expériences de femme.

Les deux tiers de ces poèmes sont inédits en français.

 

 

Katherine Mansfield.jpg

 

Parution : 22/10/2012
ISBN : 9782916862316
88 pages
11,5 x 17
10.00 euros

À paraître le 22/10/2012

Benjamin Moser - une biographie sur Clarisse Lispector

 

Benjamin Moser

Clarisse Lispector – Une biographie

« Pourquoi ce monde »

Editions des femmes/Antoinette Fouque, 2012

 

  

clarice-lispector.jpg

Clarisse Lispector

 

 

 

 

***

 

 

Fruit d’années de recherche, la biographie de Clarice Lispector par Benjamin Moser est à la fois un témoignage et un roman. Avec ce portrait passionnant et sensible, l’auteur nous révèle, sans en altérer la part d’ombre, la troublante identité de celle qui pouvait dire « je suis si mystérieuse que je ne me comprends pas moi-même ».

La petite fille née en Ukraine inventait des histoires magiques pour sauver sa mère, condamnée par les violences subies lors d’une terrible guerre civile. Écrivaine reconnue, Clarice Lispector n’abandonne pas sa croyance dans la force magique du langage. Elle place au coeur de son oeuvre la question des noms et de la nomination,

proche en cela de la démarche des mystiques juifs. Elle ne cessa jamais de s’approprier les mots et d’en faire ressortir toute l’étrangeté jusqu’à devenir la

« princesse de la langue portugaise ».

Benjamin Moser s’attache à rendre chacune des expressions– femme, épouse, mère, écrivaine–d’une personnalité singulière tout en mettant en lumière le contexte historique et culturel, en Europe comme au Brésil, qui sous-tend cette destinée. Les nombreuses citations d’une oeuvre qui fut peut-être la

« plus grande autobiographie spirituelle du xxe siècle » nous invitent à lire ou relire, inlassablement, la prose unique de Clarice Lispector.

 

 

 

***

 

 

 

Benjamin Moser, écrivain, éditeur, critique et traducteur, est né à Houston (Texas) en 1976 et vit aux Pays-Bas. Il est diplômé des universités Brown (États-Unis) et d’Utrecht (Pays-Bas). Il découvre Clarice Lispector en étudiant le portugais.

Pourquoi ce monde – Une biographie de Clarice Lispector, son premier livre, salué par une critique unanime a été publié aux États-Unis (Oxford University Press), et au Royaume-Uni. Une traduction en allemand est en préparation.

Il est directeur éditorial pour les nouvelles traductions des oeuvres de Clarice Lispector à paraître chez New Directions, aux États-Unis, et chez Penguin Modern Classics, au Royaume-Uni. (Source : le site des Editions des femmes/Antoinette Fouque)

 

 

 

 

pourquoi ce monde.jpg

 des femmes/Antoinette Fouque

CLIQUER ICI

 

27/08/2012

Joanna Szczerbic & Jerzy Skolimowski

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Joanna Szczerbic & Jerzy Skolimowski

 

Philippe Blanchon, "La ville vue de dos"

 

Couverture de Paul Keller

[poèmes 1986-1995]

 

la ville vue de dos couv.jpg

 

 

Extrait

 

 

nostalgie du silence de trop de calomnies

orgues mols et déconfiture grinçante

jours des concerts las :

ces vains bruits farce mauvaise

quand le bourreau se met à geindre

 

 

***

 

les gares aux voix des filles-chats :

lisses en l’automne attendu

(sa douleur / l’ultime portrait)

de l’intérieur :

l’oreille qui bascule

vers la sœur à la taille tenue

 

 

 

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editions la termitiere

 

Cesare Pavese par Philippe Leuckx

Cesare PAVESE

 

 

 

 cesare pavese.jpg

 

© Source : INTERNET

 

 

 

LE 27 AOUT 1950, CESARE PAVESE DISPARAISSAIT APRES UNE CARRIERE FULGURANTE

par Philippe Leuckx

Soixante-deux ans. Sans doute l'un des plus doués de la génération italienne qui va de la période fasciste aux lendemains de la libération. Les lettres italiennes des années trente et quarante voient arriver ce prodige, cet hyperdoué, tout à la fois traducteur, professeur de lettres, grand amateur de littérature américaine, antifasciste notoire qui en a payé pour ses convictions (un séjour de confinato en Calabre), poète, romancier, nouvelliste, diariste. Le temps d'une quinzaine d'années, de la parution de LAVORARE STANCA (1936) à son suicide à l'Hôtel Roma de Turin (1950), il produit des dizaines de nouvelles, deux livres de poésie, une bonne dizaine de romans brefs, un journal littéraire (MESTIERE DI VIVERE), édite chez Einaudi, traduit de beaux livres américains, connaît les soubresauts de la guerre et des suites de la libération, l'émergence du communisme italien et les premières inquiétudes de la future société occidentale, industrialisation massive, années aussi où ses tourments personnels, sentimentaux s'aiguisent jusqu'à l'usure.

On s'étonne de voir aujourd'hui le peu d'intérêt pour ce poète immense, pour ce romancier qui a donné sans doute avec LE BEL ETE, LA LUNE ET LES FEUX, LE CAMARADE les plus beaux fleurons romanesques de la période dite néo-réaliste.

Pas de Pléiade! Pas de commémoration en 2008 pour son centenaire de naissance, du moins en France. Pas de Magazine Littéraire personnalisé!

Etrange sinon injuste.

Né à San Stefano Belbo dans les Langhe, très vite orphelin de père, vit à Turin, avec l'intense souvenir de son enfance rurale. Ce thème prégnant - la perte des collines de l'enfance - traverse toute l'oeuvre et offre l'un des mythes fondateurs de l'oeuvre pavésienne.

Mais avec Cesare Pavese, tout est toujours plus complexe voire démultiplié en nuances et en ramifications. Ces aller-retour campagne/ville importants vont déterminer une quantité de regards et d'histoires autour et au pourtour de ces lieux essentiels. Excepté "La prison" qui relate son séjour de résidence forcée par le régime fasciste, toutes ses oeuvres déroulent un fort lien avec la topographie mentionnée. Tantôt, ce sont les cheminements d'amis et/ou d'amies au travers des collines ou au sein de la ville. Ce sont les nouvelles liées au travail en usine (Trilogie des machines), en campagne (Travailler fatigue). Quand on n'évoque pas les collines de la résistance ou les combats d'un communiste, camarade et partisan. Bien sûr, les oeuvres les plus intenses répondent à l'appel d'air des Langhe, des environs, entre vignes et fêtes rurales (La lune et les feux). Le jounal, publication posthume, trace les épreuves et les preuves intellectuelles, littéraires d'un parcours d'une lucidité éblouissante. Le "tu" auquel l'auteur s'adresse est un juge impitoyable de soi-même, qui consigne toute avancée, tout rejet, toute déperdition, sans complaisance. Comme les diverses étapes par lesquelles une conscience littéraire de haut vol est passée.

Il y a quelque chose de sismique, de vibratile chez Pavese, et un ton, insurpassable. Qu'il se mette à la place d'un ouvrier des routes, d'une responsable de maison de mode (Clélia de "Tra donne sole"), d'un fervent politique, ou d'un émigrant, chaque fois le narrateur distille une incomparable vertu aux personnges. Vertu au sens romain. Et le lecteur se sent d'emblée pris par cette manière de rendre compte d'une vie unanimiste.

Et puis, qui a aussi bien parlé des femmes, de la fête, des amitiés?

En février 2013, je serai content de présenter aux "Midis de la poésie" "LAVORARE STANCA", qui est un regard sur son monde. Une lecture du monde par Pavese, dans une manière qui relève aussi bien de l'attention précise que de la tension suspendue.


■ SITE A CONSULTER :

Terres de Femmes

23/08/2012

Giacomo Cerrai

 

Giacomo

CERRAI

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© Site Les Carnets d’Eucharis

 

 giacomo cerrai.jpg

© SOURCE PHOTO | FACEBOOK

 

QUATRE POÈMES

Traduits par Raymond Farina

 

 

 

■ Sur le site Les Carnets d’Eucharis

http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com/

 

 


Giacomo Cerrai

Quatre poèmes

Traduit de l'italien par Raymond Farina

                         

                              

 

  

 

 

 

 


 

 

Aruspices

 

Le grincement de la balançoire

obsédant, il ressemble

au cri des oiseaux qui tombent

dans le bleu.

Qui sont-ils je l’ignore

peu importe. Seulement,

l’air las, des petits

citadins et leurs mères

aux poumons

chargés d’une fumée légère.

Les oiseaux crient

méthodiques. On dit qu’ils pressentent 

le premier acte le second

d’un drame

sans entracte

 

 

 

Aruspici

 

Il cigolio dell’altalena

ossessivo, somiglia

al grido di uccelli che precipitano

nell’azzurro.

Chi siano non so

né importa. Solo

aria stanca, bambini

cittadini e madri

con un carico di fumo leggero

nei  polmoni

Gli uccelli gridano,

metodici. Si dice presèntano

l’atto primo il secondo

d’un dramma

senza  intervallo

 

 

 

(le ciel reflété sur une fenêtre très lointaine)

 

 

Le ciel reflété sur une fenêtre très lointaine

son obliquité de périscope, de lumière

qui tombe par un hasard infini,

et son rayon qui offusque,

par une direction insolite,

un plan parallèle différent,

notre liberté de penser,

de jeter au vent la plus-value,

la vie qui nous reste,

un autre sud

de monde renversé et d’horizons

de temps et lieu,

ce privilège de  pierre

qui attend immobile le coucher de soleil

et son déracinement…

Les frontières ne sont pas tracées,

disparaît le droit divin de la lumière

qui agit

et qui vire au rouge,

l’indifférence des oiseaux,

silhouettes obscures dont la migration

traverse des territoires

sur une fenêtre lointaine.

 

 

 

(il cielo riflesso su una finestra lontanissima)

 

 

Il cielo riflesso su una finestra lontanissima

la sua obliquità di periscopio, di luce

che precipita da una casualità infinita,

e il raggio che traffigge,

da una direzione inconsueta,

da un differente piano parallelo,

la nostra libertà di pensare,

di gettare al vento il plusvalore,

la vita che ci avanza,                                       

un differente sud

di terra capovolta e orizzonti

di tempo e luogo,

questo privilegio di pietra

che attende immobile il tramonto

o il suo sradicamento…

i confini non sono segnati,

cessa il diritto divino della luce

che agisce

e vira al rosso,

e indifferenza degli uccelli,

oscuri sagome migranti

attraversano territori

su una finestra lontana.

 

 

 

 

(aux vieux et aux enfants qui ne saisissent pas)

 

Aux vieux et aux enfants qui ne peuvent saisir  

entre pouce et index

le geste vague et incertain

de l’exiguïté des rêves, comme

celui de considérer la finesse des cheveux

devant la transparence du ciel,

un geste opposable

comme la main sur le cœur pour retenir

le souffle ou celui qui s’enfuit ou la pensée

qui  vient à l’esprit tout à coup et avorte… 

que soit l’inexpérience la déshabitude de  vivre,

la lassitude des os la myopie du moi,

perdre notre prise sur les choses

c’est comprendre les choses leur indicible anarchie

de feuilles qu’agite un vent majeur ;

et l’œil, en hésitant, guide le geste

et le geste ouvre et ferme des horizons

ou ferme le cercle.

 

 

 

(dei vecchi e dei bambini il non cogliere)

 

 

dei vecchi e dei bambini il non cogliere

tra pollice e indice

il gesto incerto e vago

dell’esiguità dei sogni, come

chi considera la finezza di capelli

contro la trasparenza del cielo,

un gesto opponibile

come una mano sul cuore a trattenere

il fiato o chi fugge o il pensiero

che improvviso balùgina e abortisce…

che sia imperizia disabitudine del vivere,

stanchezza delle ossa miopia dell’io,                

il perdere la presa sulle cose

è capire le cose la loro indicibile anarchia

di foglie mosse da un vento superiore ;

e l’occhio incertamente guida il gesto

e il gesto apre e chiude orizzonti

o chiude il cerchio

 

 

 

 

(une  erreur remédiable)

 

 

Si nous avions  - imaginais-je –

l’espoir secret des enfants :

se réveiller un matin

avec la seule obligation de vivre

avec  le courage des pastels

avec l’avenir d’une feuille blanche

et des oiseaux aériens

revenir en arrière en interrompant

le jeu ou réparer

des blessures même profondes des méchancetés

avec de petites blandices.

Si nous avions le droit au retour

juste avant la limite de l’innocence

au bord d’une journée imprévoyante

le simple geste qui efface

la douleur

fait renaître l’amour scelle

dans ce toujours un toujours

qui est nôtre. Si nous pouvions

sauver ce qui peut l’être

comme à la fin d’une journée

de vacances

fermer les tiroirs en riant

comprendre que nous avons grandi                               

et  peut-être

que l’essence de l’action

est  une  erreur remédiable…    

 

 

 

 

 (un rimediabile errore)

 

 

Avessimo – immaginavo –

la speranza segreta dei bambini :

risvegliarsi un mattino

col solo obbligo di vivere

col coraggio dei pastelli

col futuro di un foglio bianco

e di uccelli ventosi

tornare indietro interrompendo

il gioco o risarcire

ferite pur profonde cattiverie

con piccola blandizie.

Avessimo il diritto al ritorno

appena prima del limite dell’innocenza

sull’orlo d’una giornata improvvida

il semplice gesto che cancella

il dolore

ripristina l’amore sigilla

in questo sempre il sempre

che è nostro. Potessimo

salvare il salvabile

come alla fine d’un giorno

di vacanza

chiudere ridendo i cassetti

capire che siamo cresciuti

e forse

che essenza dell’agire

è un rimediabile errore…


Bio-bibliographie :

 

Giacomo Cerrai est né à S.Giuliano Terme (Pise). Il a fait ses études de Littérature italienne à Pise, où il travaille et vit.  Après la publication de son premier recueil, intitulé « Imperfetta elisse », il a collaboré à la revue de photographie et d’écriture « Private » (n°18/2000) et à l’ouvrage collectif, consacré à Cesare Pavese « AA.VV. – Cesare perduto nella pioggia », dirigé par Massimo Canetta (Di Salvo Editore, Naples). Il a été rédacteur en chef de la section « Poésie » du site de littérature « I Fogli nel Cassetto », jusqu'à sa fermeture, à la fin de l’année 2002. Ses textes figurent sur de nombreux sites, blogs et revues de poésie en ligne tels que « Dadamag » (n°6, 1999), « La costruzione del verso » de Gianfranco Fabbri, « L’Attenzione» (n°4, janvier 2007), « La poesia e lo spirito », « Viadellebelledonne », « Sottopelle », « Cartesensibili ».

 

Est également disponible sur « Lulu.com » une version imprimée de « La ragione di un metodo », un recueil de textes écrits au cours des années 80-90. On peut trouver, par ailleurs, sur le blog de Francesco Marotta « La dimora del tempo sospeso », quatorze poèmes du même auteur, écrits à des périodes différentes.

 

Giacomo Cerrai figure aussi dans l’anthologie de Luca Ariano et Enrico Cerquiglini « Vicino alle nubi sulla montagna crollata » ( Campanotto Editore). Il a récemment publié en ebook « Sinossi dei licheni » aux « Editions Clepsydra » et, en juillet 2009, aux « Editions l’Arca Felice » de Salerne, « Camera di condizionamento operante ». Ces deux ouvrages sont téléchargeables gratuitement. Viennent également de paraître –sur GAMMM- un texte expérimental, « A tribute to John Cage » et, en co-traduction, avec Rita R. Florit et Alfredo Riponi, l’anthologie de poèmes de Ghérasim Luca « La fine del mondo – Poesie 1942-1991 » (Joker Edizioni, 2012). De prochaine publication aux « Editions L’Arcolaio » le recueil « Diario estivo e altre sequenze »

 

Il gère l’espace web « Imperfetta Ellisse » (http://ellisse.altervista.org).

 

 

 

22/08/2012

Non, la Grèce n’est pas morte !

 

Il y a quelques semaines, en large titre de pleine page d’un grand quotidien français, on pouvait lire cet avis de décès stupéfiant : « La Grèce est morte ». Déjà énoncé en 1956 par Cornélius Castoriadis, le thème de la mort de la Grèce est aujourd’hui repris par de nombreux intellectuels et notamment par un écrivain grec contemporain majeur : Dimitris Dimitriadis. Tel constat, aussi absolument désespéré, n’est pas un des moindres signes du désarroi politique, matériel et moral qui a envahi ce pays. Faut-il pour autant l’accepter fatalement, enregistrer cette nouvelle sans plus de doute ni d’examen ? Partant pour plusieurs semaines en Grèce continentale et insulaire, la parcourant du sud au nord, d’est en ouest, je m’attendais à constater tristement l’incroyable fin de ce pays et du mythe qu’il porte, à assister en témoin à son enterrement, et en vieil ami à prendre ma part du deuil.

Certes dans les villes, à Athènes surtout, la misère matérielle et morale est immédiatement perceptible, et pas seulement parce que de nombreux migrants, dont beaucoup d’enfants, y errent et mendient : des signes sont là, irréfutables, qui témoignent de la réalité pesante de la crise, de son étendue et de sa profondeur. Celle-ci n’est plus la matière abstraite d’une phraséologie redondante ayant envahi les médias et les cerveaux occidentaux, car sur place cela se voit, se sent, se dit : les Grecs en majorité, vivent plus mal, inquiets et pessimistes.

Pourtant, au-delà du constat des causes qui ont depuis des décennies affaibli la Grèce (clientélisme et corruption des deux principaux partis politiques alternativement au pouvoir, affaissement des vertus populaires traditionnelles, emprise d’un libéralisme aux méthodes sauvagement prédatrices, inefficience de certains services publics, féodalités économiques persistantes, chômage croissant, exil des jeunes), je voudrais ouvrir une brèche d’espoir en rappelant les incomparables forces résiduelles dont dispose ce pays, aptes à stimuler une vision moins désespérée de son présent et de son avenir. Car c’est avant tout d’un espoir mobilisateur dont ce pays a besoin afin de se libérer des pronostics et des pressions qui l’accablent. Au creux même de la dépression, il lui faut mobiliser une foi en lui-même, en son identité singulière, les leçons de son histoire et la vitalité de ses racines, par là susciter un élan apte à répondre, comme René Char a pu le suggérer en des temps également dramatiques, « à chaque effondrement des preuves (…) par une salve d’avenir ».

Comme dans la plupart des pays du monde, les villes grecques concentrent la majorité de la population nationale et tendent à faire oublier « l’autre Grèce » qui ne perçoit ni ne vit la crise de la même façon. Il suffit de s’éloigner des villes, de parcourir les très nombreuses portions sauvages des milliers de kilomètres du littoral grec, préservé, contrairement à d’autres côtes méditerranéennes, de l’inflation anarchique d’immeubles qui les ont définitivement défigurées et dépoétisées, de parcourir les campagnes couvertes d’oliviers, d’arbres fruitiers, de vignes, où s’épandent troupeaux de chèvres et ruchers, de s’attarder dans les villages dont la silhouette évolue lentement, pour retrouver un art de vivre peu perturbé par la crise, sachant entretenir et promouvoir des réflexes de production, d’autonomie et de solidarité. Celui-ci permet une bénéfique mise à distance, à la fois psychologique et concrète, de la problématique de crise qui obsède les populations européennes. Il peut paraître naïf d’opposer ainsi la relative quiétude du monde campagnard et insulaire grec, protégé par sa perpétuation des modes de vie traditionnels, au mal-vivre croissant des citadins, plus directement exposés, de vanter les atouts d’un environnement naturel et d’une forme de vie qualitativement axée sur la jouissance de biens premiers, essentiels, par opposition à l’enfoncement de populations entières dans la solitude, la misère et le désespoir. Mais en Grèce cette opposition est moins simpliste et moins grande qu’il n’y paraît car malgré le caractère tentaculaire de la mégalopole athénienne et de sa banlieue sud-ouest industrielle, malgré les villes de diverses tailles du pays, le citadin grec est rarement coupé du pays profond qui lui sert de véritable base de ressources, psychologiques et matérielles, affectives et poétiques. Beaucoup de citadins grecs disposent en effet, à la campagne ou sur une île, d’une maison –souvent de famille- d’où eux-mêmes et sinon des proches rapportent et partagent olives, huile, légumes, fruits, confitures, miel, fromages, pain, vin, ouzo, raki. Ces denrées garantissent bien plus qu’une part savoureuse de la subsistance alimentaire : un lien affectif et traditionnel apte à nourrir la force mentale, affective et poétique par laquelle nombre de Grecs semblent mieux résister à l’angoisse et la disette générées par la crise que ne le laissent imaginer les informations accessibles en France. La solidarité familiale traditionnelle, maintenue très forte, contribue sur les plans matériel, psychologique et affectif, à cette résistance. Ainsi, à partager quelques semaines la vie de ce peuple, ce qui ressort est la perpétuation de ses atouts psychologiques et culturels essentiels par lesquels, sans tomber dans des clichés de propagande touristique, un certain art de vivre reste bien vivant, et par là salvateur. Les terrasses des cafés et les tavernes sont majoritairement fréquentées par des Grecs qui, affichant cette tranquille lenteur qui subsiste malgré tout, continuent à aimer plus que d’autres, le partage d’un verre ou d’un plat à l’air et au soleil, à tirer des chaises dans la rue pour une conversation. De ce pays riche de vastes espaces sauvages dont la beauté stupéfiante reste inchangée il faut donc –et de beaucoup- corriger la lecture, essentiellement médiatique, qu’inspire la seule référence urbaine, (c’est-à-dire concentrationnaire) et prendre en compte le lien racinaire entretenu par chaque Grec avec des modes de vie séculaires où dans des territoires à faible densité humaine mais aux richesses naturelles intactes, il entretient un rapport mythique à l’espace et au temps. Ceci n’est malheureusement ni apparent dans les reportages télévisés, ni valorisé par les clientélismes politiques, lesquels semblent plutôt s’acharner à favoriser par la répétition de la peur de l’avenir, un populisme réactionnel tenté par les extrêmes.

Non seulement riche d’une géographie et d’une sociologie singulières ce pays mythique est également porté par une histoire qui l’irrigue encore, même si parfois elle lui pèse et que, dans l’espoir de se régénérer, il est tenté de la brader. Sans remonter exagérément le temps, ce fut au XIX° siècle la révolte contre l’occupation ottomane et l’indépendance retrouvée. Au XX° siècle la successive résistance au nazisme qui amena la guerre civile, puis à la dictature des colonels. Mais les déterminations de l’histoire moderne ne sauraient éclipser l’influence encore vivante de la période antique. Plutôt que de la liquider une bonne fois pour toute comme le suggère Christos Chryssopoulos dans son roman La destruction du Parthénon, (et avant lui Yorgos Makris) par la métaphore symbolique de la pulvérisation de l’Acropole qui coiffe de façon écrasante la cité-capitale et par là tout le pays, il convient au contraire de prendre en compte le bénéfice psychologique que confère, encore aujourd’hui à la population, la conscience d’être héritière d’un passé prestigieux nourri des génies qui ont hissé ce pays au rang d’une des plus vieilles et des plus hautes civilisations. Cela se remarque de nombreuses façons dans la vie nationale et contribue au sentiment d’unicité, d’unité et de dignité du peuple. Des noms des rues aux prénoms des gens, des mentions abondantes des dieux et des personnages de la mythologie à l’évocation des récits et légendes, joués ou chantés, au théâtre, en musique, en chansons, c’est dans la vie quotidienne de tous les Grecs que s’entretient cette référence, continuée et magnifiée, aux périodes de l’histoire du pays pourvoyeuses d’une grande part de l’honneur –sinon de l’orgueil- national. En cela la Grèce sait –et implicitement le rappelle à tous- qu’elle est certainement le pays le plus originel, et peut-être le plus référenciellement rassembleur de la culture européenne, qu’elle est donc incontournable pour poursuivre la construction politique, économique et culturelle de l’Europe.

Mise à mal par un système économique et bancaire qui l’a dépassée, et sans cependant pouvoir s’exempter de ses propres maux intérieurs, politiques surtout, qui l’ont gravement fragilisée, la Grèce n’est pas seulement le parent pauvre et problématique de l’Union européenne, la brebis galeuse de la zone euro. Elle reste à la fois un pays exceptionnel dont les ressources historiques, géographiques, culturelles, humaines, mythologiques et poétiques sont utiles à tous les Européens, et un peuple, certes aujourd’hui inquiet et tourmenté, stigmatisé quoique victime, mais vaillant et capable de s’arc-bouter une nouvelle fois contre un sort contraire ; un pays qui sait instinctivement qu’il possède les richesses inviolées de sa géographie, de son histoire, de sa singularité anthropologique, et qui en tire sa force latente, capable de résistance et de rebond. Décidément non la Grèce n’a pas à précipiter sa mort, à s’offrir en victime sacrificielle d’une communauté étrangère cherchant à garantir sa survie en faisant d’elle un bouc-émissaire, n’a pas à se renier, ni à céder aux tendances suicidaires auxquelles la porterait la dépression qui l’affecte, à tout feindre d’arranger par sa disparition oblative. Plutôt que de jouer les pleureuses du cortège funèbre, l’œuvre la plus urgente des intellectuels grecs est de revitaliser les forces souterraines intactes du pays qui a besoin d’eux comme d’un chœur moderne, vigile et lancinant. Non la Grèce n’est pas morte, ne peut pas mourir. Et si aujourd’hui l’Europe paraît la soutenir de ses perfusions, c’est en réalité, au plus profond, l’Europe qui a vitalement, et pour toujours, besoin d’elle.

 © Jean-Claude Villain, Ecrivain

 

 

                                        

 

 

29/07/2012

JOSEPH BRODSKY

 

 

 

JOSEPH (IOSSIP) BRODSKY

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©Sites Esprits Nomades / Poezibao / Les Carnets d'Eucharis

 brodsky by martha pearson 1979.jpg

Joseph Brodsky with cigarette

[Martha Pearson, 1979]

Monterey, Ca

1979

b&w - 20 x 25 cm

 

 

Vertumne et autres poèmes Du Monde entier / Gallimard, 1993

EXTRAIT

Pour le centenaire d’Anna Akhmatova

(traduit par Hélène Henry)

 


                                    

 

Et la page et le feu, et la meule et le grain,

et le cheveu tranché et le fil de la hache,

Dieu conservera tout ; et plus que tout les mots

de pardon et d’amour qui sont sa voix profonde.

Le craquement des os, le pouls brisé, le choc

de la pioche : c’est là leur scansion souterraine ;

car si la vie est une, ils résonnent plus haut

aux lèvres des mortels que dans l’ouate du ciel.

Grande âme, à toi de par-delà les mers, Salut,

Toi qui trouvas les mots, toi, ta mortelle forme

dormante au sol natal, qui grâce à toi reçut

en ce monde emmuré le don de la parole.

 

Juillet 1989

 

 

 

& autre extrait

 

 

Seule la cendre sait ce que signifie brûler jusqu’au bout.
Je le dirai pourtant, après un coup d’œil myope par –devant :
tout n’est pas emporté par le vent, et le balai
qui ratisse ample dans la cour ne ramasse pas tout.
Nous resterons, mégot fripé, crachat, dans l’ombre
sous le banc, où pas un rayon ne pénètre,
et, étroitement enlacés à la fange, comptant les jours,
nous nous ferons terreau, dépôt, couche culturelle.

 

Juillet 1987

 

(Traduit du russe par Véronique SCHILTZ)

 

                                                                                                    

 

SOURCE PHOTOGRAPHIQUE :

General Collection, Beinecke Rare Book and Manuscript Library, Yale University

http://beinecke.library.yale

 

 

 

■ Autres sites à consulter

Esprits Nomades

Poezibao

Les Carnets d'Eucharis

27/07/2012

Nathalie Riera (Extraits de "Puisque Beauté il y a" traduit en italien par Francesco Marotta)

NATHALIE RIERA

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© Editions Lanskine Puisque Beauté il y a, 2010

 Nathalie Riera Port Llighat_juin 2002.jpg

Nathalie Riera à Port Lligat (Cadaquès, Espagne) en juin 2002

 

 

Extraits

Traduit en italien par Francesco Marotta

 

 

 

 

 

Ta voix en eau peu profonde: sa menthe des marais,
et ses graines qui germent à la lumière.
Ta voix à fleur d’eau qui m’appelle.
Me boire. Me susurrer.
Me festoyer.

Mouvementée ma longue silhouette herbacée, poussée
par les vents et leurs risées amères.
Quelques égratignures à mes couleurs, et sur mes murs
de lierre et de pierre, volettent mes cursives de papillons.

A nouveau le chant de l’oiseau que les feuillages épient.
La géomancie de leur chute. L’arborescence de leurs
figures sur le sol.
Et pour toi et moi le prodige de ce que nous sommes
capables d’édifier pour nous conduire aux cimes et aux
racines de notre provenance.
Décrypter les initiales de notre amour.
Décrypter les ombres des sommets et des fossés, et le
grésillement du soleil dans les arbres.

Si nos rêves et nos pensées ne penchent plus du côté
du soleil, s’il n’y a plus rien à espérer de soi et de l’autre
que nos assortiments de plantes invasives.

 

 

--------------------------------------- (p.28)

 

 

 

La tua voce in acqua poco profonda: la sua menta di palude,
i suoi semi che germogliano alla luce.
La tua voce a fior d’acqua che mi chiama.
Bevimi. Sussurrami. Festeggiami.

Si agita la mia lunga figura erbacea, mossa
dai venti e dalle loro risate amare.
Qualche graffio ai miei colori, e sui miei muri
d’edera e di pietra, i miei svolazzanti corsivi di farfalle.

Di nuovo il canto dell’uccello che le foglie spiano.
La geomanzia della loro caduta. L’arborescenza delle loro
figurazioni sul terreno.
E per te e me il prodigio di ciò che siamo
capaci di costruire per portarci verso le cime e alle
radici della nostra provenienza.
Decifrare le iniziali del nostro amore.
Decifrare le ombre delle alture e dei fossati, e il
frusciare del sole tra gli alberi.

Se i nostri sogni e i nostri pensieri non si tendono più verso
il sole, se non vi è più niente da sperare di sé e dell’altro
se non le nostre combinazioni di piante invasive.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Des chuchotis d’insectes le papier que tu froisses,
le craquèlement de tes lèvres: ce que tu cherches
à écrire, alors que tu ne sais encore rien du froid,
et de ses crimes.

 

Un bruit d’abeille la mer et l’aube, écrire
Pour tout ce qui est terre, et fragile.
Ainsi nos
feuilles rugissantes dans les poussières sonores des
cités, ou dans les arbres qui nous enseignent les
branches et leurs coups d’archets.

 

     Et mes souvenirs blancs comme du jasmin.

 

 

--------------------------------------- (p.46)

 

 

 

Bisbigli di insetti il foglio che accartocci,
la screpolatura delle tue labbra: ciò che cerchi
di scrivere, quando non sai ancora nulla del freddo,
e dei suoi crimini.

 

     Un ronzio d’ape il mare e l’alba, scrivere
per tutto ciò che è terra, e fragile. Così le nostre
foglie che urlano nella polvere sonora delle
città, o negli alberi che ci insegnano
i rami e i loro colpi d’archetto.

 

     E i miei ricordi bianchi come il gelsomino.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Parfois massif est le bleu de la mer.

 

     J’écris avec l’encre de la lisière, avec le réel ancré
dans la pierre, avec l’immédiateté de l’air, l’imminence
de l’instant, la contiguïté du noir et du blanc.
     J’écris à l’orée de ce qui ne me tient plus en lisière,
et de ce que je maintiens dans la plus étroite servitude.

 

     Le bleu massif de l’enfance dans la lumière de la
colline.

 

     Ma verte contemplation.

 

--------------------------------------- (p.50)

 

A volte compatto è l’azzurro del mare

 

     Scrivo con l’inchiostro del margine, con il reale ancorato
nella pietra, con l’immediatezza dell’aria, l’imminenza
dell’istante, la contiguità del nero e del bianco.
     Scrivo sul limitare di ciò che non mi trattiene più nella morsa,
e di ciò che tengo nella più ferrea schiavitù.

 

     L’azzurro compatto dell’infanzia alla luce della
collina.

 

     La mia contemplazione verde.

 

 

La dimora del tempo sospeso (Francesco Marotta)

 

 

__________________________

Nota biobibliografica

Nata nell’aprile del 1966 (originaria di Lille), Nathalie Riera vive in Provenza, autrice di un saggio, La parole derrière les verrous (Ed. de l’amandier, 2007), e di raccolte di poesia: ClairVision (Ed. Publie.net, 2009), Puisque Beauté il y a (Ed. Lanskine, 2010), Variations d’herbes e Paysages d’été (in via di pubblicazione entro il 2012).

Pubblicata in riviste cartacee e siti telematici dedicati alla poesia e alle arti figurative, ha tenuto seminari di scrittura e partecipato a letture pubbliche nelle mediateche, le prigioni, le scuole.

Ha creato la rivista telematica Les Carnets d’eucharis, che gestisce dal marzo 2008 (34 numeri editi fino ad oggi).

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26/07/2012

George Oppen

GEORGE OPPEN

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© Editions José Corti Poésie complète, 2011

Série américaine

 

 

George Oppen.jpg

 

Extraits

Traduit par Yves di Manno

 

 

 

Même si dans une sorte d’été les durs bourgeons fleurissent

Avec une profusion féminine

 

Le « cœur de la

Taille d’un pouce », le petit noyau de l’être,

Si peu artistique,

 

Le cœur sans élégance

Incapable de saisir

Le monde

Et qui produit l’art

 

Ne s’avère pas plus gros

 

Qu’un petit faucon

Se posant échevelé sur le rebord d’une fenêtre.

 

Tels des faucons du moins ne sommes-nous pas

Nulle part, et je dirai

Où nous sommes

 

Même si cela perturbe

Les fenêtres qui surveillent

L’activité

Des jours

 

Dans les rues

Sans horizon, rues

Et jardins

 

Des technologies féminines

Du désir

Et de la compassion qui vêtiront

 

Tout un chacun, émergeant

De l’air

Incivil

Malfaisant

Comme un faucon

 

Du nid d’un

Faucon comme doit être

Dit-on le nid

 

D’un tel oiseau, et continuant

Donc à parler de la

Technologie des brindilles

 

--------------------------------------- (DANS CE QUI (1965), p.111)

 

 

 

[…]

 

32

 

Que simplement cela soit beau

Que simplement cela soit beau

 

Ô, beau

 

Rouge bleu vert – les lèvres humides

En riant

 

Ou la spirale de la coquille blanche

 

Et la beauté des femmes, la perfection des tendons

Sous la peau, la perfection de la vie

 

Qui peut tanguer dans le flux

Du désir

 

Non de la vérité mais de l’autre

 

La peau lumineuse, lumineuse, ses mains qui s’agitent

A l’aune de son incroyable besoin

 

--------------------------------------- (D’ETRE EN MULTITUDE (1968), p.208)

 

 

 

 

 

Source photographique

 

Salvatore Quasimodo

SALVATORE QUASIMODO

 ---------------------------------

© Editions Unes Poèmes, 2000

 quasimodo salvatore.jpg

 

Peut-être le coeur

Traduit de l'italien par Michel Costagutto

 

 

 

S’engloutira l’odeur âcre des tilleuls

dans la nuit de pluie. Sera vain

le temps de joie, sa furia,

sa terrassante morsure de foudre.

Il reste un peu d’indolence,

un geste, une syllabe,

comme un lent vol d’oiseaux entrevu

à travers la brume. Et tu attends encore,

quoi, mon égarée : un moment

qui décide, qui rappelle l’origine ou la fin :

c’est égal, désormais. Ici la fumée noire des incendies

dessèche la gorge. Si tu peux,

oublie ce goût de soufre,

et la peur. Les paroles nous fatiguent,

ressurgies d’une eau lapidée ;

peut-être nous reste-t-il le cœur, peut-être le cœur…

 

--------------------------------------- (p.36)

 

Steve Reich - Music for 18 musicians

Steve Reich - electric counterpoint

25/07/2012

ARTHUR CRAVAN


ARTHUR CRAVAN "POÈTE ET BOXEUR" par MELMOTH

 

 

 

ARTHUR CRAVAN

Poète et Boxeur

(1887-1918)

cravan.jpg

JE SUIS TOUTES LES CHOSES, TOUS LES HOMMES, ET TOUS LES ANIMAUX !

20/07/2012

Theodore Roethke - Elegy For Jane

theodore_roethke.jpg

Theodore Roethke

 

Theodore Roethke

American poet

(1908 – 1963)

 

 

 

■ LIEN : http://www.poets.org/poet.php/prmPID/13

 

 

 

■ ■ ■ In 1908, Theodore Roethke was born in Saginaw, Michigan. As a child, he spent much time in the greenhouse owned by his father and uncle. His impressions of the natural world contained there would later profoundly influence the subjects and imagery of his verse. Roethke graduated magna cum laude from the University of Michigan in 1929. He later took a few graduate classes at Michigan and Harvard, but was unhappy in school. His first book, Open House (1941), took ten years to write and was critically acclaimed upon its publication. He went on to publish sparingly but his reputation grew with each new collection, including The Waking which was awarded the Pulitzer Prize in 1954.LIRE LA SUITE

 

 

 

Elegy For Jane

(My student, thrown by a horse)

 


I remember the neckcurls, limp and damp as tendrils;
And her quick look, a sidelong pickerel smile;
And how, once startled into talk, the light syllables leaped for her,
And she balanced in the delight of her thought,

A wren, happy, tail into the wind,
Her song trembling the twigs and small branches.
The shade sang with her;
The leaves, their whispers turned to kissing,
And the mould sang in the bleached valleys under the rose.

Oh, when she was sad, she cast herself down into such a pure depth,
Even a father could not find her:
Scraping her cheek against straw,
Stirring the clearest water.

My sparrow, you are not here,
Waiting like a fern, making a spiney shadow.
The sides of wet stones cannot console me,
Nor the moss, wound with the last light.

If only I could nudge you from this sleep,
My maimed darling, my skittery pigeon.
Over this damp grave I speak the words of my love:
I, with no rights in this matter,
Neither father nor lover.

 

 

 

 

-------------------------  (ELEGY FOR JANE)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

_______________

 

Theodore Roethke
THE UNOFFICIAL SITE

http://gawow.com/roethke/poems/

18/07/2012

PURE - Film de Lisa Langseth


Pure Bande-annonce par toutlecine

14/07/2012

Les Carnets d'Eucharis ETE 2012 - n°34

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Les carnets d’eucharis n°34

ETE 2012

 

COUV n° 34.jpg 

2012 © Photo : Nathalie Riera – La série des paniers  «abricots »

 

[SOMMAIRE………]

 


American Girl

RUTH ORKIN

 

Claire Pestaille

PHOTOGRAPHIE


Dora Maar

 

DU CÔTÉ DE…

Nathalie Michel  (Souffle continue)

Raphaële Bruyère/Juliette Lemontey(La carpe, le pinson…)

Gilbert Bourson(Parking blanc)

Jacques Estager (Deux silhouettes, Cité des Fleurs)

 

Animal regard António Ramos Rosa

Gregory Corso Mexican impressions

 

CHRISTIAN BOURGOIS EDITIONS ANTONIO LOBO ANTUNES la nébuleuse de l’insomnie

EDITIONS JOSE CORTI ROBERT ALEXIS Les contes d’Orsanne

COLONNA EDITIONS ANGELE PAOLI Solitude des seuils

 

AUPASDULAVOIR

PIERRE AGNELSandro Penna, non ho fatto niente

 

 

■■■ EUGENIO MONTALE[Poesia Italiana] 

 

Francesco Marotta … Antonella Anedda

 

 

DES LECTURES/DES PORTRAITS

Nathalie Riera IME, éditions Variations d’herbes par Angèle Paoli

Claude Dourguin La peinture et le lieu par Tristan Hordé

[Peinture&Céramique]Sophie Combres, Fille de la terre et du feu par Claude Darras

 

REVUE(S)

                                        Triages – # Supplément 2012 (D’écrire j’arrête)

Diérèse – # 56 (Thierry Metz)

 

 

 

 


 

 

 

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Au format PDF

http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com/media/02/02/3096811378.pdf

 

 

 

&

 

Au format CALAMEO

http://fr.calameo.com/read/0000370718a123a07a9e3