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14/06/2013

Elizabeth Bishop

 

ELIZABETH BISHOP

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©Poésie Poetry

bishop young.jpg

  

©SOURCE PHOTO | INTERNET | Elizabeth Bishop (1911-1979)

 

EXTRAIT

Nord & Sud

 

Traduction de l’anglais (Etats-Unis) de Claire Malroux

 

 

■ Sur le site Les Carnets d’Eucharis

http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com/elisabeth-bishop/

 

 

 

 

 


                                    

 

 

Elizabeth Bishop, Nord & Sud

Editions Circé, 1996 (pour la traduction française)

1983 by Alice Helen Methfessel

         

                               

 

 

(FLORIDE)

 

 

 

 

**

 

L’Etat au nom le plus charmant,

l’Etat flottant dans l’eau saumâtre,

cimenté par les racines de la mangrove

qui vivantes, portent des huitres en grappes

et mortes, jonchent de squelettes les marais blancs ;

parsemé, comme en un bombardement, de verts mamelons

pareils à d’antiques obus où germe l’herbe.

L’Etat peuplé de longs oiseaux en forme de S, bleus et blancs,

et d’invisibles oiseaux hystériques montant chaque fois la gamme

précipitamment dans un accès de colère.

Tangaras gênés de leur apparence criarde,

pélicans ravis de faire les clowns,

qui s’amusent à longer la côte sur les forts courants,

louvoient entre les îles de la mangrove

et sèchent sur les bancs de sable leurs ailes d’or humides

par les soirs ensoleillés.

D’énormes tortues, douces et désarmées, meurent,

laissent sur les grèves leurs carapaces incrustées de bernacles

et leurs gros crânes blancs aux orbites rondes

deux fois plus grandes que celles d’un homme.

Les palmiers claquent dans la forte brise

 

comme les becs des pélicans. La pluie tropicale vient

raviver les colliers de coquillages décolorés :

larmes de Job, alphabet chinois, la rare Junonia,

peignes bariolés et oreilles de dames,

disposés comme sur une natte grise de calicot pourri

la jupe de la princesse Peau-rouge ensevelie ;

tout le littoral affaissé, monotone, interminable,

en est délicatement orné.

 

Trente urubus au moins descendent lentement, lentement,

vers un cadavre repéré dans le marécage,

en cercles pareils à des flocons de sédiment agités

s’enfonçant dans l’eau

La fumée des feux de bois filtre de fins solvants bleus.

Sur les souches et les arbres morts, le bois calciné est du velours noir.

Les moustiques

vont en chasse au son de leurs féroces pizzicati.

La nuit tombée, les lucioles dessinent au sol la carte du ciel

jusqu’au lever de la lune.

D’un blanc froid, mat, elle brille en une trame lâche

et cet Etat putride, négligent, n’est que points noirs

trop espacés, et laides blancheurs : sa plus médiocre

carte postale.

La nuit tombée, les étangs semblent s’être enfuis.

L’alligator, qui possède cinq cris distincts :

amitié, amour, accouplement, guerre et menace –

geint et parle dans la gorge

de la princesse Peau-rouge.                                         

 

-------------------------  (p. 70/73)

 

 

(FLORIDA)

 

 

 

 

**

 

The state with the prettiest name,

the state that floats in brackish water,

held together by mangrove roots

that bear while living oysters in clusters,

and when dead strew white swamps with skeletons,

dotted as if bombarded, with green hummocks

like ancient cannon-balls sprouting grass.

The state full of long S-shaped birds, blue and white,

and unseen hysterical birds who rush up the scale

every time in a tantrum.

Tanagers embarrassed by their flashiness,

and pelicans whose delight it is to clown;

who coast for fun on the strong tidal currents

in and out among the mangrove islands

 

and stand on the sand-bars drying their damp gold wings

on sun-lit evenings.

Enormous turtles, helpless and mild,

die and leave their barnacled shells on the beaches,

and their large white skulls with round eye-sockets

twice the size of a man’s.

the palm trees clatter in the stiff breeze

like the bills of the pelicans. The tropical rain comes down

to freshen the tide-looped strings of fading shells :

Job’s Tear, the Chinese Alphabet, the scarce Junonia,

parti-colored pectins and Ladies’ Ears,

arranged as on a gray rag of rotted calico,

the buried Indian Princess’s skirt;

with these the monotonous, endless, sagging coast-line

is delicately ornamented.

 

Thirty or more buzzards are drifting down, down, down,

over something they have spotted in the swamp,

in circles like stirred-up flakes of sediment

sinking through water.

Smoke from woods-fires filters fine blue solvents.

On stumps and dead trees the charring is like black velvet.

The mosquitoes

go hunting to the tune of their ferocious obbligatos.

After dark, the fireflies map the heavens in the marsh

until the moon rises.

Cold white, not bright, the moonlight is coarse-meshed,

and the careless, corrupt state is all black specks

too far apart, and ugly whites; the poorest

post-card of itself.

After dark, the pools seem to have slipped away.

The alligator, who has five distinct calls :

friendliness, love, mating, war, and a warning –

whimpers and speaks in the throat

of the Indian Princess.

                                                

 

-------------------------  (p. 70/73)

 

 

 

 

 

CIRCÉ ÉDITIONS

1996

 

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