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09/04/2012

Les carnets d'eucharis n°33 - Printemps 2012

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Les carnets d’eucharis n°33

PRINTEMPS 2012

 

 

LES CARNETS D'EUCHARIS N°33, Nathalie Riera

2012 © Photo : Nathalie Riera - Série « Photobiographique/Autoportrait en herbe »

 

 

Photobiographique

NATHALIE RIERA

 

Gertrude Käsebier

PHOTOGRAPHE

 

 

 

 

 

■■■Thomas Brummett

 

DU CÔTÉ DE…

Jos Roy  (choix de poèmes)

Roberto BolañoTrois/Les chiens romantiques

Cathy Garcia  (Délit de photos)

 

CHRISTIAN BOURGOIS EDITIONS ADOLFO BIOY CASARES quelques jours au Brésil

EDITIONS ISOLATO CLAUDE DOURGUIN La peinture et le lieu

EDITIONS NOUS JEAN DAIVE L’énonciateur des extrêmes

CARDERE EDITIONS CATHY GARCIA Les mots allumettes

 

AUPASDULAVOIR

PIERRE AGNELGustave Roud, Le temps de l’Adieu n’est plus. Le temps de la Salutation commence

NATHALIE RIERAGustave Roud, attaché à la même seule échappée

 

■■■ AMELIA ROSSELLI[Hommage] 

 

Patti Smith … Walter Benjamin

 

DES LECTURES/DES PORTRAITS

Susan Sontag Le prurit de l’interprétationpar Nathalie Riera

Roberto Bolaño lâche ses chiens romantiques par Patrice Beray

Guido Cavalcanti / Danièle Robert IME, éditions Rimes & raison par Claude Minière

Paul Louis Rossi IME, éditions La porteuse d’eau de Laguna & Les Chemins de Radegonde par Tristan Hordé

[Disparition]Antoni Tàpies, métaphysicien de la matière par Claude Darras

 

REVUE(S)

                                                                           Diérèse – # 56 (Thierry Metz)

La Voix des Autres – # 5 (Cahier central Angye Gaona)


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Au format PDF

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Les carnets d'eucharis n°33_PRINTEMPS 2012.pdf

 

&

Au format CALAMEO

 http://www.calameo.com/read/0000370711dc220cf86b3

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Couv'Verso_carnets d'eucharis n°33.jpg

 

 

 

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Les carnets d’eucharis n°34

ÉTÉ 2012

 

(mise en ligne vers la mi-juillet 2012)

 

07/04/2012

Gustave Roud "... attaché à la même seule échappée" - Par Nathalie Riera

Hommage à Gustave Roud

(1897-1976)

 

 

 

  Vucherens 1935.jpg

 

© Photo : Fonds photographique Gustave Roud – Vucherens, 1935

 (Fonds photographique Gustave Roud)

http://www.unil.ch/unimedia/page53151.html

 

 

 

 

 « (…) cette vie menée si purement, si fidèlement, vraie vie de berger des mots, toujours dans le même champ, le regard attaché à la même seule échappée (…) »

Philippe Jaccottet[1]

 

 

 

fernand par gustave roud.jpg

Détail d’une photographie de Gustave Roud,

«Fernand aiguise sa faux au crépuscule».

 

 

 

« … attaché à la même seule échappée »

Par Nathalie Riera

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Les Ecrits de Gustave Roud ?

En retrait des agitations, le lecteur avance tout au long de pages qui sont autant de sentiers parcourus avec le poète qui avance lui-même en promeneur solitaire, – à l’époque, privilège qu’on eût pu lui envier ou lui reprocher et qui aujourd’hui encore ne serait pas plus acceptable –  en souci de maintenir une parole qui jamais ne fait rage, alors que se poursuit la toujours plus sombre réalité que nous vivons des heures maudites de mensonges et de lâchetés, dans un monde toujours plus peuplé d’images haïssables et moribondes, et que toute poésie digne de ce nom en est que plus malmenée.

En 1985, le poète libanais Salah Stétié écrit dans son « Archer aveugle » : « Mais pourquoi la poésie intéresserait-elle ? Elle ne capte, comme eau pure une main, rien qui vaille d’être retenu si l’on n’est pas organisé intérieurement pour ce type de captage froid et brûlant.»[2] Langage égaré des poètes, selon encore Stétié, ou « langage privilégié du mal-être », avec Gustave Roud comment ensemble ne pas se jeter dans le paysage comme on plonge au plein d’une rivière, avec le désir de m’abandonner, de me laisser perdre et porter je ne sais où par une force déchaînée qui jouerait aveuglément avec mon abandon ».[3]

Dans le Journal de Vitalie Rimbaud, la sœur du poète, juillet 1873, on peut lire : « Mon frère Arthur ne partageait point nos travaux agricoles ; la plume trouvait auprès de lui une occupation assez sérieuse pour qu’elle ne lui permît pas de se mêler de travaux manuels. » Gustave Roud se rendait attentif à la vie paysanne et aux travaux des hommes dans les champs, pour avoir vécu toute sa vie à Carrouge, dans le Jorat, dans la ferme du grand-père maternel.

Bien que poésie dans sa musique agreste, poésie qui se fait conteuse de l’absolu de la solitude, marcher aux côtés de Gustave Roud, c’est écarter du ciel de l’imaginaire tout azur trop bleu, et s’écarter ainsi de toute baliverne champêtre.

« … et je vécus, étincelle d’or de la lumière nature. »[4], écrit Rimbaud, alors que chez Roud, c’est la couleur fauve de la vie et de la nature qui domine, sans leur prêter une quelconque supposition ou présomptueuse idée de Paradis ou de Terre Promise. Y voir plutôt comme un simple regard qui s’affûte sous les effets d’une certaine nostalgie, cette « nostalgie de la distance » selon Philippe Jaccottet.

Résistance d’une poésie et d’un poète qui ne se tient pas à l’écart, contrairement à ce que peut supposer toute existence contemplative, mais plutôt en souci de ne pas rompre ce lien avec l’éphémère et l’éternel.

 

Avril 2012 © Nathalie Riera (Les carnets d’eucharis)

 

 

 

 

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Ecrits I


 

 

[…] Un corps nouveau, un cœur nouveau…

 

              (Par lambeaux soudain devant ma mémoire presque abolie, le temps où ma vie tâtonnait encore parmi les hommes tout pareils à des anthologies : un corps et une table des matières. Temps des « langues mortes » - et des « langues vivantes » plus mortes que les autres. Un désert où le squelette de la poésie luisait sous le soleil des dictionnaires. L’Integer vitae chanté sur un air de choral par le vieux maître hernoute, l’avocasserie d’Euripide, Aristophane et ses danseurs agitant comme un fouet leur membre de cuir rougi, Lucrèce, fou furieux pour avoir respiré dans les fourrés de l’Hélicon l’arbre à la fleur-qui-tue… - mais déjà le veilleur d’Eschyle, le museau dans les étoiles comme un chien, me rendait d’un coup la présence  du ciel nocturne, et l’Andromaque de Virgile se faisait un paradis de la tristesse. Les plus lointains, les plus vagues pressentiments  réapparaissent : quand au-delà des vitres de la sombre salle où nos sept têtes sous le sifflement du gaz versaient leur ombre sur les syllabes mortes, un jet de soleil en trompe-l’œil sur de la neige tirait tout près de moi du cœur de l’hiver un faucheur de seigles, la tête dans le ciel, sa dure épaule nue huilée de lumière. Autour de lui déjà le monde s’ordonnait selon le rythme de son souffle ; la colline fléchit, remonte, quand s’abaisse et se relève tour à tour  la lisse poitrine noire et dorée. Toute la ville abattue comme un château de cartes, si le jeune paysan traverse la rue, un épi de froment à son chapeau.

 

 

  [extrait de « Nuit » in Essai pour un paradis, ECRITS I – p.223/224]

 

 

 

 

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BAIN

 

 

 

              Ta chair nue ou sous la toile toujours liée au soleil, je sais bien ce sourd désir d’eau qui jamais ne l’abandonne ! Ni la cruche en plein ciel renversée, son jet de glace au fond de ta gorge (car c’est la soif des lèvres et de la langue qu’elle apaise), ni le vent qui t’épouse comme l’ombre et meurt, sa fraîche plume fondue à ta poitrine avec le frisson du plaisir, - ni le sommeil même ne pourront rendre le calme au corps brûlé.  Et pourtant qui osait braver là-haut le sommeil et son empire ? Suspendu à cette seule note aiguë qui de cent mille cris d’insectes à l’unisson célèbre le soleil, l’univers dormait. Les villages blêmes au fond de l’air bercés par le courant qui tord les routes comme des algues, le noir battement des cloches, ce peuple de cadavres dans les vergers (tu riais de l’homme aux mains mortes, Aimé, vaincu par la goutte de lumière à sa joue) – tous les sortilèges de la torpeur, de quel bond tu les brises ! Tu traverses en courant les seigles, la pente commence, et tout de suite l’ombre à ton épaule ! Le ravin s’ouvre et se referme sur le ciel. Tu descends, battu de feuilles et d’odeurs ; tes pieds aveugles tâtent le sentier sous les branches, le tuf craque, les prêles lient tes genoux. Ivresse du végétal corps à corps, espèce de cri qui sourd de ta chair heureuse, quand le soleil d’en bas brille tout à coup sous les feuilles, et que ce morceau de ciel qui est de l’eau lui chante son rassasiement et sa joie !

 

  

[…]

 

 

 

  [extrait de « Bain » in Essai pour un paradis, ECRITS I – p.247/248]

 

 

 

 

 

 

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Ecrits II

 

 

 

 

EPAULE

 

 

 

              Fleurs des talus sans rosée, pitoyables au voyageur, qui le saluez une à une, douces à son ombre, douces à cette tête sans pensée qu’il appuie en tremblant contre nos visages, signes, timide appel, caresse à l’homme qui ne sait plus rien des hommes sinon ce murmure d’une voix sans lèvres et le frôlement des suppliantes ombres, vous tout autour de l’année comme une couronne de présences, la petite étoile du faux fraisier sous sa frange de neige noircie (un papillon nu s’est trompé de soleil et vacille comme une feuille morte), l’épi du sainfoin rose, la scabieuse de laine, bleue comme le regard de mon ami perdu, la sauge, la sauge de novembre refleurie et la brunelle, vous que je nomme et vous que je ne sais plus nommer, ô toi parfum du pâle œillet charitable, changeur de rêves, dénoueur des plus sombres sommeils, vous d’aujourd’hui, de cette minute même sous mon regard, campanules haletantes, humiliées, compagnes de mon ombre solitaire, consolatrices, voyez, cette ombre sur vous n’est plus seule, accueillez mon bonheur d’une heure, ne riez pas de mon bonheur ! Un visage près de mon visage, une épaule nue à mon épaule ; la fauve croupe des chevaux qui tirent, le pas des chevaux parmi les pierres, et derrière nous jusqu’aux nuages, pesante et solennelle, fleurie d’une toute petite fille, la craquante charge de froment !

 

              Non, laisse le fouet pris au collier. Les taons suffisent, et ce soir fourmillement de mouches que je tisonne en vain d’une tige de coudre avec toutes ses feuilles. Doucement, la route est longue. Calme ce cheval fier qui est à toi et que j’aime, avec son chiffre à l’encolure (l’année où tu es devenu dragon), ses jarrets au bord de la danse et du bond ployés sans cesse, ses naseaux traversés soudain par le soleil comme une sombre rose de sang. La route est lente. A gauche, à droite, ne vois-tu pas le pays qui se penche et nous salue, debout dans sa vêture d’or ? Tout le pays debout au long de notre marche comme la foule au flanc d’un cortège, la forêt voleuse de javelles, l’auberge endormie, le chant pur des pavots de soie ! Et ces chênes maintenant qui te lancent tour à tour le même filet d’ombre aux mailles de feu.

 

 

[…]

 

  [extrait de « Epaule » in Pour un moissonneur, ECRITS II – p.44/46]

 

 

 

 

 

 

-------------------------

 

  

[…]

 

 

 

              J’ai relu vos phrases : La guerre crée un présent que nous n’avons pas choisi. En dehors des obligations civiques et de charité qu’il nous impose, il nous laisse tout loisir pour fuir dans la poésie ; la guerre qui menace notre vie menace ce que nous aimons le plus dans la vie : la poésie. Les poètes reprennent ainsi une singulière actualité, car jamais nous ne les aurons lus avec plus de ferveur. Voilà qui est net, et juste. Mais vous parlez de la poésie qu’on lit, donc d’une poésie qui est déjà faite, et moi, je ne puis songer qu’à celle qui va naître, et je tremble. La poésie (la vraie) m’a toujours paru être (…) une quête de signes menée au cœur d’un monde qui ne demande qu’à répondre, interrogé, il est vrai, selon telle ou telle inflexion de voix. La guerre, par ce doute atroce qu’elle installe en nous sur nous-mêmes et l’univers, ne peut que paralyser l’entretien du poète et du monde fondé sur un réciproque abandon. Que l’on se batte ou que l’on « monte la garde » seulement, la guerre nous est perpétuelle présence, et si l’on tente de l’oublier comme je l’ai fait tout à l’heure, parvenu sur le bord même de l’échange poétique, tout s’écroule soudain, sournoisement miné par cette présence niée qui se venge. L’herbe éternelle est rendue à la faux, les feuillages éternels à l’hiver, ce paysan éternel qui est mon ami redevient le soldat revenu l’autre jour en congé, qui portait encore sur sa profonde poitrine la petite plaque d’os poli où l’on peut lire :

 

 

Dragon

 

Fernand Cherpillod

 

Escadron 4

 

 

 

et, demain peut-être, repartira.

 

              Je vous le jure, il ne s’agit pas de mirages ; c’est la nue et stricte vérité.

 

 

 

[…]

 

  [extrait de « Lettre à Henry-Louis Mermod » in Air de la solitude, ECRITS II – p.99/101]

 

 

 

 

  

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Ecrits III

 

 

 

 

CAMPAGNE PERDUE

 

 

 

[…]

 

 

 

              La marche errante du vagabond sans but paraît tout de suite coupable aux yeux des hommes d’ici repris par quelque grand travail d’été comme les foins. Est-il permis, pensent-ils, de traverser les mains oisives ces prairies dont nous sommes, plus encore que les maîtres, les prisonniers ? Ils jalousent la liberté de cet homme et s’en irritent, au moment même où ils redeviennent esclaves, et les pires esclaves : ceux de l’incertain, leur moindre geste dicté par le vent ou le nuage. S’ils savaient !

 

 

 

[…]

 

  [extrait de Campagne perdue, ECRITS III – p.94/95]

 

 

 

 

 

 

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              La route noire, mate ou luisante, laquée par la pluie ou liquéfiant le paysage sous le soleil comme un sombre fer brûlant, n’est plus celle de jadis où boitaient, buvant la poussière d’une lèvre sèche, les rôdeurs aux sourcils, à la moustache feutrés de farine comme des meuniers. Les fleurs d’août restent fraîches, l’herbe riveraine est pure. Mais le voyageur poursuit sur cette nappe insensible une course malaisée. Quelque chose l’isole du monde, qui ne fait plus corps avec lui. Le bleu d’acier, le violet vulgaire, le noir sans richesse que sa semelle touche sont morts. Pour toujours a disparu cette chose frémissante où posait son regard sans pensée : la route ancienne sous le gel comme une dalle de marbre où le matin versait brutalement un flots d’ombres éclatantes ; la route après l’averse, grêlée comme une peau ; la route sous l’orage de mai où l’on enjambe des flaques de pétales, neige et rouille ; la route de novembre, quand le talon crève avec un cri rauque la creuse glace des ornières ; la route qui vivait. 

               

 

[…]

 

  [extrait de Campagne perdue, ECRITS III – p.179/180]

 

 

 

 

 

 

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Aux trois tomes des Ecrits de Gustave Roud s’ajoutent des textes publiés en revue, des traductions et la riche « Correspondance » Jaccottet & Gustave Roud 1942-1976, publiée en 2002 dans les Cahiers de la NRF.

 

 

 

 

 

 

Ecrits I, II, III

Bibliothèque des Arts, 1978

 Gustave Roud I.jpg

 

 

 

Site Bibliothèque des Arts/http://www.bibliotheque-des-arts.com/index.php?page=Fiche&ID=12

 

 

Autres sites à consulter

 

 LA PLAINE LA POESIE_Gustave Roud_bulletin 2011.jpg

Bulletin N°2, 2011

 

Site L’association des amis de Gustave Roud/http://www.gustave-roud.ch/Documents_files/La%20plaine_bulletin%202.pdf

 

 

 

 

IMPRIMER

logo pdf.jpg

CLIQUER ICI

 



[1] Philippe Jaccottet, « Gustave Roud, Vues de la solitude » (écrit en 1966), in L’Entretien des Muses, Gallimard, 1968

[2] Salah Stétié, Archer aveugle, éd. Fata Morgana, 1985 - p. 19

[3] Gustave Roud, Ecrits de Gustave Roud, III, Bibliothèque des Arts, 1989 - p.106

[4] Arthur Rimbaud, Une saison en enfer, « Délires II. Alchimie du verbe », La Pléïade, 2009 – p.267

OSSIP MANDELSTAM - Cité du Livre/Aix-en-Provence

Les Écritures Croisées,

les éditions La Dogana et Le Bruit du temps
vous invitent à une rencontre autour de la récente publication

 

MANDELSTAM, MON TEMPS, MON FAUVE
Une biographie
par Ralph Dutli

 

OSSIP MANDELSTAM rencontre&lecture Cité du Livre AIX.jpg

Présentée par Florian Rodari (éditeur)
Louis Martinez, spécialiste de la littérature russe
s’entretiendra avec
Michel Aucouturier, traducteur
Lecture d'extraits de textes de Mandelstam,

en russe et en français

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Jeudi 19 avril 2012 à 18 h30
Amphithéâtre de la Verrière
Cité du livre - Aix-en-Provence

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Escapades Littéraires

 

Escapades littéraires

 



2ème édition – Italie Du quotidien aux utopies

 

Du 12 au 15 avril 2012

Chapelle de l'Observance - Draguignan

 

Invité d'honneur Erri de Luca

 

Hommage à Hugo Pratt

 

Auteurs
Erri de Luca
Giorgio Pressburger
Roberto Ferrucci
Francesco de Filippo
Philippe Fusaro
Jean-Paul Manganaro
Marta Morazzoni
Gianpaolo Pagni
Alessandro Sanna

 

Invités
Marguerite Pozzoli
Dominique Vittoz

 

 

ESCAPADES LITTERAIRES_ITALIE_du 12 au 15 avril 2012.jpg

 

 

 

ICI

 

06/04/2012

Pier Paolo Pasolini

 

Supplica a mia madre

E’ difficile dire con parole di figlio
ciò a cui nel cuore ben poco assomiglio.
Tu sei la sola al mondo che sa, del mio cuore,
ciò che è stato sempre, prima d’ogni altro amore.
Per questo devo dirti ciò ch’è orrendo conoscere :
è dentro la tua grazia che nasce la mia angoscia.
Sei insostituibile. Per questo è dannata
alla solitudine la vita che mi hai data.
E non voglio esser solo. Ho un’infinita fame
d’amore, dell’amore di corpi senza anima.
Perché l’anima è in te, sei tu, ma tu
sei mia madre e il tuo amore è la mia schiavitù.
Ho passato l’infanzia schiavo di questo senso
alto, irrimediabile, di un impegno immenso.
Era l’unico modo per sentire la vita,
l’unica tinta, l’unica forma : ora è finita.
Sopravviviamo : ed è la confusione
di una vita rinata fuori dalla ragione.
Ti supplico, ah, ti supplico : non voler morire.
Sono qui, solo, con te, in un futuro aprile.

Pier Paolo Pasolini Poesia in forma di rosa

 

05/04/2012

Juliette Lemontey à la Galerie Le Réalgar

Galerie Le Réalgar
Daniel Damart

23 rue Blanqui – 42000 Saint-Étienne
Cell. :
0687602234
lerealgar@gmail.com/www.lerealgar.com

 

 

La carpe et le pinson

Peintures de Juliette Lemontey

Du 14 avril au 25 MAI 2012

Vernissage le 14 AVRIL à partir de 18h


La carpe et le pinson.jpg

 

A cette occasion la Galerie édite :
"La carpe, le pinson et le bestiaire de nos solitudes inachevées"
Textes de Raphaële Bruyère accompagnés de la reproduction des peintures de Juliette Lemontey

Ruben Dario (1867-1916) - "Azul" José Corti, 2012

 

Rubén DARIO | Azul

Editions José Corti, 2012

traduit de l'espagnol (Nicaragua) par Jean-Luc Lacarrière
Collection Ibériques | éditions Corti

 

        

Ruben Dario.jpg

  

                                

AZUL (extrait)

 

 

 

**

 

La tigresse de Bengale
pelage zébré et lustré
est affable et joyeuse, tout en beauté.
D’un tertre aux pentes raide elle saute
vers un pré de carex et de bambous ; et c’est là
à la roche qui s’érige à l’entrée de son trou.
Puis elle lance un feulement rauque,
s’agite comme une diablesse
et de plaisir hérisse son pelage fou.

 

 

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■ José Corti Editions

ICI

 

02/04/2012

Roberto Bolano

Prochainement

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dans

Les carnets d’eucharis n°33

PRINTEMPS 2012

 

 

 

ROBERTO BOLAñO

 ROBERTO BOLANO.jpg

Trois

Un petit roman lumpen

Les chiens romantiques

Christian Bourgois Editeur, 2012

 

 

trois.jpg un petit roman lumpen.jpg les chiens romantiques.jpg

         

Roberto Bolaño lâche ses chiens romantiques

 

| Par Patrice Beray |

 

 

 

 

(mise en ligne vers la mi-avril 2012)

01/04/2012

Pier Paolo Pasolini

 

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 Pier Paolo Pasolini, «Macchina da scrivere».

http://www.centrostudipierpaolopasolinicasarsa.it/

 

pasolini-scala.jpg

Pier Paolo Pasolini sul set del film "Salò"

(Archivio Fotografico "Deborah Imogen Beer e Gideon Bachmann"- Cinemazero)

 

(“Organizzar il trasumanar. Pier Paolo Pasolini cristiano delle origini o gnostico moderno”)

 

domenica 27 maggio 2012

 

CLIQUER ICI

29/03/2012

Revue Diérèse N°56

 

Thierry Metz c) Françoise Metz.jpg

Thierry Metz © Françoise Metz

 

Thierry Metz

Poète

(1956-1997)

 

 

■ LIEN : http://diereseetlesdeuxsiciles.com/57374.html

 

  

La revue Diérèse, créée il y a quatorze ans par Daniel Martinez, s'attache à publier des textes inédits d'auteurs du monde entier. Elle propose aussi des textes de réflexion autour de livres et de films. Chaque numéro comporte environ 270 pages. Elle a notamment publié des textes de Jean-Claude Pirotte, Michel Butor, Pierre Dhainaut, Isabelle Lévesque, Henri Meschonnic (+), Max Alhau, Bernard Noël, Lionel Ray, Richard Rognet, Jean Rousselot (+), Chantal Dupuy-Dunier, Jacques Ancet, Ariane Dreyfus, Françoise Hàn, Yves Charnet, Joël Vernet...Le numéro 52/53, déjà entièrement consacré à Thierry Metz, est toujours disponible.

Diérèse n°56 (mai 2012) est consacré à Thierry Metz : Poèmes inédits, lettres, dédicaces, photographies... Dossier dirigé par Daniel Martinez et Isabelle Lévesque. Avec des textes de : Sophie Avon, Gérard Bocholier, Lionel Bourg, Gérard Bourgadier, Eric Dazzan, Pierre Dhainaut, Bernadette Engel-Roux, Gilles Lades, Paul Leuquet, Isabelle Lévesque, Daniel Martinez, Jean-Michel Maulpoix, Hervé Planquois, Nathalie Riera, Joël Vernet, Muriel Verstichel, Christian Viguié... Illustrations de Denis Castaing et de Michel Bourçon.


 

Diérèse

 

 

REVUE NOUVEAUX DELITS N°42

Nouveaux délits N°42

 

NOUVEAUX DELITS N°42.jpg

Avril-Mai-Juin 2012

 

Je suis contre tous les systèmes politiques qui croient détenir le monopole de la vérité. Je suis contre tous les monopoles idéologiques. (...) Je vomis toutes les vérités absolues et leurs applications totales. Prenez une vérité, levez-la prudemment à hauteur d'homme, voyez qui elle frappe, qui elle tue, qu'est-ce qu'elle épargne, qu'est-ce qu'elle rejette, sentez-la longuement, voyez si ça ne sent pas le cadavre, goûtez en gardant un bon moment sur la langue – mais soyez toujours prêts à recracher immédiatement. C'est cela, la démocratie. C'est le droit de recracher.

Romain Gary – 1957

 

CLIQUER ICI

Claude Dourguin, Chemins et Routes

 

Claude Dourguin, chemins et routes, éditions isolato

Claude Dourguin

 

 

Claude Dourguin

Poésie, Récit, Essai

 

 

 

 

■ LIEN :http://www.champ-vallon.com/

 

 

 

 



[…]

 

            Régularité quasi cyclique, mouvement quasi migrateur, la route reprise est exploration, approfondissement, souci systématique d’un savoir. Car ces cheminements ignorent l’ignorance : gens, matériel, itinéraires font l’objet de préparatifs, de projets. Mais part est laissée à l’inattendu, curieux l’esprit s’ouvre à la rencontre, ainsi d’un joueur de cithare auprès duquel apprendre, une disposition intérieure fait savoir accueillir ce qui se présente, posément.

           

 

 

-------------------------    (p.86)

 

[…]

 

            L’amour des paysages, terres d’altitude et forêts spécialement, habite Stifter, des pages longues en précisent le caractère, les particularités, disent leurs détails et leur organisation. Le héros de L’ARRIERE-SAISON, marqué par le goût et le sens de la montagne, sans se lasser évoque les sentiers difficiles, les barres, les hautes vallées où l’on suit le cours des torrents, leurs végétations buissonnantes, les roches massives, les arbres esseulés – « […] pas un arbre, pas le plus petit buisson, pas une maison, pas une cabane, pas un pré, pas un champ, rien d’autre qu’une herbe misérable et des rochers. »

            Délivré des contingences historiques et sociales – de là, sans doute, sa fascination singulière –, le parcours impose sa seule marche, va, intemporel, guidé par la seule présence des saisons, de leur succession, de leur avancée dont il permet l’observation fine – on remarque « l’état des frondaisons, l’aspect des plantes […], le comportement des animaux […], l’état de leur fourrure », la variation des teintes, les brouillards, la neige, les ruisseaux gelés. Toujours la toute-puissance du règne naturel expose ses lois, édifie l’observateur que soutient la conviction de l’existence universelle d’un ordre – bienfaisant. Des constructions, des chapelles également à travers le pays témoignent d’une antique aspiration à l’art ; souci esthétique lui aussi essentiel (les demeures, déjà abritaient des tableaux illustres), on ne manque pas de s’y rendre, de les visiter, d’observer les sculptures, les boiseries, d’en faire parfois des relevés. Aussi, formé par la route qui offre ses expériences, avance-t-on nourri, fortifié, mûri, édifié. Egalité d’humeur, ni angoisse ni doute, ni découragement, c’est un accomplissement serein, sans épreuves – singularité – que connaît le héros à mesure qu’il voyage et arpente. Il faut regarder ce qui se présente – fût-ce, apprendra-t-on, « les phénomènes anodins », l’étude, le sens viendront par surcroît.

 

 

 

-------------------------    (p.87/88)

 

 

CHEMINS ET ROUTES

Claude DOURGUIN

Isolato, 2010

 

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Claude Dourguin a publié aux :

 

 

Editions Solaire-Fédérop

L'Archipel, 1984.

Villes saintes, 1988.

 

Editions Champ Vallon

La Lumière des Villes, 1990.

Lettres de l'Avent, 1991.

Recours (Patinir, Lorrain, Segers), 1991.

 

Ecarts, 1994.

Un royaume près de la mer, 1998.

Escales, New York, Dublin, Naples, 2002

 

Aux éditions Isolato
Laponia, 2008
Les nuits vagabondes, 2008
Chemins et Routes, 2010
La peinture et le lieu (à paraître)

 

Aux éditions José Corti
Ciels de traîne, 2010

 

Elle a publié, en collaboration, le second tome des Œuvres complètes de Julien Garcq dans la collection La Pléiade.

 

 

 

 www.champ-vallon.com/

 

26/03/2012

James Joyce, Musique de chambre/Chamber Music, La Nerthe Editions

 

 

JAMES JOYCE

Musique de chambre - Pomes Penyeach - Ecce Puer

 (La Nerthe Editions, 2012)

 

EDITION BILINGUE

Traduction et préface de Philippe Blanchon

Avec la joyeuse collaboration de Toby Gemperle Gilbert

 

 

 

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James Joyce

 

 

 

***

 

Chamber Music est paru en 1907 selon un agencement des poèmes effectué par les soins de Stanislaus Joyce, le frère de James. Néanmoins, l’agencement initial avait un sens très particulier et c’est ce dernier que nous avons repris ici tel que conçu par Joyce en 1905. Joyce avait une intention tout à fait précise et la révélation de son projet originel donne à ces poèmes une place plus cohérente dans l’ensemble du corpus joycien. Il s’agit là d’un parfait petit roman : de la naissance de l’amour, de sa portée spirituelle à sa réalisation charnelle qui conduira, la passion déclinant à une possible amitié nouvelle entre les amants, à une nostalgique et tendre fraternité.

Il ne semble pas inutile de rappeler qu’à la même époque Ezra Pound se passionnera et traduira les Troubadours et qu’il sera celui qui reconnaîtra le premier le génie de Joyce. Il y a dans Chamber Music, en effet, des éléments qui relèvent de cette tradition courtoise et aussi un sens prononcé de l’épique (préoccupation majeure de pound qui sera incarnée par ses Cantos). Dans le premier poème se concentre une épopée : le poète dans sa singularité inaliénable, « parmi ses ennemis » avec « Son amour », « son compagnon ». Ton épique renvoyant aussi bien à Homère et donc à Ulysse. Pound publiera le dernier poème de Chamber Music dans sa célèbre anthologie ‘imagiste’. Ce sera le début d’une bataille acharnée de Pound pour publier les livres de Joyce jusqu’à Ulysse. Notons aussi que dans son essai consacré à Joyce en 1918, Pound fera une étude de ses vers autant que de sa prose.
Concernant les Pomes penyeach, outre la restitution des audaces et des inventions formelles absentes dans le premier recueil, il s’agit d’un mélange d’ironie et de tendresse qui nous rappelle que ces vers sont de l’auteur d’Ulysse.

Quant à Ecce Puer, ce poème isolé dans sa perfection formelle, il résume un cycle : la naissance (du petit-fils), la mort (du père). Cycle central, à travers Vico, dans Finnegans Wake.
Le projet est de montrer que, même s’il ne s’agit pas de ses œuvres maîtresses, ses poèmes participent pleinement à l’ensemble de la construction joycienne et que c’est une erreur de les minorer, ou pire encore de simplement les marginaliser avec condescendance.

 

In « Joyce au cœur du poème », Préface de Philippe Blanchon

 

 

***

 

 

MUSIQUE DE CHAMBRE / CHAMBER MUSIC                       

 

36 poèmes construits en trois temps, à lire comme un petit roman : d’abord le rire et le chant de l’Amour, aller à lui, danser, voler, chevaucher l’air. C’est « Amour heureux » qui seul peut donner au cœur d’être en paix, faire s’agiter « les cloches fleuries de l’aurore « ; doux cœur qui a pour simple secret d’être « Mon espoir et toute ma richesse (…) / Et toute ma félicité ». Rendre âme heureuse, fléchir aux bras qui étreignent, accepter « le plus doux des emprisonnements », Amour pour adoucir les « sinistres rigueurs ». Et puis :

 

                « Douce dame, ne chante pas

                      Les tristes chants de la fin des amours ;

                Laisse de côté la tristesse et chante

                     Qu’il en est assez de l’amour qui passe.

                (…) » (poème 28, p.65)

 

 

 

                Gentle lady, do not sing

                  Sad songs about the end of love ;

                Lay aside sadness and sing

                  How love that passes is enough.

 

Bien qu’Amour soit lasse, que la douce musique s’en soit allée – « nous n’entendons plus/La villanelle ni le rondeau » – rien cependant qui ne puisse donner regret : « L’année, l’année fait ses récoltes ».

 

Nathalie Riera, mars 2012

Les carnets d'eucharis

 

 

 

James Augustine Aloysius Joyce (2 février 1882 à Dublin - 13 janvier 1941 à Zurich), romancier et poète irlandais expatrié, considéré comme un des écrivains les plus influents du XXe siècle. Ses œuvres majeures sont un recueil de nouvelles Les Gens de Dublin (1914) et des romans Dedalus (1916), Ulysse (1922), et Finnegans Wake (1939).

Bien qu'il ait passé la majeure partie de sa vie en dehors de son pays natal, l'expérience irlandaise de Joyce est essentielle dans ses écrits et est la base de la plupart de ses œuvres. Son univers fictionnel est ancré à Dublin et reflète sa vie de famille, les événements, les amis (et les ennemis) des jours d'école et de collège. Ainsi, il est devenu à la fois le plus cosmopolite et le plus local des grands écrivains irlandais.  (Source : le site des Editions de l’Herne) 

 

 

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■ SITES A CONSULTER :

 

 

Editions/Librairie La Nerthe

Les Editions de l'Herne

James Joyce et La Nerthe dans le New York Times/The TIMES LITERARY SUPPLEMENT

 

 

17/03/2012

Claudio Magris

Claudio Magris

Alphabets

Editions Gallimard, 2012

Collection « L’Arpenteur »

Traduction de l'italien par Jean et Marie-Noëlle Pastureau

560 pages • 29,50 €

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Claudio Magris – Photo : Carles Mercader

 

 

 

4ème de couverture

 


 

Jorge Luis Borges se plaisait à dire qu'il laissait à d'autres le soin de se glorifier des livres qu'ils avaient écrits, car il préférait pour sa part tirer gloire des livres qu'il avait lus. Cette anecdote donne le ton d'Alphabets, ouvrage dans lequel Claudio Magris nous convie à un long voyage à travers des livres qui ont laissé en lui une durable empreinte. La littérature est à ses yeux une expérience de vie. Elle soutient ou attise l'intensité de notre existence et en dilate infiniment les confins. Il évoque dans Alphabets des livres qui nous forment, mais aussi des livres qui ont à la fois le pouvoir de nous blesser et d'apaiser la blessure. Des livres qui nous permettent de connaître et d'ordonner le monde, et d'autres qui en révèlent le chaos destructeur, l'enchantement et l'horreur. Des livres qui s'entrelacent à la vie, se confrontent à l'Histoire et nous marquent parfois de leur 'signe absolu '. Des livres qui transcendent leur propre perfection esthétique pour dire la douleur non moins que la beauté, l'amour non moins que la tragédie ou l'abjection. Des livres traversés par des lueurs salvatrices et d'autres qui se penchent au bord du néant. Au terme d'un vaste et passionnant périple qui nous emmène à la rencontre de nombreux écrivains et qui explore des thèmes aussi divers que la colère, le courage, la mélancolie ou la guerre, Alphabets se conclut par réflexion lucide et nuancée sur les rapports entre littérature, éthique et politique. On s'aperçoit alors que dans ce nouveau livre, le grand écrivain triestin a dessiné en filigrane une sorte d'autobiographie littéraire, comme dans le célèbre apologue borgésien dans lequel un artiste peint des paysages, des montagnes, des îles et s'aperçoit au soir de sa vie qu'il a en réalité composé son autoportrait.

16/03/2012

Susan Sontag, l'oeuvre parle

 

Lecture Nathalie Riera

Susan Sontag

L’œuvre parle, Christian Bourgois Editeur, 2010

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Guy Durand

Site de l’éditeur/ http://www.christianbourgois-editeur.com/fiche-livre.php?Id=1157 

 

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Susan Sontag, « le prurit de l’interprétation »

 

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Comment une œuvre peut-elle échapper à l’emprise de l’interprétation ? Comment lui éviter « un recueil de préceptes » ? Avec Against interpretation and other essays écrit entre 1961 et 1965, et qui figure parmi les premiers articles de Susan Sontag sur les arts et la culture contemporaine, l’acte d’interpréter une œuvre est souvent davantage une manière de vouloir se substituer à l’œuvre plutôt que d’en appeler à une critique capable de la servir, de sympathiser avec elle. Chez Sontag tout excès d’interprétation nuit à l’expérience sensible, et contre cela elle n’hésite pas à nous dire que jamais l’œuvre d’art ne se place dans le monde « comme un texte, un commentaire du monde », et qu’en sa qualité d’œuvre d’art, celle-ci ne peut ni faire dans la formulation d’idées générales ni être au service d’une idéologie sociale.

Peut-on seulement accepter de l’artiste, dans son dépassement de « l’homme psychologique et social » (Artaud) son rôle périlleux d’éclaireur. Susan Sontag n’exclut pas que tout « savoir est, dans un certain sens, dangereux », un élargissement du champ de l’expérience et du champ de la conscience exigeant « une préparation psychique suffisamment ample et éclairé ». Ne faut-il alors pas voir simplement dans l’artiste – l’auteur citant Rilke – « un homme qui travaille à l’extension du domaine des sens » ? 

 

(Les carnets d’eucharis © Nathalie Riera, mars 2012)

 

 

Extrait

 

   « De nos jours, toute tentative novatrice valable dans le domaine de l’esthétique tend à prendre une tournure radicale. Un artiste doit se poser la question : quelle est la forme de radicalisme qui s’accordera avec mes dons, avec mon tempérament ? Cela ne signifie nullement que tous les artistes contemporains soient convaincus de la valeur de l’évolution dans le domaine artistique. Un point de vue radical n’est pas nécessairement tourné vers l’avenir.

Examinons deux points de vue radicaux les plus importants dans la perspective de l’art contemporain. L’un cherche à obtenir l’abolition de toutes les distinctions de genres particuliers. Il n’y aurait plus alors qu’un art unique, composé du concours de toutes les formes et de tous les moyens de réalisation : immense édifice combinant et comportant la synthèse de toutes les formes de comportement. L’autre point de vue voudrait que soient maintenues et précisées toutes les limites de séparation, par une clarification des caractéristiques particulières à chaque forme d’art : la peinture ne devrait utiliser que les procédés qui lui appartiennent, la musique ne pas sortir du domaine musical, le roman se garder d’emprunter à d’autres disciplines littéraires et se servir uniquement de la technique qui lui est propre.

Ces deux points de vue sont apparemment inconciliables. Ils n’en traduisent pas moins l’un et l’autre l’une des préoccupations constantes de l’époque moderne : la recherche d’une forme artistique définitive. » (« L’œuvre parle », Susan Sontag, p.237/238) 

 

 

978-2-267-02066-3g.jpgSusan Sontag est née à New York en 1933. Elle publie son premier roman, Le Bienfaiteur, à l'âge de trente ans. Dans les années 1960, elle écrit pour différents magazines et revues. Très engagée à gauche, elle est proche d'intellectuels français tels que Roland Barthes, à qui elle a consacré un livre. Son essai Sur la photographie paraît en 1977. Elle publie également de nombreux romans, dont L'Amant du volcan (1992) et En Amérique (1999) pour lequel elle a reçu le National Book Award. Le Prix Jérusalem, qui lui a été attribué en 2001, et le Prix de la Paix des libraires, qui lui a été remis à Francfort en 2003, récompensent l'ensemble de son œuvre. Elle est morte le 28 décembre 2004.

 

 

LES CARNETS D’EUCHARIS  

http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com/susan-sontag/

LES CARNETS D’EUCHARIS N°32 – HIVER 2012

http://fr.calameo.com/read/000037071e7e1f94a4320

 

11/03/2012

Patti Smith, Auguries of Innocence

 

 

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Patti Smith by Linda Smith Bianucci

 

 

Patti Smith

American singer, poet & visual artist

(Née à Chicago en 1946)

 

 

 

 

■ LIEN : http://www.pattismith.net/

 

 

 

Née en 1946, Patti Smith grandit dans le New Jersey et s'intéressa très tôt à la musique, écoutant les Rolling Stones, The Velvet Underground, Jimmy Hendrix, James Brown... A son arrivée à New York, elle rencontre le photographe Robert Mapplethorpe encore débutant. Ils se soutiennent mutuellement à leurs débuts. C'est également à cette époque qu'elle rencontre William Burroughs. D'abord tournée vers la poésie, son premier enregistrement important fut une version d'un poème de Jim Morrison. Au cours des années 1970, elle fut progressivement amenée à faire fusionner de tels écrits avec son expérience du rock. En 1971, elle donna ainsi une lecture à l'église St Mark, accompagnée à la guitare par Lenny Kaye; cette liaison informelle se poursuivit pendant trois ans, le duo fut rejoint par Richard Sohl (piano) pour former le premier Patti Smith Group.

 

http://www.christianbourgois-editeur.com/une-nouvelle.php?Id=46

 

 

 

 

 

 

 

 

MUMMER LOVE

 

 

[…]

 

oh stolen book my salvation no crime sweet no scent mesmeric no snow so light than the simple knowledge of you rimbaud sailor face words hidden in mu blouse so close to my breast

–piss factory draft

 

The years saw me grow long-limbed awkward inexplicably maverick. I sought my kind and found none. How you rescued me. Your peasant hands reaching through time wrapping my young heart. Your poems, found in a stall by the greyhound station I dogged dreaming of escape, were my ticket out of my cloistered existence. Words I could not comprehend and yet, deciphered by blood, illuminated adolescence. Armed with you I fled the rural suffocation of southern New Jersey past the streets of our forefathers to New York City of poet rats and public transit. I wrote with the image of you above my worktable, vowing to one day trace your steps dressed in the watch cap and coat of my present self.

 

 

 

 

 

 

-------------------------  (P.127)

 

 

 

 

MASQUES D’AMOUR *


[…]

 

ô livre de mon salut pas de crime plus doux pas de parfum plus entêtant

pas de neige plus légère que ton livre volé toi rimbaud

face de marin dont je cachais les mots sous mon corsage contre mon sein

–brouillon de l’Usine à Pisse

 

Les années me virent grandir tout en longueur bras et jambes devenir gauche et inexplicablement à part. Je cherchai ma famille sans la trouver. Ah ! comme tu m’as délivrée ! Tes mains de paysan plongeaient à travers le temps pour étreindre mon jeune cœur. Tes poèmes, trouvés dans un kiosque près de la gare des bus Greyhound où j’allais traîner et rêver de fuite, furent le billet qui me délivra de mon existence cloîtrée. Tes mots que je ne saisissais pas, déchiffrés à la lecture du sang, illuminèrent mon adolescence. Armée de toi je m’échappai de la suffocante campagne du sud du New Jersey, quittant les rues ancestrales pour le New York des rats poètes et du trafic public. J’écrivais, ton portrait au-dessus de ma table de travail, me jurant qu’un jour j’irais sur tes pas, habillée de ma casquette et de mon manteau du moment.

 

 

 

 

 

-------------------------    (P.127)

 

* Mummer : dans le monde rural anglais, personnage costumé et masqué lié à des rites célébrant le retour des saisons.

 

 

 

 

 

 

 

PRESAGES D’INNOCENCE/Auguries of Innocence

Patti SMITH

Christian Bourgois Editeur, 2007
Textes traduits de l’anglais (Etats-Unis) par Jacques Darras

 

 

-------------------------

 

 

 

 

 

 

 

SHE LAY IN THE STREAM DREAMING OF AUGUST SANDER*



You, I write beloved black ace Ophelia

extravagantly pierced dread pale moon.

Negatives inflame your immutable eye,

hands face feather soaked in love.

 

Cast your pearls pen the pink fat night.

Comb ashes from the garden asylum,

the white cliff of ambition shedding.

Shoot baby shoot, powers can alter.

 

Her human cathedral hung with tassels

of hair threaded with golden string.

And the sang as she slid dangerously alive

through long arms of trailing algae.

 

I have collected children. I have felt

the museum fled that mountain–viewed

with suspicion memories snowing.

 

the white cliff of ambition

 

in those soft trine

 

She unfastened the strings and fruit erupted.

The flayed mule became one with her,

they lay uncorrupted in the deep grass

 

pecked palm to palm by ebullient fowl.

 

You are my summer knight she whispered.

 

The spokes of the wheel bear witness.

A barren heart is a heart that does not choose.

Beloved, come down fluid like naked convinced

a heart has stopped floating orchid child.

 

Horns of angel turned in virulent dust,

 

being to feel found shelter in fire.

The first roar dry and blood brown

crisscrossing the Kingdom of a wrist.

 

 

 

 

 

 

-------------------------    (P.60)

 

 

 

 

 

 

 

ALLONGEE DANS LE COURANT, ELLE REVAIT A AUGUST SANDER*



Toi à qui j’écris, figure d’as noir mon amour Ophélie

ma terrible lune pâle percée de trous extravagants.

Les négatifs enflamment ton œil immuable,

mains, visages, plumes baignées d’un bain d’amour.

 

Jette tes perles dessine l’épaisse nuit rose.

Peigne les cendres à l’asile du jardin,

effeuille la falaise blanche de l’ambition.

Tire, mon amour, tire, les puissances parfois varient.

 

Sa cathédrale humaine était ornée de festons

de cheveux passementés de fils d’or.

Vivante elle chantait quoique glissant périlleusement

entre les bras des longues algues traînantes.

 

J’ai rassemblé les enfants. J’ai senti

que le musée avait fui la montagne – j’ai vu

avec méfiance les souvenirs qui neigeaient.

 

les falaises blanches de l’ambition

 

en cette tendre trinité

 

Elle dénoua les fils et les fruits explosèrent.

La mule écorchée ne fit plus qu’une avec elle,

toutes deux gisant dans la haute herbe incorruptible

où des volatiles leur picoraient fiévreusement les paumes                                                                        [une à une.

 

Tu es mon chevalier d’été, murmura-t-elle.

 

Les rayons de la roue en témoignent.

Un cœur stérile est un cœur qui ne choisit pas.

Ma chérie, laisse-toi glisser fluide et nue convaincue

qu’un cœur a cessé de flotter mon enfant orchidée.

 

Les trompettes d’anges se changèrent en poussière                                                                                              [virulente,

l’être sensible trouva refuge dans les flammes.

Premier claquement sec, du sang marron

quadrilla le royaume d’un poignet.

 

 

 

 

 

 

-------------------------    (P.60)

 

* August Sander (1876-1964), photographe allemand spécialiste du monde rural autour de Cologne.

10/03/2012

Robert Duncan

 

Robert Duncan

Poète américain

(1919-1988)

 

 

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Berkeley, 1947

 

 

 

■ LIEN : http://jacketmagazine.com/28/dunc-bert-10poems.html

 

 

 

■ ■ ■ Robert Duncan born on January 7, 1919 in Oakland, California, Robert Duncan began writing poetry as a teenager in Bakersfield, when a high school teacher encouraged his creative endeavors. In 1938, after two years at University of California, Berkeley, Duncan moved to New York and became involved in the downtown literary coterie that had sprung up around Anaïs Nin… POETS.ORG :  http://www.poets.org/poet.php/prmPID/186

 

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LIEN :  http://www.english.illinois.edu/maps/poets/a_f/duncan/duncan.htm

 

 

 

JUST SEEING

 

Sept. 27, 1980

takes over everywhere before names
this taking over of sand hillock and slope
as naming takes over as seeing takes over
this green spreading upreaching thick
fingers from their green light branching
into deep rose, into ruddy profusions

takes over from the grey ash dead colonies
lovely the debris the profusion the waste
here — over there too — the flowering begins
the sea pink-before-scarlet openings
when the sun comes thru cloud cover
there will be bees, the mass will be busy
coming to fruit — but lovely this grey
light — the deeper grey of the old colonies
burnd by the sun — the living thick
members taking over thriving

where a secret water runs
they spread out to ripen

 

 

ON ROBERT DUNCAN

by Michael PALMER

Modern American Poetry

http://www.english.illinois.edu/maps/poets/a_f/duncan/palmeronduncan.htm


 

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ÉPREUVES


Remplacer « chute d’herbes » par
« chante le verbe partir »
puisque la fuite des nuages
nous laisse le paysage hivernal.

Remplacer « violet » par « violent »
juste après
« les plis de ton visage s’appliquent
à contrarier mon désir »

 

 

PROOFS/EPREUVES

(SITE) Terres de femmes

http://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2011/05/robert-duncan-proofs.html

 

 

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CHANT-LUMIERE

 

; époux    la main    les clés    une libre imp-

              rovisation qui garde le constant serment,

                            une musique,

à conjugaisons fixes, notes, les plus lég-

              ères estimations de ravissement d’oreille

naturellement calculées.    Le dispositif

              disparaît en lui-même.

 

Donc, loi :

C’est cette musique à quoi le compositeur se risque,

              joue, percutamment,

              l’état que j’aime.              Une

                            volition.

              S’emparer, dans l’air, de ses figures.

 

 

2 POEMES DE Letters

Traduit de l’américain et introduction par Auxeméry 

http://www.alligatorzine.be/pages/051/zine90.html 

Claude Minière - Poèmes inédits

 

Claude Minière 2.jpg

 

Claude Minière

 

 

 

CLAUDE MINIERE

PoÉsie

 

 

 

Des Dieux et des Hommes

Inédit

2012

 

 

Extrait

 


Vues sur L’Acropole

 

 

                                                                                                      

dans la juxtaposition

  

plus haut la haute cité

                       Akros-polis

plus bas la façade du Parlement

                        dans l’absence muette de liaison

                         dans la révolte

ils se heurtent à un mur

                          à la surface

                          la parole coupée de l’histoire

                                                   Usura

                                           le « dossier grec »

dans la négociation de l’oubli

                                                                        le temple en ruines

                                                                        dans l’éclat de sa blancheur

                                                                        Athéna la tourneuse de chars

 

 

 

 

dans leur séparation leur partition

je ne les vois pas séparés

ils sont côte-à-côte

parés de splendeurs et défauts

tels dieux hommes et femmes

    (les mortels et les immortels)

                                                    Terre et ciel

de la même substance tenue dans une ligne

                                                    côte-à-côte ou trait à trait

 

 

à partir de ce que j’ai sous les yeux commence l’ascension

                                                     commence la plongée

à partir de ce que j’ai avec les dieux

ils demeurent

                        ils chantent à l’orée à l’oreille

                                                       les voix rayées et claires

 

 

et puis il y a longtemps à l’instant

la bataille s’engagea sur la plaine violette

                                                         dans les rues

c’est à l’ordre du jour

à l’ordre et au désordre du jour

                                                          vous y êtes

                                                          vous y étiez déjà

et je porte des guerres anciennes dans mon sang

ici et assis sur les dalles polies

    ici les roses centifolia aux soixante pétales

    au-dessus des jardins s’élève une montagne

                            comme elles s’ouvrent dans leur naïveté

                             diverses sont les lignes de la vie

 

si je me souviens bien

les choses sont venues d’un trait

                              un étrange séisme

 

plus proche le jaune-vert des oliviers aux feuilles talentueuses

les jupes du lierre

                               je m’en souviendrai comme si c’était hier

 

 

 

 

les fleurs se ferment sur le soir

les faits renferment une leçon

                                 quelle histoire ?

 

 

Thucydide voulait « la cause  la plus vraie et la moins avouée »

                                  quelle langue quelle liberté ?

certains peuples trouvaient plus de charme à la tyrannie

 

ils ont été endormis par un charme

                                    (disons un charme)

ils reprennent ce qui leur appartient

                                     et l’air d’un bleu poudreux

                                     l’agitation des pointes

                                     les flèches argentées

 

 

dans les poudres anciennes de la ville

une statue sur la Grand-Place à Lille

une colonne

                     ils l’appellent « la déesse »

mais les dieux sont plus proches en retrait

                      à hauteur d’homme

à Marseille une tête d’Homère

                       passage derrière les paupières

 

 

 

© Les carnets d’eucharis

 

 

 

NOTICE

 

Né en 1938 à Paris, Claude Minière vit aujourd’hui entre Lille et Londres. En une vingtaine de recueils et essais il a développé une œuvre qui traverse la crise de la poésie (de la pensée), de la pensée du divin en notre temps. Il parle donc « des dieux et des hommes ». A paraître : Barnett Newman, retour vers l’’éden (essai). 

 

LES FOUS DU LOUP du jeudi 22 mars au dimanche 25 mars 2012

PROGRAMME

les fous du loup.jpg

CLIQUER ICI

 

 

 

 

Contacts - Infos

 

Site web de La Colle sur Loup : www.lacollesurloup.fr

Office de Tourisme de La Colle sur Loup :

04 93 32 68 36

Site web des Fous du Loup : www.lesfousduloup.org

lesfousduloup@gmail.com

André Chenet : O6 61 24 69 64 (programmation)

Dom Corrieras : O6 59 37 14 90 (communication)

Patrick Emeriau : 06 07 41 96 79 (organisation-logistique)

pateme@hotmail.com

08/03/2012

SALVADOR DALI par Claude Darras (N° Spécial, mars 2012)

Lectures critiques de Claude Darras

 

Je vous salue Dali…

Un contemporain

entre classicisme et avant-garde

 

COUVERTURE DALI.jpg

Mars 2012 © Claude Darras

Les carnets d'eucharis

 

 

Un jour de 1932, dans les toilettes de l’hôtel Saint-Régis, à New York, alors qu’il s’emploie devant un urinoir à « changer l’eau des olives », selon une expression catalane dont il ne dédaigne pas la trivialité, un usager voisin l’interpelle poliment et lui demande son métier. « Artiste », répond-il. « Êtes-vous un bon artiste ? », surenchérit son interlocuteur : « Le meilleur du monde », assure-t-il. C’est ainsi, le nez dans la céramique de l’édicule, que l’Américain A. Reynolds Morse est devenu le plus grand collectionneur de Salvador Dali (1904-1989) ! Fondateur en 1982 à Saint-Petersburg (Floride) du Salvador Dali Museum, cet industriel de Cleveland (Ohio) a transformé l’institution en une fondation Salvador Dali. Lorsque le maître catalan meurt le lundi 23 janvier 1989, deux conservatoires muséaux portent déjà le glorieux patronyme, le deuxième étant le théâtre-musée Dali de Figueras, sa cité natale, en Espagne. Près d’un quart de siècle après sa disparition, un ouvrage d’exception, « Dali, l’invention de soi » (éditions Flammarion), permet de le redécouvrir, au-delà du mythe populaire et trompeur forgé par son talent et ses excentricités. En lisant son auteure, Catherine Grenier, historienne de l’art et directrice adjointe du Centre Pompidou à Paris, le lecteur comprend mieux comment l’œuvre dalinien a transgressé les codes habituels de la vision esthétique et pourquoi il a ouvert de fécondes perspectives aux artistes du XXIe siècle.

 

 

 

 

L’ « Angélus » de Millet obsède l’enfant

 

 

Collines mauves d’herbe sèche et lande couleur de pain grillé, la campagne natale d’Ampurdan peuple l’horizon de ses toiles : la silhouette des maraîchers affairés aux étals du marché de Figueras, le goût de l’eau ferrugineuse puisée au Moli de la Torre, l’église coiffant les maisons de Cadaqués comme un tricorne, les pêcheurs de Port Lligat inlassables à astiquer leurs lamparos, les rochers gothiques du cap Creus. Cette portion de Catalogne dont Louis Pauwels, un des rares familiers de Dali, prétend qu’elle « engendre quantité de lunatiques au caractère fort, fanatisme hérité des Arabes, goût de l’homérique venu des Grecs », cette région ibérique entre mer et montagne reste la patrie dalinienne par excellence où chaque printemps le ramène après qu’il ait campé dans les palaces de Paris et de New York, de Tokyo ou de Rome. Car c’est là, précise encore Louis Pauwels, « qu’il a construit son amour, sa personne, son œuvre, sa demeure ».

 

Salvador Dali est né deux fois. Le père qui porte le même prénom a 29 ans le 21 octobre 1901 quand naît son premier fils, Salvador Dali, lequel meurt le 1er août 1903. Huit mois plus tard, le vendredi 11 mars 1904, le second Salvador (Felipe Jacinto) Dali, troisième du nom, vient au monde à Figueras. Les parents restent inconsolables, et le fils supportera toute sa vie la culpabilité d’avoir pris la place de l’aîné. En 1963, il confie au journaliste et historien André Parinaud : « Ce frère mort, dont le fantôme m’a accueilli en guise de bienvenue, était, si l’on veut, le premier diable dalinien. Mon frère avait vécu vingt-et-un mois. Je le considère comme un essai de moi-même. »

 

Ses parents comptent leurs ascendants parmi la bourgeoisie catalane. Notaire de son état, le père est un libre-penseur, fantasque et colérique, qui ressemble, physiquement, à Benito Mussolini, le Duce de l’Italie fasciste. La mère, Felipa Domenech Ferrés, encourage le talent précoce de leur fils pour l’art décoratif au point de soumettre son initiation à la peinture dès l’âge de six ans à une famille d’artistes fortunés, les Pichot, et plus spécialement Ramon, qui lui révèle Claude Monet et Auguste Renoir. À treize ans, son professeur de l’école de dessin de Figueras, Juan Núñez, lui enseigne les clairs obscurs des eaux fortes de Rembrandt. L’enfant montre une habileté troublante à dessiner et manifeste des dons précoces de… médium. Ainsi, dans le corridor conduisant à la salle de classe, la reproduction de « L’Angélus » de Jean-François Millet le fascine et fomente des rêveries à la faveur desquelles il extrait du sac de pommes de terre du couple paysan en prière le cercueil d’un enfant mort. Vision dramatique et prémonitoire, tant il ignore alors que les conservateurs du musée du Louvre à Paris aboutiront plus tard, grâce aux rayons ultraviolets, à la même trouvaille, une découverte que pressentira le peintre et écrivain russe Kazimir Malevitch en 1911. « L’Angélus de Millet, écrit Salvador Dali en 1933, est aussi beau que la rencontre fortuite sur une table d’opération d’une machine à coudre avec un parapluie » : la formule comme beaucoup d’autres issues de la rhétorique dalinienne fait florès.

 

 

  

Humanités madrilènes avec Luis Bunuel et Garcia Lorca

 

  

Des cheveux longs et des favoris qui lui mangent les joues, un savant maquillage, un nœud ou une lavallière, une veste de velours, parfois une ample et longue cape : le fils du notaire a de qui tenir lorsqu’il est admis, à dix-sept ans, à l’institut San-Fernando, l’école des beaux-arts de Madrid en quelque sorte. Extravagant et brillantissime, l'élève étonne ses camarades, et il les surprend plus encore par les toiles cubistes qu’il peint le soir dans sa chambre. Très tôt, il admire Dürer, Goya, Le Greco, Léonard de Vinci, Michel-Ange et Vélasquez ; ces « modèles » l’inclinent à délaisser l’impressionnisme des premières toiles pour un pur classicisme. L’académisme de l’institution madrilène ne l’empêche pas d’étudier simultanément le futurisme, Giorgio de Chirico, Juan Gris, Pablo Picasso et Sigmund Freud, neurologue et psychiatre autrichien qu’il rencontre à Londres en 1917. Barcelone accueille sa première exposition personnelle en 1925.

 

« L’ombre de Picasso s’est profilée très tôt au-dessus de sa carrière artistique, considère Catherine Grenier. Dali a le sentiment de marcher sur ses traces lorsqu’il est reçu chez les Pichot, puis lorsqu’il installe son atelier à Cadaqués. » « De 1921 à 1927, analyse-t-elle, le jeune artiste entreprend la conquête des mouvements modernes, qu’il aborde conjointement sous leurs différents fronts. Déjà sensible dans ses essais de jeunesse, l’éclectisme est une des caractéristiques de l’esprit entreprenant de Dali. »

 

Dans la Résidence étudiante de Madrid, il se lie d’amitié avec Eugenio Montes (futur journaliste et écrivain, 1900-1982), Federico Garcia Lorca (1899-1936) et Luis Bunuel (1900-1983) avec lequel il tournera, en 1928, L’Âge d’or et Un chien andalou, l’une des œuvres les plus étonnantes du cinéma d’avant-garde. Le poète du Romancero gitano le connaît sans doute mieux que personne à ce moment-là. Garcia Lorca sait percer ses motivations les plus intimes lorsque, libéré de ses extases singulières, son camarade donne du monde des songes et du maquis de ses fantasmes une interprétation énigmatique et complexe au gré d’une finition plastique parfaite. En octobre 1926, lorsqu’il est exclu de l’institut San-Fernando pour avoir contesté à trois professeurs la capacité de noter ses croquis, il a devancé depuis belle lurette l’appel des surréalistes au panthéon desquels il place résolument Max Ernst, René Magritte et Yves Tanguy.

 

 

  

 

1929, l’année de Gala

 

  

Adopté par le groupe surréaliste en 1928, il expose à Paris l’année suivante : il figure déjà au premier rang des créateurs de grand format. Il a rencontré Pablo Picasso à Paris en 1927 (« Je viens chez vous avant de visiter le Louvre », lui a-t-il lancé) et Joan Miro s’est déplacé à Figueras pour mieux le connaître. En cette année 1929, André Breton lui rend visite à Cadaqués accompagné de René Char, de Paul Eluard et de son épouse Helena Devulina Diakonoff (1895-1982). C’est le coup de foudre : il croit reconnaître dans la femme d’origine russe, de dix ans son aînée, la « Galutchka » de ses rêveries adolescentes. Quatre ans plus tard, il épouse celle qu’il nomme Gala, la « Gradiva » (« celle qui avance »). « Je n’existais que dans un sac plein de trous, mou et flou, toujours à la recherche d’un béquille, reconnaît-il. En me collant à Gala, j’ai trouvé ma colonne vertébrale. »

 

Amante et cerbère à la fois, Gala est sa muse, son argentier, son modèle, son manager. Elle négocie avec les galeristes, les marchands, les journalistes et les collectionneurs. C’est elle qui a l’idée de mensualiser son mari, en réunissant dans le Cercle du Zodiaque une dizaine de mécènes dont le marquis de Cuevas et l’écrivain Julien Green. Ils lui versent une rente en échange de l’acquisition d’une œuvre par an.

 

Sa fascination pour Hitler et son ralliement à Franco lui valent d’être évincé du groupe des surréalistes en 1939. Il n’en continue pas moins ses provocations intempestives en soutenant que Jean-Louis-Ernest Meissonier vaut mieux que Picasso, que la gare de Perpignan est le centre du monde et que le franquisme a sauvé l’Espagne !

 

 

 

 

La fortune médiatique d’Avida Dollars

 

  

Salvador Dali possède un sens inné des médias. Il les a tous utilisés du reste, la publicité, l’estampe, le disque, le ballet, le théâtre, la conférence, la céramique, la mode, le cinéma (avec Walt Disney et Alfred Hitchcock). Rien d’étonnant à ce que sa célébrité new yorkaise (il réside aux États-Unis de 1939 à 1948) incite André Breton à l’affubler, en 1940, du surnom anagrammatique d’Avida Dollars. Il lance des parfums, vend des posters et des affiches, fabrique des bijoux et des crucifix, grave de la vaisselle et des bouteilles de liqueur, sculpte des Vénus à tiroirs et des éléphants à pattes d’araignée, utilise la technique photographique et l’image stéréoscopique. Moustaches gominées au miel défiant les lois de la pesanteur, il prononce des conférences fumeuses, parfois clownesques, à des auditeurs épatés d’avance. Pourvu de son étrange canne couronnée d’une tête de canard bleu et orange, il répète sur les plateaux de télévision, ses lèvres minces détachant les syllabes dans une diction abracadabrantesque : « Je suis fou du chocolat Lanvin ! ». Il dialogue avec des scientifiques sur le rayon laser, la cryogénisation, l’holographie et l’ADN. De l’acronyme de cet acide, il s’ingénie à prononcer de façon hilarante le mot « désoxyribonucléique ». Après son admission à l’Académie (française) des beaux-arts en 1978, il se préoccupe de la quatrième dimension (celle du temps) et de la théorie des catastrophes, énoncée par le mathématicien René Thom.

 

Gala meurt le jeudi 10 juin 1982 ; son corps est inhumé dans la crypte du château de Pubol que Dali lui a acheté en Catalogne. Le 26 juillet, le roi Juan Carlos confère au peintre le titre de marquis de Dali y Pubol. Durant l’été 1984, il est gravement brûlé dans l’incendie de sa chambre à coucher du castelet de Pubol : il cesse de peindre. Le lundi 23 janvier 1989, il meurt d’une attaque d’apoplexie à l’hôpital de Figueras. Tous les biens de l’artiste, évalués à quelque 703 millions de francs, sont légués à l’État espagnol ; en 1984, en effet, il avait modifié son testament afin d’exclure de son héritage sa sœur Anna Maria.

 

 

 

 

L’invention de soi, l’invention d’un mythe

 

  

Doué d’une prodigieuse imagination, prisant la théâtralité et la démesure, il déconcerte à travers sa célèbre montre molle qui explose en 888 morceaux, son Christ éclaté en quatre-vingts éléments et ses chaussures aux talons incrustés de diamants. « À six ans, je voulais être cuisinier, aime-t-il à répéter. À sept, Napoléon. Depuis, mon ambition n’a cessé de croître comme ma folie des grandeurs. »

 

« Ne confondons pas son esthétisme avec sa propagande exhibitionniste », tempère cependant son ami Ramón Gómez de la Serna (1888-1963). « Pour moi, soutient l’écrivain espagnol, Dali, l’homme qui déteste les épinards parce qu’ils collent aux dents, est le parfait novateur, le représentant le plus convaincant des temps nouveaux. »

 

Dessin, gouache, huile, aquarelle, gravure, sculpture, lithographie, objet, livre : de l’improvisation tachiste au réalisme de la Renaissance, l’œuvre, techniquement magistrale, est protéiforme. On y trouve le souvenir obsédant des paysages de son enfance, la mise en scène systématique de toutes les formes de délire par la paranoïa critique, ainsi qu’une fascination, toute surréaliste, pour ces territoires situés à la frange de l’humain, où l’épique, le mystique et l’érotique catalysent dans le sublime et la mythologie.

 

« Élaboré pièce par pièce, le mythe Dali est la pierre angulaire de son génie, veut persuader Catherine Grenier, une œuvre artistique qui englobe toutes les autres. Après Duchamp, il est le premier artiste qui, sans cesser sa production créatrice, fait de sa vie une œuvre d’art. Une vie qui semble en tous points contradictoire avec celle de son devancier, mais qui pourtant repose sur un principe identique : repousser les affects, transformer l’artiste-œuvre en une "machine à penser" ».

 

Selon Catherine Grenier, de nombreux créateurs s’inscrivent dans le sillage du maître de Figueras. De Jeff Koons à Damien Hirst, de Takashi Murakami à Francesco Vezzoli, de Markus Schinwald à Glenn Brown, de Bertrand Lavier à Zaha Hadid, les enjeux de la pensée et de l’art contemporains se conjuguent au XXIe siècle avec une réactivation de l’invention dalinienne. Les propositions du héraut catalan et les problématiques qu’elles posent aux artistes d’aujourd’hui, ceux qui l’admirent en tout cas, bénéficient d’une telle mise à distance. Servie par une argumentation savante et didactique, cette mise à distance a l’immense avantage de dépasser le mythe pour atteindre à la vraie connaissance de Salvador Dali et de mieux appréhender certains courants esthétiques qui s’en réclament de nos jours peu ou prou.

 Claude Darras

 mars 2012

 

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