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11/06/2011

Philippe Denis, Petits traités d'aphasie lyrique (éditions Le Bruit du temps, 2011)

Mon art – l’art de lier au fumet du mot juste

les sucs de l’inaudible.

                   Petits traités d’aphasie lyrique, p. 48

 

 

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© Philippe Denis photographié par Violaine Lison

 

 

 

 

L’arbre était là… J’avais bien quelques certitudes quant à son nom. Mais que sont les noms ? Quel savoir se dissimule derrière leur attribution ? Puis on n’en change pas comme de chemise ! Et en changerait-on que la mue ivoire n’arrêterait en rien les reptations de nos identités lacunaires.

 

Je m’égare. L’arbre était donc là…

 

Que d’aises offertes à tout vent ! Il y a quelque chose en lui du clavecin, une palpitation, un égrènement orangé. Son nom est répertorié, abîmé – une banquette élimée de l’Orient-Express. Son nom est roide, militaire, poussiéreux.
Sur d’autres continents son fruit est noir, insipide ou presque ; immergé pendant vingt ans dans un bocal, il en sort des pandémies qui, en d’autres temps, faisaient la joie des enfants.

 

Celui-ci ne portait aucun fruit.

 

Je suis certain qu’il est célébré sur les contreforts aristocratiques de l’Himalaya. Qu’il est un adjuvant universel, qu’il adoucit les thés nicotineux dans des verres tulipe et que la main d’Hermès a tremblé comme jamais devant l’occasion du forfait.

 

Son nom, chez nous, le kaki (…)

                   Petits traités d’aphasie lyrique, p. 74/75

 

 

Yves Bonnefoy écrit dans sa préface à Nugae : « Il y a chez Philippe Denis de livre en livre quelque chose comme un journal du regard errant par le monde, lui-même parlant volontiers de cahiers, de notes pour qualifier ses écrits. » Les Petits traités d’aphasie lyrique n’échappent pas à la règle. S’y mêlent notations, haï-ku, traductions, poèmes plus amples (en prose) célébrant le pays où il vit. Il s’agit toujours de rendre compte d’un enseignement : celui que prodigue chaque jour l’attention aux choses du monde ou, lorsqu’il s’agit de langage, à une langue encore perçue comme étrangère. Lire la suite

 

 

Les éditions Le Bruit du temps

 

03/06/2011

Voyager avec Annemarie Schwarzenbach – La Quête du réel

 

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« Ce que je me demande - et de façon chaque jour plus obsédante -, c'est si les gens perçoivent clairement le sens de ce qui se passe, s'ils se rendent compte qu'il ne s'agit pas ici simplement du triomphe provisoire d'un courant détestable, mais qu'on a là un peuple tout entier [...] en train de s'engager sur cette voie pour des années, emporté par un mouvement de fond indéniablement puissant. »

 

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A.S. à Lenzerheide, en 1940, par Marianne Breslauer

 

 Quatrième de couverture

Annemarie Schwarzenbach se disait marquée par «la malédiction de la fuite». Soucieuse de prendre ses distances avec un milieu familial oppressant - la grande bourgeoisie zurichoise -, elle illustre aussi le «déracinement historique» de toute une génération après l'effondrement des valeurs causé par la Première Guerre mondiale. Journaliste et photographe, elle sillonne l'Europe des années 30, observant avec effroi la montée des périls, en Espagne, à Moscou, en France, en Allemagne où grossit le «nuage noir» du nazisme. Aux États-Unis, en proie à la Grande Dépression, ses reportages dénoncent l'injustice sociale. L'Amérique peut-elle être un modèle pour l'Europe ? Elle en doute. Les articles qu'elle publie dans la presse suisse, les lettres qu'elle adresse à ses amis (dont Klaus Mann), traduits pour la première fois en français, témoignent d'une conscience exigeante et douloureuse. En Afrique, en Asie, Annemarie Schwarzenbach poursuit une quête intime de sens, de vérité. C'est en Orient, pour elle, que «bat le coeur du monde». Ses voyages au Congo, en Turquie, en Perse, en Irak, en Afghanistan avec Ella Maillart sont comme un retour aux origines - origines de l'Europe, innocence originelle d'une humanité qu'elle voit ailleurs emportée par un soi-disant progrès qui se révèle trop souvent facteur d'abaissement. Sous ces cieux-là, en de rares instants de plénitude, cette mélancolique invétérée communie avec la «joyeuse sérénité de la terre». Dominique Laure Miermont et Nicole Le Bris proposent la première réflexion approfondie sur l'itinéraire intellectuel et moral de cette femme attachante qui n'aura eu que trente-quatre ans pour «promener sur cette terre son beau visage d'ange inconsolable», selon la jolie formule de Roger Martin du Gard.

 

 

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Voyager avec Annemarie Schwarzenbach – La Quête du réel

Textes choisis, présentés et traduits de l'allemand par Dominique Laure Miermont et Nicole Le Bris, Editeurs Quinzaine littéraire & L. Vuitton, 2011

 

 

Eric Bourret & François Weil - Elévations

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Exposition du 17 juin au 5 septembre 2011

DNR galerie, village des antiquaires de la Gare
84800 l’isle sur la Sorgues

 

27/05/2011

Allen Ginsberg & Robert Lowell

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Allen Ginsberg and Robert Lowell at St Mark's Church, New York City, February 23, 1977.

 

26/05/2011

Pierre Bonnet, tout près de là, éd. Cardère, 2011

 

Le haut du bas

 

C’est l’humeur de l’humus

Qui donne aux pieds la fermeté

D’une marche longue

Sur des prairies cailloutées

 

L’humeur de l’humus

Harnache des lanternes

Du sommeil

 

D’un chemin sans raccourci

Sans possibles de bohême

Sans ailleurs ouverts :

Un chemin de frontières

 

La terre je la retourne

Je la foule je la désire

Je la cherche vers le haut

Je la chevauche

Les yeux aux savates

Et mon élan ailé

Pour les envols

 

Mes pieds ronds

Encourent l’éternité

Une vie de plomb

Alors que l’or

Ailleurs

Assure sa renommée

 

L’humus ami

A cette heure sauvage

Fait entrer la marche

Dans les constellations

Du sol

 

 

Cardère éditeur

42 rue du Pont de Nizon

F-30126 LIRAC

Tél : +33 (0)4 66 79 90 42

Fax : +33 (0)9 72 13 11 11

 

http://www.cardere.fr/

Serge Plagnol, peinture & dessins

GALERIE A PAIRE PLAGNOL.jpg

Galerie Alain Paire

Ovide D'Orphée à Achille, Les Métamorphoses, livres X, XI, XII - Editions Nous - Traduit et présenté par Marie Cosnay

Pour toi pleurent les oiseaux tristes, Orphée, et la foule des bêtes,

Pour toi les cailloux rudes et les forêts qui ont suivi tes poèmes

Pleurent. Pour toi l’arbre laisse son feuillage,

Tond ses cheveux, prend le deuil. Les fleuves aussi, dit-on,

Grossissent de leurs larmes et les Naïades et les Dryades

Repoussent les voiles sous l’habit noir et lâchent leurs cheveux.

Les membres gisent un peu partout. Fleuve de l’Hèbre, tu reçois   

La tête et la lyre. Et, miracle, pendant qu’elle glisse au milieu du fleuve,

La lyre pleure je ne sais quoi de triste, quoi de triste la langue

Sans vie murmure et les rives répondent je ne sais quoi de triste.

 

 

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NOBIS 

une collection de nouvelles traductions de textes de l’antiquité.

Le pari de traductions à lire, aujourd’hui, comme des textes à part entière.

 

Dirigée par Marie Cosnay et Myrto Gondicas.

 

 

www.editions-nous.com

Fabienne Raphoz, Jeux d’oiseaux dans un ciel vide augures (éditions Héros-Limite, 2011)

 

NOTE DE LECTURE

 

 

 

 

 Fabienne Raphoz couverture.jpg

 

 

par Tristan Hordé

 

 

 

 

         Voici un livre singulier, écrit par une passionnée des oiseaux (1), s’ouvrant sur une page explicative titrée "Quelques précisions — peut-être" qui, bien qu’elle introduise les distinctions d’ordre, famille et espèce, n’est pas la présentation d’un livre d’ornithologie. Le lecteur apprendra sans doute à propos des formes, couleurs, habitat, etc., des oiseaux, mais le propos n’est pas scientifique. Ou, si l’on préfère, puisqu’il s’agit d’un livre de poésie, la poésie travaille ici des matériaux divers ; des ouvrages savants est tiré et réécrit le fond du livre (les augures, à gauche), s’y ajoutent des fragments de dits traditionnels, de livres de voyage, etc. également recomposés, des citations, le tout lié par les notions venues de la classification du vivant. Enfin, s’introduisent  dans cet ensemble des textes de Fabienne Raphoz, de dimensions très variables — quelques vers, quatre pages —, souvent datés et avec une indication de lieu, textes qui marquent une distance entre la poésie et la connaissance, distance qui semble presque effacée dans le plus gros du livre : la première page ne porte-t-elle pas en exergue une citation du paléontologue George Gaylord Simpson, « La taxinomie, qui est la mise en ordre par excellence, possède une éminente valeur esthétique » ?  

 

         Aux "jeux d’oiseaux dans un ciel vide" (le ciel de la page ?) répondent ceux d’oiseaux qui l’emplissent :

 

         « Comment remplir le ciel ?

 

ne jamais se poser

 

le bleu fantôme les écrit partout » (p. 111)

 

"les" désigne les martinets, dont le nom apparaît en anglais (Swift) dans le titre, "Swiftizzall"(= « Swift is all »). En poursuivant l’image ciel / page, on  pourrait dire que le livre est une immense volière, sans dimensions définies, susceptible de réunir tous les oiseaux, y compris ceux qui sont en danger de disparaître et ceux que les hommes ont exterminés, comme cela est mentionné systématiquement (par exemple : Le Pluvier roux le Pluvier de Sainte-Hélène sont en danger / Le Vanneau hirondelle est éteint (p. 71)), les oiseaux, comme la plus grande partie des êtres vivants, étant  dans nos sociétés des marchandises : « Vingt millions de perroquets sont en captivité. / Plus l’espèce est en danger, plus sa cote est élevée. » (p. 90). Tous les oiseaux réunis : ceux de la préhistoire et ceux rencontrés au Crest, à Paris, au Costa Rica, en Savoie, etc., ceux évoqués dans les traditions populaires (Indiens d’Amérique ; hittite : française : Sébillot ; etc.), dessinés par le naturaliste (Audubon), présents dans un poème (Thoreau, Char, Shelley, Emily Dickinson, Du Bartas, Cummings, etc.), ceux liés à un contemporain de Fabienne Raphoz (Claude Adelen, Éric Sautou) ou à une personne proche (« La nonette a fait écrire un beau livre à Caroline », p. 176, « Le Rouge-gorge de Caroline SD s’appelle Blanchot », p. 162 — Caroline Sagot-Duvauroux) . Tous les oiseaux du monde : avant le Livre I, "Uccelli" (2), un poème est constitué par l’écriture du nom « oiseau » dans plus de cent langues. La nécessité qu’il y aurait de les nommer tous dans cette « randonnée en l’honneur      de l’oiseau » (p. 207) tient sans doute au fait que les oiseaux symbolisent plus que tout autre vivant le monde naturel — ils sont présents partout, sur terre, dans le ciel — en tant qu’il n’est pas une réalité simple, qu’on ne peut lui assigner de limites :

 

 Le Colibri pampa

porte le ciel au front

la forêt sur le dos

les nuages à la gorge

et

dessine l’infini

25 fois par seconde

 

(p. 109). Si l’on se souvient que les oiseaux sont l’ancêtre de l’homme, on comprend que leur proximité avec le ciel les transforme, avec un jeu sur la couleur du plumage, en voleurs de feu, qu’ils transmettent à l’homme :

 

le roitelet a pris le feu du ciel

s’est pris dans ses ailes

au rouge gorge l’a passé

s’est pris dans sa gorge

à l’alouette l’a passé

l’a donné aux hommes

 

(p. 144)

 

Les caractérisations des oiseaux sont, comme l’ensemble des noms, en quantité indéfinie ; de chacun est retenu un élément distinctif qui, souvent, n’a rien d’encyclopédique :

 

« (Trogloditydés)

En Europe nous n’avons que le mignon

Tous les troglodytes sont un peu roux

Tous les troglodytes lèvent la queue en chantant

Tous les troglodytes ne sont pas toujours des troglodytes

Le troglodyte est le roi des haies

Le troglodyte est le roi de l’hiver » (p. 154)

 

         L’usage de l’anaphore, comme celui très régulier du parallélisme des constructions, introduit un rythme et suffit à éloigner (sans l’effacer) le caractère didactique de certains énoncés. Mais la seule énumération de noms construit souvent une série sonore séduisante et étrange : « Éroesses couturières dromoïques bathmocerques camaroptères éminies apâlis prinias sont des cisticoles qui l’eût cru ? » (p. 169). La question « qui l’eût cru ? » marque une distance et introduit l’énonciateur dans le texte. Sa présence se manifeste à d’autres endroits de manière variée, par exemple par l’allusion à l’activité d’éditeur de Fabienne Raphoz et Bertrand Fillaudeau : le vers « Troglodyte est le nom d’un personnage de La Route fantôme », (p. 154) évoque un livre de Frédéric Cosmeur édité en 2007 aux éditions José Corti ; le renvoi est aussi transparent dans « Le Cincle d’Amérique est très aimé de John Muir et de ses éditeurs français » (p. 148). Ailleurs, la trace du « je » est visible par la marque verbale : « Le Pipit maritime est le moineau domestique de Penn Arlan Ouessant (et d’autres îles mais n’y étais pas) ».

Enfin, un long poème, "Au merle de mon jardin", en même temps qu’il réunit une partie de ce qui est vivant (oiseaux, bien sûr, et autres animaux, et plantes — image d’un éden : « Paradise indeed in the hidden garden », p. 188, dans un autre poème), exprime la relation du "je" aux oiseaux (« un jour le merle de mon jardin comme le Merle de Grand Caïman éteint je le chialerai », p. 160) et précise la place du sujet dans ce monde foisonnant : « le merle de mon jardin n’est sûrement pas mon merle, comme mon jardin n’est finalement pas mon jardin » (p. 160). On retrouvera la fonction particulière du merle et de ce jardin dans le livre : pour ne retenir qu’un passage, « Puisqu’il faut bien mourir alors mourir sue le chant du Sirli du désert […] sur le chant du Rossignol Philomèle (ou sur le chant du merle de mon jardin) » (p.144 ; voir aussi p. 70).

         Tous les oiseaux du monde, ai-je écrit ; toutes les variations aussi les couleurs, mais l’une seule peut être retenue, jeu de l’anaphore et du parallélisme de la construction qui rapproche de la litanie :

 

Le bleu de la tête du Motmot à tête bleue

est plus bleu que le bleu de Fra Angelico

Le bleu de la tête du Motmot à tête bleue

est plus bleu que tous les bleus de terre

Le bleu de la tête du Motmot à tête bleue

est l’expression du bleu dans la densité du vert

Le bleu de la tête du Motmot à tête bleue

est l’expression du bleu entre ciel et terre

Le bleu de la tête du Motmot à tête bleue

Le bleu de la tête

 

Le bleu

 

(p. 116). Les langues sont  parfois mêlées, traduisant la variété des lieux, mais se construit ainsi une langue très particulière. Des désignations sont simplement juxtaposées : « L’engoulevent est un Tête-Chèvre un Succiacapre un Chotacabras a Goatsucker ein Ziegenmelker », ou des éléments de langue différentes constituent le poème : « […] la cellule dans la vase bouillonnante // all over again ? // .. // .. // .. // vielleicht » (p. 107 ; les //  figurent un espace double). Fabienne Raphoz revendique « un rapport passionnel avec l’anglais » (p. 160) et ses deux poèmes écrits en anglais le prouvent. On  lit dans ce goût de juxtaposer des langues le même plaisir à associer les mots, mots qu’elle n’hésite pas à créer quand besoin est : « Les souimangas colibrient l’Afrique » (p. 178), « Le véloce se maghrèbe en hiver / Le fitis subsahère son moteur sur le point de caler / Les pouillots vélocent le bord de l’Arve […]» p. 172), « grecquerait guerre » (206), « effontièrent la limite » (p. 146), etc. Ou à reprendre des termes régionaux : « Le Canard souchet est un bec en cuillère un louchard un barbelle une cuillerasse une goule large un rouge de rivière » (p. 43). Trouble du lecteur : ignorant tous les noms d’oiseaux, il ne sait plus si un mot est une unité de sa langue (La sitelle truffle) ou une création (verdiens pirsons).

 

         Henri Pichette et, d’une façon différente, Jacques Demarcq (3), ont récréé (onomatopées ou verbes) les chants de quelques oiseaux. Fabienne Raphoz, qui suit cette voie ici et là (« Chi ! riou ! Chiou ! c’est moi qui suis le roi, / dit parfois le troglo à dos d’aigle au roitelet », p. 154), sait comme ses prédécesseurs l’impossibilité de la transcription, mais elle propose un "poème de lettres", qu’on peut lire pour les bruits des oiseaux en vol :

 

                                               snn ! snn ! cnsnn !

                                                        !

                                               n jr ps l’tmps

                                                           d slr L verdr

                                                                       :

                                                           fffftttttttzzzzzzz

                                                           fffftttttttzzzzzzz

                                                               llw wngs

 

etc., (p. 197). Que l’on puisse dans cette suite recomposer des mots (temps, wings, etc.) conduit à signaler l’extrême richesse de la mise en pages : emploi de différents corps, jeu de l’italique et du romain, fer à gauche-fer à droite, emploi de colonnes, fragments suscrits, et dispositions complexes sur la page. Rien de calligraphique dans tout cela qui  dessinerait une figure de l’oiseau, mais recherche de rythmes, volonté de proposer une lecture des mots et des blancs, dans la lignée par exemple (mais différemment)  de Reverdy et du Bouchet.

         On n’a fait ici que retenir des bribes de ce Jeux d’oiseaux…, il faut le lire et relire comme tout vrai livre de poèmes. Terminons avec le dernier poème titré "L’oiseau bleau" (mot-valise : beau + bleu ; et/ou bleu + allemand blau, « bleu »), qui réunit création verbale (création amusée), répétition (« bleu ») et énumération jusqu’au vertige :

 

Dans les deux livres [Uccelli et Uccellini] l’invisible est randonnée 

dans la coda impossibleu n’est contoiseau 

 

L’aigrette bleue le Lori nonette le Lori ultramarin le Ara hyacinthe le Ara de Lear le Ara glauque le Ara de Spix le Ara bleu le Touraco géant le Coua bleu le Martin-chasseur à longs brins le Martin-chasseur de Kofiau le Martin-chasseur de Biak le Martin-chasseur à poitrine bleue le Martin-chasseur bleu noir le Martin-chasseur des Moluques le Martin-chasseur Iazuli

(etc)

 



1  Fabienne Raphoz, qui dirige avec Bertrand Fillaudeau les éditions José Corti, a publié en 2009 L’aile bleue des contes : l’oiseau, Anthologie suivie de « l’oiseau-monde : une omniprésence » (2009), recueil de contes dans la collection "Merveilleux" qu’elle a créée.

2  Uccelli pour les gros oiseaux ; le livre II, "Uccellini", concerne les petits oiseaux. Le choix est justifié par l’absence de cette opposition en français — elle n’existe pas non plus en anglais.

3  Pour Henri Pichette, voir notamment "Litanies des oiseaux", dans Cahiers Henri Pichette, 2, "Les enfances", Granit, 995, et pour Jacques Demarcq (cité dans "Au merle de mon jardin", Les Zoziaux,  éditions NOUS, 2008, et "Exquis disent ?", dans Nervaliennes, José Corti, 2010.

John Cohen, Galerie la non-maison

à Paris...

www.galerielanonmaison.com

 

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à Aix en Provence...

www.galerielanonmaison.com

 

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Jean-Claude Villain, Ithaques (éd. Le Cormier, 2011)

Rougeur du crépuscule. Des oiseaux le chant soudain s’est tu. Miroitement d’écailles. Ou de cristaux qui sait. Sous la mer des pépites de sang durci fondent. Contre des blocs de sel. Ailes détachées de quel carnage. Des plumes effritées flottent. Sur quelle brume saumâtre. Le glas du jour a sonné. A eux la prière. Mais à la mer. Toi. Tu retournes.

(p. 44)

….

Lentement la lumière. Chute. Vibrent les dômes immaculés. Seins en rebonds d’éclats. En pépites de clarté. Fondues dans le crépuscule. A tes narines un parfum. Fleure l’évidence. T’indique ton ultime port. Une épine dans le ciel. Ne tourmente plus. Tes vives cicatrices. Ici toute beauté t’interdit. Tu resteras donc. Jusqu’à ton souffle éteint. Jusqu’à ton dernier trou. En terre la lumière. Noire te portera. Dans sa chaude. Et invisible. Lueur.

(p. 61)

 

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20 exemplaires numérotés et signés sur Rives Shetland,
enrichis d’un pastel de Marie-José Armando : 120 €
480 exemplaires sur Munken Print : 16 €

 

 

Quatrième de couverture

La célébration de la mer et de la lumière méditerranéennes, fréquentées en certains lieux élus par le poète, travaille ici doublement le texte poétique : par l’exultation d’une communion avec le monde et l’exercice de la lucidité. L’aventure intérieure qu’elle induit oscille entre la face claire d’une contemplation sans cesse renouvelée et la face obscure d’une expérience tragique telle que la Méditerranée la suscite depuis des millénaires. Ce livre, qui s’apparente par sa progression rythmique et syncopée à une partition musicale, propose un parcours initiatique conduisant à la tentation du silence : à la fois mutisme résultant d’une captation contemplative et conscience accrue de la vanité des mots. Empruntées à Constantin Cavafy, les Ithaques suggèrent ce rapport entre initiation et aboutissement, tout en exprimant les territoires symboliques où peuvent conduire les odyssées.

 

L’auteur

Jean-Claude Villain, né à Mâcon en 1947, vit entre le Var, sur une colline à proximité de la mer Méditerranée, et Sidi Bou Saïd en Tunisie. Sa venue dans le Sud est l’expression géographique d’une quête sensible et métaphysique. Le Sud profond qu’il cherche — soleil, lumière, mer, sensualité des corps nus sur le sable de l’été, mais aussi plus grande proximité du tragique — est certes méditerranéen, mais pas plus en Provence qu’en Espagne, en Italie, en Afrique du Nord ou en Grèce.

Il a publié une trentaine de recueils de poèmes, ainsi que des nouvelles, des essais, des pièces de théâtre, des chroniques et des livres d’artistes réalisés en collaboration avec des plasticiens. Certains de ses textes ont été traduits en italien, espagnol, anglais, allemand, grec, arabe, roumain, bulgare, lituanien, hébreu, tamazight et chinois.



 

Site des éditions Le Cormier

Site de Jean-Claude Villain

Jean-Claude Villain sur le site Terres de femmes

07/05/2011

Carnet d'eucharis n°28 (mai/juin 2011)

Les carnets d'eucharis n°28_mai&juin 2011.jpg

[SOMMAIRE………]

 

Natacha Rambova

Actrice du cinéma muet américain

 

John Cohen

Réalisateur Photographe Artiste folk GALERIE LA NON-MAISON

 

DU CÔTÉ DE…

Daniel HachardLa Chair, L’Autre, Le Soleil

Bernard MancietL’Enterrement à Sabres

 

EDITIONS FLAMMARION MARIE ETIENNE Le Livre des recels

EDITIONS DE CORLEVOUR PASCAL BOULANGER le lierre la foudre

 

AUPASDULAVOIR

SABINE PEGLION Derrière les grilles du parc & Girl with earings

 

■■■ Anthologie numérique

Quels infinis paysages ? Publie.net ■■■

 

Erich Fried

écrivain et poète de langue allemande

 

E. E. Cummings … (extrait de FONT 5)

 

SITESPOESIE

Fabienne Raphoz  sur le site TERRES DE FEMMES

 

Jeux d’oiseaux dans un ciel vide augures, Une lecture de Tristan Hordé

Arman et la grande parade des objets Une analyse critique de Claude Darras

 

REVUE

PHOENIX Janvier 2011 N°1


 

   

Au format livre numérique/CALAMEO

 


 Au format PDF logo pdf.jpg Les carnets d'eucharis n°28_mai&juin 2011.pdf

05/05/2011

La Petite Librairie des Champs (14 & 15 mai 2011)

SAMEDI 14 MAI 2011

à Boulbon

 

 

la petite librairie des champs.jpg

 

Journée de rencontre avec le Scriptorium

 

10h30 à 12h30 : déambulation « ÉCRITS AU FIL DE L’EAU »  à partir de la place principale de Boulbon en passant par la bibliothèque

 

Les poètes du Scriptorium (Dominique Sorrente, Valérie Brantôme, Angèle Paoli, Olivier Bastide, André Ughetto,…) lisent des textes sur le thème « Écrits au fil de l’eau » au cours d’une pérégrination dans le village, marquée par plusieurs haltes. Les participants sont invités à partager des textes tirés de leur bibliothèque ou de leur crû…

 

12h30 à 14h : repas tiré du sac à la Petite Librairie des Champs

 

14h30- 16h30 : à la Petite Librairie des Champs Lecture-débat sur le thème « Poésie, vous avez dit collectif ? »

 

débat animé par Yves Thomas et Olivier Bastide.  Lectures extraites du livre collectif « Le Scriptorium, Portrait de groupe en poésie », BoD 2010.

 

 

DIMANCHE 15 MAI 2011

à 15 heures à la Petite Librairie des Champs

 

Rencontre avec l'éditeur de NIHIL OBSTAT, Elise GRUAU et trois poètes des éditions LANSKINE : Jacques ESTAGER, Paul de BRANCION et Nathalie RIERA.

 

je ne suis plus l'absente de Jacques Estager est un voyage dans un temps incertain. Une écriture singulière qui nous emmène dans le silence du soir.

 

Temps mort de Paul de Brancion est une méditation sur le temps et la modernité.

 

Puisque Beauté il y a, de Nathalie Riera, est "le couronnement du jour qui passe". Chaque minute est sujet d'étonnement, chaque vie, si humble soit-elle, est l'objet d'un chant.

 

 

La Petite Librairie des Champs

Le moulin brûlé

04 90 43 94 82 ou 06 26 41 70 42

 

 

 

Sylvie Durbec

Le Moulin Brûlé

13150 Boulbon

France

durbec.sylvie@orange.fr

04 90 43 94 82

06 26 41 70 42

http://lapetitelibrairiedeschamps.blogspot.com

28/04/2011

Michael PALMER, Première figure (vient de paraître aux éditions José Corti)

michael palmer.jpg

Photo : sur le site Poetry Center

Michael PALMER, Première figure,
éditions Corti, 2011
Traduit de l'anglais par Éric Suchère et Virginie Poitrasson

 

Très cher lecteur
Il peignit la montagne maintes et maintes fois
de là où il était dans la grotte, bouche bée
devant la lumière, son absence, le crâne
recouvert aux creux de teinte bleu, comme
un oiseau troglodyte arrachant des baies du feu
ses cheveux enflammés et ainsi de suite
de la citronnelle dans un verre de café transparent.
Très cher lecteur il y avait des arbres
faits de fil de fer, de larges entrées
sous les balcons sous les flèches
tête juvénile viens te reposer dans la prairie
au bord du sentier de gravier, corps
immobile de liquide laiteux
ses cheveux enflammés et ainsi de suite
couloirs successifs, tapis fleuris et portes
ou la photographie de rien sinon des pigeons
et des quiscales à l’ombre d’une fontaine.

 

 

Le poète Michael Palmer est né à New York en 1943. Il vit actuellement à San Francisco.

Il est l’auteur d’une vingtaine de livres dont une quinzaine de poésie. Il a reçu le prix Wallace Stevens en 2006, une des plus importantes récompenses, pour la totalité d’une oeuvre. Son influence est très grande aux États-Unis. En France, plusieurs de ses livres ont été traduits dont Sun (aux éditions P.O.L.) et Notes for Echo Lake (aux éditions Spectres Familiers). On pourrait dire que son oeuvre explore la nature des relations entre le langage et la perception. Sa poésie, bien que semblant abstraite – puisque partant du langage – est en fait profondément lyrique. Première figure date de 1984 et fait partie d’une trilogie qui comprend justement Notes pour Echo Lake (1981) et Sun (1988). Cette trilogie peut-être considérée comme le chef d’oeuvre de Palmer et la traduction du volet central manquait donc au lecteur français.

José Corti

 

H.D., Trilogie (vient de paraître chez José Corti)

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H.D., Trilogie,
éditions Corti, 2011
Traduit de l'anglais par Bernard
Hoepffner

 

 

 

 

Un incident ici et là,
grilles confisquées (pour les canons)
dans ton (et mon) vieux square :


brume et gris brumeux, pas de couleur,
mais abeille, poussin et lièvre de Luxor
poursuivent un but inaltérable


en vert, rose-rouge, lapis ;
ils continuent à prophétiser
depuis le papyrus de pierre :

là-bas, comme ici, ruine ouvre
la tombe, le temple ; entre
là-bas comme ici, aucune porte :

le lieu saint est ouvert au ciel,
la pluie tombe, ici, là-bas
le sable glisse ; l’éternité endure :

ruine partout, or comme le toit tombé
laisse la chambre scellée
ouverte à l’air,

ainsi, dans notre désolation,
des pensées s’éveillent, l’inspiration nous traque
dans l’obscurité

 

José Corti

 

10/04/2011

Pascal Boulanger, le lierre la foudre

 

 

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L E POÈME de Pascal Boulanger est sur la page, avec son titre, souvent sa dédicace, comme un tableau de chevalet qui, à travers les noirs et les trouées lumineuses, souhaite créer un effet abîme.

Et il nous pose ces questions : comment poursuivre son existence en refusant les rythmes violents de l’Histoire ? Comment se libérer de la temporalité et de la mondanité tout en étant soucieux d’un monde pris dans sa part d’abjection et de gloire ?

À travers cette suite de poèmes, Pascal Boulanger poursuit son questionnement sur notre temps, celui du Dieu en retrait et celui de la détresse. Mais l’expérience du défaut de Dieu n’est pas celle de sa radicale absence. Marqué par les travaux de Léon Chestov, de Nicolas Berdiaev ou encore de René Girard, Pascal Boulanger affirme que le présent du poème doit soutenir ce deuil et tendre, dans la tension de la pensée, vers une possible espérance.

Dans un monde qui semble espérer contre la beauté des choses, c’est une métaphysique de l’exil et du refus qui se dessine ici. Mais la mise en scène du négatif n’est pas elle-même le négatif puisqu’elle tente de le traverser et de le dépasser en faisant du moindre fragment de l’univers un éveil au sens et aux sensations.

La figure du Christ, souvent présente, renvoie aussi bien aux leçons d’agonie qu’à la gloire vibrante du jour car rien n’est plus beau – comme le dit la phrase de Kierkegaard placée en épigraphe – que la promesse de l’impossible.

Si le poème est l’invention d’une autre scène que celle des convulsions sans fin du monde, la fresque proposée dans ce livre dévoile les paradoxes et fait entendre les déchirures et les impasses de notre époque. Cette scène n’en montre pas moins la merveille du simple, le surgissement de l’inattendu et la grâce d’un présent qui s’offre dans sa présence.

 

Pascal BOULANGER est bibliothécaire en région parisienne. Il a publié articles et poèmes dans des revues telles que Action poétique, Artpress, Europe, La Polygraphe... Parmi ses derniers livres – recueils ou essais : Un ciel ouverten toute saison (Le corridor bleu, 2011), Jamais ne dors (Le corridor bleu, 2008), Fusées et paperoles (L’ Act Mem, 2008), Suspendu au récit... la question du nihilisme (Comp’Act, 2006), Jongleur (Comp’Act, 2005).

 

 


 

EXTRAIT

 

 

SARAH

 

Dans la ville

            rien ne change

le boniment mondial de la publicité

le gauchisme comme réponse mimétique au fascisme

la magie quotidienne du mal

Pourtant

            dieu ne prend pas plaisir au sang

            le détachement se gagne par le haut

            le sublime est musical

 

comme ici

quand le chant qui s’élève du parvis

prend la fuite

dans l’église décorée en salle des fêtes

quand la chute

 

                                   abrupte

                                   soudaine

                                   inattendue

ressuscite Sarah

dans la lumière de Chagall.

 

 

 

 

 

Editions de Corlevour

Parution en mai 2011

 

Pierre Seghers

Comme une main qui se referme

Poèmes de la résistance 1939-1945

 

 

 

Tandis que les charpentiers

Font sauter la coque du monde,

La salamandre

- Qui voit son feu devenir cendres –

Se réchauffe au dernier tison.

 

            *

 

On voit

Les caméléons

Passer du rouille au vert

Sur la même fleur.

 

            *

 

L’automne était un animal

Qui avançait à reculons.

 

Dédicace 1943

A François Lachenal

 

 

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Editions Bruno Doucey

 

James Noël, Des poings chauffés à blanc

 

Tombés pour rien

 

Tombés pour rien

entre le temps qui perd pied

par la racine des arbres

et la rature lumineuse

en éclair de la foudre

 

tout est désert en plein jour

il importe vite de respirer

aspirer en toute urgence

notre ration d’air sur la terre

ce poumon du dehors

et toute notre déraison

de vouloir prendre souffle

 

tout est prison

et fil de fer au fil du temps

rien d’autre

que des parenthèses

entre les lignes

 

nous voici devant la foudre

tombés

pour rien

 

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Editions Bruno Doucey

09/04/2011

Gerard Manley Hopkins

 

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Gerard Manley Hopkins © Source visuelle : internet

 


 

 

 Havre de grâce

Une religieuse prend le voile

 

 

            J’ai désiré aller

            Où ne tarit l’eau vive,

Aux champs que nulle grêle acérée ne fustige,

            Où s’ouvrent quelques lys.

 

            J’ai quêté d’habiter

            Où nul vent ne fait rage

Là où la houle glauque est muette dans les havres,

            A l’abri du roulis des mers

 

 

Heaven-Haven

A nun takes the veil

 

 

            I have desired to go

            Where springs not  fail,

To fields where flies no sharp and sided hail

            And a few lilies blow.

 

            And I have asked to be

            Where no storms come,

Where the green swell is in the havens dumb,

            And out of the swing of the sea.

 

 

 

 

Gerard Manley Hopkins, « Poèmes et proses », éd. du Seuil

(traduit par Pierre Leyris)

 

Bernard Manciet (1923-2005)

 

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Bernard Manciet © Photo : Pascal Fellonneau

 


 

 

 Sanctus, LXIII (extrait)

 

 

Chaudière de pâleur et sureau en fleur grand ouvert

et rose d’âme patène

maintenant hautaine puis effondrée et enflammée

en secret rayonnante angélique répandue – bouche

comme une prairie de vent

qui se mire longuement dans son épaule

dans son ourlet fuyant lune et talon

peuple : une rose d’insomnie

où se fait l’ombre et plus ombre que l’ombre

jour maintenant et plus que jour semences

soit le monde pétri au songe

soit enseveli dans notre vue intérieure

ou songe de toute notre chair pétrie silencieuse

ou songe enseveli au songe des grandes choses

le songe monte des bas-fonds

sauvage

d’itinéraires étoilés anges et dieux

tombés dans la toupie – beaux enfers nécessaires –

chute éclair architecte

et l’Homme fait homme

par l’arbre

de braises qui descendent

insurrection candide

rose par colonne et colonne d’ailes

ordre vivant

d’où vivants nous sommes ciel vif

comme procède rose de la rose

Tu es couvert de pétales

pour l’exclamation de tes essieux

qui t’inondent et de lustre nous sommes

comme d’ombres couverts

toutes formes hâtées

tous muscles raisonnables

pour enfin cet Archet

feu dévêtu de flamme

feu dépouillé des pétales du feu

sans risquer Dieu si Dieu n’est que le risque

et langue et lune-archet

corps toute langue et lune

lucidité de hasard

 

Bernard Manciet, « L’enterrement à Sabres », éd. Poésie/Gallimard, 2010, (pp. 235/237)

 

 

Mensa Tremenda (extrait)

 

 

Mais frêle

comme de la glace en avril

ou de la neige sur l’étang

elle s’y pose sans rien dire

comme un peu de lumière

haleine sur la nuit

 

ce narcisse sans fard

 

sur les eaux-mères

des sept sources scellées

 

l’agneau dans le Lion

une vivante paupière

 

dans le feu d’étoile comme un soleil fragile

- ne tremble pas comme ça –

au  creux du bruit de soleil

un agneau de regard

un dieu de pressentiment

un dieu qui se murmure

 

un matin un agneau dans le soir de force

ourlet d’aube sans fin

fragile puissance

midi de givre

quadruple sans nombre

pétale antérieur

à la rosée

les péchés neigent en saisons

 

source de la mer elle sort titubante

Juda sort de sa proie

et du tremblement de la treille

quelque fragile éclair

 

du péché un feu prince

du vin lourd laine et lin

 

le Lion rieur a rassasié l’agneau

 

à sept cornes l’agneau

et des yeux pour en rassasier la nuit

 

et des yeux nous brisons cette paix

en neuve fragilité tremblante

 

en orient de l’eau

en émoi dans la bogue

membrane

de paix l’éclair entre les mains

 

Ibid., (pp.347/349)

Ikko Narahara

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