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14/02/2011

Erich Fried -II- (traduction Chantal Tanet & Michael Hohmann)

 

 

Par la pensée

 

 

Te penser

et penser à toi

et penser à toi toute entière et

penser au te-boire

et penser au t’aimer

et penser à l’espérer

et espérer et encore

et toujours plus espérer

le te-revoir-toujours

 

Ne pas te voir

et par la pensée

non seulement te penser

mais aussi déjà te boire

et déjà t’aimer

 

 

Et alors seulement ouvrir les yeux

et par la pensée

d’abord te voir

et puis te penser

et puis de nouveau t’aimer

et de nouveau te boire

et puis

te voir de plus en plus belle

et puis te voir penser

et penser

que je te vois

 

Et voir que je peux te penser

et sentir ta présence

quand bien même

je ne peux te voir avant longtemps

 

 

 

 

 

 

Mais alors   

 

La vie

serait

peut-être plus simple

si je ne t’avais

pas du tout rencontrée

 

Moins de tristesse

chaque fois

que nous devons nous séparer

moins d’appréhension

de la prochaine séparation

et de la suivante

 

Et pas non plus

quand tu n’es pas là       

tant de ce vain désir

qui ne réclame que l’impossible

et l’immédiat

dans l’instant même

et qui ensuite

parce qu’il ne peut s’accomplir

en est troublé       

et respire avec peine

 

La vie         

serait peut-être

plus simple

si je ne t’avais

pas rencontrée

Mais alors

elle ne serait pas ma vie  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quoi ?                                   

 

 

Qu’es-tu pour moi ?

Que sont pour moi tes doigts

et tes lèvres ?

Qu’est pour moi le son de ta voix ?

Qu’est pour moi ton odeur

avant l’étreinte

et ton parfum

pendant l’étreinte

et après ?

 

Qu’es-tu pour moi ?

Que suis-je pour toi ?

Que suis-je ?

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

Nuit à Londres

 

 

Garder les mains

devant le visage

et laisser clos

les yeux                       

 ne voir qu’un paysage

montagnes et torrent

et dans la prairie deux animaux

bruns sur le versant vert clair 

qui monte jusqu’à la forêt plus sombre

 

Et commencer à sentir

l’herbe fauchée

et tout en haut au-dessus des pins

en cercles lents un oiseau

petit et noir

sur le bleu du ciel

 

Et tout

absolument paisible

et si beau

que l’on sait

que cette vie vaut la peine

parce que l’on peut croire

que tout ça existe

 

 

 

Poèmes extraits du recueil Es ist was es ist (1983)

Traduits de l’allemand par Chantal Tanet et Michael Hohmann

  


 

 Télécharger version allemande  entrer des mots clefs E. Fried, version allemande.pdf  

 

 

13/02/2011

Angye Gaona, poète colombienne emprisonnée

Signez, faites circuler rapidement et si vous avez un site, relayez cet appel en urgence.

 

Angye Gaona.jpg

 

 

"Toma este pan,                   "Prends ce pain

toma esta vida,                      prends cette vie

toma la Tierra                        prends la Terre

que es tuya."                          qui est à toi"

 Angye Gaona 

 

 

La poète et journaliste Angye Gaona a été arrêtée. L'État colombien veut la faire taire pour maintenir l'obscurité sur un génocide. Angye Gaona, poètete et témoin, arrêtée pour penser, en Colombie, le pays dans lequel l'état a converti le fait de penser en un crime. Angye Gaona est une femme créatrice et compromise socialement, toujours active et très engagée dans le développement de la culture; elle fait partie du comité organisant le Festival International de Poésie de Medellín, dont la qualité témoigne d'un travail et des rêves tissés entre les peuples.

Urgente est la mobilisation internationale pour sa libération et pour dénoncer que l'état colombien maintient emprisonnées plus de 7.500 personnes pour "délit d'opinion" : nous sommes devant une vraie dictature camouflée.

C'est une situation insupportable : chaque jour ils arrêtent, assassinent ou font disparaitre un adversaire politique, étudiant, syndicaliste, un sociologue, un paysan... La répression exercée par l'État colombien contre le peuple pour apaiser ses revendications sociales est d'une brutalité sans précédent.

Il est urgent que le monde bouge par solidarité!

Libérons Angye Gaona!

 

Signatures à adresser à:

Aurora Tumanischwili

a_tumanoff@yahoo.com.ar

 

 

11/02/2011

26ème bulletin des carnets d'eucharis - Janvier & Février 2011

Couv Les Carnets d'eucharis n°26_janvier&février 2011.jpg

Jean-Marc PLANCHON Peintre  

 

 

DU CÔTÉ DE…

Mohammed Khaïr-Eddine 

 

FRANCO FORTINI Une fois pour toutes 

RICHARD SKRYZAK Résonances d’un souvenir florentin

 

 

AUPASDULAVOIR  

MARIELLE ANSELMO Jardins & autres textes inédits  

ANDRE CHENET Au cœur du cri     

 

 

Dylan Thomas

 

 

ESPRITSNOMADES

Alejandra Pizarnik Toute la nuit écrite sur le mur écaillé de la vie  sur le site de GIL PRESSNITZER 

 

 

 

NOTES DE LECTURE 

James Sacré America Solitudes par Sylvie Durbec

Stanislas Brzozowski Histoire d’une intelligence par Nathalie Riera

 

 

 

 

 

LES CARNETS D’EUCHARIS  N°26

 

 

 

CALAMEO  http://www.calameo.com/read/0000370712b6d82f93f00 

 

 

 

  

TELECHARGEMENT PDF Carnets d'eucharis n°26_Janvier Février 2011.pdf

http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com/media/01/01/3037147880.pdf

 

  

Menaces sur La Pensée de midi, revue méditerranéenne

Partenaire de Rue89, La Pensée de midi, une revue basée à Marseille et consacrée aux idées et aux débats dans l'espace méditerranéen, vient de perdre le soutien financier de la région PACA, qui était indispensable à son équilibre économique. Nous nous associons aux appels à la région, présidée par le socialiste Michel Vauzelle, pour qu'elle revienne sur sa décision au moment où l'espace méditerranéen vit les mouvements historiques que l'on sait, nécessitant plus d'écoute et d'attention encore au mouvement des idées, plus d'échange. Voici le communiqué de La Pensée du Midi. P.H. 

A l'heure où Marseille Provence 2013, qui a choisi Albert Camus comme figure de référence, s'apprête à devenir capitale européenne de la culture, on apprend que la Région PACA a décidé de retirer son soutien à la revue La pensée de midi, qui doit son nom et son inspiration à Albert Camus.

Ce désengagement voue La pensée de midi à une disparition imminente. Lieu de pensée collective, cette revue littéraire et de débats d'idées, publiée depuis 10 ans chez Actes Sud, a été à l'origine de nombreuses découvertes dont celle de l'immense écrivain Alaa al-Aswani (l'auteur de L'immeuble Yacoubian) dans un numéro entièrement consacré à la littérature égyptienne (2004).

Au fil de ses dix ans et de 31 numéros, La pensée de midi a abordé la plupart des phénomènes culturels, artistiques, politiques et de société qui traversent le monde méditerranéen, annonçant et analysant, en filigrane, les événements qui agitent notre actualité.

A l'heure où la Méditerranée est en pleine effervescence politique et culturelle, il est pour le moins surprenant, choquant et incohérent de faire disparaître une revue telle que La pensée de midi.

La Région PACA, qui se dit volontiers attachée aux valeurs de la pensée et de la Méditerranée, peut-elle être sciemment responsable de la dissolution de ce laboratoire d'idées, d'écriture et de création ? Une telle décision, si elle se confirmait, paraîtrait incompréhensible, à la fois arbitraire et indigne.

Indignons-nous !

Le comité de rédaction

En partenariat avec :

la pensée de midi.jpg

A lire aussi sur Rue89 et sur Eco89

Quand Averroes rapproche l'Occident et l'islam, par Thierry Fabre, La pensée de midi

Ailleurs sur le Web

Le site de La Pensée de midi

Source de l'article

03/02/2011

Villa-Lobos

VILLA-LOBOS Bachianas Brasileiras n°5

Aria Cantilena

Soprano : Amal Brahim Djelloul

28/01/2011

Rencontre avec Nathalie Riera

Atelier nathalie riera 02.jpg

Maison de la Poésie
7-9 rue de la Lauve
06130 Grasse

de 13h30 à 16h30 : atelier d'écriture pour adultes
(sur inscription)

à 17h00 : lecture ouverte à tous

Renseignements et inscription :
lapoesie.aunvisage@gmail.com ou 04.92.42.30.80

Cordialement
Catherine Berney

Bibliothèques de Grasse :
www.bibliotheques.ville-grasse.fr
Nathalie Riera : http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com/

23/01/2011

Franco Fortini, Une fois pour toutes

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En traduisant Brecht

 

Un grand orage

tout l’après-midi s’est tordu

sur les toits avant de crever en éclairs, en eau.

Je fixais des strophes de ciment et de verre

où étaient des cris, plaies murées, membres

également miens, auxquels je survis.

 

[…]-------------------------- 

 

La poésie des roses

 

I.

 

Roses, roses poudreuses, quelle âpreté

dans vos souches la nuit, roses cambrées

d’épines, pareilles aux forts ligaments,

aux muscles secs de la jeune femme

que dans l’auto ses soies palpent, et le cuir

mais molle si des phares l’empoignent, mais marbrée

le long du cou, comme les roses contuses

quand minuit les travaille, d’orties.

 

[…]-------------------------- 

 

Exultet

 

Regarde-la

 

Regarde-la, olympe déployé.

La masse de métal que la mitraille a percé.

Tempes et deltoïdes, colosse, noire valve et verte, astre.

Qu’elle boive os et nerfs, toujours vierge broyeuse

de la hampe au clipeus, mère hébétée. Contre

votre terreur, dorsales oxydées, voici l’envol.

 

Comme tu cries …

 

Comme tu cries dans la grotte comme

tu cognes tes épaules aux musculatures

du vin et des mains sauvages !

 

[…]-------------------------- 

 

En traduisant Milton

 

Les arbres les froids, drus, grands arbres

et aussi arbustes mais tous verts blancs

avec palmes et flèches ramifiées et fils

à la cime du bois, fugaces figures les arbres

heureux de givre et ronds, gaines

écorchées de lait aigre et les pâtures

dilatées en gramens et scintillements

les ruisseaux allumés d’épées mouvantes

et le souffle du vent dans les hauteurs …

 

 

 

 

 

« Une fois pour toutes »

FRANCO FORTINI, Poésies 1938-1985, Editions Fédérop

Traduit de l’italien par Bernard Simeone & Jean-Charles Vegliante

(édition bilingue) 

 

Le site de l’éditeur

■ LIEN :http://federop.free.fr/federop.htm

 

 

 

Pier Paolo Pasolini

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On m'a dit que j'ai trois idoles: le Christ, Marx et Freud.
Ce ne sont que des formules.
En fait, ma seule idole est la réalité.
Si j'ai choisi d'être cinéaste, en même temps qu'un écrivain,
c'est que plutôt que d'exprimer cette réalité par les symboles
que sont les mots, j'ai préféré le moyen d'expression qu'est
le cinéma, exprimer la réalité par la réalité.

PIER PAOLO PASOLINI

 

Nicolas Bouvier, L'usage du monde

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Pendant mes années d’études, j’avais honnêtement fait de la « culture » en pot, du jardinage intellectuel, des analyses, des gloses et des boutures ; j’avais décortiqué quelques chefs d’œuvre sans saisir la valeur d’exorcisme de ces modèles, pace que chez nous l’étoffe de la vie est si bien taillée, distribuée, cousue par l’habitude et les institutions que faute d’espace, l’invention s’y confine en des fonctions décoratives et ne songe plus qu’à faire « plaisant », c’est-à-dire : n’importe quoi.

(p.92)

 

[…]--------------------------

 

J’ai trop besoin de cet appoint concret qu’est le déplacement dans l’espace.

 

[…]--------------------------

 

(…) le nomadisme rend sensible aux saisons : on en dépend, on devient la saison même et chaque fois qu’elle tourne, c’est comme s’il fallait s’arracher d’un lieu où l’on a appris à vivre.

(p.146)

 

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© Nicolas Bouvier, L’usage du monde, Quarto Gallimard, 2009 

22/01/2011

BERNARDO BERTOLUCCI - GINO PAOLI - QUEL GIORNO (da PRIMA DELLA RIVOLUZIONE)

André Chenet, Au coeur du cri

Souviens-toi

La Terre fut le premier tambour

L’Empreinte la première écriture

Les tribus chantaient

avant même de parler…

 

Mais des mots prirent

force et pouvoir

sur les tables de loi

et les chants se sont dissipés

dans nos voix désaccordées

par l’abus des paroles

 

nous reviendrons habiter

le souffle cadencé des vents.

 

 © André Chenet, Au cœur du cri, éd. Les Voleurs de Feu/Al Laerien Tan, (p.51)

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Je n’ai que l’épervier

l’obsidienne

et la Reine de Cœur

 

Je n’ai que le cri

à l’étouffée de la raison

le diamant de l’unisson

 

Je n’ai que l’étoile noire

l’idéogramme du sang

les gestes fous de la tempête

 

Ma révolte est intacte.

 

 Ibid,. (p.51) 

 

 

Au coeur du cri.jpg

Frontispice : « L’Aleijadinho » de Frederic Voilley

 

 

Pour commander le recueil d'André Chenet :
Les Voleurs de Feu
, 13 rue Louis Pasteur, 29 630 Plougasnou 
ou

danger-poesie@orange

Pour s'abonner à la revue La Voix des Autres :

voixdesautres@wanadoo.fr

 

Site Danger Poésie

Entretien avec Camille Loty Malebranche (par Alexandra Philoctète)

Nous vivons un monde d’abysse flottant du paraître, donc la culture de l’essentiel est solitaire par son caractère rarissime. Et puis, l’environnement pseudo-intello qui consiste à répéter sans penser me répugne au plus haut point, donc mes amis sont très rares et ma solitude très fréquente. Mais elle est si heureuse que je ne voudrais la changer pour rien au monde, car je sais à quel point le rapport immédiat à autrui quand cet autrui est de mauvaise foi ou englué dans ses bas-fonds, chose malheureusement tellement proliférante, peut être pathogène et tueur ! La famille, la société, la religion sociale, sont si souvent des chambres ardentes de torture et de déshumanisation qui clouent l’individu aux piloris et ensuite le traînent aux gémonies par manière de horde et de meute où de purs chacals frappent de leur avanie l’homme qu’ils ne peuvent asservir ou dénaturer.

(…)

Pour les milieux médiocres du populisme culturel d’aujourd’hui, toute élévation de soi, tout refus de la platitude et de l’alignement aux prêts-à-penser en cours, est soit folie soit arrogance ! Je refuse de porter le fardeau des ontologiquement minables et misérables, aigris inaptes à se travailler eux-mêmes, qui font tout pour empêcher les vrais hommes et l’esprit en tant qu’hypostase métaphysique et entendement à s’exprimer et se développer. Ce sont ces monstres de méchanceté et de sottise, qui, ensuite, vont dire leur connerie haineuse contre ceux qu’ils ne peuvent ravaler. Notre milieu est trop médiocre et trop négatif dans son approche de l’homme de valeur.

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© Camille Loty Malebranche

 

Camille Loty Malebranche est connu au Canada comme enseignant, philosophe, écrivain et poète. Il est l’auteur de nombreux articles publiés dans plusieurs périodiques haïtiens et sur le web. Il a écrit également deux ouvrages : L’Exécution du Prométhée (1999) épuisé, semble-t-il, et un recueil de poèmes, Yeux du Sang, Vigie d’Âme paru aux éditions CIDIHCA, en 2010. (Pour Haïti)

Télécharger l’intégralité de l’entretien depuis le site de la Revue pour Haïti

13/01/2011

Claude Dourguin, Chemins et Routes (une lecture de Tristan Hordé)

Une lecture de Tristan Hordé 

© 

 

 

Chemins et routes

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 (Editions Isolato, 2010)

 

 

           

Les voyages de Claude Dourguin naissent d’une exigence, tout se passe comme s’il lui devenait impossible de continuer à rester immobile, qu’il lui fallait prendre le bâton et marcher pour savoir ce qu’est respirer, regarder, découvrir, apprendre — vivre. Cette manière de se connaître, d’éprouver le vif des choses apparaît peut-être plus dans Chemins et routes que dans ses autres livres (1), parce qu’il s’agit ici de l’expérience de multiples parcours.

         La plénitude ressentie par le seul fait de quitter les habitudes, par le contact physique avec le sol, s’exprime dans les premières phrases et c’est ce bonheur d’être qui est exploré ensuite, série de variations dans une prose-poésie reconnaissable entre toutes. Se séparer donc de ce qui abrite, protège, cela se fait jour encore pas venu (« Départ dans le matin frais » est le début du livre), dans ces moments incertains, aux « adieux sans mots », pour retrouver un corps, « le réel après la trêve des songes ». Rapidement, « le pas se fait au sentier, au chemin », et c’est bientôt « la marche heureuse », « l’accord trouvé », la « continuité vive », la lumière détache les contours, le marcheur voit maintenant arbres et ruisseaux : « le monde s’ouvre, donné », vraie « terre première ».

         Il n’est pas besoin d’être un marcheur pour apprécier l’exaltation de Claude Dourguin ; qui n’a pas, ne serait-ce que dans l’enfance, imaginé ce qui se trouvait au-delà de l’horizon, « ligne de promesses : là-bas, d’autres terres, d’autres champs, d’autres monts, différents, toujours renouvelés  », « un monde toujours recommencé » ? C’est cette merveille (qu’y a-t-il derrière le miroir ?) que propose Chemins et routes. Avant d’atteindre l’horizon, dès qu’un village est quitté, hors du tumulte, Claude Dourguin est enveloppée dans une nature toujours accueillante, généreuse, la nature telle qu’elle apparaissait à Rousseau. Ainsi, figuiers et vignes abandonnés par la culture continuent à produire et le marcheur réinvente les gestes d’un Robinson : « Je m’arrêtais, mangeais ces fruits offerts, présents du lieu dont, ainsi, j’assimilais les vertus. » Ailleurs, c’est l’eau d’un ruisselet qui est donnée, «  bonheur d’une générosité inadressée ». On verra là non pas tant une forme de panthéisme qu’un amour profond, raisonné pour cette manière de vivre, si peu de temps qu’on puisse le faire, à l’écart du tumulte, en suivant ces chemins qui gardent à qui veut les lire les traces d’une histoire séculaire : « Je les vois, tracés qui ne blessent ni ne segmentent mais relient, pas de l’homme ou de la bête et terre, cultures et demeures, cyprès riverains et ciel. Chemins religieux, en effet, si, foncièrement, on ne les éprouvait païens. »

         Les chemins, bien plus que les autoroutes d’aujourd’hui, avaient une fonction de lien ; il y eut une longue période où « on allait, périple rude, surprises et peurs, mais prémunis de l’errance. Le chemin accompagnait, donnait un destin. » Claude Dourguin rappelle que les routes anciennes étaient parcourues sans cesse par les marchands, les soldats, les étudiants, les colporteurs, les ouvriers, etc., vivantes de toute une vie « bigarrée, pleine de bruits et d’odeurs ». On lit encore l’épaisseur du temps dans les noms de lieux, énumérés pour tout ce qu’ils portent du passé, ceux par exemple de l’Italie, abondants ici, ou pour le plaisir de les suivre inscrits sur la carte le long d’un sentier, « Bosch Tens, Plan Vest, Löbbia, Cadrin, Mungat, Maroz, Dent…, petites énigmes locales qui entrainent le songe dans leur récitatif mystérieux ».

         Claude Dourguin vit aussi les paysages à partir de la littérature et de la peinture, évoquant les voyageurs du XIXe siècle, de Chateaubriand à George Sand ou Mérimée, Schiller, Heine…, suivant Hölderlin et Nerval, Thoreau et Montaigne, ou un personnage de Stifter. Dans un paysage de neige, l’eau sous la glace est un « jardin d’Eden, un fond de tableau de Bellini » ; ici, ce sont les campagnes des Très riches heures du duc de Berry, là des teintes pour un Douanier Rousseau, des formes admirées chez Memling ou Carpaccio, des lumières du Lorrain, "La construction d’un grand chemin" d’Horace Vernet, ou encore Poussin, Dürer, Thomas Jones…

         Ce qui est esquissé dans Chemins et routes, c’est un projet rêvé dont le livre tel qu’il est, donne une idée : projet « d’un livre des chemins, catalogue et dictionnaire à la fois, qui évoquerait, recenserait sans du tout prétendre faire œuvre savante, les figures diverses des chemins, leurs histoires, leurs particularités géographiques. Ou bien un traité exact et poétique, recueil des singularités des reliefs et des terres, provinces et leurs façons de dire, de cultiver, de mener commerce, bêtes poussées devant soi […] ». De ce projet borgésien reste pour le lecteur un beau labyrinthe où il peut errer, découvrir sans cesse et des sorties et des possibilités de se perdre ; il saura aussi qu’à emprunter les chemins, « au plaisir physique d’arpenter, à la satisfaction du regard se mêle le bonheur de découvrir, d’apprendre, de comprendre, de nouer un lien intime avec une contrée et sa terre », il souhaitera peut-être avec la marche voir le monde devant lui, comme le faisait Walt Whitman cité à la fin du livre.

 

 

 

 

(1) Voir les derniers publiés, en 2008 chez le même éditeur, Les nuits vagabondes et Laponia.



 

© Tristan Hordé, Carnets d’eucharis, janvier 2011

 

 

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Editions Isolato

 

09/01/2011

La fête polychrome de Nathalie Riera (par Claude Darras sur le site de La République des Lettres)

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Afin d'écarter tout délit de complaisance, il est d'usage, lorsqu'un proche est concerné, de ménager une distance critique plus ferme encore qu'à l'ordinaire, de manifester certaine réticence, d'émettre quelque critique défavorable.

Eh bien, non, n'en déplaise aux censeurs vétilleux de l'usage, le dernier recueil de Nathalie Riera bellement préfacé par Pascal Boulanger, Puisque Beauté il y a, est une nouvelle fête des sens et des mots ! Si elle échappe à l'orthodoxie complaisante des chapelles poétiques, c'est parce qu'une activité pérenne d'animatrice culturelle en milieu carcéral et l'animation d'un site numérique d'excellence tournée vers les arts et les littératures ont fortifié l'authenticité de sa vocation. En fait, elle a très tôt découvert ses Indes, créé son espace et établi ses demeures en poésie. Elle a changé en liberté, par l'acte de parole, ce qui constituait le fond de ses douleurs, de ses peurs, de ses tristesses, de ses révoltes et de ses convictions. Elle a changé en espoir ce qui l'aurait incitée, autrefois, à se replier dans la foule ou à plonger dans la solitude.

Elle échappe à toute orthodoxie, disais-je, car le poème, chez elle, donne à l'éclair son éternité, à la présence sa durée, à la multiplicité son équilibre. Pourtant, quand elle écrit -- "avec les cailloux des voyelles et des consonnes" --, elle ne se répète jamais et ses dires révèlent toujours la même limpidité, ou plus exactement une vraie clarté qui donne à voir ce qui est au-delà, tout près, autour, derrière la page: une page à plusieurs dimensions où la langue charme jusqu'à l'envoûtement par la souplesse de la syntaxe et la polychromie du vocabulaire.

Ouvrez le premier Carnet de campagne du nouveau recueil que l'auteur a placé sous le tutorat de Pablo Neruda et Yves Bonnefoy :

Femme à branches de faille, je n'écris pas pour la plénitude du poème, ni pour le vide insalubre. Assise dans le jardin le regard en suspens, les arbres en plein courant. Le vent et son haleine de mer dans les feuillages du printemps se lie à moi. Les embruns ont faim, et j'ai soif de leur alphabet avide.


On aura compris que Puisque Beauté il y a à l'instar des précédents Staccato morendo et ClairVision ne s'adresse pas à ceux qui considèrent la littérature et la poésie comme une science; mais les intimistes, ceux qui aiment méditer "sous les ombrages d'un figuier où fleurissent les mots", ceux qui savent écouter "les vents raconter des histoires", ceux qui cherchent à "entendre d'un poème des notes d'air et de basalte". Ceux-là aimeront cette fine interrogation sur l'amour et la vie, qui est aussi une belle réflexion sur le "métier" de poète.

 

© Claude Darras/La République des Lettres, janvier 2011

 


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Nathalie Riera
Variations d’herbes (2012, éditions du Petit Pois) – à paraître
Feeling is first (2011, éditions Galerie Le Réalgar).
Puisque Beauté il y a (2010, éditions Lanskine, 64 pages).
Staccato Morendo (2009, site numérique Oeuvres vives).
ClairVision (2009, éditions numériques Publie.net, 33 pages).
La Parole derrière les verrous (Essai, 2007, éditions de l'Amandier, 72 pages).

 

06/01/2011

Stanislas Brzozowski, HISTOIRE D’UNE INTELLIGENCE...

Une lecture de Nathalie Riera 

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HISTOIRE D’UNE INTELLIGENCE

Journal 1910-1911

Stanislas Brzozowski

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 (Editions Le Bruit du Temps, 2010)

 

 

           

 Rédigé à la fin de sa vie, dans les années 1910-1911, le Journal de S. Brzozowski, Histoire d’une intelligence, ne peut nous laisser indifférent, tant ces 244 pages publiées un siècle plus tard par les Ed. Le Bruit du Temps révèle une pensée à l’œuvre, faite de l’étoffe d’un esprit qui, aux dires de son auteur, « est toujours un banni, un hors la loi » (185). Esprit d’un écrivain non contaminé en ce siècle des « abrutissantes superstitions politiques », des « stérilités sociales », avec ce si peu d’aventuriers de la pensée (parmi eux, philosophes, poètes et autres lettrés), ces «grands seigneurs de la vie » que le XVIIIème siècle a prodigieusement produit. L’exigence de S. Brzozowski étant de ni comprendre ni révérer ce qui ne relève pas du courage intellectuel.

Mais une telle exigence n’attire à sa table que très peu de convives. Dans la vaisselle de la violence politique et de l’impuissance culturelle, tout ce qui tend à mettre en question l’homme, à valoriser la vie de l’humanité, à considérer les sens « comme des catégories de création », et « non pas comme des organes passifs d’information » (143), tout cela devient passible de cette même sanction si typique à ces époques où l’homme est dogmatisé par des « torrents de clichés qu’on ne peut pas endiguer », autant que par ses propres constructions conceptuelles ; incapable de produire à partir de lui-même, et encore moins dans la tâche « de participer toujours davantage au dur travail de l’humanité » (173).

Subtilité et sérénité ne font pas partie du menu ; cela est contraire à « cet ennui officiel qui empoisonne lentement les esprits et les habitue à considérer une activité intellectuelle spontanée comme quelque chose d’anormal, qui n’est même pas exigé » (122). Comment ne pas alors en venir à cette endurance intellectuelle contre tout ce qui peut ainsi s’opposer « à une culture profondément consciente ». Sur ce sujet, S. Brzozowski ne trouve aucunement méritoire « l’œuvre de l’enseignement populaire, laquelle « se résume à une vie intellectuelle à crédit » (168). Son souhait ? « Celui qui écrira l’histoire des mensonges qui corrodaient, rongeaient, empoisonnaient et détruisaient la vie intellectuelle de notre nation, qui ont touché celle-ci jusque dans son cœur, qui mettent en danger notre existence même, ne doit pas oublier l’enseignement populaire » (169).

 

Journal qui « est à la fois une sorte d’autobiographie et de confession », précise Wojciech Kolecki dans son introduction, bloc-notes de lecture, carnet d’esquisses critiques et philosophiques, journal intime. « Histoire d’une intelligence » peut-il animer l’esprit du lecteur, et sa certitude claire comme le soleil « qu’il faut de la pensée, de la philosophie, de l’enthousiasme et de l’intransigeance intellectuelle » (161), et « creuser toujours plus profondément les fondations, et ériger toujours plus haut remparts, murs, créneaux et tours » (172) contre les insatiables « Thersites » (en référence au personnage de la légende de Troie), qui ne déploient que fausseté, bavardage et injure. « Histoire d’une intelligence » pour qu’à la critique lui soit reconnue sa dimension essentielle, en ce sens que « c’est précisément la critique qui valorise la vie de l’humanité » (151).

 


© Nathalie Riera, Carnets d’eucharis, janvier 2011

 

 

 

 

 

extraits

 

«Chaque jour se produisent de menus évènements qui confirment  jusqu’à l’ennui que l’homme sans habitudes culturelles et sans besoins intellectuels est un être nocif et un ennemi de lui-même. Les salles de lecture et les bibliothèques publiques sont remplies de livres sans style, sans pensée, sans originalité. Plus un ouvrage est important ou profond, moins il y a de chances de le trouver ». (p.27)

 

 

 

« Je sais que j’ai des maîtres et que j’en aurai jusqu’à la fin de ma vie. Ç’aurait été un signe de dérèglement mental, si j’avais cessé de penser avec vénération à Newman, Platon, Kant, Hegel, Berkeley et tant d’autres » (p.191)

 

 

Autres articles :

■ Revue de Presse des Editions Le Bruit du Temps :http://www.lebruitdutemps.fr/_livres/Histoire%20dune%20intelligence/revuedepresse.htm

 

 

  

 

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Traduction du polonais, introduction et notes par Wojciech Kolecki

Le Bruit du Temps, 2010

Le site Le Bruit du Temps

Site des Editions Le Bruit du Temps :http://www.lebruitdutemps.fr/_livres/Histoireduneintelligence.htm

 

 

 

 

Yves Bonnefoy

Alain Veinstein s'entretient avec Yves Bonnefoy, auteur de  "Raturer outre" et  "Le lieu d'herbes" (Editions, Galilée, 2010)

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ICI

Frans Krajcberg par Claude Darras

 

Art et nature

Il était une fois… Frans Krajcberg

 

 

Chez FK, à Nova Viçosa, les palétuviers univers de formes (2).jpg

 Frans Krajcberg dans l'atelier de la nature amazonienne au milieu des racines de palétuviers, son "matériau" de prédilection

 

 

 

De toute évidence, regardons autour de nous. Il est clair que nous avons perdu le sens de la gratuité de la nature, c’est-à-dire de cette biodiversité qui est sans prix, et qui pourtant vaut tout l’or du monde. Il est tout aussi évident que nous ne croyons plus à la force de l’art. Ce que nous appelons « art » aujourd’hui ? L’exploitation commerciale de créations souvent privée de signification et soumise à la boussole d’enchères parfois aberrantes. Ce n’est pas de cela que nos enfants ont besoin. Mais de rencontres véritables avec des œuvres et des créateurs authentiques qui vont quelque peu changer leur vie. Aussi sachons gré à Pascale Lismonde, journaliste et anciennement productrice à la station radiophonique France-Culture, de multiplier les initiatives visant à stimuler parmi nos jeunes générations le désir pour les choses de l’art et de l’écologie.

 

 

Etat du Parana, Curitiba, Espace Krajcberg, 2003 (2).jpg

 

Une sculpture exposée à l'Espace Krajcberg du musée Montparnasse à Paris 

 

 

 

Paru dans l’attractive collection Giboulées de Gallimard Jeunesse, « L’Art révolté » raconte l’engagement du sculpteur Frans Krajcberg, 89 ans, au cœur de la forêt amazonienne. Unique survivant d’une famille juive polonaise persécutée dans son propre pays avant d’être exterminée dans les camps nazis, cet ingénieur est le mieux placé pour professer l’humanisme comme la seule idéologie susceptible d’empêcher le retour des tragédies du XXe siècle. Converti aux arts plastiques, il reçoit le soutien d’amis peintres à Paris (Fernand Léger et Marc Chagall) et à São Paulo (Lasar Segall) avant de découvrir, en 1947, une raison majeure de peindre et de sculpter au cœur de l’Amazonie au milieu des caboclos, ces Indiens métis qui vivent sur les rives du grand fleuve auquel les légendaires Amazones ont donné leur nom. En fait, face à la tragique déforestation de la région, il oppose une révolte fondée sur le postulat que l’homme a le devoir de jardiner la nature, d’en être le gardien responsable. Il soutient qu’une forêt sans oiseaux n’est plus une vraie forêt et qu’un arbre commence de mourir le jour où il cesse de chanter. Il recueille alors les bois calcinés -racines de palétuviers, lianes et troncs de palmiers. Tantôt il les sculpte, tantôt il les enduit de goudron et il les peint au moyen de pigments issus des minerais et bois primitifs. Précurseur des Nouveaux Réalistes, Pierre Restany lui rend visite en 1978. Confronté à son tour aux exactions commises au détriment des Amérindiens et témoin des incendies de forêts qui mutilent cette portion de paradis terrestre, le critique d’art lance un cri d’alarme à travers un Manifeste du naturalisme intégral.

À Nova Viçosa où il vit, dans l’état brésilien de Bahia, Frans Krajcberg a édifié un musée écologique qui abrite de surcroît une fondation Art & Nature. En 2003, au sein du musée Montparnasse, à Paris (XVe), a été inauguré l’Espace qui porte son nom et rassemble les peintures, empreintes, sculptures et photographies que l’artiste a léguées à la ville de Paris le 15 mai 2002.

L’exemplarité pédagogique de l’ouvrage mérite d’être soulignée ; elle appellerait à en prolonger la série (animée chez Gallimard par Colline Faure-Poirée). Quant à l’auteur, elle sait bien que rien n’est plus compliqué que la simplicité, rien ne se travaille davantage que la spontanéité, rien ne s’obtient plus difficilement que le naturel quand on s’adresse aux enfants. Il faut une sacrée maîtrise du métier d’écrire afin de parvenir à cette limpidité d’une histoire d’amour, celle d’un artiste fou de la canopée.

 

© Claude Darras, Les Carnets d’eucharis, janvier 2011 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A Nova Viçosa, découverte de la maison de Frans Krajcberg sur l'arbre (2).jpg

 

 

Chez lui, à Nova Viçosa, dans l'état de Bahia, Frans Krajcberg se bâtit une maison-atelier sur un arbre

 

 

 


 

 



 © (Photos : Pascale Lismonde) 



 

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Emmanuel Malherbet, "Personne ne poussera la nuit"

Vient de paraître aux Editions Potentille  

EMMANUEL MALHERBET.jpg

 

en quoi j’aimais

l’à peine mouvement

des cimes

le roulis

 

des arbres

la matière l’ajour   /   de l’air

 

et

 

le sous bois continué

le ruissellement continué

où le pas reste   /

 

figé sous des éclaircies

de débardage

 

image

du petit lac où l’on descend

par deux pâtures d’où monte

un mur de forêt comme

 

 

 

un front

 

image

d’un cargo drossé

sur la plage d’Olonne

 

chapelle

blanche et bleue

 

que la mer ne sait

renflouer   /   ni détruire

 

ni le vent


 

 

* * *

 

40p. / 13 x 18 cm. / 7 €  (frais de port compris)

 

 

Paiement par chèque à l’ordre de l’association Comme ça et Autrement, à adresser à :

 

Editions Potentille

2 rue du platane

58160 La Fermeté

ed.potentille@gmail.com

 

  

 


Nom : ……………………………………………………………………………………………

 

 

Adresse : ………………………………………………………………………………………...

 

 

…………………………………………………………………………………………………...

 

 

Nombre d’exemplaires : ……………………………

 

 

 

Claudia Carlisky, peintre et poète

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CLAUDIA CARLISKY ET MINA GONDLER, 1956, Jardin du Luxembourg

 

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Fille du sculpteur Carlisky et de la plasticienne Mina Gondler, Claudia Carlisky, peintre et poète est née à Buenos Aires en 1954 où elle réside jusqu'à l'âge de quatre ans. Après une enfance en France et une adolescence en Argentine, elle vit en France depuis 1975.

 

 

Eléments biographiques de Claudia Carlisky :

http://claudiacarlisky.blogspot.com/p/elements-biographiques-de-claudia.html

  

 

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Claudia Carlisky, Villa Seurat, 1968

 

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 http://albertocarlisky.blogspot.com/

 

Eté II, Bernard Chambaz (une lecture de Pascal Boulanger)

 

NOTE DE LECTURE

(Pascal Boulanger)

 

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Bernard Chambaz : Eté II

Ed. Flammarion, 2010

 

 

 

 

Ce volume annonce une reprise au chant VI d’une investigation minutieuse qui a pour point de départ tragique la mort d’un fils adolescent. Ce fils – Martin – devient en poème le m-pêcheur, le poisson volant.

Le poisson volant vient de Platon / il brille mais il n’a pas beaucoup de temps pour briller.

Il faut entendre ce titre comme un retour, jamais oublié, à l’été accidentel mais aussi à ce qui a été, une fois pour toutes, lancé dans la vie, dans la litanie des jours et des nuits.

Soutenir cette douleur, dans le déploiement et le froissement du temps, ne lève aucune fixation, n’entraîne aucune consolation. C’est la mort  / qui l’aura emporté / sur les mots.

Elle dévoile, par contre, l’excès en chacun de nous, cet abime d’existence infinie, cet amour long, cet amour à vif quand le courage consiste moins à combattre qu’à endurer. La répétition du deuil, dans le temps soudain suspendu, impose soit le silence absolu, soit le discours extensif proche des choses et des êtres et qui, sans masquer la détresse, la marque au contraire doublement.

Les poèmes de Bernard Chambaz, en prose ou versifiés, amples ou resserrés sont des décantations de ce qui agite et obsède. Ils passent de la perfection du monde à son imperfection, ils croisent une foule d’écrivains et de penseurs : Pétrarque, Descartes, Hegel, le tombeau d’Anatole de Mallarmé, Pound… Ils traversent des villes et des ciels, relancent des tensions, des hantises, creusent l’absence tout en évoquant la volupté de l’instant et tiennent tête à l’esprit et au cœur à jamais endeuillés. Ils rendent aussi hommage à la femme aimée, à celle qui n’écrit qu’en pensée, qu’en secret à son fils perdu. Et nous, lecteurs plus ou moins malheureux, prenons appui sur ces dix profonds chants au savoir fondamental pour saluer – malgré tout – le simple fait d’exister.

 

 

 

 

© Pascal Boulanger, Carnets d’eucharis, janvier 2011