10/04/2011
Pascal Boulanger, le lierre la foudre
L E POÈME de Pascal Boulanger est sur la page, avec son titre, souvent sa dédicace, comme un tableau de chevalet qui, à travers les noirs et les trouées lumineuses, souhaite créer un effet abîme.
Et il nous pose ces questions : comment poursuivre son existence en refusant les rythmes violents de l’Histoire ? Comment se libérer de la temporalité et de la mondanité tout en étant soucieux d’un monde pris dans sa part d’abjection et de gloire ?
À travers cette suite de poèmes, Pascal Boulanger poursuit son questionnement sur notre temps, celui du Dieu en retrait et celui de la détresse. Mais l’expérience du défaut de Dieu n’est pas celle de sa radicale absence. Marqué par les travaux de Léon Chestov, de Nicolas Berdiaev ou encore de René Girard, Pascal Boulanger affirme que le présent du poème doit soutenir ce deuil et tendre, dans la tension de la pensée, vers une possible espérance.
Dans un monde qui semble espérer contre la beauté des choses, c’est une métaphysique de l’exil et du refus qui se dessine ici. Mais la mise en scène du négatif n’est pas elle-même le négatif puisqu’elle tente de le traverser et de le dépasser en faisant du moindre fragment de l’univers un éveil au sens et aux sensations.
La figure du Christ, souvent présente, renvoie aussi bien aux leçons d’agonie qu’à la gloire vibrante du jour car rien n’est plus beau – comme le dit la phrase de Kierkegaard placée en épigraphe – que la promesse de l’impossible.
Si le poème est l’invention d’une autre scène que celle des convulsions sans fin du monde, la fresque proposée dans ce livre dévoile les paradoxes et fait entendre les déchirures et les impasses de notre époque. Cette scène n’en montre pas moins la merveille du simple, le surgissement de l’inattendu et la grâce d’un présent qui s’offre dans sa présence.
Pascal BOULANGER est bibliothécaire en région parisienne. Il a publié articles et poèmes dans des revues telles que Action poétique, Artpress, Europe, La Polygraphe... Parmi ses derniers livres – recueils ou essais : Un ciel ouverten toute saison (Le corridor bleu, 2011), Jamais ne dors (Le corridor bleu, 2008), Fusées et paperoles (L’ Act Mem, 2008), Suspendu au récit... la question du nihilisme (Comp’Act, 2006), Jongleur (Comp’Act, 2005).
EXTRAIT
SARAH
Dans la ville
rien ne change
le boniment mondial de la publicité
le gauchisme comme réponse mimétique au fascisme
la magie quotidienne du mal
Pourtant
dieu ne prend pas plaisir au sang
le détachement se gagne par le haut
le sublime est musical
comme ici
quand le chant qui s’élève du parvis
prend la fuite
dans l’église décorée en salle des fêtes
quand la chute
abrupte
soudaine
inattendue
ressuscite Sarah
dans la lumière de Chagall.
Parution en mai 2011
01:17 Publié dans Pascal Boulanger | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
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