Eté II, Bernard Chambaz (une lecture de Pascal Boulanger) (06/01/2011)

 

NOTE DE LECTURE

(Pascal Boulanger)

 

 ETE II.jpg

Bernard Chambaz : Eté II

Ed. Flammarion, 2010

 

 

 

 

Ce volume annonce une reprise au chant VI d’une investigation minutieuse qui a pour point de départ tragique la mort d’un fils adolescent. Ce fils – Martin – devient en poème le m-pêcheur, le poisson volant.

Le poisson volant vient de Platon / il brille mais il n’a pas beaucoup de temps pour briller.

Il faut entendre ce titre comme un retour, jamais oublié, à l’été accidentel mais aussi à ce qui a été, une fois pour toutes, lancé dans la vie, dans la litanie des jours et des nuits.

Soutenir cette douleur, dans le déploiement et le froissement du temps, ne lève aucune fixation, n’entraîne aucune consolation. C’est la mort  / qui l’aura emporté / sur les mots.

Elle dévoile, par contre, l’excès en chacun de nous, cet abime d’existence infinie, cet amour long, cet amour à vif quand le courage consiste moins à combattre qu’à endurer. La répétition du deuil, dans le temps soudain suspendu, impose soit le silence absolu, soit le discours extensif proche des choses et des êtres et qui, sans masquer la détresse, la marque au contraire doublement.

Les poèmes de Bernard Chambaz, en prose ou versifiés, amples ou resserrés sont des décantations de ce qui agite et obsède. Ils passent de la perfection du monde à son imperfection, ils croisent une foule d’écrivains et de penseurs : Pétrarque, Descartes, Hegel, le tombeau d’Anatole de Mallarmé, Pound… Ils traversent des villes et des ciels, relancent des tensions, des hantises, creusent l’absence tout en évoquant la volupté de l’instant et tiennent tête à l’esprit et au cœur à jamais endeuillés. Ils rendent aussi hommage à la femme aimée, à celle qui n’écrit qu’en pensée, qu’en secret à son fils perdu. Et nous, lecteurs plus ou moins malheureux, prenons appui sur ces dix profonds chants au savoir fondamental pour saluer – malgré tout – le simple fait d’exister.

 

 

 

 

© Pascal Boulanger, Carnets d’eucharis, janvier 2011

15:48 | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  Facebook