Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

04/01/2014

Enrique Vila-Matas, Dublinesca

 

 

 

 

UNE LECTURE DE NATHALIE RIERA

 

 

Enrique Vila-Matas

 

   

 

 

 

« Dublinesca »

 

Christian Bourgois Editeur, 2010

(Traduit de l’espagnol par André Gabastou)

Cliquer ICI

 

 

 

 

 

 

 

 

_________________________________________________

 

 


L’écriture et le voyage, confie Nicolas Bouvier, sont des entraînements à notre propre disparition. Dans « Dublinesca », le dernier roman de l’écrivain Barcelonnais Enrique Vila-Matas, nous assistons à la disparition non pas d’un écrivain mais d’un éditeur qui se promet une étrange odyssée, à dessein de retrouver l’enthousiasme originel. Pour Samuel Riba, figure centrale du roman, rédiger « une théorie générale du roman » ou entreprendre « un léger saut anglais » ne sont-ils pas d’étranges voyages, qui n’auraient pour autre but que : « ce qu’il ya de mieux au monde, c’est de voyager et de perdre des théories, de les perdre toutes » (17)

Ancien éditeur revenu de tout, qu’une crise aigue finit par étreindre, accusant tristesse de n’avoir entre autres pas « découvert un auteur inconnu qui aurait fini par se révéler un écrivain génial » (18), « quelle poisse que d’avoir à aller à la chasse de ces écrivains et de ne jamais tomber sur un vrai génie ! » (106), ce qui lui a d’ailleurs valu de renoncer « à sa jeunesse pour constituer honnêtement un catalogue imparfait » (72). Imparfaite également sa vie qui n’a lieu que « dans la plus pure orthodoxie du voyage circulaire », ainsi que dans l’isolement d’un hikikomori (terme japonais pour signifier un accroc à Internet). Et puis, quelle déveine que de vivre cet étrange passage entre deux époques – celles de l’ère Gutenberg et de la révolution numérique – mutation qui participe à cette circularité désœuvrante.

Mais bien que l’heure du bilan se passe sans enthousiasme ni quelconque réjouissance, Samuel Riba n’est pas sans être dépourvu d’affection pour ce qui incarne « une vie simple, en contact permanent avec la rassurante banalité du quotidien » (73). En effet, ne faut-il pas entendre de sa propre voix cette fascination pour « le charme de la vie ordinaire ». Se laisser ainsi porter par le rythme de l’accoutumé, qui peut se transformer en exceptionnel. Riba se refuse de vivre dans un roman. Comme dans les peintures de Vilhelm Hammeshoi : « pas de place pour la fiction, le romanesque » (165). N’est-ce pas au cœur de la vie ordinaire et des saturations qu’elle engendre qu’il nous est au mieux donné « de franchir le pas, de traverser le pont » qui « mènera vers d’autres voix, d’autres atmosphères ».

Samuel Riba n’a pas quitté son métier d’éditeur, il l’a plutôt fui, ou alors a-t-il mis simplement un terme à ses pâlottes aventures dans la géographie de la littérature ; la littérature qui n’est pas épiphanie, pas plus qu’elle n’est ce « centre du monde » avec cette « fabuleuse sensation d’être ailleurs ». La littérature est coupable d’avoir fait disparaître le lecteur talentueux : « si l’on exige d’un éditeur de littérature ou d’un écrivain qu’ils aient du talent, on doit aussi en exiger du lecteur » (74).

Faire un léger saut anglais, tomber de l’autre côté, « entonner un requiem pour la galaxie Gutenberg », nous dit Riba, enterrement « en l’honneur du monde détruit de l’édition littéraire, mais aussi de celui des vrais écrivains et des lecteurs talentueux », tout cela comme un moyen d’enterrer tout ce qui a participé au refus d’un grand destin.

Pour Riba qui semble avoir mené une vie de catalogue :

Traverser le pont c’est sortir d’un monde et entrer dans un autre monde, s’y sentir le maître du monde.  Lorsque l’éditeur se souvient de sa traversée à pied de Manhattan à Brooklyn aux côtés de son jeune auteur Nietzky : « marcher vers Brooklyn signifiait pour lui repartir en quête des anciennes forces occultes » (115)

Tomber de l’autre côté, serait-ce pour retrouver la personne qu’il aurait réellement pu être avant même qu’il ne commence sa vie d’éditeur ; retrouver ce Je unique, original, « la première personne qui était en lui et a si vite disparu » (219)

Le désir d’un saut anglais vient faire réplique au saut français de l’écrivain américain Saul Bellow, ou encore au saut italien du poète florentin Guido Cavalcanti : « le saut agile et inattendu (…) qui se hisse au-dessus de la pesanteur du monde, montrant que sa gravité contient le secret de la légèreté » (133)

Mais pourquoi également ce grand saut de Riba dans l’Ulysse de Joyce ? Outre qu’il est bon connaisseur de l’œuvre du poète et romancier irlandais, « la plus grande trouvaille de Joyce dans Ulysse est d’avoir compris que la vie est faite de choses triviales. La glorieuse astuce mise en pratique par Joyce fut de prendre ce qui se passe au ras des pâquerettes pour en faire un soubassement héroïque aux accents homériques » (159)

Requiem pour un monde où la splendeur est encore récupérable, où Riba peut enfin se sentir libéré « de la chaîne criminelle de l’édition de fictions » (197), où tomber de l’autre côté c’est se trouver enfin dans une géographie du monde où pouvoir se réinventer, n’être plus qu’ « une allégorie, un témoin de son temps, le notaire d’un changement d’époque » (217)


Alors « … que l’enterrement soit une œuvre d’art » !

  

Nathalie Riera, décembre 2010

Revue « Europe », N° 984, avril 2011

© Les Carnets d’Eucharis

 

____________________________________________________________________________

 

 

SITE À CONSULTER

 

dublinesca

Sur le site : Enrique Vila-Matas

| © Cliquer ICI

 

Quatrième de couverture Samuel Riba est l'éditeur talentueux d'un catalogue exigeant. Néanmoins, incapable de faire face à l'émergence des nouveaux médias et de concurrencer la vogue du roman gothique, il vient de faire faillite. Il sombre alors dans la déprime et le désœuvrement. Pour y remédier, il entreprend un voyage à Dublin. L'accompagnent quelques amis écrivains avec qui il entend créer une sorte de confrérie littéraire. Cette visite de la capitale irlandaise se double d'un voyage dans l'œuvre de Joyce.

En explorant toutes les facettes de ce personnage complexe, qui est en partie son alter ego de lui-même, Enrique Vila-Matas interroge la notion d'identité, de sujet, et décrit le cheminement parcours qui a mené la littérature contemporaine d'une épiphanie (Joyce) vers l'aphasie (Beckett).

 

 

30/12/2013

Meilleurs Voeux

Les Carnets d'eucharis N°40_HIVER 2014_couv 1ère.jpg

Nathalie Riera | In the orchard picking apples

 Nel frutteto cogliendo delle mele

© Photo : Patrick Pesenti

 

 

Bonne Année

2014

 

28/12/2013

Patrice Beray, Pour chorus seul, Les Hauts-Fonds, 2013 & Claude Tarnaud, L'Aventure de La Marie-jeanne...

 

 

 

UNE LECTURE DE NATHALIE RIERA

 

Patrice Beray

 

    

 

© Couverture « POUR CHORUS SEUL »

Michel Thamin | Gisement 03 (installation)

 

 

« Pour chorus seul »

À Jean-Pierre Duprey et Claude Tarnaud

Essai poétique

Les Hauts-Fonds, 2013

http://www.leshauts-fonds.fr/

 

 

 

 

 

________________________________________________________

 

 « … VERS LA HAUTE MER DU LANGAGE »[1]

par Nathalie Riera

 

« La poésie, parfois semblable à la marée, se retire des objets ou des images qu’elle n’a pas réussi à évider par son vertige, ou qu’elle n’est pas parvenue à hanter, pour y revenir comme dans ces coquillages où l’on n’en finit plus d’entendre battre le cœur du temps.»

 

Annie Le Brun, Qui Vive*, p.97

 

 

 

Avec « Pour chorus seul », Patrice Beray a choisi la forme de l’« essai poétique », dans un magnanime hommage adressé à Jean-Pierre Duprey et à Claude Tarnaud. Ce chaleureux essai peut-il être vu ou considéré sous l’angle d’une éthique de l’admiration, avec les poètes Duprey et Tarnaud réunis dans ce même ouvrage, c’est nous rendre à la poésie : ce courant que rien n’arrête, [2] ou, mieux encore, « cette sauvagerie critique capable de s’emparer d’un rien pour remettre tout en cause. » [3]

Jean-Pierre Duprey, sculpteur et poète de l’immédiat après-guerre, et de la deuxième génération surréaliste, – il rejoint le mouvement en 1949 – demeure parmi les grands ignorés de la critique, outre l’attention constante de Jean-Christophe Bailly [4] à cette œuvre intempestive, et « l’œil de Bernard Noël (et pas nécessairement l’oreille…) pour saisir ce qui, enfoui dans cet univers poétique, allait faire sens pour la pratique même du poème dans des sociétés sacrifiant progressivement à partir de Mai 68 aux vecteurs de la communication, exacerbant les dualités. » [5]

S’il y avait chez Duprey un sens de l’apostasie – à prendre dans son sens figuratif –, quitter le sens commun se traduira par son suicide dans son atelier, le 2 octobre 1959, à l’âge de 29 ans. « Puisse durer longtemps le phare du vaisseau/Qui nous porte sur terre ».

 

 

Si « l’immédiat après-guerre est synonyme de guerre faite à la poésie »,[6] la poésie véritable s’oppose à toutes formes d’anesthésies (esthétique, politique…). Eclipsé des cercles surréalistes, désolidarisé de la revue « La Révolution La Nuit » (fondée en 1945, avec Yves Bonnefoy et Iaroslav Serpan), à partir de 1948 Claude Tarnaud se lance dans le saisissant projet de « L’Aventure de la Marie-Jeanne ou le Journal indien » : un récit multi-composé « dont l’unique source est la poésie en ce qu’elle suppose d’adresse « mentale » à autrui » [7] (…) « retranscription « méta-romanesque » prenant sa source dans l’imagination, mais qui, suivant les lignes de vie des différents locuteurs, n’est à aucun moment « romancée » ou « fictive », et qui pour autant reste une aventure de l’esprit, même incarnée. » [8]

Cinq périodes – de 1948 à 1959 – constituent la trame de La Marie-Jeanne, entre autre dédiée à Stanislas Rodanski, et présentée sous la forme classique du journal. Claude Tarnaud n’a alors que vingt-six ans, et connaît un parcours physique et artistique sous l’heureux signe de l’aventure, avec ses aspérités, ses périls, ses hasards. L’année 1952 sera particulièrement marquée par son départ pour Mogadiscio, en Somalie italienne, et l’année 1956, par sa rencontre capitale avec le poète Ghérasim Luca, à Paris, celui qui dans « La Proie s’ombre » écrit : « Etre hors la loi/voilà la question/et l’unique voie de la quête. ».

Des lettres, des notes composent Le Journal indien, dont certaines ravivent nos sens, comme cette note du jeudi 4 septembre (1958), sur une lettre reçue de G. Luca, relatant son état de « terreur-douleur-passion » au cours de sa toute périlleuse ascension d’une falaise de laves noires : « S’il put finalement franchir le fleuve aride aux vagues aciculaires, ce fut en construisant une sorte de gué mobile avec des cahiers de notes et une copie du livre Le Gouffre de la Lune, qu’il plaçait devant lui avant d’y poser les pieds. » (p.137) Tarnaud connaîtra lui aussi cet état de noir effroi lors de son combat-épouvante avec une murène noire (p.146) : retranscription du vécu écrite dans une prose captivante, la poésie de Tarnaud est faite de ses pérégrinations haletantes, qui n’ont rien de fantaisistes. L’ironie n’est jamais absente.   Le poète signe sa mise à l’écart, son égarement comme seuls vecteurs d’innovation et de création poétique.

« Poète synthétique », ainsi qu’il se qualifiait lui-même sous le nom de plume de H de Salignac : « (…) je proclame la défaite totale de l’esprit. Dès à présent je me veux l’égal du vide. » [9]

 

 

Se faire lecteur-complice de « L’Aventure de la Marie-Jeanne » ne peut se faire sans le remarquable essai « Pour chorus seul » de Patrice Beray.



* Annie Le Brun, Qui Vive Considérations actuelles sur l'inactualité du surréalisme

Ed. Ramsay - J.J. Pauvert, 1991.

 

 

Nathalie Riera, décembre 2013

 ©Les carnets d'eucharis 

 

 

Cliquer ICI 

 


 

 

 

NOTICE BIO&BIBLIOGRAPHIQUE

Journaliste au site d’information Mediapart, Patrice Beray a animé la revue Delta, station blanche de la nuit. Auteur de livres de poèmes et d'études littéraires (notamment, Benjamin Fondane, au temps du poème, éd. Verdier, 2006, et Pour chorus seul – À Jean-Pierre Duprey et Claude Tarnaud, éd. Les Hauts-Fonds, 2013). Pour les Hauts-Fonds, il a collaboré à l’édition des livres de Guy Cabanel et René Crevel.

 

 

 

Claude Tarnaud

 

    

 

© Couverture « L’AVENTURE DE LA MARIE-JEANNE… »

Gibbsy Tarnaud | Photographies de couverture et du volume

 

 

« L’Aventure de La Marie-Jeanne ou le Journal indien »

Les Hauts-Fonds, 2013

http://www.leshauts-fonds.fr/

 

 

 

 

Lorsque, les yeux protégés par des lunettes étanches de la myopie due au contact de la cornée avec l’élément liquide, on nage sous l’eau et que l’on est pris dans un courant qui vous entraîne à la même vitesse et dans les mêmes tourbillons que les algues, autour, et le sable, au fond, alors ce sont les rochers qui se déplacent, paniques, par à-coups et dans les directions les plus imprévues. Les lettres sont les récifs du langage et si l’ont est entraîné par le flux de la parole à la même vitesse et dans les mêmes tourbillons que les pensées, autour, et les désirs, au fond, alors ce sont les lettres qui se déplacent, spasmes, par à-coups, et dans les directions les plus prévisibles pour peu que l’on s’attache à déterminer leurs places respectives au milieu du sable des passions.

 

---------------------------------------------------------------------------             25

 

*** 

 

Je devenais le jouet favori du hasard. Son double. Et j’interprétais :


  « J’ai découvert la réalité du cactus à travers les mailles ténues d’un hamac maya. C’est la flamme verte – le sel y fut versé – figée dans son plein mouvement incessant – les radiations calorifiques en épines – la flamme verte, ai-je dit, celle que le prêtre prétend ranimer en déposant le chlorure de sodium sur la langue-flamme-à-verbe du baptisé.

 

  … Je dormais. Une blatte cherchait à pénétrer dans mon oreille gauche. Machinalement ma main la saisit et, dans mon demi-sommeil, j’eus l’impression qu’il s’agissait d’une mante religieuse. La conscience subite de mon erreur m’imprima une panique telle que je laissai l’insecte. Ce ne fut qu’après une infernale partie de cache-cache parmi les encombrements de la chambre que je parvins à écraser la bête avec le premier objet qui me tomba sous la main : une cartouche, couleur d’argent et de pourpre, de cigarettes Pall Mall (prononcez Pêle Mêle). »

 

---------------------------------------------------------------------------             85 

 

***

 

(…) le supplément magazine qui fait partie de l’édition dominicale du New York Times publiait sous le titre UN Cats Dig Jazz une série de photographies prises pendant le concert donné aux Nations Unies. Sur l’une d’entre elles, apparaissait très distinctement mon visage effaré et ravi. Cela ne m’aurait pas ému outre mesure si, dans le même numéro du magazine, n’avait figuré un groupe de photographies de l’aquarium de Coney Island, dans lesquelles se pavanaient en gros plans mes acteurs préférés des cours de madrépores bariolés engloutis au large de Mogadiscio : le dangereux ptéroïs aux longues rémiges en guise de nageoires, les poissons-anémones qui vivent à l’abri des beaux et cruels tentacules de l’actinie, le poisson-pierre, doué d’invisibilité et de venin mortel, et une murène bleu ardoise, la gueule béante.

 

---------------------------------------------------------------------------             159

 

 


Jean-Pierre DUPREY

 © Photo : Luc Joubert | “Soleil noir”

 

 

SITES À CONSULTER

 

 

Articles


POUR CHORUS SEUL

Une lecture de Jacques Josse

Remue.Net – 7 novembre 2013

 | © Cliquer ICI


UNE MAIN, DEMAIN

Par Patrice Beray

Mediapart – 11 mars 2009

 | © Cliquer ICI


Sur les LA VIERGE DU NEANT,
premiers poèmes de Jean-Pierre Duprey

Alexandre SECHER

In« L’art d’aimer » (revue d’essais critiques)

 | © Cliquer ICI

 

 

Poèmes  



NAUFRAGE

(Mai 1946)

Sur le site : Terres de Femmes

 | © Cliquer ICI 


CRI

Sur le site : Littérature de partout

 | © Cliquer ICI


Sur le site : La Frenière & Poésie

 | © Cliquer ICI

 

 


Ghérasim Luca et Claude Tarnaud

à Oppède vers 1958/60

 © Photo : Gilles Ehrmann | “Soleil noir”

 

SITE À CONSULTER

 

CLAUDE TARNAUD

Site dédié à Claude Tarnaud

 | © http://claudetarnaud.com/

 

 

 



[1] « (…) la détermination de s’aventurer vers la haute mer du langage. », Annie Le Brun, in « Qui Vive », p.30.

[2] Ibid., p.50.

[3] Ibid., p.59

[4]Jean-Christophe Bailly, « Jean-Pierre Duprey », Pierre Seghers, coll. « Poètes d’aujourd’hui », 1973.       

[5] Patrice Beray, « Pour chorus seul », p.32.

[6] Patrice Beray, « Pour chorus seul », p.40.

[7] Ibid., p.37

[8] Ibid., p.44

[9] Claude Tarnaud, « L’Aventure de la Marie-Jeanne ou le Journal indien », p.16.

 

17/12/2013

Les Carnets d'Eucharis, année 2014 (Abonnement & Souscription)

 

 

Les Carnets d’Eucharis

●●●●●●●●●Poésie| Littérature Photographie | Arts plastiques●●●●●●●●●  (2014)

 


 

 

Les Carnets d’Eucharis, Année 2014

(CARNET 2)

 

Format : 170 x 250 | 160 pages | ISSN : 2116-5548

ISBN : 978-2-9543788-1-7

France : 17 € (rajouter 4 € frais de port)

 

En vente : 1er mars 2014

 

●●●

 

(COMITÉ DE RÉDACTION)

Nathalie Riera, Claude Darras, Richard Skryzak, Tristan Hordé,

Angèle Paoli, Claude Minière, Sabine Péglion, Gérard Larnac

 

 

 

Sommaire

 

 

Les Carnets d’Eucharis     [2014]

 

●●●

 

AVANT-PROPOSNathalie Riera

 

 

ÉTIENNE FAURE

[Entretien conduit par Tristan Hordé]

 

 

AU PAS DU LAVOIR

20 I Fabrice Farre [NOUS, LES CHOSES…]

23 I Noémie Parant [45 lettres à D. (extrait)]

27 I Corinne Le Lepvrier [liste provisoire de mes derniÈres dÉcouvertes sur ma vie]

30 I Armelle Leclercq [Les Sentinelles des dieux]

36 I Jean-Louis Bernard [POÈMES CHOISIS]

39 I Jean-Marc Gougeon [POÈMES CHOISIS]

44 I Marie de Quatrebarbes [POMME FATALE]

47 I Aurélie Foglia [FINITIFS]

55 I Marie Etienne [UN ENFANT QUI S’ENDORT]

 

LE CHANTIER DU PHOTOGRAPHE

61 ISur une photographie (extrait de « Mallarmé & les fantômes ») Claude Minière

 

PORTFOLIO  I Cahier visuel & textuel de 16 pages

Photographies : Éric BourretI Texte :François Coadou (L’ivresse des sommets)

 

EN HAUT DU PRÉI Petite anthologie de textes contemporains & de Paroles d’artistes

66 IPhotos-vidéos &Texte : Richard Skryzak (Les Rêveries d’un vidéaste solitaire)

71 I Claude Minière (Numériques)

76 IPaul Louis Rossi[La Raison Pure]

80 IPierre Petit[Le Collectionneur]

 

TRADUCTIONS

  84 IW.S. GRAHAM & Paul STUBBS Traduits de l'anglais par Blandine Longre

100 IMariangela GUALTIERI Traduit de l'italien par Angèle Paoli

113 IJuan GELMAN Traduit du séfarade-espagnol par Raymond Farina

116 IViviane CIAMPI Traduit de l’italien par Raymond Farina

121 IEva-Maria BERG Traduit de l'allemand par Brigitte Gyr

129 IMina LOY Traduit de l’anglais par Olivier Apert

 

Portraits Lectures Critiques

140 I [Portrait biographique] Mina Loy : une cartographe de l’imaginaire, Nathalie Riera

144 I[Portrait critique] La tragédie humaine de René Knapen, Claude Darras

150 I [Lectures] Jacques Moulin, À vol d'oiseaux (L'Atelier contemporain, 2013) Tristan Hordé 151 I Jean-Marie Gilory, Songeries d’un rêveur insulaire (La Botellerie Editeur) Jean-Louis Bernard • 153 I Cécile Oumhani, Tunisie, carnets d’incertitude [Tunis, Editions Elyzad/Collection Sous les remparts, 2013] Sabine Péglion • 155 I Marie Huot, Douceur du cerf (Al Manar/Alain Gorius, 2013) Angèle Paoli • 159 IÉric Sarner, Cœur chronique, (Le Castor Astral, 2013) Brigitte Gyr • 162 I Jacques Laurens, Père éternel (Hermann/Collection Vert Paradis, 2013) Olivier Salazar-Ferrer

 

 

 


 Abonnement & Souscription


 

*[Année 2014]

 

●●●

 

(RÉDACTION & SIÈGE SOCIAL)

 

 

L'Association L'Atelier des Carnets d'Eucharis

L'Olivier d'Argens - Chemin de l'Iscle - BP 44

83520 ROQUEBRUNE-SUR-ARGENS

CONTACT : nathalieriera@live.fr

 

 

(ABONNEMENT/SOUSCRIPTION)

 

 

NOM/PRENOM :

……………………………………………………

 

ADRESSE :

……………………………………………………

……………………………………………………

……………………………………………………

 

CODE POSTAL /VILLE :

……………………………………………………

 

MAIL : …………………………………………………….

 

 

 

Je souhaite

 

faire un don de soutien à L’Association L’Atelier des Carnets d’Eucharis

Je verse la somme de : _____________ €

 

un simple abonnement à la Revue annuelle Les Carnets d’Eucharis

Prix de l’abonnement annuel :

17 € (+ frais de port à ajouter :

4 € France – 7,50 € Etranger)

 

□ PREMIER NUMÉRO :

Année 2013

[Susan Sontag]

21 €, frais de port compris

 

□ DEUXIÈME NUMÉRO :

Année 2014

[Carnet 2]

21 €, frais de port compris

 

Je vous adresse le montant total de : _______ €

 

par chèque à l’ordre de

L’Association L’Atelier des Carnets d’Eucharis

 

par virement

 

Banque Caisse d’Epargne Côte d’Azur

N° de compte : 08004840629

IBAN : FR76 1831 5100 0008 0048 4062 952

BIC : CEPAFRPP831

 

 

Date :                         Signature :


 

 logo pdf.jpg

Les Carnets d'Eucharis 2014 -CLIQUER ICI 

 

 

 


 

 


2013-2014 | Revue papier Les Carnets d’Eucharis | ISSN : 2116-5548 |ISBN : 978-2-9543788-1-7

 

 

 

L'Association L'Atelier des Carnets d'Eucharis

L'Olivier d'Argens - Chemin de l'Iscle - BP 44

83520 ROQUEBRUNE-SUR-ARGENS

CONTACT : nathalieriera@live.fr

 

 

 

07/12/2013

Norman Manea, La cinquième impossibilité

 

 

NORMAN MANEA

La cinquième impossibilité

 (Le Seuil, 2013)

 

 

 

COLLECTION « Fiction & Cie »

Essai traduit du roumain par Marily Le Nir et Odile Serre

SITE DE L’EDITEUR - http://www.seuil.com/auteur-10399.htm

 

 

 

Norman MANEA

 Site Bard College | © Cliquer ICI

 

 

____________________________________________________________________________

  

Une lecture de Nathalie Riera

« LA MAISON DE L’ESCARGOT ROUMAIN »

  

 

« L’impossible n’est pas seulement la négation simpliste, irrévocable, du possible mais plutôt sa blessure faste, enrichissante, qui valide par contraste et par complicité l’extension maladive, nocturne, de disponibilités inexplorées et secrètes »

 

Norman Manea, La Cinquième impossibilité, p.249

 

 

 

Norman Manea, né en 1936, est déporté à l’âge de 5 ans, avec toute la population juive de Bucovine. Sa seule langue d’origine, le roumain, sa « langue intérieure », sa « langue-domicile », « la maison et la patrie de l’écrivain », restera unique, malgré sa connaissance et sa pratique du yiddish, de l’ukrainien, de l’allemand, du russe et du français, et malgré ses divers domiciles linguistiques en exil, comme Berlin-Ouest, où il vit en 1987, et plus tard, New York, la  ville Dada, « ce frénétique kaléidoscope du monde » (p.244), où il fera sa première apparition publique, à l’automne 1989 ; New York où il continue d’habiter la langue roumaine « comme Paul Celan habitait la langue allemande à Paris. »

 

« J’avais tout de même emporté avec moi la langue, ma maison, comme un escargot. Elle continuerait de m’être premier et ultime refuge, domicile enfantin et immuable, lieu de survie.» (p.53)

 

Si l’être apatride ne peut être dépossédé de la langue dans laquelle il a été « formé et déformé », Norman Manea a dans la cartographie de son destin la violence de l’exil, comparable à un no mans’ land vertigineux.

 

« La cartographie de mon destin inclurait, sans doute, la Bucovine où je suis né, les camps d’extermination de mon enfance au-delà du Dniestr, le camp communiste de Periprava, qui a changé l’identité de mon père, le Bucarest de ma vie d’étudiant et d’adulte, Berlin, début de l’exil et, finalement, New York où mon exil a été naturalisé. » (p.242)

 

La Cinquième impossibilité rassemble, en douze textes, les amitiés et les affinités de l’écrivain roumain avec les écrivains Ernesto Sabato, Philip Roth, Paul Celan, Benjamin Fondane, Eugène Ionesco, Cioran, Antonio Tabucchi, Saul Bellow, Claudio Magris et Franz Kafka. Parmi eux, Magris et Tabucchi figurent parmi les amitiés les plus fécondes. Les éminents écrivains Manea et Magris (ce dernier né à Trieste, la patrie des apatrides, en avril 1939) se rencontrent vers le milieu des années 90, au Festival International des écrivains de Toronto.  

 

« J’enviai une fois de plus la grâce élégante de son style, son érudition naturelle, sa gentillesse conviviale, sa courtoisie de lettré. » (p.195)

« Un aristocrate de la culture, aussi naturel dans sa relation à la réalité de la vie que dans son rapport à la réalité du livre. » (p.196)

 

Autre rencontre-cadeau de son exil, l’écrivain italien Antonio Tabucchi, récemment décédé à Lisbonne, sa seconde patrie, et connu aussi comme traducteur et passeur de l’œuvre de Fernando Pessoa.

 

Manea reconnait en la lecture des grands écrivains son caractère formateur, et pour celui qui a vécu l’expérience de la déportation, « exposer ses vieilles cicatrices à la cosmogonie du nouveau rivage relevait d’une pédagogie bénéfique. » (p.11) La souffrance sauvée par la création « se révèle ainsi d’une paradoxale utilité thérapeutique. » (p.35) Manea se consacre alors, sans répit, à la maladie et à la thérapie de la littérature.

 

La Cinquième impossibilité renvoie aux 3 « impossibilités » de Kafka. C’est dans une lettre à Max Brod, sur la situation des écrivains juifs de langue allemande, que kafka aborde les impossibilités de langage : « l’impossibilité de ne pas écrire, l’impossibilité d’écrire en allemand, l’impossibilité d’écrire dans une autre langue, à quoi l’on pourrait presque ajouter une quatrième impossibilité : l’impossibilité d’écrire. »

Le possible a ses carences, « l’hospitalité trompeuse et corruptrice du possible », quand l’impossible devient comme un moyen de dédommagement, une réparation, pour Manéa « une sorte de revanche », et que vivre dans l’impossibilité c’est vivre « en tant qu’une des formes paradoxalement vivantes de l’existence. »

Norman Manea propose une cinquième impossibilité omise par Kafka : « On pourrait l’appeler « transfert » ou « radicalisation » ou « carnavalisation de l’impossibilité ». L’exil. L’exil d’avant et  d’après l’exil, la perte du chez-soi et ce qui s’ensuit une fois l’allogène expulsé avec tout, y compris sa langue volée, dans un milieu véritablement étranger des points de vue linguistique, géographique, historique et social. » (p.265)

 

 

Nathalie Riera, décembre 2013

Les carnets d'eucharis

 

 

 

Les livres constituent un « jeu second » essentiel de la biographie, et la bibliographie une généalogie livresque plus importante, souvent, que celle qui est inscrite dans les archives de l’hérédité.

Les êtres-personnages des rayons de bibliothèque composent une seconde population du monde, qui nous parle de l’esprit et du cœur des recensés de la planète, avec une influence plus durable que le tintamarre quotidien. Ils sont nos indéfectibles « compagnons de route », de désespoir et d’espoir.

 

---------------------------------------------------------------------------             10/11

 

 

***

 

 

Le « trauma privilégié » de l’exil a suscité chez moi d’importantes analyses du monde extérieur et de mon monde intérieur. Je prends acte, aujourd’hui, avec une conscience accrue de l’universalité, de la cacophonie de l’actualité, du vertigineux mercantilisme de la culture et des consciences dans notre époque de transactions et d’ersatz, d’incessante perversion du Logos.

 

---------------------------------------------------------------------------             11

 

 

 

 

Cliquer ICI

 

 

 

05/12/2013

Joe Wenderoth - Trois poèmes (traduits par Raymond Farina)

 

Joe Wenderoth

Trois poèmes

 Joe Wenderoth_traduit par Raymond Farina_LCE_Décembre 2013.jpg

© J. Wenderoth

 

 

 

:- :- :- :- :- :-

 

 

Poèmes publiés avec l’aimable autorisation

de Joë Wenderoth

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MA VIE

 

 

 

                          d'après Henri Michaux

 

 

 

 

 

Il entra je ne sais comment dans ma chambre.  

Je l'y découvris, et il était, naturellement, pris au piège.  

Ce n'était rien de plus qu'un animal effarouché.  

Alors je le remis debout.  

Je le gardais pour moi, le gardais dans ma chambre,  

le gardais pour son propre bien.  

Je nommais l'animal Ma Vie.  

Je lui trouvais sa nourriture et lui la mangeait dans ma main.  

Je le laissais entrer dans mon lit, respirer dans mon sommeil.  

Et l'animal, dans ma tendresse, mon soin constant,  

grandit et devint fort, et capable de maints tours habiles.  

Un jour, tout récemment,  

en passant ma main sur le flanc de l'animal,  

j'ai fini par comprendre  

qu'il pouvait me tuer sans peine.  

Et je réalisai, aussi, qu'il voulait me tuer.  

C'est pour cela qu'il existe, pour cela que je l'ai remis debout.  

Dès lors je n'ai plus su que faire.  

Je cessai de le nourrir,  

seulement pour m'apercevoir que sa croissance  

était sans rapport avec la nourriture.  

Je cessai de le nettoyer  

et je m'aperçus qu'il se nettoyait tout seul.  

Je cessai de chanter pour l'endormir  

et m'aperçus qu'il s'endormait plus vite sans ma chanson.  

Je ne sais que faire.  

Je ne fais plus faire à Ma Vie ses tours.  

Je laisse seul l'animal, et, à l'heure qu'il est,  

il me laisse seul, lui aussi.  

Je n'ai rien à dire, rien à faire.  

Entre Ma Vie et moi,  

un silence s'installe.  

Nous ne parviendrons pas à le franchir ensemble.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MY LIFE

 

 

 

                          After Henri Michaux

 

 

 

 

 

Somehow it got into my room.  

I found it, and it was, naturally, trapped.  

It was nothing more than a frightened animal.  

Since then I raised it up.  

I kept it for myself, kept it in my room,  

kept it for its own good.  

I named the animal, My Life.  

I found food for it and fed it with my bare hands.  

I let it into my bed, let it breathe in my sleep.  

And the animal, in my love, my constant care,  

grew up to be strong, and capable of many clever tricks.  

One day, quite recently,  

I was running my hand over the animal’s side  

and I came to understand  

that it could very easily kill me.  

I realized, further, that it would kill me.  

This is why it exists, why I raised it.  

Since then I have not known what to do.  

I stopped feeding it,  

only to find that its growth  

has nothing to do with food.  

I stopped cleaning it  

and found that it cleans itself.  

I stopped singing it to sleep  

and found that it falls asleep faster without my song.  

I don’t know what to do.  

I no longer make My Life do tricks.  

I leave the animal alone and, for now,  

it leaves me alone, too.  

I have nothing to say, nothing to do.  

Between My Life and me,  

a silence is coming. Together, we will not get through this.

 

 

 

 

Traduction de Raymond Farina

 

  

 

© Joe Wenderoth

Les carnetsd'eucharis (décembre 2013)

 

 

 

 

 

  joe wenderoth.jpg

© (Photo X droits réservés)

  

 

 

NOTICE BIOBIBLIOGRAPHIQUE

 

Joë Wenderoth a grandi à Baltimore. Il enseigne à l’Université de Californie.

 

Ses poèmes ont été accueillis dans des revues comme The American Poetry Review, Granta Magazine, Triquarterly, Seneca Review et Colorado Review et dans de nombreuses anthologies – Poetry 180, The Best American Prose Poems : From Poe to Present, The New American Poets : A Bread Loaf Anthology, American Poetry : Next Generation, Best American Poetry, The Best American Essays 2008.

 

Il a publié Disfortune aux Editions Wesleyan University Press, en 1995, « It Is If I Speak » , chez le même éditeur, puis Letters to Wendy ( 2000 ), The Holy Spirit of Life : Essays Written for John Ashcroft’s Secret Self (2005), No real Light (2007), Wave Book (2007).



 


DOSSIER PDF COMPLET (à télécharger)

Joe Wenderoth_traduit par Raymond Farina_LCE_Décembre 2013.pdf 

 

 

28/11/2013

Nathalie Riera, Solaria

karl_blossfeldt_Salvia officinalis.jpg

Karl Blossfeldt, Salvia Officinalis



 

Extrait de

:- :- :- :- :- :- :

 

 

SOLARIA

Nathalie Riera

 

Inédit, 2013/14

 

 

 

Amor con tal dolcezza m’unge et punge *

Petrarque, Canzoniere, CCXXI, 12

 

 

J’aime entendre les rues et les jardins de tes poèmes et ta voix me faire ouïr tes great poems of love, sur des centaines de pages vert-laurier renaître de n’avoir pas langue rassasiée. Or blanc et argile,  nos paroles font le monde et leurs pommiers fleuris. Polyphonie des fruits sous l’hypnose voyageuse des bengalis. L’obscurité est sur le monde… dixit Blackburn, et l’amour. Ne séchera la langue qui t’aime, la merveille du genêt à orner ce qui nous désole, contre la bête stupide. Vouloir être ta jolie, et quand le soleil est d’être un peu l’espoir des rosacées et des floridées, sentir poindre le souffle chaud de l’aura, m’oindre de violettes et de cenelles, to be your song. Je ne perds pas le fil de la moindre de tes chansons.

 

 

Nous gardons en nous la rose et le rhizome, à notre amour le cyclamen des gaietés, le rire et la risée, tous ces portraits que tu esquisses et qui me donnent force contre tout déficit, toute altération.

 

 

 

Main dans la main, à vrai dire, un seul cœur **

 

 

Je crois en l’incantation guérisseuse, combinaisons de plantes et de mots : la grande mauve pour apaiser nos enrouements, et le jaune d’or pour la rime. A ciel découvert, main dans la main, quand la fleur de cassier chasse l’ingrat, l’amour ma seule jouvence, de tout mon soûl aux syllabes mellifères.

 

Main dans la main, je veux avec toi conserver la mémoire des fruits d’or.

 

 

_________________________ 

* Amour met tant de douceur à m’oindre et me poindre 

** Wang Wei, Paysages : miroirs du cœur

 

27/10/2013

William Sydney Graham

 W.S. GRAHAM

LES DIALOGUES OBSCURS

Poèmes choisis

 

 

Traduit de l’anglais par Anne-Sylvie Homassel & Blandine Longre

Introduction de Michael Snow / Postface de Paul Stubbs

Recueil bilingue

 

The Dark Dialogues

Selected poems

translated from the English by Anne-Sylvie Homassel & Blandine Longre

Introduction by Michael Snow / Afterword by Paul Stubbs
bilingual book

---------------------------

 

 

ws graham.jpg

 

© Black Herald Press, Septembre 2013
174 pages - 14 € / £ 12 / $18
ISBN  978-2-919582-07-5

 

 

 

 

Lecture

 

W.S. Graham

« des lumières de tous côtés »

__________________________________________________________________________________________

 

Beau présent poétique que nous offrent actuellement les Editions Black Herald Press avec les fabuleux « Dialogues Obscurs/The Dark Dialogues » de W.S. Graham : une vingtaine de poèmes, extraits de plusieurs recueils, publiés entre 1942 et 1993, sont traduits pour la première fois en français.

Né en 1918 dans la petite ville écossaise de Greenock, William Sydney Graham vouera très tôt sa vie à l’écriture et à la poésie. Une introduction au poète et à son œuvre est signée Michael Snow, qui fut un proche de Graham, et ne cessera de promouvoir son œuvre, avec notamment The Nightfisherman : Selected letters of W.S. Graham (1999). Traduit en néerlandais, en allemand, en espagnol et en suédois, les traductions en français devraient participer à une reconsidération de l’œuvre poétique. Sur ce sujet, une postface de Paul Stubbs nous éclaire avec grand intérêt sur la réception de l’œuvre de Graham en Grande-Bretagne : jugé poète difficile, son travail aura souffert de « comparaisons littéraires les plus superflues ». En réponse à une opinion critique malhabile « fondée sur la notion terroriste de 'goût' du public », P. Stubbs trouve justice à penser que « la qualité de ces traductions est telle que Graham (…) n’est pas seulement un imposteur dans un autre langage, une créature pseudo-métaphysique captive d’une peau étrangère ; au contraire, ce recueil lui permet de poursuivre son exploration parmi les phonèmes, d’une calotte polaire à la suivante » (p.136).

Si l’histoire poétique de Graham ne vise pas le champ politico-social, elle a son point d’ancrage dans le champ marginal des inventions et de la transgression linguistiques. Poésie influencée par Joyce, Beckett, Marianne Moore, Pound, Eliot, Les Dialogues Obscurs nous révèlent un espace éclairé de reliefs énergiques, et au cœur de ce même espace, le lecteur « explorateur », en même temps qu’inspiré, ne peut que partager l’euphorie du poète : « l’euphorie d’être vivant dans le langage » ; partager également ce portrait succinct de ce que peut être un poète qui, lorsque abandonné à lui-même, devient cet « étranger métaphysique enfin dépouillé de la fiction de la personnalité ». (P. Stubbs)

 

Pour écrire, il y a des lumières et des obscurités à emprunter de tous côtés, des dialogues à saisir, qui nous parlent d’Etre et de non-être, peut-être pour nous inciter à davantage de rêveries, de relâchements. Ces dialogues obscurs n’ont rien de mystique : ils nous laissent entrevoir une autre dimension de nous-mêmes, issus d’un ici et maintenant non dénué de singularité. La poésie ne doit pas rester parmi les mots. Elle doit emprunter au monde réel, et non au rempart de la pensée conceptuelle. Mais « Si ce lieu où j’écris est réel alors/Il me faut être allégorique » :

 

                                                          

 

 

                                                               Pauvre tel un gribouillage, mon crime pour un diamant

                                                               Est un fou de Bassan en lequel je suis fait,

                                                               Non par la tête mais par le bec de la main qui plonge

 

                                                         (p.21)

 

 

 

 

Le poème est une navigation de la langue, et le délire du poète est d’être un chercheur incessant, qui aborde toutes les directions. Poète aussi de la transmutation des êtres et des choses, l’écriture est un monde de mouvances, un hors-temps du temps, avec ses navires d’écume, ses fourches d’eau, ses récifs naufrageurs, ses vagues en troupes de la mer, ses planchers en noyade, ses murs marins d’écaille

 

                                                          Et nous tranchons les flots

                                                               Quittons la terre noire

                                                               Au large dans les nerfs

                                                               Ondulants de la mer

 

                                                               (p.47)

 

 

« (…) une montagne artificielle, un ajout au monde » : le poème, dans sa géographie de masses rocheuses, de volumes saillants ou en creux, a aussi le « pouvoir de libérer un individu dans son propre monde », ainsi que « permettre au lecteur de faire quelques découvertes sur lui-même ». Le poème existe de la difficulté à communiquer, à s’exprimer, et du prodige à être présent, c’est-à-dire, à être auprès de soi, nous soufflerait Henri Maldiney*, de l’autre côté de soi, dans une proximité inapprochable.

 

________

* Henri Maldiney, « Art et existence », Ed. Klincksieck, 2003 – (p.222)

 

© Nathalie Riera, octobre 2013

 

 

 

 

 

Extrait de “Le seuil blanc”/«The White Thresbold», 1949

 

p. 29.

 

 


Les siècles tournent leurs verrous

Et ouvrent sous la colline

Leurs livres et leurs portes reçus en héritage

Rassemblés pour distiller

Tels joyeux cueilleurs de baies

Une voix unique pour nous parler.

 

The centuries turn their locks

And open under the hill

Their inherited books and doors

All gathered to distil

Like happy berry pickers

One voice to talk to us.


 

 

***

 

Extrait de “La pêche de nuit”/«The Nightfishing», 1955

 

 

p. 47.

 

 


Et de nouveau aveuglé par

L’hémisphère

Désouvert et lumineux,

Ancien par-dessus moi,

 

Ce lieu présent  

Est transmuté en

Lieu sans souffle, immobile,

Déroulé sur manuscrit

Et tourné vers cette lumière

 

Now again blindfold

With the hemisphere

Unprised and bright

Ancient overhead,

 

This present place is

Become made into

A breathless still place

Unrolled on a scroll

And turned to face this light.


 

***

 

 

logo pdf.jpg

Nathalie Riera_W.S. Graham.pdf

10/10/2013

Les Carnets d'Eucharis N°39 - Automne 2013

 

 

●●●●●●●●●  

Poésie | Littérature Photographie| Arts plastiques 

●●●●●●●●●

 

En ligne

 

 

■■■

 

Les carnets d’eucharis n°39

AUTOMNE 2013

 

1ère Couverture_Les carnets d'eucharis N°39.jpg

 [« Les tortues du jardin hanbury »] © Nathalie Riera, 2013

■■■

logo pdf.jpg 

 

Cliquer ICI

 

 

 

 

Les Carnets d'Eucharis N°39_Automne 2013_WEB.pdf

06/10/2013

Nathalie Riera - Les tortues du Jardin Hanbury

NATHALIE RIERA

Au fil des tortues

2013

 

 

 

 

 tortues3.jpg

 

 

© Nathalie Riera – Les tortues du Jardin Hanbury, 2013

 

 

 

 

 

 

[Les tortues du Jardin Hanbury/Giardini Hanbury - Ventimiglia]


©  Nathalie Riera, 2013

 

 

 

 

tortue avec encadrement.jpg

 

 

© Nathalie Riera – Les tortues du Jardin Hanbury, 2013

 

 

 

 

 

Les Carnets d'Eucharis par Patrick Kéchichian

 

entete.jpg

 

Les Carnets d'Eucharis

 

Poésie/Littérature Photographie Arts plastiques

 

 par Patrick Kéchichian

__

L’événement est à marquer d’une pierre blanche. Ces dernières années, on voyait surtout des revues qui passaient – étaient contraintes de passer – de l’état papier à l’état virtuel. On s’est presque habitué à tourner des pages qui n’avaient aucune réalité palpable, même si la machine, par excès de zèle, imite parfois le bruit ! La littérature, l’écrit, en voie de dématérialisation : la chose avait, a toujours, de quoi nous alarmer. Là, c’est l’inverse : le papier a une consistance, une odeur. On respire mieux soudain.

Les Carnets d’Eucharis, animés par Nathalie Riera, existent depuis 2008 en version numérique. Prose et poésie, mais aussi arts plastiques et réflexion critique se rencontrent, se croisent, dialoguent. Dans le premier numéro papier elle explique dans un entretien la vocation de sa revue : « Ma décision d’en venir, une fois par an, à une version papier, est aussi une manière de ne pas négliger un autre pan du lectorat qui s’avère peu attaché à la seule lecture numérique. Je n’ai aucune certitude quant à savoir si cela est ou non un bon choix. Certains lecteurs ont trouvé la démarche curieuse, l’estimant à contre-courant de ce qui se passe actuellement, à savoir la désertion du support papier en faveur du support numérique. » Puis elle cite cette amorce d’analyse par Claude Minière : « Dans le passage à l’édition “papier”, il y a un geste significatif. Par là, vous allez vers ce qui se donne à la main, ce qui peut se lire dans la main (dans la méditation) – et donc n’est plus sous l’impression binaire “informatique”, se déroulant pour l’œil seul. C’est important. » Oui, Claude Minière a raison de souligner la signification de ce passage préalable par la main qui éprouve avant l’œil, autrement que lui. Ce « travail de circulation » dont parle Nathalie Riera trouve là, en même temps que son support naturel, sa raison d’être.

Le premier numéro est consacré à Susan Sontag, avec des contributions diverses et des extraits de l’oeuvre. La littérature n’est pas un secteur délimité. « Lire c’est espérer le voyage qui ébranle mes certitudes ou mes acquis », affirme Nathalie Riera dans le même entretien. Le geste esthétique comme volonté de « faire de la résistance » : Susan Sontag, jusqu’à sa mort en décembre 2004 à New-York (elle était née en 1933) incarna cet esprit de résistance. La vieille Europe autant que le Nouveau Monde, la politique et l’esthétique, la capacité d’admiration et la volonté d’analyse s’harmonisaient chez elle au sein d’une grande intelligence. Intelligence dont témoignent ses écrits, y compris posthumes (on édite actuellement son Journal chez Christian Bourgois). « Si je me suis engagé en littérature, tout d’abord comme lectrice puis comme écrivain, c’est aussi une extension de mes sympathies pour d’autres personnes, d’autres domaines, d’autres rêves, d’autres mondes, d’autres grandes questions. » Cette forme de « sympathie », assez rarement revendiquée par les écrivains, ne vient pas concurrencer l’intelligence, mais la renforcer.

Le dossier Sontag occupe environ le tiers du numéro. Des cahiers de création, poétique, photographique et de traduction, forment la deuxième partie. Enfin, classiquement (mais nécessairement), un ensemble de recensions critiques conclut le numéro.


La Revue des revues no 50, 2013

 

LIEN : http://www.entrevues.org/revue_extrait.php?id=8193

 

27/07/2013

Kate Summerscale

 

 

Kate Summmerscale

La déchéance de Mrs Robinson

 (Christian Bourgois Editeur, 2013)

 

 

JOURNAL INTIME D’UNE DAME DE L’EPOQUE VICTORIENNE

Traduit de l’anglais par Eric Chédaille

SITE DE L’EDITEUR - http://www.christianbourgois-editeur.com/

 

 

 

 

Kate Summerscale

Juin 2006 | Bloomsbury plc | © Mark Pringle

 

 

 

Une lecture de Nathalie Riera 

____________________________________________________________________________

 

« La déchéance de Mrs Robinson » a pour cadre le procès devant le tribunal des Divorces et Affaires matrimoniales d’Henry Oliver Robinson et d’Isabella Walker. Après avoir découvert par accident le journal intime de son épouse, et son aveu d’adultère, H.O. Robinson convoque le tribunal londonien pour dissolution de son mariage. Requête qui soulève la question de l’écrit comme preuve et de la complexité face à la crédibilité du journal intime et à la véracité des évènements qui y sont rapportés. Le journal d’Isabella ne serait-il pas le produit d’un dérangement mental ? de fantasmes sans corrélation avec des faits réels, ou, au contraire, l’œuvre d’un esprit s’adonnant à une activité purement littéraire, se jouant à mêler réalité et fiction sans autre but qu’une « forme d’apprentissage, d’exercice préalable à la composition d’un roman. » (p.212). Ici, référence à Emily Brontë et sa sœur Anne, et à la diariste Fanny Burney.

Consigner ses expériences pour une femme née dans la société victorienne, c’est faire du journal un lieu de révélation et d’effusion, mais aussi un moyen de « déchiffrer sa vie », et pour une anglaise de classe moyenne, être « capable d’attenter à la décence avec sa plume » : « Comme l’économiste et philosophe Herbert Spencer, qui décrivait ses mémoires comme ‘une histoire naturelle de (sa) propre personne’, elle dressait le relevé de son évolution personnelle. En écrivant et en lisant son journal, elle avait espoir de comprendre son moi aliéné et conflictuel par le biais de cette extériorisation, de pénétrer dans sa propre tête et sous sa propre peau. » (p.61)

Dans l’histoire littéraire, certains journaux intimes passent pour apocryphes, ou ont au contraire la réputation d’un excès d’honnêteté. Kate Summmerscale cite à ce sujet les carnets d’Horace Walpole qui « consigna délibérément des choses fausses » (p.205), à l’opposé du journal de Samuel Peppys « réputé pour sa franchise ». Du temps de l’époque victorienne, « la rédaction des annales de la vie domestique et spirituelle » révèle un goût prononcé pour l’introspection, tels que les carnets personnels du mémorialiste et bibliophile John Evelyn, parus pour la première fois en 1818.

 

Outre les fonctions du journal intime, Isabella souffre d’un mariage malheureux, institution considérée de son point de vue : « arbitraire et inique ».  Lecture et écriture sur soi, contre le desséchement et l’esseulement : K. Summerscale ne manque pas de faire un parallèle avec Madame Bovary. Isabella écrit son journal à la même époque que la parution du roman de Gustave Flaubert.

Durant le procès, journalistes, médecins et spécialistes du royaume seront appelés à témoigner, à partir des écrits d’Isabella, autrement dit à mettre en cause la véracité du journal.  Mais la « défense d’Isabella fut beaucoup plus dégradante que ne l’aurait été un aveu d’adultère. » (p.224) Isabella considère cette lecture non consentie de son journal « comme une agression quasi sexuelle ». Dans une lettre pleine de rage, elle écrit :

« Que des hommes, de parfaits inconnus, nullement autorisés à le faire, se soient crus en droit d’y mettre le nez, de dépouiller et de censurer mes écrits intimes, d’y choisir des passages, avec leurs pattes fouineuses, impudentes, ignobles, cela je ne puis le comprendre. Je n’aurais jamais agi de même, pas plus que je n’aurais eu la bassesse d’espionner leurs prières, les balbutiements de leur sommeil ou les accents de leur délire ; je me serais tenue pour insultée par la simple invite à lire des pages destinées au seul regard de leur rédacteur. » (p.229)

 

« Le journal offre un aperçu de ce que pourrait devenir la société si la vision nouvelle, évolutionniste, du monde venait à s’imposer ».

 

Nathalie Riera, juillet 2013

Les carnets d'eucharis

 

                                    

 

 

 

 

 

p. 214.

 

 

Mr Nightingale décrit son journal comme son « seul réconfort », mais il est devenu un symptôme et même une cause de sa maladie. Lorsqu’il est dérobé et lu par d’autres personnes, il le trahit ; au lieu de l’aider à voir en lui-même, il permet à d’autres de lire en lui ; au lieu de le laver de son péché, il le livre à ceux qui vont le châtier. La passivité de ce journal est une illusion. A la fin de la pièce, Mr Nightingale reçoit ce conseil : « Brûlez ce livre et soyez heureux ! »

 

 

 

***

 

p. 212/213.

 

Diaries (du latin dies) et journals (du français jour) étaient par définition un lieu d’épanchements quotidiens, mais leur apparente immédiateté pouvait être trompeuse. Isabella remplissait souvent le sien un ou plusieurs jours après les évènements qu’elle décrivait. Un journal pouvait n’offrir qu’une approximation du temps véritable, de même qu’il pouvait ne faire que suivre et effleurer les sentiments qu’il cherchait à définir avec précision. Il agissait sur celle qui le tenait, tendant à en intensifier les émotions et à en altérer les perceptions. Jane Carlyle, épouse de l’historien John Carlyle, décrivit ce processus dans le sien à la date du 21 octobre 1855 : « Ton journal, qui ne parle que de sentiments, accuse tout ce qui est artificiel et morbide en toi ; cela, je l’ai vécu. » L’acte de tenir un journal faisait honneur à maintes valeurs de la société victorienne – la confiance en soi, l’autonomie, la capacité de garder des secrets. Poussées trop loin, ces vertus pouvaient toutefois se changer en vices. L’autonomie pouvait se faire déconnexion radicale d’avec la société, ses codes, ses règles et ses contraintes ; le secret pouvait se muer en dissimulation, le contrôle de soi en solipsisme, l’introspection en monomanie. »

 

 

 

  

■ SITES A CONSULTER :

 

Christian Bourgois Editeur

http://www.christianbourgois-editeur.com/fiche-livre.php?Id=1384

 

 

 

09/07/2013

Les Carnets d'Eucharis N°38 - Eté 2013

●●●●●●Poésie/Littérature Photographie

Artsplastiques●●●●●●●●●●●●

En ligne

 

 

■■■

Les carnets d’eucharis n°38

ÉTÉ 2013

COUVERTURE CARNET D'EUCHARIS 38_Eté 2013.jpg

  [BY MYSELF « BOUQUETS DE FLEURS & GRAMINÉES »]

© Nathalie Riera, 2013

■■■

 

 

 

Cliquer ICI

08/07/2013

Nathalie Riera, Paysages d'été - une lecture de Marie-Hélène Prouteau

Paysages d'été_Nathalie RieraPaysages d’été

Juillet 2013 par Marie-Hélène Prouteau

Site : Recours au Poème

 

 

 

Editions Lanskine, 2013

72 pages, 14 euros

http://www.editions-lanskine.fr/livre/paysages-dete

 

 

Ce recueil de Nathalie Riera a quelque chose d’un art de la joie, le mot revient souvent. Lumière du soleil, sèves du sud, galop des chevaux, il y a chez elle une disposition sensuelle à accueillir la beauté du monde qui se trouve exacerbée par ce moment d’acuité singulière de la rencontre amoureuse.

Comment garder l’intensité de ce premier souffle du désir, voilà ce qu’elle dit avec une infinie justesse. Les trois parties du livre dessinent un glissement dans l’espace et dans le temps qui va du bonheur amoureux en train de se vivre au geste d’une femme qui écrit, « près de [lui] dans l’écart » et non dans la fusion. Pas de mièvrerie ici, l’auteure de La parole derrière les verrous n’oublie pas « les tollés du monde ». La chevelure au vent, la jupe qui flotte, la crinière du cheval sont présentes. Autant d’instantanés traversés d’images, celle de l’effleurement en particulier. Au cœur est le sentiment aigu que rien n’est jamais si fulgurant que l’amour lointain, cité en exergue : « elle a pleuré imploré la main absente : c’est étrange de penser que l’amour n’offre pas tout et ainsi préfère-t-elle alors l’amour dans sa fermeté de garder son origine »

Au fil des versets à la syntaxe bousculée et aux associations inédites, l’émotion passe de l’embrasement, soleil, pierres, amour confondus, à la pénombre où s’écrit le roman. Ainsi se joue la liberté d’une voix de femme qui parvient à être elle-même dans l’écriture. Celle de Nathalie Riera se situe dans l’écart, pour reprendre sa formule, porteuse d’une énergie nouvelle et créatrice, à l’image de la revue qu’elle anime, Les Carnets d’Eucharis

 

Paru dans Encres de Loire numéro 64.

 

 

 

 

LIEN 

 

cliquer ICI

 

 

 

 

05/06/2013

Nathalie Riera - Marché de la Poésie - Samedi 8 juin 2013

MARCHE DE LA POESIE_8 juin 2013.jpg

 

 

Une lecture de Richard Skryzak

CLIQUER ICI

 

 

Nathalie Riera

« Paysages d’été »

Editions Lanskine, 2013

 

 

Extraits de Paysages d’été

 

SITES :  

LITTERATURE DE PARTOUT  

& 

TERRES DE FEMMES

 

 

 

 

 

 

EDITIONS LANSKINE

SITE - http://www.editions-lanskine.fr/

 

01/06/2013

Nathalie Riera, "Paysages d'été, Ed. Lanskine, 2013 - Une lecture de Richard Skryzak

 

NATHALIE RIERA

Paysages d’été

 (Editions Lanskine, 2013)

 

 

EDITIONS LANSKINE

SITE - http://www.editions-lanskine.fr/

 

 

 JUILLET 2012 012.JPG 

 

© Nathalie Riera – Autoportrait, 2012

 

 

 

 

 

UNE LECTURE DE 

Richard Skryzak

__________________________________________________________________________________________

 

   Il y a finalement peu de vrais cris dans la littérature contemporaine. Celui que Nathalie Riera fait entendre avec Paysages d’été résonne haut et fort, entre chant d’amour et incantation du désir.

   Ce roman en forme de flux saisit d’emblée le lecteur dans un vertige poétique dont il a peu de chance de sortir indemne. Véritable manifeste de la sensualité, il souligne l’engagement de l’auteur pour une littérature qui de nos jours fait figure de résistance. Pour cela, Nathalie Riera construit un idiolecte, basé sur une écriture fluide, multiple, kaléidoscopique, où s’imbriquent les niveaux de perceptions, de sensations et de narrations ; jaillissement du sens, fêtes des sens,  jouissances. Il ne s’agit plus ici de raconter de façon calme et linéaire, mais de pénétrer par les mots la matière même des êtres. De saisir le tremblement des corps,  l’électricité des affects, le fourmillement énergétique à l’œuvre à la fois dans les émotions et l’acte d’écrire. Quelque chose comme l’insoutenable instabilité des particules. On pense ici  aux qualités de l’image électronique et à l’art vidéographique dont le fondateur Nam June Paik disait : « Nous aimerions avoir trois vies. Une vie pour créer. Une vie  pour vivre et aimer - c’est la même chose. Une vie pour étudier, chercher. Mais nous n’en avons qu’une. Alors nous alternons comme dans un montage vidéo. » Il s’agit ainsi d’apprendre de l’écriture ce qu’est la vie et réciproquement.

    A la musicalité du style, Nathalie Riera ajoute la picturalité. Présente dès le titre Paysages d’été qui évoque Poussin ou Renoir, elle imprègne le texte dans le mélange des chairs, la chatoyance des tissus, tout ce jeu subtil des sentiments et des couleurs, des atmosphères et des intensités qui rappellent tant  le 18ème siècle des Watteau, Boucher ou Fragonard.  Bonnard n’est pas loin. Le déjeuner sur l’herbe de Manet non plus.  Mais c’est dans l’écriture même que la peinture agit. Dans le rendu cubiste de l’emboîtement des corps. Dans le phrasé impressionniste des fragments et des vibrations. Dans l’approche expressionniste des pulsions et des fantasmes. «  Où commence l’écriture ? Où commence la peinture ? » se demande Roland Barthes dans L’empire des signes.  

   L’une des qualités de l’auteur, presque introuvable aujourd’hui, est d’aborder l’érotisme sans jamais être vulgaire, l’autobiographie sans sombrer dans le narcissisme. La richesse de son écriture vient sans aucun doute de là, de cette tension, de ce savant dosage entre la retenue et l’écart, entre la délicatesse et la violence des passions. Le récit n’est plus procédé d’énonciation, mais d’Annonciation : « Je ne suis plus visitée »  dit-elle comme a du dire Marie à l’Ange Gabriel.

   Monet voulait peindre comme l’oiseau chante. Nathalie Riera, elle, écrit comme le cheval galope - métaphore assumée et récurrente - bondissant d’une ligne à l’autre, ne laissant aucune prise aux obstacles ni aux ponctuations. Il y a urgence et elle le sait. Impatiente dans une époque où  barbarie et  bêtise gagnent chaque jour du terrain,  elle sème sur ce qui reste des livres ses odes et ses épiphanies.

   L’écrivain inscrit sa démarche dans une généalogie littéraire et cinématographique (Sarraute, Casares, Resnais) qui n’a que faire des modes et des stratégies esthétiques. Seul importe ce qui pousse à créer. Et rien d’autre. Sinon continuer. Car ce qui se joue ici, c’est l’acte poétique comme geste de survie. Se souvenir de ce qui sera. Quand la promesse des mots se métamorphose en Beauté, que nulle définition ne peut atteindre. Quand le désir d’écriture redevient tout simplement l’écriture du Désir.

 

 

 

Les Carnets d’Eucharis © Richard Skryzak

 

 

                               

 

 

 

 

 

 

 

Extraits de Paysages d’été

 

SITES :

LITTERATURE DE PARTOUT

&

TERRES DE FEMMES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

***

 

 

Nathalie Riera vit en Provence. Elle est l'auteur notamment d’un essai sur la contribution positive du théâtre et de la poésie dans l’espace carcéral : La parole derrière les verrous (éditions de l'Amandier, 2007), de livres de poésie : ClairVision (Publie net, 2009), Puisque Beauté il y a (Lanskine, 2010), Feeling is first/Senso é primo (Galerie Le Réalgar, 2011 – Collection "1 et 1" : un artiste et un écrivain – sur les peintures de Marie Hercberg), puis récemment aux éditions du Petit Pois : Variations d'herbes (collection Prime Abord, 2012). Elle dirige par ailleurs la revue numérique Les Carnets d'Eucharis depuis 2008 (37 numéros), et publie régulièrement en revue (Diptyque, The Black Herald…). Vient de paraître aux Editions Lanskine : Paysages d’été (2013). Création et lancement en février 2013 de la revue-papier Les Carnets d’Eucharis, Année 2013 (Hommage à Susan Sontag). (Source : http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com)

 

 

img016.jpg

 

■ SITE A CONSULTER :

 

Les Editions Lanskine

 http://www.editions-lanskine.fr/livre/paysages-dete

23/05/2013

Les Carnets d'eucharis N°37 - Printemps 2013

●●●●●●Poésie/Littérature Photographie

Artsplastiques●●●●●●●●●●●●

En ligne

 

 

 

■■■

 

Les carnets d’eucharis n°37

PRINTEMPS 2013

Les Carnets d'eucharis N°37_PRINTEMPS 2013.jpg 

 [Tracteur « Fordson » au Mas des Oliviers] © Nathalie Riera, 2013

■■■

 

logo pdf.jpg

Au format PDF

Les Carnets d'eucharis n°37_Printemps 2013.pdf

 

 

 

25/04/2013

S. Corinna Bille

 

 

PIERRE-FRANCOIS METTAN

Théoda de S. Corinna Bille

 (Infolio/Le cippe, 2012)

 

 

LE CIPPE – ETUDES LITTERAIRES

Collection dirigée par Patrick Amstutz

SITE DE LA COLLECTION - http://www.lecippe.ch

 

 

 

s. corinna bille.jpg

 Corinna Bille

 

 

Lecture

 

Corinna Bille

« écrire : une urgence et un sursis »

__________________________________________________________________________________________

 

Professeur de français et d’anglais au Collège de Saint-Maurice, Pierre-François Mettan se consacre à l’œuvre de la nouvelliste et romancière S. Corinna Bille : « Qui veut embrasser l’œuvre de Stéphanie Corinna Bille se trouve face à un massif ample et diversifié : poésie, théâtre, romans, nouvelles, proses courtes, écritures de soi, articles de journaux.».  C’est du premier roman « Théoda » que P.- F. Mettan esquisse le profil d’une écrivain profondément attachée à ne pas renier les sources premières de ce qui est moteur de l’écriture. Chez elle, la réflexion ne peut être la garantie du plus ouvert ou du plus vivant. Plutôt privilégier la non-réflexion contre toute forme d’abstraction et d’intellectualisme. Revendiquer cette liberté et s’y tenir offre à l’acte d’écrire sa juste place : non seulement d’être une urgence et un sursis, mais surtout un équivalent de l’acte d’amour.

 

On ne peut se sentir étranger à Corinna Bille. Et c’est bien là tout l’intérêt de cet essai. Sur une centaine de pages se déploie un regard sensible à un art d’écrire et à une femme pour laquelle : « La vie ne valait  la peine d’être vécue qu’en fonction d’une créature et d’une création : la première à aimer, la seconde à construire ».

 

Dans un hors-série, à l’occasion du centenaire de la naissance de S. Corinna Billa, la collection « Cippe », dirigée par Patrick Amstutz, propose également un recueil d’hommages, écrit par 35 auteurs et illustré par 14 artistes.

 

 

Nathalie Riera, avril 2013

Les carnets d'eucharis

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

logo pdf.jpg

DOSSIER PDF COMPLET (à télécharger)

Nathalie Riera_S. Corinna Bille par Pierre-François Mettan.pdf

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                     

Théoda de S. Corinna Bille

Pierre-François Mettan

Infolio, Etudes Littéraires, Le cippe, 2012

 

p. 34.

 

 

Après l’orage, la corolle en forme d’étoile des joubarbes s’ouvrait, sur sa tige charnue, à mille places dans les murs et les gravières de Terroua. On s’étonnait devant cette plante, que personne ne pouvait cueillir et mettre en bouquet, les doigts étant gênés par l’épaisseur de sa hampe semblable à un serpent dressé qui aurait porté dans sa gueule une fleur. Elle se fanait avec une lenteur subtile, passant du rose ardent au rose cuivré, pour devenir de plus en plus pâle avant la mort. On disait d’elle : « C’est la fleur du Tonnerre. »

Et comme d’autres fleurs, nés du tonnerre aussi, les serpents se montrèrent.

 

 

 

 

***

 

Cippe à Corinna Bille

Un recueil d’hommages

HORS-SERIE II

Infolio, Etudes Littéraires, Le cippe, Acel 2012

 

p. 111.

 

 

Elle portait la blouse de grosse toile blanche sous son caraco qu’elle ouvrait pour mieux respirer. Une mèche noire tombait sur sa joue, elle la laissait… Elle ne voyait rien. Elle écoutait chanter son corps. De ses deux mains, elle saisissait l’air, l’attirait à elle, s’en entourait. Elle savait qu’il était chargé du désir de Rémi. A la lumière de cet homme, son corps fleurissait. Elle devenait plus que belle : vivante. Et cette vie l’exhaussait, la projetait hors d’elle-même. Chacun devait le sentir ; partout où elle allait, les gens s’écartaient pour lui laisser place, comme si ce fût une femme immense qui s’avançait. Elle ne leur donnait pas un regard. On la haïssait parce que ce bonheur provoquait chacun, le heurtait dans ce qu’il avait de plus secret, de plus cher : sa tranquillité.

 

 

In « Une magicienne des lettres » de Claudine Houriet

 

 

 

 

DESARZENS_gravure_corinna bille.jpg

Armand C. DESARZENS

Gravure burin technique mixte sur cuivre (16 x 11 cm)
Tirage 12 ex. sur papier Fabriano et japon encollé
Août 2012

 

Source : http://www.acdesarzens.ch/

 

 

***

 

 

Stéphanie Bille naît à Lausanne, le 29 août 1912. Elle est la fille d’Edmond Bille, peintre qui vit en grand seigneur dans un castel baroque, le Paradou, où il reçoit des célébrités : C.-F. Ramuz, Jouve, Istrati… Stéphanie choisira le prénom Corinna en référence au village de Corin cher à sa mère. Elle est élève chez les sœurs à Sierre puis à Lucerne, étudiante à l’école de commerce à Sierre, puis en littérature à Zurich. En 1934, elle épouse le comédien Vital Geymond, rencontré sur le tournage de Rapt, et s’installe à Paris. Elle quitte Paris et Vital Geymon en 1936 et retourne en Valais. Sa vocation d’écrivain est née en 1927. Atteinte de pleurésie en 1936, lente à guérir, elle passe plusieurs années entre Sierre et Chandolin, écrit. Ses premiers textes sont publiés en 1937 dans l’Anthologie des jeunes poètes de Romandie. En 1938, elle rencontre Georges Borgeaud avec qui elle aura une liaison difficile jusqu’en 1942. Borgeaud lui fait alors rencontrer Maurice Chappaz, avec qui elle s’installe à Geesch l’année suivante. Ils auront trois enfants. Le couple vivra longtemps sans pouvoir se fixer, d’une maison à l’autre. En 1953, un erythème attaque gravement la tête de Corinna Bille, et la fera souffrir le restant de ses jours. En 1958, la famille s’installe à Veyras, que Corinna quittera souvent pour des voyages (Afrique, Allemagne, Russie, Grande-Bretagne). Elle meurt le 24 octobre 1979. La mort et l’amour, la passion et le désir, sont les thèmes le plus souvent abordés par Corinna Bille. Le rêve tient chez elle une grande place. Beaucoup de ses rêves, qu’elle note, inspireront ses histoires. Corinna Bille choisit l’art concis et ramassé de la nouvelle pour dire l’explosion du désir et sa violence destructrice. Ses textes témoignent d’une sensualité vécue jusqu’au tragique en même temps que d’une grande attention au monde vivant – flore et faune – du Valais. (Source : http://www.plaisirdelire.ch/bille-s-corinna)

 

 

 

 

■ SITES A CONSULTER :

 

Bibliothèque nationale suisse
Archives littéraires suisses ALS

http://www.nb.admin.ch/sla/03131/03443/03927/04110/index.html?lang=fr

 

Culturactif

http://www.culturactif.ch/ecrivains/bille.htm

 

17/03/2013

Les métamorphoses d'Eucharis par Patrice Beray / MEDIAPART

Les métamorphoses d'Eucharis

16 mars 2013  par Patrice Beray

Edition : Revues & Cie

 

eucharis2013_couv.jpg

Les Carnets d’Eucharis, 2013, 208 p., 17 €.

 

 

L’album numérique des Carnets d’Eucharis de Nathalie Riera s’enrichit dorénavant d’un volume annuel, décliné sous forme papier. Le premier numéro vient de paraître, centré sur la figure et l’œuvre de Susan Sontag.

Même si nombre de revues (à l’instar d’Europe, mais aussi bien Les Hommes sans épaules de Christophe Dauphin, entre autres exemples) continuent de dédier leur espace exclusivement au texte, et ce indépendamment de leurs préoccupations, la revue est sans conteste un lieu privilégié pour interpeller, « mimer les arts voisins » selon la formule de Michel Deguy. LIRE LA SUITE / MEDIAPART

 

 

 

 

14/03/2013

Les Carnets d'Eucharis n°36 (Hiver 2013)

●●●●●●Poésie/Littérature Photographie

Artsplastiques●●●●●●●●●●●●

En ligne

 

 

■■■

Les carnets d’eucharis n°36

HIVER 2013

Les carnets d'eucharis n°36_Hiver 2013.jpg

GRAPPES DE LIERRE © Nathalie Riera, 2013

■■■

 

Au format PDF

Les carnets d'eucharis n°36_Hiver 2013_2.pdf