Joe Wenderoth - Trois poèmes (traduits par Raymond Farina) (05/12/2013)
Joe Wenderoth
Trois poèmes
© J. Wenderoth
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Poèmes publiés avec l’aimable autorisation
de Joë Wenderoth
MA VIE
d'après Henri Michaux
Il entra je ne sais comment dans ma chambre.
Je l'y découvris, et il était, naturellement, pris au piège.
Ce n'était rien de plus qu'un animal effarouché.
Alors je le remis debout.
Je le gardais pour moi, le gardais dans ma chambre,
le gardais pour son propre bien.
Je nommais l'animal Ma Vie.
Je lui trouvais sa nourriture et lui la mangeait dans ma main.
Je le laissais entrer dans mon lit, respirer dans mon sommeil.
Et l'animal, dans ma tendresse, mon soin constant,
grandit et devint fort, et capable de maints tours habiles.
Un jour, tout récemment,
en passant ma main sur le flanc de l'animal,
j'ai fini par comprendre
qu'il pouvait me tuer sans peine.
Et je réalisai, aussi, qu'il voulait me tuer.
C'est pour cela qu'il existe, pour cela que je l'ai remis debout.
Dès lors je n'ai plus su que faire.
Je cessai de le nourrir,
seulement pour m'apercevoir que sa croissance
était sans rapport avec la nourriture.
Je cessai de le nettoyer
et je m'aperçus qu'il se nettoyait tout seul.
Je cessai de chanter pour l'endormir
et m'aperçus qu'il s'endormait plus vite sans ma chanson.
Je ne sais que faire.
Je ne fais plus faire à Ma Vie ses tours.
Je laisse seul l'animal, et, à l'heure qu'il est,
il me laisse seul, lui aussi.
Je n'ai rien à dire, rien à faire.
Entre Ma Vie et moi,
un silence s'installe.
Nous ne parviendrons pas à le franchir ensemble.
MY LIFE
After Henri Michaux
Somehow it got into my room.
I found it, and it was, naturally, trapped.
It was nothing more than a frightened animal.
Since then I raised it up.
I kept it for myself, kept it in my room,
kept it for its own good.
I named the animal, My Life.
I found food for it and fed it with my bare hands.
I let it into my bed, let it breathe in my sleep.
And the animal, in my love, my constant care,
grew up to be strong, and capable of many clever tricks.
One day, quite recently,
I was running my hand over the animal’s side
and I came to understand
that it could very easily kill me.
I realized, further, that it would kill me.
This is why it exists, why I raised it.
Since then I have not known what to do.
I stopped feeding it,
only to find that its growth
has nothing to do with food.
I stopped cleaning it
and found that it cleans itself.
I stopped singing it to sleep
and found that it falls asleep faster without my song.
I don’t know what to do.
I no longer make My Life do tricks.
I leave the animal alone and, for now,
it leaves me alone, too.
I have nothing to say, nothing to do.
Between My Life and me,
a silence is coming. Together, we will not get through this.
Traduction de Raymond Farina
© Joe Wenderoth
Les carnetsd'eucharis (décembre 2013)
© (Photo X droits réservés)
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NOTICE BIOBIBLIOGRAPHIQUE
Joë Wenderoth a grandi à Baltimore. Il enseigne à l’Université de Californie.
Ses poèmes ont été accueillis dans des revues comme The American Poetry Review, Granta Magazine, Triquarterly, Seneca Review et Colorado Review et dans de nombreuses anthologies – Poetry 180, The Best American Prose Poems : From Poe to Present, The New American Poets : A Bread Loaf Anthology, American Poetry : Next Generation, Best American Poetry, The Best American Essays 2008.
Il a publié Disfortune aux Editions Wesleyan University Press, en 1995, « It Is If I Speak » , chez le même éditeur, puis Letters to Wendy ( 2000 ), The Holy Spirit of Life : Essays Written for John Ashcroft’s Secret Self (2005), No real Light (2007), Wave Book (2007).
DOSSIER PDF COMPLET (à télécharger)
Joe Wenderoth_traduit par Raymond Farina_LCE_Décembre 2013.pdf
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