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27/01/2009

Discours de Seamus Heaney

bks_seamus_heaney.jpg« CROIRE EN LA POESIE »

(extraits)

Je crois en la poésie (…) parce qu’elle peut créer un ordre aussi fidèle à l’impact de la réalité extérieure et aussi sensible aux lois intérieures auxquelles obéit le poète que les rides concentriques qui se formaient et se déformaient indéfiniment à la surface de l’eau dans le seau de l’arrière-cuisine, il y a cinquante ans (…) En d’autres termes, je crois en la poésie parce qu’elle est à la fois elle-même et un adjuvant, parce qu’elle rend possible une relation souple et roborative entre ce qui constitue le centre de l’esprit et tout ce qui gravite autour (…) J’y crois parce qu’on doit croire en elle, à notre époque et en toute époque, en raison de sa fidélité à la vie, dans tous les sens qu’on peut donner à cette phrase.

 

(…)

 

Cette disposition de mon tempérament pour un art qui s’était consacré avant tout aux réalités telles qu’elles sont, s’est accentuée grâce à ma propre expérience du fait que j’étais né et que j’avais grandi en Irlande du Nord, et que j’avais vécu en communion avec cet endroit, même si j’ai vécu ailleurs ces vingt-cinq dernières années.

 

(…)

 

… ce que la poésie essentielle réalise toujours, qui est de toucher la base de notre nature compatissante tout en englobant en même temps la nature indifférente du monde à laquelle cette nature est constamment exposée. La forme du poème, en d’autres termes, est cruciale pour la capacité du poème à accomplir ce qui fait et fera toujours la valeur de la poésie : la capacité à persuader cette part vulnérable de notre conscience de sa droiture en dépit des preuves de l’injustice qui l’entoure, la capacité à nous rappeler que nous sommes des chasseurs et des gardiens de valeurs, que nos solitudes et nos détresses les plus profondes sont estimables, dans la mesure où elles aussi sont une garantie de notre véritable nature humaine.

 

William Butler Yeats, Seamus Heaney - Discours du Nobel, Editions La Part Commune (pour le texte original : Fondation Nobel), 2003

 

QUATRIEME DE COUVERTURE : Par essence, un poète irlandais est un héritier du barde errant de la légende. Aucune oeuvre mieux que celle de Yeats et Heaney, toutes deux couronnées par le Prix Nobel de Littérature, n'a transcendé cet héritage celtique, la conscience aigüe des injustices de l'histoire, le silence en tant qu'engagement politique rural, l'ancrage dans un pays de tourbières. Et c'est parce que l'Irlande est une terre autant historique que légendaire, que la poésie est son identité.

Seamus Heaney est né dans le comté de Derry, en Irlande du Nord, en 1939. Il est le fils de fermiers catholiques, l'aîné d'une famille de neuf enfants. Il a fait ses études à St Columb's College, Derry, puis à Queen's University, Belfast. Il a enseigné plusieurs années à Belfast. En 1972, il s'est établi en république d'Irlande, avec Marie, sa femme, et leurs enfants. Il vit de sa plume jusqu'en 1975; puis il occupe des postes universitaires prestigieux, à Dublin, Harvard, Oxford. En 1995, il obtient le prix Nobel, quelque soixante-dix ans après W. B. Yeats.

Prix Nobel décerné le 5 octobre 1995 à Seamus Heaney « pour des œuvres d’une beauté lyrique et d’une profondeur éthique, qui exaltent les miracles quotidiens et le passé vivant ».

 

yeats1.jpgLe danger de l’art et de la littérature vient aujourd’hui de la tyrannie et des convictions des sociétés révolutionnaires et des formes de propagande politique et religieuse. La conviction a corrompu la plupart de la littérature anglaise moderne ; et pendant ces vingt années qui ont conduit à notre révolution nationale la tyrannie dévasta la plus grande partie de l’énergie des dramaturges et poètes irlandais. Ils devaient perpétuellement rester sur leurs gardes pour défendre leur création ; et plus la création est naturelle plus la défense est difficile.

Prix Nobel décerné le 14 novembre 1923 à W.B. Yeats « pour son œuvre d’une inspiration toujours élevée, qui, sous la forme artistique la plus sobre, fait parler l’âme d’un peuple ».

Raymond Depardon&Paul Virilio

1929628334.jpgTerre Natale

Ailleurs commence ici

21 nov. 2008 - 15 mars 2009

« Avec Raymond Depardon, on se retrouvait sur la même question : que reste-t-il du monde, de la terre natale, de l´histoire de la seule planète habitable aujourd´hui ? »

Paul Virilio

Tandis que le monde est à un moment critique de son histoire, où l´environnement conditionne ce que l´homme fait et ce qu´il va devenir, l´exposition Terre Natale, Ailleurs commence ici propose une réflexion sur le rapport au natal, à l´enracinement et au déracinement, ainsi qu´aux questions identitaires qui leurs sont attachées.

Alors que Raymond Depardon donne la parole à ceux qui, menacés de devoir partir, veulent demeurer sur leur terre, Paul Virilio expose la remise en cause de la notion même de sédentarité face aux grands phénomènes de migrations. La pensée de Paul Virilio est illustrée par la mise en scène des artistes et architectes Diller Scofidio + Renfro et Mark Hansen, Laura Kurgan et Ben Rubin. LIRE LA SUITE

Conversation entre Raymond Depardon et Paul Virilio :

 

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Au détour du monde

1 décembre 2008 à la Fondation Cartier

26/01/2009

"Guernica" de Picasso en 3D par Lena Gieseke

 

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Lena Gieseke (artiste allemande)

Picasso.Guernica.jpg

 

« Guernica, la plus ancienne cité des provinces basques, le centre de leurs traditions culturelles, a été hier après-midi complètement anéantie par une attaque aérienne des insurgés. Le bombardement de la ville sans défense, située loin derrière la ligne du front, a duré exactement trois quarts d’heure. Durant ce laps de temps, une forte escadrille de machines d’origine allemande – des bombardiers de types junker et Heinkel, ainsi que des chasseurs Heinkel – ont déversé au-dessus de la ville, sans interruption, des bombes allant jusqu’à un poids de 500 kilos. En même temps, des avions de chasse ont tiré en rase-motte sur des habitants qui s’enfuyaient dans les champs. En peu de temps, tout Guernica s’est embrasé ».

Ce fait-divers se lit dans le Times de Londres du 27 avril 1937

(…)

Le Guernica de Picasso (…) décrit moins un fait historique que l’effet de cet évènement sur l’esprit de Picasso.

« Cris d’enfants cris de femmes cris d’oiseaux cris de fleurs cris de charpentes et de pierres cris de briques cris de meubles de lits de chaises de rideaux de casseroles de chats et de papiers cris d’odeurs qui se griffent cris de fumée piquant au cou les cris qui cuisent dans la chaudière et cris de la pluie d’oiseaux qui inondent la mer ».

Ces termes mêmes de Picasso concluent son poème accompagnant le cycle d’eaux-fortes Rêve et mensonge de Franco, où l’artiste évoque pour la première fois, début 1937, la guerre civile dans sa patrie espagnole, le combat qui oppose les républicains aux fascistes.

 

PICASSO 1.jpgJ’ai toujours cru et crois encore que les artistes qui vivent et travaillent selon des valeurs spirituelles ne peuvent pas et ne doivent pas demeurer indifférents au conflit dans lequel les plus hautes valeurs de l’humanité et de la civilisation sont en jeu.

Picasso

 

Que croyez-vous que soit un artiste ? Un imbécile qui n’a que des yeux s’il est peintre, des oreilles s’il est musicien, ou une lyre à tous les étages du cœur s’il est poète, ou même s’il est boxeur, seulement des muscles ? Bien au contraire, il est en même temps un être politique, constamment en éveil devant les déchirants, ardents ou doux évènements du monde, se façonnant de toute pièce à leur image. Comment serait-il possible de se désintéresser des autres hommes et, en vertu de quelle nonchalance ivoirine, de se détacher d’une vie qu’ils vous apportent si copieusement ? Non, la peinture n’est pas faite pour décorer les appartements. C’est un instrument de guerre offensive et défensive contre l’ennemi.

Picasso

 L'expérience de la guerre 1937-1945, p.67

Pablo Picasso 1881-1973, Le génie du siècle, éditions Benedikt Taschen, 1992

 

La Pensée de Midi - N°26

couv26bd.jpgRevue littéraire et de débats d'idées

Numéro 26, La pensée de midi / Actes Sud, en librairie à partir de novembre 2008, 17€

Vérité obscène, sentiment obscur d’une violence qui monte, de part et d’autre de la Méditerranée, et qui n’est pas seulement symbolique. Elle pourrait tout emporter sur son passage… La force des choses nous conduit-elle là où l’on ne veut pas aller ? Le désir de guerre est-il inéluctable ? Que peut-on y opposer ? La “marge humaine” peut-elle encore retourner la courbe du temps et inspirer quelque espoir de paix ?
C’est autour de ces questions que ce numéro de La pensée de midi a été construit. Pour tenter d’explorer notre relation à la guerre, en particulier dans une Europe qui depuis plus de soixante ans n’en connaît plus l’expérience intime, brutale, saccageuse.

Avec Stéphane Audoin-Rouzeau, Mohamed Tozy, Jean-Pierre Filiu, Mustapha Safouan, Gérard Khoury, Nathalie Galesne, Daniel Lindenberg, Michel Péraldi, Driss Ksikes, Dominique Eddé et Thierry Fabre.

Lire l'éditorial - Lire l'introduction

Le site de la revue

Le cinéaste Ingmar Bergman

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Ingmar Bergman

Persona, 1966

PERSONA.jpg

Bibi Andersson & Liv Ullmann

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Cine-club de caen

 

Emeric de Monteynard

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CONCÉDER L’OR ET LE BLEU

Emeric de Monteynard

emeric de monteynard.jpg

Editions Eclats d’encre, 2002

 

Note de lecture

Nathalie Riera

 

Démesure de l’image qui trahit la terre. Mais du côté de la poésie, dans sa vigilance et sa ténacité à oser la césure, du côté de ce qui nous incite à écouter, qu’attendre de toute parole qui se réduit dans sa propre bruyance, et de son morne projet de mots à trop peser, à trop nous écarter ? De quelle démesure l’être parlant est-il frappé ? de quelle colère ? quand celle-ci n’est à jamais qu’une réponse à l’aporie. Jusqu’à ce que de soi-même se rendre à la terre du silence, où se sentir accueilli, invité à l’éveil.

Lorsqu’on lit Emeric de Monteynard, on se dit que l’esprit n’est pas en quête de savoir mais de trouver douceur, et il y a un temps pour cela ; le temps probablement que cessent toutes rumeurs à nous faire croire que les chants de la terre ont définitivement perdu leur or et leur bleu.

Qu’aurions-nous encore à entendre de ces couleurs qui participent à l’instant, en même temps qu’elles le fêtent comme on fête un enfant. Ainsi, Emeric de Monteynard insiste à nous demander : « L’entends-tu le silence, l’entends-tu qui dilue et te courbe le cœur ? »

 

« Contempler/Lentement », nous dit le poète, de même nous faut-il continuer à ne pas renoncer aux danses de l’air et au feu qui n’est pas ce qui rend le cri plus aigu ou plus haut, mais peut-il permettre à la lumière, même captive, de régner libre (aut lux capta hic libera regnat).

 

Que mon corps égaré

S’embellisse de terre !

 

(p.57)

 

 

EXTRAITS

 

 

(…)

 

Bien avant qu’un tracé se dessine

(à peine)

et que l’écart entre tes mains

s’établisse,

 

tu devras nous léguer ces silences

amassés

 

pour que battent les quêtes

et susciter le feu

l’effusion des orées,

 

pour que les astres se parlent,

durent…

 

et que d’autres demeurent à prier.

 

(…)

 

 

 

 

-------------------------------

 

 

S’il se peut qu’un silence assemble

et aguerrisse

 

 

 

 

S’il se peut qu’une feuille

choye au sol et se taise et s’efface

à jamais

 

 

 

 

S’il se peut que des pierres

réfléchissent parfois la lumière et que

d’autres l’évincent

 

 

 

 

S’il se peut que mes yeux se resserrent en mes mains

et se ferment un moment

 

 

 

 

S’il se peut que cet homme

ailleurs

renonce à l’air

à le voir

 

 

 

 

Il se peut

qu’il nous faille oser l’étendue

et que s’immisce enfin

la Joie.

 

 

 

 

-------------------------------

 

                                 

Il est des lieux

 

Où le temps

Nous éclaire

 

Où massives

Les pierres

 

Se taisent

 

 

 

Où le cœur

A l’étroit

 

Entend

S’ouvre

 

Et compose.

 

 

 

-------------------------------

 

 

                                 

 

Quand tout semble et se meut

 

 

Que sous l’eau que l’eau froisse

 

 

Et la pierre et le sel

Ensemencent l’effluve

 

 

Que mon corps égaré

S’embellisse de terre !

 

 

Et quand s’étale

Au loin

L’horizon

 

Immobile et fidèle

 

Un défi.

 

À consulter

 

SITE DE L'AUTEUR

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18/01/2009

Témoin de la pénurie

Il est vrai qu’un monde prend fin, sous nos yeux, qui nous paraît encore sans alternative possible. Je marche dans les dernières campagnes, mais je vois de toutes parts les chemins qui suivaient les pentes, ne les contredisant qu’en les comprenant, appropriant le sol à notre besoin, le faisant parler dans nos jambes, fermenter dans notre fatigue, se faire en nous le vin de l’évidence, la profondeur d’où vient la lumière, disparaissent  l’un après l’autre, sous l’asphalte. Et les maisons, pendant des millénaires si vraies, l’émanation du sol elles aussi, l’avènement de la terre, les voilà soit hideusement fardées soit détruites, on multiplie à leur place des masses et des couleurs grimaçantes qui sont comme des masques pour une fête de mort.  Un rapport aux bêtes, aux végétaux, à l’horizon, aux lumières, qui s’était dégagé dès le Néolithique peut-être, et avait duré, s’approfondissant parfois, jusqu’à hier sinon ce matin encore, se désagrège, c’est sans recours, on ne peut traverser la France, dont le génie fut le quotidien, le silencieux, les murs bas toujours réparés, sans une impression de désastre.  Et ailleurs et partout des maillons sautent, dans la chaîne des espèces, quand peut-être il suffit déjà que l’un manque pour que la phrase terrestre n’ait plus de sens. A quoi bon délimiter des réserves, aménager des parcs, c’est seulement le travail au champ, l’appréhension de l’orage, le toit qu’on relevait pour les chèvres, l’outil qui rouillait dans l’herbe, la vie, en bref, qui faisait le lieu qui nous faisait être ( …) Une musique se perd, que nous pensions une mère toujours présente. Et cela juste à l’heure où le mal qu’on lui demandait de guérir, ou tout au moins d’expliquer, s’accroît si follement dans le monde qu’on en vient à douter que même intacte et comprise elle pourrait suffire à cautionner un espoir. Oui, je comprends l’angoisse que chiffre la hantise du feu perdu. Mais je n’en tire pas les mêmes conclusions, pas encore.

Yves Bonnefoy, « Terre seconde » (p.373) in Le nuage rouge, Mercure de France – 1977 et 1992 (dernière version)  

Julia Margaret Cameron (1815-1879)

Photographe britannique
Julia_Margaret_Cameron-Beatrice.jpg
Béatrice, vers 1866
the kiss of peace.jpg
Le baiser de la paix, 1869

Adam Elsheimer (1578-1610)

seated young woman.jpg
Seated Young Woman
Gouache on brown paper; 2 15/16 x 2 13/16 in. (7.5 x 7.2 cm)

17/01/2009

René Daumal

Le Mont Analogue

roman d'aventures alpines, non euclidiennes et symboliquement authentiques

Version définitive,  Ed. Gallimard, 1981

 

Après avoir ainsi fait le tour des mythologies les plus connues, je passais à des considérations générales sur les symboles, que je rangeais en deux classes : ceux qui sont soumis à des règles de « proportion » seulement, et ceux qui sont soumis, en plus, à des règles d’«échelle ». Cette distinction a souvent était faite. Je la rappelle pourtant : la « proportion » concerne les rapports entre la dimension du monument, l’ « échelle » les rapports entre ces dimensions et celles du corps humain. Un triangle équilatéral, symbole de la Trinité, a exactement la même valeur quelle que soit sa dimension ; il n’a pas d’ « échelle ». Par contre, prenez une cathédrale, et faites-en une réduction exacte de quelques décimètres de haut ; cet objet transmettra toujours, par sa figure et ses proportions, le sens intellectuel du monument, même s’il faut en examiner à la loupe certains détails ; mais il ne produira plus du tout la même émotion, ne provoquera plus les mêmes attitudes ; il ne sera plus « à l’échelle ». Et ce qui définit l’échelle de la montagne symbolique par excellence – celle que je proposais de nommer le Mont Analogue-, c’est son inaccessibilité par les moyens humains ordinaires. Or, les Sinaï, Nebo et même Olympe sont devenus depuis longtemps ce que les alpinistes appellent des « montagnes à vaches » ; et même les plus hautes cimes de l’Himalaya ne sont plus regardées aujourd’hui comme inaccessibles. Tous ces sommets ont donc perdu leur puissance analogique. Le symbole a dû se réfugier en des montagnes tout à fait mythiques, telles que le Mérou des Hindous. Mais le Mérou – pour prendre cet unique exemple –, s’il n’est plus situé géographiquement, ne peut plus conserver son sens émouvant de voie unissant la Terre au Ciel ; il peut encore signifier le centre ou l’axe de notre système planétaire, mais non plus le moyen pour l’homme d’y accéder.

« Pour qu’une montagne puisse jouer le rôle de Mont Analogue, concluais-je, il faut que son sommet soit inaccessible, mais sa base accessible aux êtres humains tels que la nature les a faits. Elle doit être unique et elle doit exister géographiquement. La porte de l’invisible doit être visible. »

(p.17/19)

 

René Daumal

 

daumal.gifBiographie

Né à Boulzicourt dans les Ardennes le 16 mars 1908, René Daumal fait ses études secondaires à Reims où il fait partie avec Roger Gilbert-Lecomte et Roger Vailland d'une sorte de communauté « initiatique » qu'ils appellent les « Simplistes ». Il fonde la revue Le Grand Jeu avec Gilbert-Lecomte en 1928. Atteint de tuberculose, il meurt à Paris le 21 mai 1944.

 

Autre extrait

Je me souviens qu’un soir nous parlions des légendes relatives aux montagnes. Il me semblait, disais-je, que la haute montagne était beaucoup plus pauvre en légendes fantastiques que la mer ou la forêt, par exemple. Karl expliquait cela à sa façon :

- Il n’y a pas de place dans la haute montagne, disait-il, pour le fantastique, parce que la réalité y est par elle-même plus merveilleuse que tout ce que l’homme pourrait imaginer.

(p.95)

 

& autres ouvrages de l’auteur :

Le Contre-ciel (suivi de) Les dernières paroles du poète

René Daumal , Claudio Rugafiori

Ed. Gallimard, octobre 1998

16/01/2009

Petit traité d'ontologie nomade

 

Gérard LARNAC

Ecrivain

(Né en 1960 à Fleurance, Gers)

 

 

L a   t e n t a t i o n   d e s  

d e h o r s


 

 Gérard.jpg

©Photo privée

 

Peut-être que pousser et reverdir chaque année, pour un arbre, est sa façon de s’interroger sur son être profond. L’homme, lui, a toujours besoin de s’écarter, d’entrer dans la distance pour se demander : « Qu’est-ce que mon être ? » On aurait envie de lui dire : « Contentes-toi donc de pousser ! »

La ligne du dehors : pour une ontologie nomade

 

LA TENTATION DES DEHORS

Petit traité d’ontologie nomade


 

Quelques mots de l’auteur :

 

Vis-à-vis du cirque littéraire-universitaire-médiatique, j'ai pris la clef des champs il y a fort longtemps et je suis bien décidé à ne pas la rendre ! Si mon chemin passe par la littérature, très bien; mais s'il n'y passe pas, tant pis : l'important pour moi est de faire chemin.   

J'aime souvent rendre hommage à des "amis" en pensée, que j'appelle pour rire mes Maîtres (pour rire car je suis assez peu déférent dans la vie!) : Jack Kerouac, Gary Snyder, Kenneth White, Jacques Lacarrière, Edgar Morin, Michel Serres. Très influencé par André Breton, ce qui n'est pas du tout dans l'air du temps, et par René Char (ce qui est plus convenu). Mais plus encore par les horaires des chemins de fer...

 

 

Bio/Biblio :

 

Membre fondateur des Cahiers de Géopoétique dirigés par Kenneth White (1989), Gérard Larnac a publié ses premiers récits dans les pages de la Nouvelle Revue Française (Gallimard), alors dirigée par Jacques Réda. Il est l’auteur de plusieurs essais philosophiques : Après la Shoah (Ellipses, 1997) ; La Tentation des Dehors (Ellipses, 1999) ; La Police de la Pensée (L’Harmattan, 2001) ; L’Eblouissement moderniste (CLM, 2004) ; Le Regard échangé – une histoire culturelle du visible (Mare & Martin, 2007).

Et d'autres, publiés, chez des éditeurs épisodiques ou peu diffusés.

 

 

Le voyageur français, à paraître aux Editions de l’Aube fin janvier 2009, est son premier roman.

 


La Tentation des dehors

Édition Ellipses - Polis

1999

 

 

Poetaille.Blog

Un Bivouac Littéraire dans l’Air Vif

 

 

 

 

 

Note de lecture (Nathalie Riera) :

 

En guise de prologue, voici ce qu’on peut lire :

 

Nous quittons un siècle ivre de carnages indifférents, d’affairement cynique, d’hébétude festive ; un siècle qui aura su faire passer ses plus hautes violences pour l’expression de sa légitimité, ses rapines pour de l’équité, ses démissions pour du courage, son agitation pour un élan vital.

Notre temps aura constitué le moment panique de la raison.

Pour autant, avancer la moindre critique à l’encontre de la rationalité instrumentale qui le constitue en propre passe pour une triste banalité. Elle est sinon tenue pour un archaïsme douteux, quand ce n’est pas pour un masochisme pur et simple !

 

Comme l’écrit si bien son auteur, ce petit traité n’envisage pas de « s’enfermer dans une thèse », mais de préférence opter pour « une certaine légèreté » où il n’est d’ailleurs jamais question que d’ aller sentir le vent (…) Aller au contact. Toucher le vif. Sentir le cru (…) Moins prouver qu’éprouver.

 

Nous quittons le prologue pour une promenade à travers champs et routes où l’air se fait vif.

 

(…) comment accepter qu’à des siècles d’humanisme succède une barbarie jamais vue, barbarie que cet humanisme s’était précisément donné pour tâche d’éradiquer ? De quelle faillite de la pensée occidentale les camps d’extermination sont-ils l’indélébile preuve ?

 

Invitation d’un auteur qui demeure dans le profond souci du cohérent, de l’aguerri et de ce qui peut sans cesse nous certifier que le réel a encore un lieu, son propre lieu. Mais pour Gérard Larnac, indiscutablement :

 

L’être s’est fondu dans une vaste et molle phénoménologie planétaire qui impose sa domination sous forme (hystérique, loufoque) de logique du marché : celle-là même qui prétend à présent incarner à elle seule la totalité de l’histoire et l’entier de notre destin commun. Le « temps réel » n’est que la vitesse de notre propre soumission à l’incurie, à l’absolue indifférence envers les êtres et les choses. Le réel n’a plus de lieu. Le dur, le cru, le vrai ne sont plus de saison.

 

Ce livre n’est nullement figé dans la forme d’un essai. Livre nomade, à la manière des œuvres buissonnières qui sont des objets à faire voyager, Gérard Larnac n’oublie pas de citer son fidèle ami Kenneth White, ce dernier rappelant ces mots de Ralph Waldo Emerson :

 

« Le nomadisme intellectuel est la faculté d’objectivité, les yeux qui partout se nourrissent. Qui possède de tels yeux entre de tous côtés en relations justes avec ses semblables. »

 

 

Ce qui fait écrire Gérard Larnac n’est-ce pas aussi et surtout la nécessité de reprendre sa juste place dans le monde, citant pour cela Gary Snyder qui, en référence aux cultures indiennes en Amérique, préconise pour chaque individu qu’il quitte la société au moins une fois dans sa vie, qu’il sorte du réseau humain, qu’il « sorte de sa tête ». Il revient ensuite de sa quête solitaire et visionnaire avec un nom secret, un esprit animal qui le protège, un chant secret. C’est son « pouvoir ». La culture honore l’homme qui a visité d’autres royaumes… » (Le Retour des tribus, 1972).

Gérard Larnac nous rappelle par ailleurs que pour la pensée indienne ce qui compte ce n’est pas tant de « s’exprimer », mais seulement l’acceptation du tout-autre, du non-humain en sa radicale étrangeté.

 

Nathalie Riera

Janvier 2009

 

Citations :

 

Un monde est en train de s’achever sous nos yeux sans que nous ayons encore élaboré les concepts susceptibles de nous réorienter dans le paysage émergent. Moment difficile, flottant, où à la fracture de deux mondes la nostalgie d’un passé proche mais pourtant irrémédiablement révolu se double de l’angoisse d’un avenir dont on ne discerne pas encore les codes ni les principes ; où destruction et recomposition coïncident à tel point qu’il devient impossible de les démêler. Qu’est-ce qui commence ? Qu’est-ce qui s’achève ? Qu’est-ce qui se continue ? Questions bien embarrassantes…

(Passage, dépassement – p. 32)

 

 

Médiocre révolution que celle qui accouche d’un capitalisme triomphant. Médiocres droits de l’homme que ceux qui entérinent la domination au nom de l’idéologie de progrès.

(Un anthropocentrisme mal tempéré – p.39)

 

 

Retour à la conscience. Aux combats vrais, aux combats durs des consciences.

(Conclusion temporaire – p.55)

 

 

Taillés et retaillés à la dimension du pouvoir, Etat, Entreprise, Marché financier, les individus ne sont plus, ô Emmanuel Kant, libres et autonomes par le libre usage de leur raison – ils suivent désormais la logique implacable des fluides, dans la très sombre plomberie planétaire… Il suffit de créer des vides, des siphons, et tout à coup le million d’individus supposés libres se dirige comme un seul homme dans la direction qui lui est assignée par telle ou telle instance plus ou moins légitime de commandement.

(La machine à consensus – p.65)

 

 

Une possibilité plus haute de vie.

 

 

Nomadisme : un mode particulier d’occupation du territoire. Dans ce qu’il a de plus difficile, c’est-à-dire de plus décisif. Le nomade a délaissé les habitats massifs, ostentatoires, concentrationnaires et défensifs, au profit d’une tente légère faite de peau fragile comme une onde. Architecture où le vent a encore son mot à dire. Fondue au territoire, à la limite du visible. Exposée à cela : l’Ouvert.

(Nomadisme et postmodernité – p. 73)

 

 

Après le deuil de la raison triomphante (deuil du progrès dans l’horreur d’Hiroshima, de l’homme nouveau dans la catastrophe d’Auschwitz et le désastre stalinien), l’intellectuel est face à une alternative claire : ou bien se figer en de vaines ratiocinations, ou bien prendre, en effet, le parti de la vague et du vent - (p.94)

 

 

Prendre le large, donc.

Retrouver le plein champ du monde et de l’esprit – là où « ça souffle » - (p.97)

 

 

A l’instar des grandes douleurs, les vraies révolutions sont muettes. Elles ont l’éternité devant elles : c’est pourquoi elles n’ont pas besoin de recourir à la violence, aux slogans ni aux dogmes.

 

 

Etudier, exister, méditer, éprouver… Et toujours ce même désir : répondre présent, être avec, participer, accompagner ce monde, pénétrer ce tel quel, sentir battre l’immédiat de tant de choses en cours…

 

 

 

Non pas changer la vie : l’augmenter.

 

… réintégrer le quotidien à un niveau supérieur de conscience. Instant d’élection où profane et sacré communiquent et se mêlent – au gué au milieu du fleuve où, arrêté en pleine lumière, l’être prend soudainement conscience de lui-même et renouvelle, comme en un solennel engagement, son acte de présence au monde :

 

                               là-bas c’est l’aube qui doucement avance

                        quelque chose sans bruit se dénoue

                        - la piste du monde caché !

                        Encore un fois nous vivons

                        toujours plus haut, toujours plus haut !

 

Ainsi vivait l’Indien au temps de la Grande Prairie. Lorsque le Verbe possédait encore tout le pouvoir d’une formule magique, l’esprit la vigueur claire d’une flèche en plein vol. Une Parole pour faire tomber la pluie.

(Dire le monde, trouver une langue – p.148)

 

Tout prochainement

UNE ETAPE DANS LA CLAIRIERE N°30

 

Pour la recevoir (gratuit) : voyelles.aeiou@free.fr

 

 

Le photographe REZA

Luttes & grâces d’enfance

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Afghanistan, mai 1985
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 Destins croisés

 

 

Reza est né il y a 50 ans en Iran. A l’ère des dictatures – celle du Shah d’abord, du régime islamiste ensuite – il ne fait pas bon être rebelle. Reza connaît la prison, la torture, l’exil.
Depuis 1981, date de son départ du pays natal, il habite de ce côté-ci du monde, celui de l’Occident. Mais régulièrement, il refait sa valise, visse son objectif et repart de l’autre côté, vers ceux qui vivent la lutte et la douleur.
Du Maghreb à l’Asie, de l’Afrique aux Balkans, Reza arpente le monde, ou plutôt son monde.

13/01/2009

Anne Slacik

 

Anne SLACIK

(Né en 1959)

 

A R T S    P L A S T I Q U E S


 

 

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Piero peinture 15 – Huile sur toile

 

 

 Anne Slacik est née à Narbonne (France) en 1959. Elle vit et travaille en région parisienne et dans le Gard

Etudes en Arts Plastiques à l'Université de Provence, puis à  l'Université de Paris I. Diplôme de troisième cycle et agrégation en Arts plastiques (1984).

Enseigne les arts plastiques de 1982 à 1990.

Prix de peinture, fondation Fénéon 1991.

 

JARDIN VERTICAL 2.jpg

JARDIN VERTICAL aux Editions de l’Ariane

©Photo : Catherine James

 

La toile est du lin brut, sans apprêt. Les couleurs sont des pigments mêlés à un liant acrylique. Ainsi la terre redevient-elle une pâte primitive, qui doit sa consistance à un matériau du présent.

BERNARD NOEL -  Roman de la fluidité

 

Expos en cours

 

Anne Slacik s'exprime dans le glissement poétique de ses tableaux, mais aussi en lithographie et également en illustrant les livres de poèmes d'auteurs comme Bernard Noël, Jacques Ancet, Claire Malroux, Joe Bousquet, Gérard de Nerval, René Pons, Bernard Vargaftig, Gaston Puel, Guillevic, Adonis ... dont les mots nous sont si proches.

Gil Pressnitzer

 

Sur le site esprits nomades

 

 

Cultura animi

 

 

HANNAH ARENDT

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© Philosophe allemande

 

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1906 - 1975

 

 

EXTRAIT

La crise de la culture

1954

 

 

 

 

… si la culture et l’art sont étroitement liés, ils ne sont en aucun cas la même chose. La distinction entre eux n’est pas très importante pour ce qui advient à la culture dans les conditions de la société et de la société de masse ; mais elle entre en jeu dès qu’on s’interroge sur l’essence et la culture et sur son rapport au domaine politique.

La culture, mot et concept, est d’origine romaine. Le mot « culture » dérive de colere – cultiver, demeurer, prendre soin, entretenir, préserver – et renvoie primitivement au commerce de l’homme avec la nature, au sens de culture et d’entretien de la nature en vue de la rendre propre à l’habitation humaine. En tant que tel, il indique une attitude de tendre souci, et se tient en contraste marqué avec tous les efforts pour soumettre la nature à la domination de l’homme. C’est pourquoi il ne s’applique pas seulement à l’agriculture mais peut aussi désigner le « culte » des dieux, le soin donné à ce qui leur appartient en propre. Il semble que le premier à utiliser le mot pour les choses de l’esprit et de l’intelligence soit Cicéron. Il parle de excolere animum, de cultiver l’esprit, et de cultura animi au sens où nous parlons aujourd’hui encore d’un esprit cultivé, avec cette différence que nous avons oublié le contenu complètement métaphorique de cet usage. (*) Car, pour les Romains, le point essentiel fut toujours la connexion de la culture avec la nature ; culture signifiant originellement agriculture, laquelle était hautement considérée à Rome, au contraire des arts poétiques et de fabrication (…) Ce fut au milieu d’un peuple essentiellement agricole que le concept de culture fit son apparition, et les connotations artistiques qui peuvent avoir été attachées à cette culture concernaient la relation incomparablement étroite du peuple latin à la nature, la création du célèbre paysage italien. Selon les Romains, l’art devait naître aussi naturellement que la campagne ; il devait être de la nature cultivée ; et la source de toute poésie était vue dans « le chant que les feuilles se chantent à elles-mêmes dans la verte solitude des bois » …

 

 

(*) Cicéron dans les Tusculanes, 1, 13, dit explicitement que l’esprit est comme un champ qui ne peut produire sans être convenablement cultivé – et déclare alors : cultura autern animi philosophia est.

 

 

 

12/01/2009

la huitième écorce - Gil Pressnitzer

Dans le cercle de l’arbre

(note de lecture)

 

« les éclairs se sont cachés dans l’arbre

et attendent que le tonnerre ait fini de compter

en bas dans un courant d’air les visages des hommes

ils entourent l’arbre

ils maudissent celui qui est dans l’écorce

où je vis à double tranchant… »

 

 

 

 
 

 

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Cathy Garcia

 

 

 

 

« la huitième écorce »

Gil Pressnitzer

Trident neuf éditeur, 2005

 

Peau de l’arbre dans l’expression la plus courante, dont la transparence se perd au fil du vieillissement des cellules, rhytidome chez les botanistes pour désigner la partie morte de l’écorce… écorces à épines, fleurs, fruits, écorces papyrifées… écorces aux couleurs et aux textures multiples, dont les rôles ne nous sont pas totalement inconnus même si notre méconnaissance nous fait oublier leur fonction fondamentale, entre autre celle de nourrir protéger purifier.

Les blessures de l’écorce sont fréquentes. Dans  la huitième écorce de Gil Pressnitzer,  il est question de dire que nous ne vivons pas que de nos blessures mais aussi de nos échappées hors des blessures. Dire aussi ce trop de nuit pour dire nos blessures, ce pas assez de jour, des mots qui vous prennent la gorge, des mots tus qui suffoquent en moi et ne trouvent pas la sortie (…) attention s’ils ressortent sauvages ils maudiraient les herbes. Mais autant d’échappées qui consistent à nous défaire de quelle écorce ? et de combien de peaux mortes ?

 

L’arbre et ses écorces comme autant de pages tournées, consumées.

 

Chez Gil Pressnitzer il y a aussi la violence de l’Histoire : des cendres ne restent que les insomnies, et plus loin : il se love dans la peur des champs de barbelés.

 

 

je suis le témoin interne de l’arbre

j’écris son journal intime sur la huitième écorce

nul n’y lira rien

moi-même on va me crever les yeux au dernier mot

 

(…)

 

la huitième écorce

vous rentre la vie au fond de la gorge

le rouge à lèvres du sang déteint sur nos bouches

 

 

La vie avec ses écorces noirâtres, ses écorces brun-rougeâtres. Nos vies à ne pas être en dehors de l’écorce, à vouloir (ou aspirer) sortir de l’écorce. Pour quel savoir ? Pour quelle vérité ? ah sortir de l’écorce/pour enfin savoir/comment les feuilles tremblent/d’être simplement dans l’air.

 

Du vert chlorophylle vient se loger dans l’évidence de ce qu’il a bien fallu vivre/au nom de la parole.

 

j’entasse dans la huitième écorce

en plein mitan

tous les noms de mes morts

bien rangés

au frais de l’oubli à venir

l’écorce jette un cri

la haine de la nostalgie

 

 

entrer dans le cercle de l’arbre… de la première écorce à la huitième écorce… dans l’écorce où doigt et âme se laissent prendre.

 

Mots à la rugosité des écorces, à la fragilité de ce qui est sur le point de se détacher par plaques, écorces de mots qui s’effritent (poussière, sciure, usure) … mots des éclats de bois… mots des lichens qui envahissent les bois mort…

 

à vif.

 

 

Nathalie Riera

12 janvier 2009

 

 

« un jour un jour

nous serons l’un contre l’autre

dans la même goutte d’eau

(…)

un jour un jour nous vivrons ensemble dans

cette goutte d’eau

la vie vue de ce vitrail sera jeune

et fera trembler nos peaux… »

 

 

la bouche d’où sort la nuit

 

nous étions là avant l’histoire

toi qui t’étends sur l’arbre comme texte de mémoire

tatouage de prières sur rumeurs du jadis

moi enlisé dans tous mes noms

qui me creuse en bas dans la chair

les larmes sont souffles quand la terre se tourne

nous nous guettons chacun dans ses insomnies

nous épions le commencement de l’autre

 

la bouche d’où sort la nuit nous dénonce

nous pousse à faire amitié comme fougères

à devenir lien pour la complicité des tueurs d’oubli

tes conquêtes montent haut au-delà du bruit

toi la huitième écorce tu auras fait de moi une rumeur

mes écritures me rejettent jusqu’à l’absence

me frotter sang contre mousse a fait de moi ton ombre portée

tu te suffis à toi-même

avec moi enclos dans mes tremblements

 

depuis longtemps

nous étions là avant l’histoire

qui va céder le premier

qui va commencer l’oubli

qui va lire l’autre jusqu’au blanc

la confiance s’est perdue dans les météores

le premier qui s’endort est mort

nous partageons un seul miroir

une seule peau

vieux couple lié par la ténèbre

dans le même lieu

par le seul mot

la même patrie de ciel

 

à quelle distance intérieure dois-je me tenir de toi ?

rends-moi l’ombre d’où je viens

laisse-moi instant de passage

je ne veux plus être durable

meurs avant moi

Nicolas Lavarenne

 

Nicolas LAVARENNE

Sculpteur autodidacte

(Né en 1953)

 

A R T S    P L A S T I Q U E S


 

ARCBOUTANT.jpg

Arc Boutant – Bronze, 3m

 

 Exulteur.jpg

Exulteur – Bronze, 90 cm

&

Moyenne Enigme 2 – Bronze, 2,40m

 

MoyenneEnigme2.jpg 

JAS DE LA RIMADE – 83570 CARCES

galerie@rimade.com

04 94 59 55 11

 

Galerie Jas de la Rimade

 

11/01/2009

Christophe Tarkos "Ecrits poétiques"

 

Christophe TARKOS

Poète

(1963-2004)

 

E c r i t s    P o é t i q u e s


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 Photo Internet

 

Ça ne peut plus durer comme ça. Il y a quelque chose qui ne va

pas. Dans l’utilisation faite du mot poésie, dans l’utilisation qui est

faite du mot. Ce n’est pas possible. Il faut faire quelque chose. On se

retrouve dans n’importe quoi, la divagation, on sait plus où on met

les pieds, il y a tout et rien, personne ne sait plus ce qu’il fait, ça ne

veut plus rien dire. La pensée créatrice, la beauté verbale sont

réduites à des frivolités municipales, à des claquements de mains,

s’engluent dans la bande sonore du championnat américain de basket,

dans le chuchotement de phonèmes murmurés, ça tourne, ça

peut tourner longtemps, occupe, occupe le terrain, lissé, bruisse,

chauffe.

Manifeste chou

 

Écrits poétiques

Préface de Christian Prigent


Édition établie et annotée

par Katalin Molnár et Valérie Tarkos

 

Ce premier livre intitulé Écrits poétiques est une réédition de textes majeurs de Christophe Tarkos.

Écrits poétiques comble un trou béant en complétant les quatre autres livres publiés aux éditions P.O.L : Caisses, Le Signe =, Pan et Anachronisme. Désormais, l'essentiel de l'œuvre de Christophe Tarkos sera accessible.

Écrits poétiques contient beaucoup de textes publiés aux éditions Al Dante dont le directeur, Laurent Cauwet, était à la fois un ami et un défenseur du travail de Christophe Tarkos, mais à la suite d'une liquidation, ils étaient devenus introuvables. Et d'autres, publiés, chez des éditeurs épisodiques ou peu diffusés.


Novembre 2008
432 pages, 20 €

ISBN : 978-284682-283-1

 

Fiche/Auteur P.O.L.

 

 

Ma langue est poétique. Elle n’est pas un mécanisme

ferroviaire installé devant la maison du garde-barrière

aux côtés des deux manettes d’aiguillage. Elle ne subit

pas la logique thermodynamique de la machine à vapeur,

elle n’est pas électrifiée, elle ne possède pas de plan de

montage et de démontage annuel pour la huiler. Elle ne

se dirige pas par va-et-vient et par rotation. Elle est

fluide. Comme un ruisseau de montagne. Elle court, elle

descend, elle se retourne et continue, elle court dans les

pierres.

(…)

Ma langue est poétique et musicale, ma langue est

imagée et musicale, ma langue est souple, étincelante et

merveilleuse, ma langue aime jouer de la musique, elle

vibre et fait vibrer chacun de ses mots qui rayonnent de

leurs contours et qui viennent s’enchevêtrer si précisément

qu’il ne reste aucune tache à son brillant poli. Elle

fait le bruit de tous les sons des instruments de musique,

elle fait le bruit de tous les sons des animaux et des phénomènes

naturels. Ma langue est musicale. Ma langue est poétique.

 

 Ma langue est poétique

"Les premières pages" sur le site de P.O.L., Editeur

 

Tout prochainement

UN HOMMAGE A CHRISTOPHE TARKOS

 

...………..je ne comprends rien à ce que je dis

de Christine Bauer

 

Une étape dans la clairière N°30 - 19 janvier 2009

 

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Bruno Fromentière

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Volant Citroën HY

10/01/2009

Michel Deguy

 

Michel DEGUY

Poète&Ecrivain

Directeur de la revue Po&sie

(Né à Paris en 1930)

 

P o i n t    d e    v u e


 

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Photo Internet

 

A quel âge de la vérité en sommes-nous ? Ou du nihilisme ?

L’Impair.

2001, Farrago/Léo Scheer

Lire un extrait sur remue-net

 

 

 

" … le contre-courant funèbre, le complot du destin, affliction et nuisance, la conspiration de la perte, voici la morition des proches, la contagion des maux, l'acerbe érosion, la calomnie générale, l'abréviation de la vie, l'encombre, la terre périmée, l'extermination du passé, le périr. " Questionnements pour Michel Deguy sur "la raison poétique"

 


Dans l’emportement actuel pour le mélange de tout avec n’importe quoi, il y a un risque très fort pour la pensée. C’est le n’importe quoi qui menace toujours. Comme si le mélange avait plus de valeur que les ingrédients.

 http://www.maulpoix.net/Deguyentretien.html

 

 

Quelle hypothétique fonction assigner encore au poète, en un temps où « la poésie n'est plus l'institutrice de l'humanité» ? Ni prêtre ni berger, ni Messie ni prophète, il n'est pourtant pas disposé à donner son congé, ni ne montre de goût pour la malédiction (…) Michel Deguy : Pourquoi la poésie ?

 

De l’écologie.

Un géocide est en cours. Il ne pourra pas y en avoir deux. Si « l’habitation poétique » du terrestre - pour reprendre encore une fois, malgré l’épuisement, les mots de Hölderlin - a encore du sens (de la glose, de la paraphrase, devant elle), alors n’est-ce pas avec l’écologie fondamentale qu’une poétique futuriste pourrait (devrait) s’allier ? La poésie peut-elle jouer un rôle d’alarme écologique, d’auxiliaire de la pensée écologique ? Michel Deguy et la revue Po&sie

 

 

 

 

Sur le site de François Bon, voir et entendre Michel Deguy filmé par Métropolis (au Centre dramatique national Nouveau Théâtre de Montreuil)

 

Michel Deguy vivant

 

 

Quelque chose m'irrite souvent dans les lectures, qui ont lieu partout. Comme si ça allait de soi que ce soit bien qu'il y ait un auditoire, des gens qui s'appellent poètes ou écrivains et qui disent : ce soir on va lire ! Mais qu'est-ce qui se passe ? Ça peut bien ne rien être du tout. J'essaie de tenir deux choses. Je crois que le poème a lieu en vue de la citation, c'est-à-dire du moment de rencontre où une circonstance prend du sens à la lumière de ce qui est dit d'elle par quelque chose qu'on lit, qui peut être un texte ancien. Donc c'est une rencontre, mais il ne suffit pas que mécaniquement il y ait une lecture, au sens où un tel, auteur ou non, ouvre un livre et fasse entendre des phrases devant un auditoire et dans une salle pour qu'il y ait la chose que veut provoquer l'oeuvre d'art. Ça serait trop facile. Evidemment, c'est presque tout le temps comme ça que ça se passe puisque, quand je vais dans un musée, circulant devant les toiles, d'une certaine manière, je ne les vois pas. La poésie a lieu, en tant que poème, en vue de la citation. Par citation, j'entends la rencontre de la formule et du lieu. Prétexte Hors-Série 9

 

 

 

09/01/2009

Etreinte à l'extrême

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Photo : Billy Cone

-I-

Pour une poésie proche de la peau, étreinte à l’extrême.

Vers ce qui est le plus fertile, à l’état de vivant, à recevoir nos éblouissements.

Sous les querelles des vents, se donner le droit de penser ou de croire que la poésie est « leçon de lumière » pour et contre toutes nos apories et contre ce qui fait dilemme.

 

Mottes d’herbes les mots, la page blanche est air pur.

Ecrire parce que plus que jamais solidaire de l’instant.

 

 

-II-

Poème qui est élargir rendre intense ne pouvoir s’en tenir au lieu qui aurait perdu tout mouvement à croupir se tenir accroupi Poème parce que toujours plus proche les saveurs la peau troublée qu’on ne sait quoi écrire mais gémir que vous aimez  

Plus profond l’air plus présent que vous savez le manque

L’élan à ne pas ployer me toucher au plus près que vous me pensez en primitive le réel sa terre son eau qui nous rassemblent le feu pour le maintenir la guerre c'est-à-dire ?

 

  

©Nathalie Riera, janvier 2009

 

 

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 "Femme accroupie" - (terre cuite 40x36x23 cm)

 

cliquer ci-dessous :

Carole Herlaut