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20/06/2008

PORTRAITS - Leonora Carrington&Max Ernst (sur un poème de R.M. Rilke)

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Les empressés nous sommes.
Mais la marche du temps,
tenez-la comme rien
au sein du permanent toujours.
Tout ce qui est vitesse
ne sera que déjà passé ;
car c'est ce qui séjourne
qui seul nous initie.
Jeunesse, oh! ne le jette pas
ton coeur dans la rapidité,
pas aux tentatives du vol.
L'obscur et la clarté,
la fleur comme le livre :
tout est repos.
Rainer Maria Rilke - Les Sonnets à Orphée (22)
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19/06/2008

Les sonnets à Orphée - XV

Trois-Oranges-et-Pot-6-F.jpg Attendez..., cet arôme... oh! c'est déjà parti.

...Rien qu'un peu de musique étouffée en murmure :

vous, chaleureuses, vous, silencieuses filles

dansez le goût du fruit tel que vous le savez!

 

Dansez l'orange. Oh! qui pourrait l'oublier, elle :

comme elle résistait, en se fondant en soi,

à sa propre douceur. Vous l'avez possédée.

Précieusement en vous elle s'est convertie.

 

Dansez l'orange. Et son paysage plus chaud,

rejetez-le de vous, qu'à l'air de sa patrie,

mûre, elle resplendisse. Ouvrez-là, la brûlante

 

arôme sur arôme! Entrez en parenté

avec l'écorce qui se refuse, la pure,

avec le suc qui la remplit, la bienheureuse!

Rainer Maria Rilke, Editions du Seuil (bilingue) - (p.125)

 

Tableau : Trois oranges et pots (huile sur toile au couteau) 41x33

www.jeanmichelfarmy.com

Sandro Botticelli - Les Trois Grâces

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Dire I (Extrait) - Danielle Collobert

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Danielle Collobert

(1940-1978)

« On longe de nouveau la mer – marée basse, larges grèves mouillées, ligne si lointaine de l’eau. Deux chevaux galopent sur le sable dur. Appel soudain d’images belles, trop rapides. Retombée, chute, dedans, dans le moutonnement, pas de mer mais de boue, de lave, glissante, crevant de bulles, éclatant de partout, refermée, béante, difforme, surtout ça, sans forme. Mais lourde consistance. La lourdeur s’appuie sur tout ce qu’il y a, dehors, et à l’intérieur. Dans la boue, la somnolence, pour échapper. Alors apparaît l’autre partie du visage – son haut – la floraison. Ce sont des yeux clairs, embués, regard un peu difficile. De si près, les paupières luisent – grand espace vers le nez. Les cils partent droits, énormes poils drus, secs, adoucis au coin des yeux en courbe. Intensité, sous l’eau. Paravent-citadelle, forteresse. Une ouverture ».

 

18/06/2008

La pénombre de l'or - Jean Mambrino

la pénombre de l'or.jpgLA DEDICACE DE L'AUTEUR : "Seul ce qu'on appelle poésie peut tisser/ le fil qui relie le divers à l'unité". Une fois encore j'ai tenté (dans une forme nouvelle) de relier les mots et les choses, l'homme intérieur et l'homme extérieur, le monde du Multiple et le souffle de l'Un. Avec une sorte de simplicité somptueuse, car "l'offrande ruisselle en dissimulant sa gloire", et l'univers en sa complexité infinie se voile dans son éclat. Le plus profond secret aime à se dire dans le minime ou l'insignifiant, et comme à voix basse, non seulement pour qu'on l'entende mais pour qu'on l'écoute. J'ai usé ici de l'alexandrin sans qu'on puisse le reconnaître, les césures étant partout ; et de même les rimes se dérobent sans cesse, car chaque dernier mot d'un vers ne trouve son écho qu'à l'intérieur d'un autre vers, avant et après lui, parfois fort loin. Le chant ainsi s'entremêle au mouvement du poème, partout et nulle part, comme la musique des sphères qui enveloppe mystérieusement la totalité des choses, les plus humbles créatures comme la grandiose aventure de l'esprit, toutes les réalités, les pires comme les meilleures, la ténèbre et la lumière se tenant embrassées. "Il faut abriter chaque mot dans le poème,/ le rossignol, le muid, l'amarante, l'aurore,/ et encore le sang, la sanie, le blasphème". Tout est signe. Tout doit devenir parole, puisque la peine est l'ombre de l'or, selon la polysémie des mots du poème, conduisant le poète, comme son lecteur, vers la paix nombre de l'or, dont le chiffre réconcilie toutes les contradictions. (Jean Mambrino)

Editions Arfuyen, septembre 2002.

16/06/2008

Ewa Partum

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Poems, 1971-1973 - ©Ewa Partum
LE MAGASIN
Sunset – I love the horizon

24 mai – 25 août 2008

http://www.magasin-cnac.org/

Sunset est une installation monumentale d'Andro Wekua conçue spécifiquement pour la Rue du Magasin, qui consiste en un assemblage de 170 carreaux de céramique. Son motif est réalisé à partir d'un dessin de l'artiste, grossi 600 fois et sérigraphié sur la surface des carreaux. L'image du coucher de soleil comme tonalité parfaite s'y érige en une façade, portée et soutenue par une structure en métal. I Love the Horizon est une exposition collective, proposition d'Andro Wekua avec le concours de Daniel Baumann. Avec des œuvres de Rita Ackermann, Ketuta Alexi-Meskhishvili, Luis Buñuel, Xavier de Maria y Campos, Trisha Donnelly, Jannis Jaschke, Mikheil Kalatozishvili, Martin Kippenberger, Emil Michael Klein, Oliver Laric, Nick Mauss, Sergej Paradjanov, Ewa Partum, Steven Parrino, Seth Price, Richard Prince, Yves Saint-Laurent, Piotr Uklanski et des textes de Anna Moschovakis, Anne Sexton, Marina Tsvetaeva, Derek Walcott et Adam Zagajewski. Sunset / I Love the Horizon est un projet imprimé, livre d'artiste constitué par Andro Wekua à partir d'une masse d'images et de documents mis bout à bout tout au long de ses pages.

Site internet : www.magasin-cnac.org
courriel : info@magasin-cnac.org
Téléphone renseignement : 04 76 21 65 25
Téléphone réservation : 04 76 21 65 25
LE MAGASIN, CENTRE NATIONAL D'ART CONTEMPORAIN
155 cours Berriat Site Bouchayer-Viallet
GRENOBLE 38000

Sylvia Plath

 

La cueillette des mûres

 Personne sur le chemin, et rien, rien sinon des mûres,

Des mûres de chaque côté, des mûres partout,

Une allée de mûres, qui descend en crochets, et une mer

Quelque part au bout, qui se soulève. Des mûres

Aussi grosses que mon pouce, aussi muettes que des yeux

Ebène dans les haies, et pleines

De jus bleu-rouge, qu’elles abandonnent sur mes doigts.

Je n’avais pas demandé de telles sœurs de sang ; elles doivent m’aimer.  

Elles sont accommodantes, elles se font toutes petites pour tenir dans ma bouteille à lait…

Sylvia Plath - Blackberrying - (p.63) in La traversée "crossing the water" - Poésie/Gallimard.

12/06/2008

Epiphania

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Géorges Séféris

Poème de Georges Seferis écrit en 1937 et publié dans le recueil collectif de son oeuvre sous le titre EPIPHANIE 1937, dans Cahier d'études.

La mer en fleurs et les montagnes au décroît de la lune ;
La grande pierre près des figuiers de Barbarie et des asphodèles;
La cruche qui ne voulait pas tarir a la fin du jour ;
Et le lit clos près des cyprès et tes cheveux
D'or : les étoiles du Cygne et cette étoile, Aldebaran.
J'ai maintenu ma vie, j'ai maintenu ma vie en voyageant
Parmi les arbres jaunes, selon les pentes de la pluie
Sur des versants silencieux, surchargés de feuilles de hêtre.
Pas un seul feu sur les sommets. Le soir tombe.
J'ai maintenu ma vie. Dans ta main gauche, une ligne ;
Une rayure sur ton genou; peut-être subsistent-elles encore
Sur le sable de l'été passé, peut-être subsistent-elles encore
Là où souffle le vent du Nord tandis qu'autour du lac gelé
J'écoute la voix étrangère.
Les visages que j'aperçois ne me questionnent pas ni la femme
Qui marche, penchée, allaitant son enfant.
Je gravis les montagnes. Vallées enténébrées. La plaine
Enneigée, jusqu'à l'horizon la plaine enneigée. Ils ne questionnent pas
Le temps prisonnier dans les chapelles silencieuses
Ni les mains qui se tendent pour réclamer, ni les chemins.
J'ai maintenu ma vie, en chuchotant dans l'infini silence.
Je ne sais plus parler ni penser. Murmures
Comme le souffle du cyprès, cette nuit-là
Comme la voix humaine de la mer, la nuit, sur les galets,
Comme le souvenir de ta voix disant : « Bonheur ».
Je ferme les yeux, cherchant le lieu secret où les eaux
Se croisent sous la glace, le sourire de la mer et les puits condamnés
A tâtons dans mes propres veines, ces veines qui m'échappent
Là où s'achèvent les nénuphars et cet homme
Qui marche en aveugle sur la neige du silence.
J'ai maintenu ma vie, avec lui, cherchant l'eau qui te frôle,
Lourdes gouttes sur les feuilles vertes, sur ton visage
Dans le jardin désert, gouttes dans le bassin
Stagnant, frappant un cygne mort à l'aile immaculée
Arbres vivants et ton regard arrêté.
Cette route ne finit pas, elle n'a pas de relais, alors que tu cherches
Le souvenir de tes années d'enfance, de ceux qui sont partis,
De ceux qui ont sombré dans le sommeil, dans les tombeaux marins,
Alors que tu veux voir les corps de ceux que tu aimas
S'incliner sous les branches sèches des platanes, là même
Où s'arrêta un rayon de soleil, à vif,
Où un chien sursauta et où ton coeur frémit,
Cette route n'a pas de relais. J'ai maintenu ma vie. La neige
Et l'eau gelée dans les empreintes des chevaux.

08/06/2008

"Néant d'or" Anna-Eva Bergman

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"Néant d'or", 1963 (146x114)
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A-E Bergman
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06/06/2008

Marthe Souris

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Marthe Souris travaille à plat, à même le sol, avec des pigments colorés sur une toile apprêtée spécialement pour permettre de conserver visible la texture du tissu, jouer des glacis et des épaisseurs de peinture et laisser apparaître des griffures faites avec le manche du pinceau. C’est ainsi qu’elle donne à sa peinture une transparence dans les couleurs et le velouté de leur matière. Ce n’est qu’une fois la toile achevée qu’elle sera tendue sur châssis. Elle réalise aussi de nombreux petits formats au pastel qui lui permettent, malgré un médium différent, de conserver une matière similaire. Les traits du pastel jouant le rôle des coups de pinceau, les couleurs se créent par la superposition d’écritures.

(D’après P.-A. S.)

Du 16 au 21 juin 2008

Vernissage lundi 16 juin à 18h30

LA GALERIE DU TABLEAU

37, rue Sylvabelle - 13006 Marseille - tél : 04 91 57 05 34

Contact et site

galeriedutableau@free.fr

http://www.galeriedutableau.org

05/06/2008

"Légère cendre au pied du jour"

Et moi maintenant tout entier dans la cascade céleste,

enveloppé dans la chevelure de l’air,

ici, l’égal des feuilles les plus lumineuses,

suspendu à peine moins haut que la buse,

regardant,

écoutant

n     et les papillons sont autant de flammes perdues,

les montagnes autant de fumées --,

un instant, d’embrasser le cercle entier du ciel

autour de moi, j’y crois la mort comprise.

 

Je ne vois presque plus rien que la lumière,

les cris d’oiseaux lointains en sont les nœuds,

 

la montagne ?

 

Légère cendre

au pied du jour.

Philippe Jaccottet

A la lumière d’hiver « Leçons » (p.32)

03/06/2008

Anna-Eva Bergman

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Bona Mangangu

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« Caresse dansée »

Encre de chine, villa Antomine 06

Collection de l’artiste

Portrait

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Bona Mangangu

peintre & auteur

Il est né le 16 février 1961 à Kinshasa en République démocratique du Congo. Son oeuvre picturale forte, lumineuse, proche des maîtres orientaux, lui a valu de nombreuses distinctions en France et à l'étranger.

Son esthétique du peu et du silence, tirée de ses lectures, de la musique et de ses nombreux voyages, transparaît dans une oeuvre volontairement dépouillée.

Une subtile lumière émane de ses peintures à l'huile, de ses encres, ses broux de noix, et ses dessins ; une rencontre inattendue de l'Orient et de l'Afrique mythique.

Promeneur infatigable (Afrique, Amériques, Europe, Asie) et amoureux des grands espaces inhabités (déserts, océans, mers...), il embrasse le monde afin de mesurer la distance entre l’homme et l’homme, par les couleurs, les mots traduits du silence. Ainsi, patiemment, il explore le sacré dans ce qu'il a de plus insaisissable. Aujourd’hui, il partage sa vie entre Sheffield, au Royaume-uni, où il enseigne les arts plastiques, et le Haut-Languedoc, en France. Auteur, il a publié de nombreux ouvrages notamment :

"Ce que disent mes mains sur la toile" Paris2002 l'Harmattan.

"Et si la beauté de ce festin..."Paris 2004, l'Harmattan.

« Carnets de Flâneur » Paris 2005, Souffle éditions, épuisé.

"Kinshasa, carnets nomades" Paris 2006, l'Harmattan.

« Carnets d’Ailleurs, Paris 2008, l’Harmattan.

En préparation : « La passerelle du silence » et « Les Larmes du Caravage »

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" ...Je mûris à la rencontre d’autrui. Toutes ces rencontres, tous ces feux, Kinshasa-la-belle, émanent de ton feu primordial, tout puissant. Je tourne le dos aux vaines vanités de la comédie humaine, à certaines formes de volupté. L'ardeur des passions qui me tisonnait s'est peu à peu éteinte. Quelle énergie fait encore tressaillir mes membres dans les floraisons mortes de l'hiver, dans la lumière rousse d'automne, les ors francs dans le ciel pur de l'été ? Le panorama n'est pas aux nostalgies, aux souvenirs de l'âtre chaud des connivences. Je touche à des régions où ce que l'on éprouve n'a aucun rapport avec ce qui est éprouvé. Tous les matins, j'avance pieds nus devant le velours de la mer. Sa respiration et ses hoquets bleus sur les revers de dunes me donnent des sensations d'éternité. Le ciel de mon pays d’accueil, à cette époque de l'année, est bas. De temps à autre, j'entends des rumeurs, un bruissement sourd ; c'est le tremblement de l'infini sur les miroirs de la mer et sur la ligne de l'horizon. Le ciel redevient le pays d'à côté..."

Extrait de l'avant-propos"Carnets d'Ailleurs"

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« Tais-toi, petit; abrites-toi derrière les mots des autres. Si tu parles, fais-le uniquement avec ton coeur. Très peu de paroles cependant, très peu, tu entends ? Beaucoup de musique... »

Extrait de La Passerelle du Silence

Contact ET SI LA BEAUTÉ …

http://etlabeaute.hautetfort.com/

bonamangangu@hotmail.com

02/06/2008

Esprit et langage avec Wittgenstein, rosset et Bouveresse

159808695.jpgLorsque Wittgenstein aborde le mystère du langage comme étant proche du mystère du monde, de la même manière Jacques Bouveresse[1]associe « esprit et langage », car pour mieux comprendre ce qu’est l’esprit, dira t-il, il nous faut au préalable comprendre ce qu’est le langage.

(…) "Mon livre traite des problèmes philosophiques et montre, je pense, que la position de ces problèmes repose sur une méconnaissance de la logique de notre langage. On pourrait résumer tout le sens de ce livre en ces termes : ce qui peut se dire, peut se dire clairement ; et au sujet de ce dont on ne peut pas parler, on doit se taire... Je pense que la vérité des idées ici exposées est inattaquable et définitive. Je pense donc avoir, pour l'essentiel, résolu les problèmes". (L. Wittgenstein)

1063457677.jpgAu sujet de l’esprit, celui-ci est défini comme « principe de la vie psychique ». Dans « Principes de sagesse et de folie », Clément Rosset[2] parle d’un grand « dérèglement de notre esprit » pour son glissement ordinaire et quelque peu systématique dans le monde irréel, et pour sa désolidarisation avec la réalité. Rosset cite Montaigne en ce que le principe même de ce dérèglement se situe « dans le fonctionnement de l’esprit lui-même ». Ainsi, et à la différence de Platon qui accuse le corps d’égarer notre esprit, dans sa proximité avec Montaigne, Rosset épouse la thèse que l’homme « délire » en tant qu’il dispose d’un esprit, et surtout en tant qu’il se laisse abuser par lui.

" Sur l'existence (ou sur l'être, ou sur la réalité) les paroles les plus profondes et les plus définitives sont le fait d'un penseur, Parménide, qui passe paradoxalement -- et injustement peut-être, j'y reviendrai - pour avoir été le principal inspirateur de l'interminable lignée des philosophes qui, de Platon à Kant et de Kant à Heidegger, nous ont enseigné à suspecter la réalité sensible au profit d'entités plus subtiles :

Il faut dire et penser que ce qui est est, car ce qui existe existe, et ce qui n'existe pas n'existe pas : je t'invite à méditer cela.

Tu ne forceras jamais ce qui n'existe pas à exister.

Clément Rosset, Principes de sagesse et de folie, Editions de Minuit, 1991/2004

1228566570.jpgDans sa proximité à Karl Kraus, et de par son grand souci de réalisme, Jacques Bouveresse accorde une grande attention sur ce qui concerne l’individu et son rapport au réel. Il ne se montre ainsi guère favorable à la « religion de l’information », information qu’il dira « industrielle », telle celle véhiculée quotidiennement par les médias. Il remet notamment en cause cette odieuse supercherie à continuellement nous envahir d’informations inutiles et sans intérêt, car ce que les médias nous montrent et nous disent, cela ne signifie pas pour autant une connaissance de la réalité. La représentation du réel par les médias nous fait tort, et à l'esprit lui fait perdre de vue le champ de la réalité véritable, et le maintient dans ce que Bouveresse appelle en d’autres termes un « processus de déréalisation ».

"Lorsque j'étais enfant, j'étais terriblement idéaliste, beaucoup plus que vous ne pouvez l'imaginer : je trouvais la réalité ordinaire sans intérêt, vulgaire et plutôt méprisable. J'ai véritablement eu à me réconcilier plus tard avec la réalité, en partie, mais sûrement pas uniquement, par la philosophie (cela ne passe jamais de cette façon). Cela m'a pris beaucoup de temps, mais je me suis remis, de plus en plus, à valoriser d'abord la réalité, la réalité concrète et à me méfier systématiquement de l'idéalisme. Je serais même tenté de dire que l'essentiel du combat que j'essaie de mener aujourd'hui est un combat contre l'idéalisme".

Jacques Bouveresse, Le philosophe et le réel, Ed. Hachette, 1998

Comment ne pas succomber au piège de la falsification du réel, si ce n’est enfin de se rendre compte que ce n’est pas le monde en tant que tel qui nous trompe ou nous leurre, mais que c’est la propagande et la propagation du mensonge qui nous trouble. Marc Aurèle écrivait : « (…) reviens à toi et, une fois sorti de ton sommeil, rends-toi compte que c’étaient des songes qui te troublaient ; une fois réveillé, regarde les choses comme auparavant tu les regardais ».

Nathalie Riera, 2007

 


[1] J. Bouveresse, « La philosophie et le réel », Hachette Littératures, 1998.
[2] C. Rosset, « Principes de sagesse et de folie », Ed. de Minuit, 1991/94, op. cit., p.71.
[3] Ibid., op. cit., p.73.
[4] In « Ch.I : ironie et satire », op. cit., p.28.
[5] M. Aurèle, Ibid., « Livre IV-XXXI ».

30/05/2008

Pascal Boulanger (Quatrième de couverture & Extrait)

448063550.jpg FUSÉES & PAPEROLES

chroniques de poésie

Pascal Boulanger

La poésie a connu au XXe siècle une mini catastrophe, mini mais aux effets dévastateurs : la puissance de sa langue et de sa pensée a émigré vers la grande prose romanesque, celle de Proust, de Joyce, de Céline… Est-ce à dire que les poètes ont tous déserté ? Mais Artaud, Pound, Ponge, quels noms leur donner ?Et s’il ne nous est plus loisible de nous déplacer dans de vastes continents poétiques, est-ce à dire que de la déflagration qui les a ravagés, et dont s’est constituée la modernité littéraire, n’ont pas subsisté, et ne subsistent pas toujours, de très étincelantes parcelles, d’autant plus lumineuses, d’autant plus douées d’une force radioactive, qu’elles sont isolées, errantes, inaptes désormais à s‘agréger entre elles, à composer une totalité. C’est à ces astéroïdes nomades, les uns doués de la vitesse des « fusées » (bonjour Baudelaire), les autres mimant les lents, discrets flottements de modestes « paperoles » (bonjour Proust), que Pascal Boulanger a consacré de déjà longues années de sa recherche. Il livre ici ses analyses et ses conclusions. Il fallait, pour mener au mieux une telle tâche, un écrivain ayant lui-même la pratique de la poésie (au sens que je tente de donner à ce mot), un homme libre d’attaches idéologiques et institutionnelles, ouvert à des expériences d’écriture parfois à l’opposé des siennes, peu respectueux des frontières entre les genres littéraires, en prise avec le réel de son époque, doué d’une mémoire historique, résistant aux oukases, aux dogmes, aux divers terrorismes et aux lancinants chants des sirènes nihilistes de son temps. Pascal Boulanger est cet écrivain et cet homme-là. Jacques Henric L’ACT MEM FUSÉES & PAPEROLES PASCAL BOULANGER

L’ACT MEM 17 Lire aujourd’hui

 Télécharger

A PROPOS DE L'AUTEUR ... En forme d'avant-propos :f&p_a_propos.pdf

 

EXTRAIT

« La parole poétique dit et ne dit pas, saisit et se détache, fait lien et cassure, compose et décompose la vie dans la mort et la mort dans la vie et, avant tout, elle intègre un espace-temps dans lequel une voix nomme. Elle nomme en suspendant les figures idolâtriques et en se risquant dans l’acquiescentia in se ipso (Spinoza), qui évoque la présence à soi, la joie et le pouvoir d’agir.

Les possibles sont-ils perdus ? Jamais, et il n’y a pas d’autre actualité , pour un poète, que celle consistant à refuser le moteur du ressentiment vis-à-vis du temps et de son « il était ». Rimbaud est ailleurs que dans l’ailleurs où la communauté le cherche. Il n’est pas plus dans la poésie comme posture et imposture littéraires que sur les chemins besogneux de la soif de vivre. Il témoigne, par-delà son soit-disant silence, de l’union dans la désunion et sa prétendue absence est un mythe. Ses notes nerveuses relatives à son périple final en civière et toute sa correspondance sont aussi poésie, elles ne seraient éloignées que d’une pratique de la poésie dont justement Rimbaud s’est ostensiblement éloigné (Daniel Oster, L’individu littéraire, P.U.F. coll. « Ecriture »). La poésie, comme dépassement de la métaphysique, est une manière de dire et une manière d’être, elle supporte et dépasse l’inacceptable de la vie sociale en relançant l’existence simple et forte – son noyau d’enfance – que la servilité fonctionnelle n’a pas encore détruite ».

(pp.75/76)

Lire la note de "Corridor Bleu"

http://re-pon-nou.blogspot.com/2008/04/lire.html

 

 

Avec ce que la vie a d'immédiat

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« (…) la poésie, c’est rechercher le contact avec ce que la vie a d’immédiat, dans des rapports avec d’autres êtres qui en deviennent de l’absolu,  et cette expérience ne peut se faire qu’en délivrant la parole des systèmes conceptuels (…). La poésie n’est pas l’ennemie de la pensée, bien au contraire, elle attend de l’admirable raison dont l’esprit dispose qu’elle organise ce monde qui pourrait être si beau si tant soit peu en étaient accueillies par nous les suggestions de vraie plénitude. Elle n’est pas même l’ennemie des rêveries les plus utopiques, car elle sait la valeur des rêves, quand ils ne cachent pas leur nature. Mais elle dispose d’un point de vue qui lui permet de critiquer la pensée d’une façon radicale, pour en incriminer l’esprit de système. Ma réaction, dans la situation de l’après-guerre, ce fut d’estimer que la poésie était le devoir majeur, auquel je me devais de donner priorité. Un souvenir, celui-ci encore, duquel je ne veux absolument pas m’éloigner ».

Extrait d’Un entretien avec Yves Bonnefoy par Robert Kopp – Magazine littéraire, juin 2003 (n°421)

 

La lumière profonde a besoin pour paraître

D’une terre rouée et craquante de nuit.

C’est d’un bois ténébreux que la flamme s’exalte.

Il faut à la parole même une matière,

Un inerte rivage au-delà de tout chant.

Il te faudra franchir la mort pour que tu vives,

La plus pure présence est un sang répandu.

(Extrait Du mouvement et de l’immobilité de Douve, p.74)

 

 

Pasolini e Ezra Pound

J'attends que parlent les plantes -- prises

par le profond sourire qui s'exhale

de la terre au soleil absorbés l'un par l'autre --

moi, qui ne sais pas parler, étouffé

à peine éveillé, par tant de clarté

et les sens mis à vif par l'or qui est vie

humaine chez les arbres. Or, fraîcheur,

qui gonflent ma chair de joie.

 

Et tout cela, de la sensuelle

douceur, n'est qu'une ombre.

Pier paolo Pasolini 

EXTRAIT "Poèmes posthumes" VII - (1950/1951)

 

***

 

PETITS POEMES NOCTURNES

 III

Quand il est plus dur de vivre

la vie est-elle plus absolue ?

Sur les rives vespérales

de mes sens muets est muette

 

la vieille raison

en quoi je me reconnais :

c'est un parcours intérieur

un sous-bois étouffé

 

où tout est nature.

Pénible travail

de subsistance obscure

 

toi seul es nécessaire...

Et tu m'emportes doucement

au-delà des frontières humaines.

29/05/2008

Hamsarayan (The chorus) - Abbas Kiarostami

« Kiarostami ou l’art de l’enfance

Il y a seulement quelques années, Abbas Kiarostami était, en Occident, un parfait inconnu. C’est en France, plus précisément à Nantes en 1988, que Où est la maison de mon amie ? fut projeté pour la première fois, hors d’Iran, au festival des Trois Continents. Aujourd’hui, il est devenu par l’intermédiaire de nombreux passeurs, une référence universelle pour quiconque pense que le cinéma joue encore un rôle de conscience du monde. »

Thierry Jousse

Extrait des Cahiers du Cinéma n°493 (juillet/août 1995)

 

Les autres films de Kiarostami : Au travers des oliviers, Close up...

Yona Friedman

462486026.jpgLa ville spatiale, 1960

Collage

 

 

 

 

 

 

1293975239.jpg Nonument

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

12 films d'animation réalisés entre 1960 et 19631267574493.jpg

28/05/2008

Carla Benvenuto

Corpo (2007) - olio su carta, cm. 20,5x31

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Carla Benvenuto est née à Gênes en 1956.

 

Après le Lycée Artistique N. Barabino, elle fréquente quelques cours à la faculté d’Architecture, un laboratoire graphique et l’étude du peintre R. Sirotti. Elle ouvre une étude à Bogliasco. Par la suite, une fois terminée l’Académie Ligure des Beaux Arts de Gênes, elle suit quelques stages de lithographie à Fréjus, en France.

 

Entre 1978 et 1997, son activité d’exposition est rare (elle gagne un prix jeune à Ronco Scrivia et elle expose dans différentes collectives ; une personnelle à Pietra Ligure).

 

C’est entre 1998 et 2007 qu’elle se manifeste ouvertement à travers différents langages.

 

En 2006, elle crée la rencontre entre les célèbres artistes ligures, R. Sirotti, A. Caminati, E. Luzzati et le lithographe français Mario Ferreri.

 

Actuellement, elle travaille dans deux études : à Gênes pour le Bookshop du Palais Tursi, où l’exposition est permanente et à Gênes Quinto.

L'amore di un silenzio puo durare tutta une vita : dentro a quel silenzio vi è l'universo intero. 

Nous nous souvenons tous d’un silence vécu, transpiré, tendu, subi, aimé.

Un silence peut durer longtemps dans notre âme.

L’amour d’un silence peut durer toute une vie : à l’intérieur d’un silence il y a tout un univers.

Quand on aime une autre personne c’est parce qu’on l’a reconnue dans un silence.

 Dans le silence il se révèle quelque chose de surhumain. De nombreuses personnes ont parlé du silence dans la musique, de l’importance vitale des pauses.

Un acteur comme Eduardo de Filippo a dit qu’un personnage sur scène se révèle pendant les pauses.  C’est justement cette révélation dans le silence qui à avoir avec le Sacre, c’est-à-dire avec quelque chose de divin et éternel. Je pense au silence comme au « temple sacré », au « conteneur » de ce que l’homme a de plus intime et mystérieux dans sa profondeur. Les sons et les mots peuvent construire ou démolir ce « temple » qui communique par intermittence avec la vie.

(…)

Valère Novarina, dramaturge et homme de théâtre contemporain a écrit « être acteur n’est pas aimer apparaître, c’est aimer énormément disparaître », et, j’ajouterai, probablement dans un soupir entre les mots au centre de la scène.

Extrait de « L’acteur entre le sacre et le profane »

(L’attore tra sacro e profano)

Carla Benvenuto