10/01/2009
Michel Deguy
Michel DEGUY
Poète&Ecrivain
(Né à Paris en 1930)
P o i n t d e v u e
Photo Internet
A quel âge de la vérité en sommes-nous ? Ou du nihilisme ?
L’Impair.
2001, Farrago/Léo Scheer
" … le contre-courant funèbre, le complot du destin, affliction et nuisance, la conspiration de la perte, voici la morition des proches, la contagion des maux, l'acerbe érosion, la calomnie générale, l'abréviation de la vie, l'encombre, la terre périmée, l'extermination du passé, le périr. " Questionnements pour Michel Deguy sur "la raison poétique"
Dans l’emportement actuel pour le mélange de tout avec n’importe quoi, il y a un risque très fort pour la pensée. C’est le n’importe quoi qui menace toujours. Comme si le mélange avait plus de valeur que les ingrédients.
http://www.maulpoix.net/Deguyentretien.html
Quelle hypothétique fonction assigner encore au poète, en un temps où « la poésie n'est plus l'institutrice de l'humanité» ? Ni prêtre ni berger, ni Messie ni prophète, il n'est pourtant pas disposé à donner son congé, ni ne montre de goût pour la malédiction (…) Michel Deguy : Pourquoi la poésie ?
De l’écologie.
Un géocide est en cours. Il ne pourra pas y en avoir deux. Si « l’habitation poétique » du terrestre - pour reprendre encore une fois, malgré l’épuisement, les mots de Hölderlin - a encore du sens (de la glose, de la paraphrase, devant elle), alors n’est-ce pas avec l’écologie fondamentale qu’une poétique futuriste pourrait (devrait) s’allier ? La poésie peut-elle jouer un rôle d’alarme écologique, d’auxiliaire de la pensée écologique ? Michel Deguy et la revue Po&sie
Sur le site de François Bon, voir et entendre Michel Deguy filmé par Métropolis (au Centre dramatique national Nouveau Théâtre de Montreuil)
Quelque chose m'irrite souvent dans les lectures, qui ont lieu partout. Comme si ça allait de soi que ce soit bien qu'il y ait un auditoire, des gens qui s'appellent poètes ou écrivains et qui disent : ce soir on va lire ! Mais qu'est-ce qui se passe ? Ça peut bien ne rien être du tout. J'essaie de tenir deux choses. Je crois que le poème a lieu en vue de la citation, c'est-à-dire du moment de rencontre où une circonstance prend du sens à la lumière de ce qui est dit d'elle par quelque chose qu'on lit, qui peut être un texte ancien. Donc c'est une rencontre, mais il ne suffit pas que mécaniquement il y ait une lecture, au sens où un tel, auteur ou non, ouvre un livre et fasse entendre des phrases devant un auditoire et dans une salle pour qu'il y ait la chose que veut provoquer l'oeuvre d'art. Ça serait trop facile. Evidemment, c'est presque tout le temps comme ça que ça se passe puisque, quand je vais dans un musée, circulant devant les toiles, d'une certaine manière, je ne les vois pas. La poésie a lieu, en tant que poème, en vue de la citation. Par citation, j'entends la rencontre de la formule et du lieu. Prétexte Hors-Série 9
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09/01/2009
Etreinte à l'extrême
-I-
Pour une poésie proche de la peau, étreinte à l’extrême.
Vers ce qui est le plus fertile, à l’état de vivant, à recevoir nos éblouissements.
Sous les querelles des vents, se donner le droit de penser ou de croire que la poésie est « leçon de lumière » pour et contre toutes nos apories et contre ce qui fait dilemme.
Mottes d’herbes les mots, la page blanche est air pur.
Ecrire parce que plus que jamais solidaire de l’instant.
-II-
Poème qui est élargir rendre intense ne pouvoir s’en tenir au lieu qui aurait perdu tout mouvement à croupir se tenir accroupi Poème parce que toujours plus proche les saveurs la peau troublée qu’on ne sait quoi écrire mais gémir que vous aimez
Plus profond l’air plus présent que vous savez le manque
L’élan à ne pas ployer me toucher au plus près que vous me pensez en primitive le réel sa terre son eau qui nous rassemblent le feu pour le maintenir la guerre c'est-à-dire ?
©Nathalie Riera, janvier 2009
"Femme accroupie" - (terre cuite 40x36x23 cm)
cliquer ci-dessous :
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Patrick Sainton à la Galerie la Non-Maison
Stes
Patrick Sainton
« la ste, matin, face boisée, verte et la montée du violet,
brouillard, assis. attendre l’ouverture du ciel, des
volets, portes, boîtes. comment peindre ça, sans barbouille,
papier et ligne de crête. faudrait être chinois,
respirer a minima. c’est en 2003, un peu avant tout à
l’heure, envie de creuser des marches en terre,
descending steps (1973), sans le droit de comprendre.
j’y songerai plus tard (1975), dans la chambre rose en
sous-sol, l’oeil de boeuf au ras du sol, barreaux,
graviers, géraniums, ces marches marques de malheur,
la fin, rejoindre, creuser. il faut creuser, émeraude
installée, dressée au mur. »
Extrait de ce soir j’aperçois ma tête d’otage
à paraître aux Editions Contre-Pied en 2009.
Galerie la Non-Maison
VERNISSAGE 17 janvier 2009 à 18 H
22 rue Pavillon 13100 Aix en Provence
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04/01/2009
Levée d'écrou (la parole éveillée)
On ne voit en général pas leur nom dans les gazettes, certains jouissent d’une certaine notoriété, d’autres pas. Je les appelle les passeurs magnifiques, les « beautiful people » de la culture : conteurs, lecteurs publics, animateurs d’atelier d’écriture, de théâtre, de soirées poétiques, éditeurs risquant leurs tout derniers ronds pour faire connaître des textes…
LIRE LA SUITE sur le blog de Gérard Larnac
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02/01/2009
Un billet de Patrice Beray - Mediapart
Pour une année-lumière avec Nathalie Riera
"Des Voeux en c(h)oeur" (Nathalie Riera)
Expression conventionnelle s'il en est du jour de l'an que celle de «former des vœux» que commande une courtoisie d'usage consistant à adresser formellement des souhaits (des vœux) à l'intention de destinataires qui seront ainsi libres de les remplir à leur guise, autrement dit de leur donner un contenu, une teneur de leur choix.
C'est du moins ainsi, sans mal y penser, que l'on peut comprendre ce «former» si terriblement... formel.
Mais à bien y penser que peut receler une forme qui se soucie si peu de son contenu, qui est pur «habillage» ? Recouvre-t-elle en fait un abîme d'indifférence pour autrui, au point de ne prendre aucunement part à ses vœux ? N'est-ce pas dire, sous quelques espèces de politesse, que l'on n'a rien à faire des aspirations, des préoccupations, des désirs aussi, du destinataire ? «Je forme des vœux pour vous en cette nouvelle année...» De santé, de réussite peut-être. Des vœux exclusifs, au sens propre du terme, qui ne concernent que la personne, mais n'impliquent en rien celui qui les formule.
Certes, chacun est libre de déformer une formule, de lui prêter une tout autre signification. Il n'en demeure pas moins que la formulation reste, immuable, fixée une fois pour toutes, comme la syntaxe (essayez de la tordre, vous serez toujours dans l'erreur, sauf à passer par-dessus, c'est-à-dire à vous en passer, mot à mot-image, comme les poètes).
C'est donc ainsi, je ne «formerai de vœux» pour personne au moment de ce passage vers une année nouvelle. Vous avez... ma parole :
« je pense à la chaleur que tisse la parole
autour de son noyau le rêve qu'on appelle nous » (Tristan Tzara).
Conjointement aux mots du poète, Rolland de Renéville avait toutes les raisons de penser que l'Univers de la parole (le titre d'un essai publié dans les années 40) est le seul monde qui nous contient, qui nous entoure.
En lisant ces derniers jours (de l'année) La Parole derrière les verrous de Nathalie Riera m'est ainsi apparu, par contraste avec cette intuition de Renéville, combien est incroyablement chargée, plombée une autre expression, celle d'univers carcéral. Sans doute faut-il se faire à cette idée que les expressions sont à la langue ce que les définitions sont à la pensée critique, selon Adorno : un stade pré-critique (pré-conceptuel). Tant il est vrai que la langue n'est rien (qu'un code) sans la parole.
Du théâtre, Nathalie Riera dans son essai dit : «Même l'univers est jeu, ainsi que notre volonté de maintenir la relation humaine.» Elle parle de son expérience d'animatrice d'activités artistiques en univers carcéral. Où il lui apparaît «vital, tant pour les prisonniers que pour la société, que le lien avec le monde du dehors fût constamment maintenu, essentiellement par la parole...». De ce lieu, elle dit aussi : «Ici, personne ne vous attend vraiment.» Son constat vaut témoignage : «J'ai souvent entendu dire que la prison était un passage. L'événement de l'incarcération pourrait-il donc être organisé comme un rituel d'intégration, afin que l'anéantissement physique et mental ne devienne plus une habitude ou un rite ?»
Instigatrice d'un beau site sur la toile, Les Carnets d'Eucharis, Nathalie Riera après une parenthèse vient de reprendre son activité d'animatrice en prison, qu'elle va cette fois axer sur la poésie sonore.
AFFICHE Virgules de pollen.doc
Nathalie Riera, La Parole sous les verrous, Editions de l'Amandier, 78 p./12€.
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28/12/2008
Lambert Savigneux
Deux lignes surgissent du sol et illuminent...
Les encres de Lambert Savigneux
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21/12/2008
L'époque sévère
Ce bois mauve bordé de clairières où l’éclair a démis le chêne
Michel Deguy
L’EPOQUE SEVERE
Nathalie Riera
Cette « arche d’alliance » nous dit Seamus Heaney, entre le langage et la sensation. Ou encore John Keats, qui demandait : Ô qu’on me donne une vie de sensation plutôt qu’une vie de pensée !
Le réalisme que nous vivons. Notre si faible exaltation « à la note positive ». Nos quotidiens avec ces manières d’excavations.
Un réel à vif, qui n’est jamais lointain, loin du chant.
Vivifier ce qui diminue, se décourage, malmène.
Au bord de jouir qui jamais n’use le cœur des mots.
Par quel art ou quelle arme être, et rien de plus.
Prendre l’essor contre ce qui m’assassine.
Cette vague et large alliance entre les voiliers et les vents.
Dans sa Troisième Elégie, Anna Akhmatova écrit :
L’époque sévère
m’a détournée comme un fleuve vers
un autre lit. On m’a changé de vie.
« Les élégies du Nord », Leningrad, 1944.
Battements et fulgurances les sens. Me réjouissent de leurs intrigues et leurs rythmiques. Faudrait alors que soient plus fluides, empoignées, embourdonnées, nos clairières. Plus vives encore dans les dissonances et les distances.
Nous prend et nous rend, rien de plus.
(C’est ce que je sais de l’amour)
De jouir parce que vivre, ne pas avoir oublié, comme ces joies qui ont laissé leurs empreintes en dépit des vents.
& vers ce vert d’un autre vert :
vivre qui n’est pas verbiage.
Intensément.
Nathalie Riera
L’époque sévère (extrait)
19 décembre 2008
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The Cotton Pickers
Ramassage du coton
Cajazeiras, région Paraiba, Brésil, 1980
S. Salgado
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Dorothea Lange
Dorothea LANGE
Photographe documentaire
(1895-1965)
T h e P h o t o g r a p h y
Dorothea Lange
Les travaux les plus connus de Dorothea Lange ont été réalisés pendant la Grande Dépression dans le cadre d'une mission confiée par la Farm Security Administration (FSA, Administration d'assurance paysanne).
22:07 Publié dans CLINS D'OEILS (arts plastiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
Robert Guédiguian aux Editions L'Ecailler
Vient de paraître chez L'Ecailler
LA VILLE
EST
TRANQUILLE
de Robert Guédiguian
Collection Overlittérature, dirigée par Gilles Ascaride & Henri-Frédéric Blanc
Librairie L'Ecailler, 2 rue Barbaroux, 13001 Marseille
22:00 Publié dans 4EMES DE COUVERTURE | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
20/12/2008
Pascal Boulanger (Fureur et Silence)
DOSSIER POЄSIE
des Carnets d'Eucharis
N°1
Télécharger (format pdf)
CLIQUEZ CI-DESSOUS :
(… les mots possèdent ce prodigieux pouvoir de rapprocher et de confronter ce qui, sans eux, resterait épars dans le temps des horloges et l’espace mesurable…)
Claude Simon, Discours de Stockholm, Fondation Nobel/Les Editions de Minuit, 1986
Fureur et Silence
Par Nathalie Riera
Si Claude Simon accordait un extrême souci au « phénomène du présent de l’écriture » (dans son Discours de Stockholm, 1986), n’est-ce pas aussi en ce lieu même de l’instant que s’opère la fabuleuse dynamique des sensations, des émotions, et où des figures inconnues se raniment en autant de paysages intérieurs auxquels certains écrivains et poètes se rattachent, mais non comme des repaires contre le monde mais plutôt comme ce que Philippe Jaccottet définit au mieux en cette phrase : « revenir à ces paysages qui sont aussi mon séjour ».
Mais des retours à quels paysages inépuisables ?
Tout d’abord, de tels retours seraient-ils seulement entendus comme des manières de se protéger du monde tout en ayant également souci de protéger ce monde, quand le travail ou le fait d’écrire (je le préfère au mot « tâche ») ne saurait se limiter ni à un détournement du réel ni au seul recours à l’imagination (au sens où l’imagination réduit l’engagement de l’être, ou ne fait que plaider des causes perdues, nous dit Gaston Bachelard).
Revenir alors à des paysages inépuisables, qui ne cessent de se modifier, de n’appartenir à aucun autre temps que celui où l’écriture le convoque, temps enfoui, et comme une manière aussi de ne jamais se démettre du chemin, mais plutôt ne jamais cesser de s’en remettre comme preuve de notre engagement d’être vivant.
« Le monde ne peut devenir absolument étranger qu’aux morts (et ce n’est même pas une certitude) » nous dit Jaccottet, lorsque pour Pascal Boulanger : « Vivante, en effet, est la pensée du cœur et plus tranchante qu’aucun glaive » (Jamais ne dors, p.66). A cette notion de vivant je ne peux m’empêcher d’associer cette phrase de Pascal Boulanger à celle du jeune Siward s’adressant à MacBeth : « (…) De mon épée je ferai la preuve du mensonge que tu profères » (Shakespeare).
Si selon O. Milosz le songe a lui aussi sa réalité, le réel c’est aussi ne jamais cesser de naître, et surtout de prendre les preuves de son être dans la volonté que nous mettons à fuir toutes formes de terreurs et de chantages fréquents, ainsi que toutes formes de mensonges et d’aveuglements qui nous empêchent de voir nos ennemis.
« La pensée du cœur » chez Pascal Boulanger n’exclut cependant pas la douce chaleur, elle en est même conservée : force et fragilité des contrastes, comme les fureurs et les silences, à participer pleinement de notre être, tout à la fois en protestation et en assentiment de dire le monde et de le taire. « Au temps tragique, tu ne donnes pas prise à la tragédie », et plus loin « Tu es triste et toujours dans la joie » (p.63). Dans la poétique de Boulanger, il convient de prendre la réalité en charge, car celle-ci n’est pas considérée comme un fardeau mais comme une immanence en extension. Le réel est aussi source d’agréments et d’enthousiasmes. D’ailleurs, les mots chez Pascal Boulanger sont des « carrefours de sens » : lorsqu’on lit, par exemple, son dernier recueil « Jamais ne dors », on ne sent pas chez ce poète un quelconque souci de cohérence univoque, et encore moins de transcendance, sa seule pertinence étant que le texte reflète une certaine symétrie et une certaine liberté aussi : « non plus exprimer mais découvrir » disait Claude Simon.
En lisant et relisant Pascal Boulanger, notamment ses recueils de poésie, je suis tentée de rapprocher sa poétique à celle de Pierre-Jean Jouve, lorsque ce dernier écrit : « Le miracle de l’amour est de n’aimer rien… D’être la flamme de n’exister en rien » (dans « Matière Céleste », Œuvre I). A la manière d’un Jouve, les mots de Pascal Boulanger ne s’écrivent pas avec une encre présomptueuse. Fermerait-il ses yeux pour s’ouvrir au monde, ce serait du moins pour faire le vœu que soit réduit l’avilissement des cœurs. Pour ce poète, aimer et penser le monde sont identiques.
Ce dossier est consacré à l’œuvre de Pascal Boulanger que je vous invite à découvrir à travers des extraits de ses recueils, essais & anthologies (depuis Septembre, déjà, 1991 à Jamais ne dors, 2008), puis également des extraits d’articles de presse, notes de lecture et critiques réservés à chacune de ses œuvres, tous ces éléments réunis par exigence et plaisir à donner un aperçu général du travail d’un poète sensible aux états et aux enjeux de la poésie contemporaine… dans une distance qui s’impose pour remettre en cause l’idée même de la poésie.
5 décembre 2008
©DOSSIER POЄSIE n°1, Les Carnets d'Eucharis
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16/12/2008
Trèfle blanc
Trèfle blanc
Autre chose que sang et cendre
gris de l’air
tendre terre la douce lenteur des choses
ne dire rien dire
écouter ce silence où je t’embrasse
plissures du présent à ses lèvres qui rougissent
où tu m’embrasses
s’efface ce qui se répand
seulement du frémir
sur la peau qui reçoit la main
où se renouvelle lent et tant
N’y a pas à dire quand tout est à dire soit
laisser se découvrir deviner
comme reconnaître démêler
que blanc n’est pas le contraire de noir
mais du bruire sur les couleurs
qui serpentent surplombent la cacophonie
ce silence par où je dis aussi
ses feuillures où écrire
Trifolium repens goudron&plastique
collines&vergers ne sont pas rhétoriques
les éclairs frappent les plexiglas
Le miracle n’est jamais ce que tu attends
vers ce vert où nous allons
manger l’herbe
plante repliée à l’annonce des tempêtes
fichus noirs que les vents arrachent
muette tu m’aimes
Mais pas me plaindre
dans ce cahot-monde qui n’est pas la nuit
me reprocher les plaies sur les fruits
cela qui vient qui ressasse
je bouche mes yeux à ce qui s’entasse
suis sans goût pour ce qui est boue
à tes doigts mes quatre pétales
©Nathalie Riera, décembre 2008 - (Inédit)
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12/12/2008
Construire La Hon (sculpture monumentale)
Niki de St Phalle & Jean Tinguely
Arts plastiques
Niki Charitable Art Foundation
En juin 1966, Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle achèvent la réalisation de La Hon (Elle), sculpture monumentale aujourd'hui détruite, au Musée Moderne de Stockholm. Elle est « la mère » du Cyclop (1969-1994) élaboré par les mêmes artistes, avec la participation de nombre d'autres, en forêt de Fontainebleau, « monument d'une génération » qui est également inspiré par le Palais idéal du facteur Cheval, le Parc Güell et la Sagrada Familia de Gaudí, ainsi que le Merzbau de Kurt Schwitters. (Encyclopédie Universalis).
09:18 Publié dans CLINS D'OEILS (arts plastiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
08/12/2008
Philippe Jaccottet, traducteur d'Ungaretti (lecture d'Alain Paire)
"Jaccottet traducteur d'Ungaretti. 1946-1970"
éd. Gallimard, collection Les Cahiers de la Nrf.
Edition établie, annotée et présentée par José-Flore Tappy.
Guiseppe Ungaretti, photographie reproduite dans La Gazette de Lausanne, 7-8 février 1970.
Ungaretti et Jaccottet se rencontrèrent en septembre 1946, pendant "une fin d'été romaine". Lorsqu'il eut la chance de lier connaissance avec le poète qui fut avec Gustave Roud et Françis Ponge l'un des trois écrivains qui l'aura le plus profondément influencé, il s'agissait pour l'habitant de Grignan de son tout premier voyage dans le Sud de l'Europe. Jaccottet découvrait l'Italie dont il se souviendra lorsqu'il composera son Libretto, publié en 1990 par les éditions de La Dogana .
Guiseppe Ungaretti parlait et écrivait parfaitement le français. Il pressentit immédiatement les qualités du jeune homme de 21 ans qui deviendra son plus fidèle traducteur. Rome et Paris furent les deux villes où ces personnes se rencontrèrent aussi souvent que possible. "Hasard ou bien destin ?", comme l'indique la préface de cette correspondance, en mars 1951, quelques saisons avant de s'établir dans la Drôme, Jaccottet se logea près de Montparnasse, au 9 de la rue Campagne Première, dans une chambre-atelier proche de l'étage où vécurent, pendant quelques mois de 1921, Ungaretti et son épouse Jeanne Dupoix.
En janvier 1997, dans un entretien confié au Journal de Genève, Jaccottet rappellera que "C'est en le lisant que j'ai appris l'italien. A la fois dans "L'Allegria" et dans la rue, ce qui n'était pas la pire des méthodes". Il appréhendait avec émotion la beauté déchirante de Rome, "pareille à un incendie endormi", la seule ville "qui ait pu lui arracher des larmes". Rome restera, pour Philippe et pour son épouse Anne-Marie Jaccottet, intimement liée au souvenir d'Ungaretti, "homme de peine" passionnément attaché à la perception de la lumière. Au coeur de cette "ville entre toutes aimée", Philippe Jaccottet ressentait profondément "l'exaltation du feu d'été (qui semble à Rome où Ungaretti s'était alors établi, brûler dans la même pierre jusqu'en plein hiver)".
Souvent brèves et la plupart du temps focalisées par des chantiers de traduction ou des prises de rendez-vous, leurs correspondances réparties sur un peu plus qu'un quart de siècle ne sont pas immédiatement renseignantes. Leur publication se révèle infiniment précieuse. Elle aura requis l'intense travail de José-Flore Tappy dont l'appareil critique met finement en perspective les enjeux et l'evolution d'un dialogue de première importance. Auteure de recueils de poèmes publiés par La Dogana et les éditions Empreintes ainsi qu'avec Marion Graf d'une Anthologie de la poésie suisse romande depuis Blaise Cendrars (éd. Seghers, 2005) José Flore-Tappy avait établi en 2002 l'édition de la Correspondance de Jaccottet avec Gustave Roud. En tant que collaboratrice du Centre de recherches sur les lettres romandes de l'Université de Lausanne, elle est également la responsable d'un livret d'exposition de la Bibliothèque de Lausanne consacré en janvier 2005 à Jaccottet poète. Jean-Baptiste Para lui avait confié pour l'automne de 2002 la conception d'un cahier d'Europe à propos de Gustave Roud ; en novembre 2008 et toujours pour Europe, en complément au numéro Jaccottet coordonné par Nathalie Ferrand, José-Flore Tappy a composé en collaboration avec Jean-Baptiste Para un dossier Ungaretti où l'on trouve des contributions d'Andréa Zanzotto, Sergio Solmi et Fabio Pusterla.
Un recueil "meilleur en français qu'en italien".
Dans des notes de lecture et des traductions de poèmes publiés dés 1948 aux cahiers Pour l'art ou bien à la revue 84, Jaccottet entreprend d'aider à frayer en francophonie la voie d'Ungaretti. Avec Jean Paulhan qui dispose d'importants moyens pour accroître l'audience du poète, il s'étonne et parfois se scandalise d'une réception critique et d'un succès public rarement conséquents. Comme l'indique José-Flore Tappy, il a scellé une manière de pacte avec Ungaretti : "Il ne cessera depuis lors de le lire, de le faire entendre, de le commenter, porté par une impérieuse nécessité : servir sans compter une oeuvre à ses yeux exemplaire, et contribuer à sa découverte". Ungaretti le revoit à Genève et Lucerne en septembre 1948. Il ne lui ménage pas son affection : "Je pense beaucoup à vous, sans cesse, avec une très très grande tendresse. Cette journée de Lucerne restera parmi les très rares qui ont été belles pour moi". Il réitère en février 1949 les marques de sa totale confiance : "je crois qu'on pourrait difficilement traduire mieux". Cette appréciation ne se modifiera pas : en témoigne une lettre de juillet 1951 adressée à Paulhan (1), un fragment de courrier dans lequel Ungaretti signale que "Jaccottet arrive à donner admirablement certaines choses d'extrême transparence".
Le printemps de 1963 inaugure une nouvelle phase de leurs relations. Jaccottet qui n'a pas cessé pendant les années précédentes de traduire et de commenter des fragments de l'oeuvre d'Ungaretti, se mobilise afin d'honorer la commande des éditions du Seuil et de Philippe Sollers qui lui demandent pour la collection Tel Quel la version française d'Il deserto et dopo. En cette occcasion, Jaccottet réfléchit à la composition globale de ce journal de voyage, propose de faire l'économie de certains passages, à ses yeux plus faibles que d'autres. Quelques jours après la parution d'A partir du désert, dans une lettre de mars 1965, Ungaretti qui avait accepté la quasi totalité des coupures effectuées par Jaccottet lui exprime sa gratitude : "Votre travail, un travail admirable, inégalable ... Ce livre a quelque valeur, parce que vous y avez mis votre langue splendide et votre lumière de poète". Un mois, plus tard, lors d'un entretien confié à Pierre Descargues, il affirme : "Ce qu'a fait Philippe Jaccottet de ce livre, c'est une merveille. Je crois qu'il est meilleur en français qu'en italien".
Une totale complicité soude le poète et son traducteur. Bien qu'étant requis par des chantiers de traduction particulièrement absorbants - le volume de la Pléiade d'Hölderlin, ou bien L'homme sans qualité de Robert Musil - Jaccottet fait continûment preuve d'une entière disponibilité, ne proteste jamais quand Ungaretti modifie la donne et remanie brusquement le texte pour lequel il avait d'ores et déja accompli un important travail. José-Flore Tappy qu'il faut continuer de citer commente la confrontation remarquablement féconde de "deux créateurs aux prises avec la langue qui partagent une même quête de la justesse, une même conception éthique de la littérature, un même engagement dans l'écriture ; où le chemin, incertain et en constante évolution, importe autant que le résultat".
Deux autres grands livres d'Ungaretti auront pour maître d'oeuvre Jaccottet : Innocence et Mémoire (1968) et Vie d'un homme (1973) qui réunit à côté des traductions de Jaccottet des contributions de Jean Lescure, Pierre Jean Jouve, Françis Ponge, Mandiargues et Armand Robin. Pour les essais rassemblés dans Innocence et Mémoire, "le traducteur, écrit José-Flore Tappy, va construire un livre inédit, au parcours éclairant" : Jaccottet imagine un plan d'ensemble, recherche des textes antérieurs, leur donne quelquefois un nouveau titre, apporte de nouvelles nuances à ses propres traductions. Tout en maîtrisant admirablement son sujet, il affine ses propres compétences chaque fois qu'il emprunte les voies tracées par son aîné auquel il doit une connaissance approfondie de Dante, de Pétrarque, de Léopardi ainsi que de Gongora (2) pour les sonnets duquel il entreprend ses premières transactions.
Une ultime traduction s'effectuera dans le courant de l'année 1969, quelques mois avant le décés d'Ungaretti survenu le 2 juin 1970. Elle concerne les deux versions en italien d'un poème intitulé Dunja, pour lequel quatre versions en français s'échangeront entre Grignan et Rome. Ce dossier est particulièrement riche, José Flore Tappy signale à quel point ses transferts "s'inventent et s'exécutent sous nos yeux, d'intuitions en approximations". L'entente et la parité entre les deux écrivains sont rigoureusement parfaites. Ungaretti écrit à Jaccottet le 3 septembre 1969 : "Si vous pensez qu'il faille reprendre tout à zéro, c'est à votre goût, qui est exigeant, que vous aurez à demander conseil, et décision".
Le 10 juin 1970, dans un bref article publié lors de l'hommage posthume de l'hebdomadaire Les Lettres Françaises, Jaccottet n'évoquait pas directement son deuil et son immense affection mais redisait combien Ungaretti (3) "avait la science du langage poétique dont quelques-uns, rares, disposent aujourd'hui ; mais, avec cela, plus d'amour vrai, plus de bonté, plus d'enfance que personne".
Alain PAIRE
(1) La Correspondance Guiseppe Ungaretti-Jean Paulhan, 1921-1968, l'un des plus beaux échanges de lettres qui puisse se lire, reste disponible chez Gallimard (1989).
(2) Cf l'article de J-F Tappy à propos de "Lire Gongora en français (étude comparative de trois traductions différentes des Sonnets)" in Jean-Pierre Vidal , Philippe Jaccottet (éd. Payot, 1989). Les Solitudes de Gongora, dans la traduction de Jaccottet sont éditées par La Dogana.
(3) Cette édition comporte plusieurs textes critiques de Jaccottet qui ne figurent pas dans Une transaction secrète (Gallimard, 1987). Vie d'un homme est disponible en collection de poche Folio/ Poésie. Six poèmes d'Ungaretti figurent dans l'anthologie de Philippe Jaccottet D'autres astres, plus loin, épars / Poètes européens du XX° siècle (La Dogana, 2005).
L’article est en ligne sur le site de la Galerie Alain Paire
15:00 Publié dans Philippe Jaccottet | Lien permanent | Commentaires (1) | Imprimer | | Facebook
07/12/2008
L.C. Harmon
L’enfant de poésie est le plus substantiel allié de l’homme de poésie. Et c’est lui, l’enfant, mystérieusement retrouvé, qui sait donner un sens plus pur aux mots de la tribu (…) L’enfance est la patrie d’une totalité perdue et qu’il faut à tout prix retrouver si l’on veut sortir de l’exil.
Salah Stétié, Entretien avec Béatrice Bonhomme, NU(e) n°3
"Children and Sugar Beets" - Hall County, Nebraska
October 17, 1940. Vintage print. Records of the Office of the Secretary of Agriculture.
11:22 Publié dans CLINS D'OEILS (arts plastiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
Claude Simon - ("Le Vent")
Deux dangers ne cessent de menacer le monde : l’ordre et le désordre.
Paul Valéry
… ce fut ainsi que cela se passa, en tous cas ce fut cela qu’il vécut, lui : cette incohérence, cette juxtaposition brutale, apparemment absurde, de sensations, de visages, de paroles, d’actes. Comme un récit, des phrases dont la syntaxe, l’agencement ordonné – substantif, verbe, complément – seraient absents. Comme ce que devient n’importe quel article de journal (le terne, monotone et grisâtre alignement de menus caractères à quoi se réduit, aboutit toute l’agitation du monde) lorsque le regard tombe par hasard sur la feuille déchirée qui a servi à envelopper la botte de poireaux et qu’alors, par la magie de quelques lignes tronquées, incomplètes, la vie reprend sa superbe et altière indépendance, redevient ce foisonnement désordonné, sans commencement ni fin, ni ordre, les mots éclatant d’être de nouveau séparés, libérés de la syntaxe, de cette fade ordonnance, ce ciment bouche-trou indifféremment apte à tous usages que le rédacteur de service verse comme une sauce, une gluante béchamel pour relier, coller tant bien que mal ensemble, de façon à les rendre comestibles, les fragments éphémères et disparates de quelque chose d’aussi indigeste qu’une cartouche de dynamite ou une poignée de verre pilé : grâce à quoi (au grammairien, au rédacteur de service et à la philosophie rationaliste) chacun de nous peut avaler tous les matins, en même temps que les tartines de son petit déjeuner, sa lénifiante ration de meurtres, de violences et de folie ordonnés de cause à effet, quitte, si cela ne le satisfait pas (et apparemment, et contrairement à ce qu’il pense, cela ne le satisfait pas), à recourir en supplément aux bons offices des esprits, du marc de café, des cierges bénits, des hommes providentiels ou de la camisole de force.
Claude Simon, extrait de Le Vent, Tentative de restitution d’un retable baroque (Chapitre XIII) – Editions de Minuit, 1957
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04/12/2008
Issac Celnikier
Anne accoudée, 1989 - 116 x 89
Isaac CELNIKIER
Peintre
Né à Varsovie en 1923.
Au moment de l'occupation allemande à Varsovie en septembre 1939, il s'évade vers Bialystok.
De 1941 à 1943, il est enfermé au ghetto de Bialystok.
De 1943 à 1945, il est emprisonné à Lomza, puis déporté dans les camps nazis de Stuthoff, Birkenau, Buna, Sachsenhausen et Flossenbourg.
En 1945, il est libéré puis interné dans le camp soviétique de Sumperk, en Moravie, d'où il s'évade vers Prague. Il étudie chez Emile Filla la peinture monumentale.
Puis, en 1952 il retourne à Varsovie.
Isaac Celnikier vit en France depuis 1957, et a été fait Chevalier des Arts et des Lettres par André Malraux en 1967.
Il recut le Prix Mémoire de la Shoah de la Fondation Jacob Buchman en 1993 : A voir.
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01/12/2008
Georges Rouault (1871-1958)*
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30/11/2008
Michel Deguy - Ouï dire
Alluvion des cris Minerai d’hirondelles
Dans le delta du vent les plissements du vent
La trembleraie bleuit
Le pouls de l’étang bat
Toutes les trois heures un poème
Devient nouveau puis se ternit
Sous la lecture Recroît dans le silence
(Epigrammes, p.42)
L’île paysanne, l’originale coxalgique à bracelets de langoustes, la veuve à colliers d’hortensias ôte et remet en caprice la mantille des pluies
Coulées de lave des hauts chemins jusqu’aux grèves ponce
alors la foule des pierres en deuil, à genoux, prostrées, dressées vers le large
Comme une vieille fleuriste les cheveux pleins de liserons descend chaque matin des couronnes mauves à la mer tombale
La mer prend la moitié de tout
Les éperviers chaulent le ciel ou vérifient au fil à plomb les bâtis d’eucalyptus et les cryptomérias
La salive des pics féconde les ignames et les conteiras ; l’eau transchtonienne porte à la bouche des rhizomes les sels en fusion
L’immense métairie paît son bétail d’écumes
Le paysan d’une épaule à l’autre revêt lentement la chasuble de mer et son petit cheval de justice ouvre une vallée obtuse : ses pas inventent le thalweg dont un versant est toujours bleu
Taureaux humides et monstrueux mis à mort dans la place océane deviennent murs de cendre où les enfants graffitent
Des vaches belles comme Europe, les cornes chargées d’hortensias, les vaches nycthémères hivernent les quatre saisons quotidiennes
Les cerne la mer clairvoyante
(Procès verbaux, p.58/59)
L’air la prend par la taille
Le reste amoureux lui souffle les joues
Un tourneur peu visible achève ses bras
L’entour règle sa ronde sur ses hanches
Elle transpose la douceur dont les murs sont capables
Les choses s’arrangent comme ses femmes de chambre
Elle resserre la douceur dont sont capables les couleurs
Sa tailles est l’horizon ses jambes les chemins ses bras le ciel sa taille la lisière ses bras la perspective
Le vide lui fait des ailes
Les couleurs ses habits préparés sur les chaises son corset
Attentif
Le monde est son danseur
(Madrigaux, p.94)
Il est besoin d’un lecteur d’un geste d’un papier
D’un miroir Tu es visage ma feuille mon échancrure
Je suis le tissu pour que tu sois ton vide La surface
Pour que froisse la main L’aber où l’eau s’aiguise
Racine où le sol tressaille Ton blanc mon noir
Le creux pour ma difficulté le blanc pour que je sois
ce dessin que je ne serais pas Tu es peau pour
mon alphabet J’étais l’air pour que tu n’engorges
Alvéole pour que tu fusses arcade
(Madrigaux, p.98)
Editions Gallimard, 1966
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28/11/2008
Anne-Marie & Philippe Jaccottet (par Alain Paire)
AIX-EN-PROVENCE : ANNE-MARIE ET PHILIPPE JACCOTTET :
UNE EXPOSITION D'AQUARELLES ET UNE LECTURE EN PUBLIC.
Mercredi 12 novembre, 300 personnes de la proche région - en sus des aixois, on croisait des amis comme le peintre Claude Garache ou bien Monique Petillon, venus spécialement de Paris, des gens de Marseille, du Var ou bien du Vaucluse - un public remarquablement réceptif était réuni dans l'amphithéâtre de la Cité du Livre d'Aix. Toutes ces personnes s'étaient volontiers déplacées pour écouter une lecture du poète Philippe Jaccottet, convié à Aix-en-Provence par son ami l'écrivain et historien Gérard Khoury et par Annie Terrier, en guise de préambule pour le vernissage des aquarelles et des dessins de sa compagne Anne-Marie Jaccottet. Philippe Jaccottet venait du village de Grignan dans la Drome qu'il habite depuis 1952. Ce fut une soirée sans ambages ni officialité. Sans envolée lyrique déplacée, avec une absence de solennité parfaitement bienvenue.
A propos de Giorgio Morandi
Les lectures de Philippe Jaccottet sont rares. Pendant ces huit dernières années, il ne s'y livra pas plus de quatre ou cinq fois. Cet écrivain traduit dans le monde entier et pleinement reconnu - une édition de ses oeuvres complètes est en préparation dans la prestigieuse collection de la Pléiade / Gallimard - a pour habitude de refuser courtoisement les invitations qui lui sont fréquemment adressées. Son registre est sobre, ses séquences ne sont pas celles d'un professionnel habitué aux périls de la performance. Le traducteur de L'homme sans qualité de Robert Musil interprète ses textes avec exactitude, avec une voix sourde qu'Amaury Nauroy compare aux longues respirations et aux soudaines inflexions des cordes d'un violoncelle.
Anne-Marie et Philippe Jaccottet lors du vernissage de l'exposition,
rue du Puits Neuf
(photographie de Nathalie Riera)
Une méthode claire et discrète, des intuitions finement décantées, des avancées et des rectifications, voila comment l'on peut appréhender les mouvements et la composition des textes en prose de Jaccottet. Beaucoup de patience et de tenue, point d'illusion ni d'épate, un regard qui refuse toute approximation. En contrepoint d'une élaboration aigue qui, sans acharnement ni "rage d'expression", distingue précisément les intervalles, les seuils et les espaces, on assiste au déploiement d'un merveilleux Art de la fugue, on éprouve les vibrations d'une très sobre partition, un subtil mélange d' innocence et de mémoire", immédiatement proche dans une ouverture de phrase, ou bien lors de certains changements de rythme, lorsque se trouvent cités des vers de Rilke et de Leopardi qui évoquent "le parfum éphémère, mais obstiné du genêt », "la voix du vent qui passe dans les feuillages".
A propos de la peinture et de l'histoire de l'art, un peu comme son maître d'autrefois, le poète suisse romand Gustave Roud qui écrivit brièvement à propos de Nicolas Poussin, de Félix Valloton et de quelques amis, Philippe Jaccottet aura principalement publié des notes éparses parmi les pages de ses "Semaisons" ainsi que deux livres édités par un proche de sa famille, Florian Rodari qui dirige entre Genève et Paris les Editions de La Dogana. Lu presque intégralement dans l'amphithéâtre de La Verrière, le plus conséquent de ces deux livres est un chef d'oeuvre merveilleusement concentré sur une soixantaine de pages qui porte un titre japonisant, "Morandi / Le bol du pélerin". Son second ouvrage à propos de la peinture réunit une brassée de textes ainsi qu'un entretien récemment rédigés pour son épouse Anne-Marie Jaccottet.
Ici encore, dans l'incipit signé par Jaccottet pour "Arbres, chemins, fleurs et fruits", chez cet auteur qui refuse prioritairement l'emphase et les fausses notes, il s'agit de souligner avec rectitude et clarté l'allègement et le sentiment de reconnaissance que l'on éprouve en découvrant les oeuvres d'une artiste qui donne à contempler sans tricherie ni manifeste "les belles apparences du monde proche".
"La Boîte bleue", aquarelle et crayon d'Anne-Marie Jaccottet.
Des paysages et des vies silencieuses.
A côté de cette lecture donnée dans l'amphithéatre de La Verrière, une autre manière d'imaginer sans anecdotes faciles les horizons d'attente et la vie quotidienne du poète et traducteur Philippe Jaccottet, ce serait de se rendre rue du Puits Neuf, près de la Place Bellegarde, afin de découvrir jusqu'au 31 décembre l'exposition d'Anne-Marie Jaccottet. Cette artiste expose rarement ses travaux. Il lui arriva d'illustrer des ouvrages de son compagnon (entre autres livres,"La Promenade sous les arbres", édité à propos des alentours de Grignan en 1957 par ce magnifique mécène et découvreur suisse qui s'appelait Mermod, ou bien une anthologie d'Hai-ku chez Bruno Roy de Montpellier). Le recueil de textes composé par La Dogana est le tout premier ouvrage qui lui est consacré.
"Six kakis sur une assiette", aquarelle et crayon d'Anne-Marie Jaccottet.
Les ramures d'un arbre proche et les frissonnements de la lumière, les fleurs d'un bouquet champêtre, des kakis, des figues et des grenades réunis dans une coupe de porcelaine ou bien dans une corbeille, voila les sujets qu'Anne-Marie Jaccottet privilégie au sein d'une filiation picturale où l'on ne peut pas s'empêcher de citer les noms de Paul Cézanne et de Pierre Bonnard. Dans l'entretien qui clôture le livre de La Dogana, l'aquarelliste évoque la constance et la simplicité de ses habitudes de travail : "Je dispose des fruits que j'ai choisis et quelquefois laissés sécher. Des oranges, des pommes, des pamplemousses. Mais j'ai une prédilection pour les kakis : à cause de leur forme, presque carrée, et de leur couleur, d'abord jaune, orange, puis quand ils ont mûri sur le bord de la fenêtre, rose, et quelquefois couvert de bruine "... "Tout à coup, des accords de couleurs vous surprennent, vous bousculent"... "Je ne m'aperçois pas que le temps passe, mais mon travail ne dure jamais plus de deux heures. Il faut que les choses aillent vite, et sans retouches, qu'elles restent telles quelles. (Mais cette rapidité suppose un long travail antérieur) ".
A propos de cette oeuvre infiniment sensible et discrètement joyeuse, l'un de ses meilleurs commentaires vient de Florian Rodari qui décrit dans un texte titré "Les fruits de l'émerveillement" la fraîcheur et la vivacité de la démarche d'Anne-Marie Jaccottet : "Il n'y a presque jamais d'ombre dans ses images... Des rires plutôt, des éclats de la couleur, comme dans la voix, se fait entendre la cascade du rire".
Alain PAIRE
"Exposition Anne-Marie Jaccottet/ Paysages et Natures mortes ", Galerie du 30 rue du Puits Neuf, Aix en Provence. Jusqu'au 31 décembre, du mardi au samedi de 14 h 30 à 18 h 30. Tel 04.42.96.23.67. D'autres renseignements sur le site www.galerie-alain-paire.com.
Un bref enregistrement de la lecture de Jaccottet, quelques minutes sont diffusés depuis le 19 novembre sur le site Rue 89 / Marseille.
A côté des livres parus chez Gallimard, plusieurs ouvrages de Philippe Jaccottet sont parus chez l'éditeur montpellierain Fata Morgana (entre autres, "A travers un verger", "Requiem" et "Notes du ravin") ou bien sous l'enseigne de La Dogana (en sus du Bol du pélerin/Morandi, un Libretto à propos de Venise, des traductions de Rilke, Gongora et Mandelstam).
Télécharger l’article d’Alain Paire paru dans le courrierdaix.pdf du 29 novembre 2008
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27/11/2008
Thierry Cardon
Thierry CARDON
Photographe
(Article paru dans le Matricule des Anges)
Thierry Cardon est né en 1955 au Zaïre, adolescence au Maroc… Intervenant comme art-thérapeute en milieu psychiatrique pour enfants autour de la fabrication et du jeu des marionnettes…
14:29 Publié dans CLINS D'OEILS (arts plastiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook