05/10/2014
Inger Christensen - alphabet
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Du côté de chez…
Inger Christensen
Alphabet
Ypsilon, 2014
édition bilingue danois-français
traduction de Janine & Karl Poulsen
YPSILON | © http://ypsilonediteur.com/fiche.php?id=122
11
l’amour existe, l’amour existe
ta main qui, blottie dans la mienne, s’oublie telle
un petit et la mort impossible à se souvenir
impossible à se souvenir comme une vie
inamissible, aussi légèrement comme par mouvement chimique
par-dessus crételles et bisets, tout,
se perd, disparaît, impossible à se souvenir que
des troupeaux d’hommes déracinés, de bêtes et de chiens
qui existent ça et là, disparaissent ;
les tomates, les olives, les femmes
brunes qui les récoltent, se flétrissent, disparaissent,
tandis que le sol poudroie de nausée, une poudre
de feuilles et de baies, et que les boutons du câprier
ne seront jamais récoltés, confits au sel
et mangés ; mais avant qu’ils ne disparaissent, avant que nous
ne disparaissions, un soir, attablés avec
un peu de pain, quelques poissons sans abcès et de l’eau
qui sagacement a été changée en eau, l’un des
mille sentiers de guerre historiques traverse tout
à coup la pièce, tu te lèves, les frontières,
les frontières existent, les rues, l’oubli
partout, mais ta cachette ne s’approche pas,
regarde, la lune est par trop éclairée et le Chariot de David
retourne aussi vide qu’il est venu ; les morts veulent
qu’on les porte, les malades veulent qu’on les porte, les pâles
soldats usés ressemblant à Narcisse veulent qu’on
les porte, tu te promènes si bizarrement éternel,
et seulement quand ils meurent tu t’arrêtes
dans un jardin de choux dont personne ne s’est occupé
depuis plusieurs siècles, trouves en écoutant une source
tarie quelque part en Carélie peut-être, et pendant
que tu songes à des mots comme chromosomes, chimères,
et à la croissance frustrée des fruits de la passion
tu enlèves d’un arbre un peu d’écorce et la manges.
............................... (p.38/39)
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les défoliants existent
par exemple la dioxine
qui défeuille arbres et
buissons et détruit
hommes et animaux
en arrosant
récoltes, forêts
on obtient défeuillaison
et mort au milieu
de l’été le plus fructueux ;
ce changement du chagrin
ce lumineux matin
autrement merveilleusement heureux
l’herbe a disparu
et l’air a filé
son dais venimeux sans fils
par-dessus plages par-dessus forêts
par-dessus corps par-dessus biens
............................... (p.91)
le ciel est un antre
où les oiseaux fanés
pourrissent comme des fruits déchus
où les nuages étales
pulvérisent des cités
et les chassent, tourbillons gracieux,
comme sable à travers sable
comme eau à travers eau
même les visqueuses limaces
sont poreuses comme ces glaces
dont le reflet de l’homme s’est perdu
seule une tige d’ortie
contera défeuillée
comment en désespoir nous nous sommes crées
une terre sans fleurs
asexuée comme le chlore
regarde une pâle étoile matinale
étincelle comme un encéphale
qui est presque éteint et usé
trop diffus pour se rappeler
l’étreinte des êtres
dans un vol sans ailes
dans un pré parfumé
dans un chaud lit d’été
regarde la source claire
est tarie et petite
et remonte le rocher,
et les roses sans fond
se cachent dans des marais
du pollen inamissible mis de côté
dans l’éternité
la même écriture les y met au net
celle qui décrit la course des nuages
celle qu’Archéoptérix a gravée dans des pierres
en travers d’une pure et vertigineusement bleue
l’éternité
l’éternité
............................... (p.93)
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Note de l’éditeur
Inger Christensen (1935-2009) publie Alfabet en 1981. Ce livre peut être considéré comme le centre et la clé de son œuvre, d’où (re)commencer à découvrir cette écriture d’une complexe simplicité. Par sa construction basée à la fois sur une structure mathématique, la suite de Fibonacci, et la structure la plus connue de la langue, l’alphabet, Inger Christensen définit son lieu d’invention et de représentation, inséparables, de la vie : le poème. Dans Alphabet, sa vision du monde et du langage prend corps dans le vortex qui entraîne irrésistiblement la formation des poèmes. L’existence de toute chose est une apparition à chaque fois qu’un dire singulier en saisit l’universalité.
Autres informations sur un site danois
The almost magically singing poem about fear and love, power and powerlessness had been in preparation since Lys (1962, Light) and Græs (1963, Grass) and was continued in prose novels (including Det malede værelse - 1976, The Painted Room - with a subject from Renaissance Mantua), essay writing and particularly the series of poems Alfabet (1981, Alphabet), which in accordance with the title combines the letter system with a mathematical sequence of numbers to form a development idea, likewise unfolded in a rich range of subjects.
In Sommerfugledalen (1991, The Butterfly Valley) she explored the sonnet cycle and created glowingly beautiful poems about death and hope under the title symbol of the book, which suggests a transformation idea.
With her prominent position, Inger Christensen has managed the traditions of modernism in moving poetry which has been translated into the principal languages. | © Cliquer ICI
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SITE À CONSULTER
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Sur le site : POETRY FOUNDATION
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17:54 Publié dans DANEMARK, Inger Christensen, Ypsilon | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
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