29/06/2008
Jacqueline Risset
RIEN –
le silence
la source ouverte
- mais ces images sont petites
pas besoin de parler de source
pas besoin de parler d’ouvert
pas d’eau sans doute
et s’il faut une image
c’est la plus transparente
légère
quasi absente
- de toute fleur
Petits Eléments de physique amoureuse, « l’Infini », collection dirigée par Philippe Sollers (Gallimard, 1991)
Le Toucher
Tu ne m’as pas touchée encore
l’amour passe par les yeux
et descend dans le coeur
l’amour de loin nous exerce
et nous perfectionne
mais qui
pourrait me toucher à présent
sinon toi ?
je circule dans l’air
dans ce bois sacré
couloir de givre
dans cette auréole
L’Amour de loin, Flammarion, 1988
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Voyageur universel - Jérôme Rothenberg
Chants maoris ou altaïques, cérémonies indiennes, épopées et louanges d’Afrique, hymnes d’Egypte ou du Pérou, cosmogonies d’Asie centrale, du pays Dogon, d’Australie, légendes d’Irlande et de Chine, inscriptions sumériennes, rites de possession, définitions aztèques, “poèmes en prose” esquimaux...
Les Techniciens du sacré présentent tout d’abord un panorama divers et cohérent, un corpus exemplaire de textes “traditionnels”, de toutes provenances géographiques et temporelles.
Mais loin de s’en tenir à une approche strictement documentaire, Jerome Rothenberg a composé son ouvrage comme une anthologie “active”, inscrite dans le présent, développant au fil de nombreux Commentaires, un singulier parallèle entre ces textes immémoriaux et la poésie du XXe siècle.
Selon lui, les diverses révolutions modernes ont en effet replacé les créateurs (et singulièrement les poètes) dans une posture qui n’est pas sans équivalent - au moins à titre analogique - avec celle des chanteurs, chamans ou devins des sociétés dites “sans écriture”, en leur confiant le soin d’arpenter les domaines que recouvre la part obscure du langage : le rêve, les visions, la parole des morts...
Composé au beau milieu de la grande tornade utopique et rebelle des années 1960, ce livre a eu outre-Atlantique une influence notable sur la poésie de son temps. La version qu’en propose Yves di Manno rouvre aujourd’hui ce débat, dans le contexte français.
Les techniciens du sacré : anthologie
Rothenberg, Jerome
Editions Corti
Pour moi, le sacré ne relève pas du transcendantal ou du métaphysique… Il s’agit plutôt d’une attitude de questionnement, d’interrogation par rapport à la vie, la vie dans son expression la plus matérielle, concrète. (…) La question centrale, par rapport au sacré, est bien celle du langage et de la réalité : comment le langage représente- t-il la réalité ? Quel rapport entretient-il avec elle ? Il est important de comprendre à quel point le langage faisait partie de la démarche des peuples traditionnels (…) A lire « Propos recueillis » par Marta Krol pour le magazine LE MATRICULE DES ANGES – N°93 Mai 2008 - (pp.44-45)
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Bernard Plossu
09:26 Publié dans CLINS D'OEILS (arts plastiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
Frémis, très chère!...
« Frémis, très chère ! – un poète amoureux, C’est un dieu, un forcené qui aime.» (…) « Tu t’assieds, ramenant tes genoux Près de toi sur la molle ottomane. Nuit et jour et toujours et partout, Tes raisons sont toujours enfantines. » (…) « Il faut ouvrir la route à l’avenir. Il ne naîtra pas une vie nouvelle Dans les décombres, les révolutions, Mais dans les inventions et les appels D’une âme dévorée par la passion. MA SŒUR LA VIE et autres poèmes, Editions Poésie/Gallimard»
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Bernard Pagès - Le Clair Obscur III
Le clair-obscur III 1999
Bois de chêne calciné, Plexiglas scié, 251 x 120 x 45 cm
Vue de l'exposition Le noir est une couleur, Fondation Maeght, Saint-Paul
Collection privée
Photographies Claude Germain
08:37 Publié dans CLINS D'OEILS (arts plastiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
Elle l'appelait Jim
Stratis le marin décrit un homme
(Extrait)
HOMME
(…)
On nous disait, vous vaincrez quand vous vous soumettrez.
Nous nous sommes soumis et nous avons trouvé la cendre.
On nous disait, vous vaincrez quand vous aurez aimé.
Nous avons aimé et nous avons trouvé la cendre.
On nous disait, vous vaincrez quand vous aurez abandonné votre vie.
Nous avons abandonné notre vie et nous avons trouvé la cendre.
Nous avons trouvé la cendre. Il ne nous reste plus qu’à retrouver notre vie maintenant que nous n’avons plus rien.
J’imagine que celui qui retrouvera la vie, malgré tant de papiers, de luttes, de sentiments, d’enseignements, sera quelqu’un comme vous et moi, avec une mémoire juste un peu plus tenace. Pour nous, c’est difficile, nous nous souvenons encore de ce que nous avons donné. Lui, ne se rappellera que ce qu’il aura gagné par chacun de ses dons. Que peut se rappeler une flamme ? Si elle se rappelle un peu moins qu’il ne faut, elle s’éteint. Si elle pouvait nous enseigner, tant qu’elle brûle, à nous souvenir avec justesse !
(…)
Une fois – je travaillais encore sur les bateaux – je me suis trouvé un midi de juillet tout seul sur une île, infirme sous le soleil. La brise légère de la mer faisait naître en moi de tendres pensées quand vinrent s’asseoir un peu plus loin, une jeune femme à la robe transparente qui laissait deviner son corps de biche, mince et ferme, et un homme silencieux qui la regardait dans les yeux, à quelque distance. Ils parlaient une langue que je ne comprenais pas. Elle l’appelait Jim. Mais leurs paroles étaient sans poids et leurs regards, immobiles et confondus, laissaient leurs yeux aveugles. Je pense toujours à eux : ils sont les seuls êtres rencontrés dans ma vie à n’avoir pas cette expression rapace ou traquée qu’ont tous les autres. Cette expression qui les range dans la foule des loups ou dans celle des agneaux. Je les revis le même jour dans une de ces petites chapelles des îles qu’on découvre toujours au hasard pour les perdre dès qu’on en sort. Ils se tenaient à la même distance puis ils se rapprochèrent et s’embrassèrent. La femme devint une image incertaine et s’effaça tant elle était petite… Savaient-ils qu’ils étaient délivrés des filets du monde ?
Il est temps que je parte. Je connais un pin qui se penche sur la mer. A midi, il offre au corps fatigué une ombre mesurée comme notre vie, et le soir, à travers ses aiguilles, le vent entonne un chant étrange comme des âmes qui auraient aboli la mort à l’instant de redevenir peau et lèvres. Une fois, j’ai veillé toute la nuit sous cet arbre. A l’aube, j’étais neuf comme si je venais d’être taillé dans la carrière.
Si seulement l’on pouvait vivre ainsi ! Peu importe.
Londres, 5 juin 1932.
Georges Séféris
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26/06/2008
Jean Amado à la Galerie-Librairie Alain Paire
Du 5 juin au 2 août 2008
GALERIE – LIBRAIRIE Alain Paire
http://www.galerie-alain-paire.com/
Télécharger le Catalogue JEAN AMADO/Parcours d'art catalogue5.pdf
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20/06/2008
Exposition de l'atelier d'écriture - Nathalie Riera - Association Roquebrune-Culture
Où la lumière descend se pose sur les paroles en désaccord l’aphasie des herbes trop sèches le manque d’eau et cette attente d’un ruissellement de l’aube sur ce que les arbres ont de plus clair et qu’ils détiennent comme un secret l’incertain en somme Où la lumière se fend fendille les brindilles les branches de trop de harcèlement ou d’abandon le long des ombres longues et tenaces leurs éclisses sous les coups de la hache pénibles poèmes que toutes leurs fables infâmes à vos feuilles qui me racontent l’histoire du silence à mon tour de vous raconter l’endroit où la lumière descend se pose sur un brin de mon genou égratigné
N.R.
Pour la saison 2008/2009
19:59 Publié dans Nathalie Riera | Lien permanent | Commentaires (2) | Imprimer | | Facebook
La dédicace ardente - Antonio Ramos Rosa
12:25 Publié dans Antonio Ramos Rosa, ESPAGNE/PORTUGAL/ARGENTINE/COLOMBIE | Lien permanent | Commentaires (1) | Imprimer | | Facebook
Walt Whitman
Le chant de tous et de moi-même
Lire « Leaves of grass »(1), c’est lire un homme entièrement incorporé, de corps et d’esprit, dans le monde. Dès le premier poème, Walt Whitman pourrait nous apparaître comme un heureux terrien, en pleine possession de lui-même, souverain de son corps et de son âme, sans que nul désenchantement ne puisse l’affaiblir ou le ternir, résolument amoureux de tout ce qui croît à l’air libre, résolument fort en gueule, charnel, sensuel, mangeur, buveur, baiseur dans sa grande aventure ici-bas et auprès de ses semblables. Qu’ils soient de l’île de Manhattan ou d’ailleurs, peuple des cités ou hommes de la nature : la contralto, le charpentier, le chasseur, les diacres, la fileuse au rouet, le fermier quaker, le fou à l’asile, l’imprimeur de journal, le mécanicien, le jeune cocher, les groupes d’immigrants, la vendeuse squaw, l’amateur d’art, les hommes de pont, l’épouse, la jeune ouvrière yankee, le paveur, le journaliste, le peintre d’enseignes, l’employé du canal, le comptable, le cordonnier, le chef d’orchestre, l’enfant baptisé, la future mariée, le mangeur d’opium, la prostituée, l’équipage du chalut, l’homme du Missouri, le billeteur du train, les carreleurs, les zingueurs, les maçons, le pêcheur de brochet, le squatter…
« (…) tous viennent vers moi et moi je vais vers eux,
Et, dans la mesure où cela se peut, je suis plus ou moins chacun d’eux,
Et avec eux tous sans exception je tisse le chant de moi-même ».
Whitman s’abandonne à eux, comme il s’abandonne à la terre et à la mer, et à tous les plaisirs que ceux-ci lui peuvent procurer. Il les appelle de son indicible amour passionné. Mais autant que les douceurs du ciel, il ignore rien non plus des plaisirs de l’enfer qui l’accompagnent ; et de même peut-il se proclamer poète de la femme autant que de l’homme, homme et femme se tiennent à hauteur égale, sans distinction de petitesse ou de grandeur. Même l’herbe peut pousser sans limite à divers endroits de la terre, aussi bien chez les Noirs que chez les Blancs, car voici que le plus simple des végétaux, qui sait, est peut-être aussi une enfant, la toute dernière-née de la végétation. Aussi proche il est de ces hommes et de ces femmes dans leur quotidien de joie et de tristesse, et de même qu’il peut se retrouver dans le tumulte des rues, avec tous et parmi tous, Whitman peut tout aussi bien se retrouver en solitaire au fond de la forêt.
De tout ce qui l’entoure, de tous les évènements qui se tissent, se trament et se passent, de ses relations avec les uns et les autres, de ce que la vie peut lui réserver de plaisirs et de déplaisirs, le poète s’interroge de tout cela, comme tant d’autres assaillis d’interminables questions, mais cependant, cela ce n’est pas moi, le Moi réel. Celui que je suis est toujours à l’écart de la mêlée (…) Je suis un témoin impassible. Le poète croit en son âme, mais son autre Moi ne doit pas s’humilier devant elle, pas plus que son âme ne doit s’abaisser devant cet autre Je du poète, ce dernier qui, d’ailleurs, ne sait non plus ce que peut signifier se mettre en prière. Pour quelle vénération ? Car ce qu’il voit chez les uns et chez les autres, c’est lui-même qu’il voit, et tout ce qu’il pourrait juger des uns et des autres, il porterait le même jugement sur lui-même. Whitman se tient bien debout, et ça il ne le sait que trop ; de la même manière qu’il se sait immortel, se moquant bien de notre conviction que la mort serait belle et bien réelle :
« Mortaises et tenons, mon pied fait socle dans le granit, Je me moque de ce que vous nommez dissolution
Car je connais l’amplitude du temps ».
Sans souci, et dans toute la force de son corps et de son âme, peut-il alors poursuivre son voyage en promeneur amoureux ahuri de ma propre légèreté, de ma liesse.
Et maintenant, que sont la vertu et le vice, et tout ce qui peut s’en dire. Ni plus bon que mauvais, quelle différence alors entre ce qui est pris d’un côté comme bien et d’un autre côté comme mal. Ce qu’ont été et ce que sont désormais nos actions, l’essentiel se tient à ce qui nous témoigne jour après jour de sa valeur, et ce qui ici vaut davantage que tout le reste : c’est maintenant.
« Pensées ou actes du présent sont notre éveil, notre départ précoce ».
Mais il y a aussi un Whitman imprégné de matérialisme, et n’est-ce pas aussi pour cette raison qu’il dit accepter la Réalité, sans douter d’elle le moins du monde. Il prend autant soin qu’il est à la fois subjugué par les miracles des sens, par la moindre des particules qui animent ce monde. Intestins, tête ou cœur, odeur des aisselles : tous ont leur propre subtilité. La plus grande vénération du poète sera autant ce que lui-même touche que ce qui le touche et l’émeut. Son corps, son âme : un Kosmos ! Tout ce qui vient vers lui le remplit, l’inonde, et ce que l’on nomme désir, ou encore cause et effet des évènements qui surviennent, de quelques sortes que ce soit, il ne sait réellement d’où cela peut venir, et comment de telles choses du monde peuvent se faire ou ne pas se faire : de la plus petite lumière à la plus juteuse clarté ; d’une amitié que l’on appelle à celle que l’on reçoit. Ainsi est que :
« L’illumination matinale à ma fenêtre me plait mieux que la métaphysique dans les livres ».
Le soleil de l’aube pourrait cependant l’affaiblir ou le terrasser, mais rien de tout cela, et pas même un effort pour surmonter pareil défi, car le poète a lui aussi son propre soleil ! et ses rayons suffisent à contrer ce qui pourrait apparaître au poète comme éblouissant ou tragique. Nous tous sommes à la mesure du soleil, comme l’herbe de la terre est à la mesure du travail des étoiles. Nous tous avons cette capacité à étonner. Cependant, le poète s’abstiendra du pouvoir du langage. La preuve de sa science et de sa joie n’est pas dans l’écriture ou la parole.
« …Du silence de mes lèvres j’humilie le sceptique à plate couture ».
Son chant de lui-même, et par conséquent des autres, se fructifie. Chant de lui-même, chant de dehors et de dedans, fait de sons composites, fusionnant, successifs, fait de tous les bruits universels, même de ceux qui proviennent d’on ne sait où, bruits d’ailleurs, bruits qui sommeillent en tout être et qui parfois se trahissent, telles les mains nerveuses sur son pupitre, ou tel encore le ton affaibli des malades. Autant de complaintes, de mélodies qui agressent, ébranlent ou arrachent de toute part le poète, puis le ravissent et le comblent d’une plénitude toute mouvementée, plus loin que l’orbite d’Uranus.
« (…) Jusqu’à ce que libre enfin j’éprouve la merveille des merveilles,
Cela qu’on appelle Etre ».
La source de bonheur de Whitman ? Simplement mouvoir, presser, toucher avec les doigts. Mais bonheur aussi parce que tout est chef d’œuvre aussi. Toute espèce vivante, de la fourmi à la rainette, à la ronce des mûres, à la vache, à la souris… Ainsi, les animaux ne vont-ils pas eux aussi lui montrer leur parenté avec lui et l’obliger à un moment de répit : qu’il puisse rester des heures à regarder ces quadripèdes sans religion, sans vénération pour leurs ancêtres, et qui jamais ne se prétendent respectables ni malheureux sur terre. Mais le poète, toujours plus en course vers le futur, infiniment désireux de tout, réceptif à toutes choses, peut-il accepter de ne plus bouger, et s’asseoir, il dira cependant aller plus vite que le galop d’un étalon. Le poète sait s’accorder des répits, s’attarder mieux que jamais, mais il semblerait qu’il a toujours besoin de voir, de mieux voir, en même temps qu’il se dit avoir vu juste, et cela qu’il soit couché sur son herbe, comme il dit, ou couché, seul, dans son lit.
Quand les pensées le quittent, et qu’il demeure seul avec lui-même et son silence, le poète continue de marcher ; tant d’autres routes à cheminer, tant d’espaces à traverser, jusqu’au verger des astres qu’il visite pour contempler ses fruits. Tant de vols que le poète accomplit d’une âme avide et fluide. Whitman ne se limite pas à prendre seulement le bien dans l’immatériel ou dans l’air pur. Le bien est partout, dans tout ce qu’il touche et qui le touche, la matière est aussi jouissance. La vie ne lui offre que des paysages à perte de vue, la vie est splendeur visible. Grand observateur de la vie qui bat dans les grandes cités encore debout, comme dans celles tombées en ruine et où peut encore demeurer le courage humain fortement campé sur ses deux jambes. Le poète voit tout et boit tout : son breuvage merveilleux ! dit-il. Whitman est aussi cet homme là, qui a vu des petits enfants aux yeux vieillis. Lui aussi a souffert parce qu’il était là ; lui aussi est l’esclave ; pour lui aussi l’infernal désespoir ; lui aussi a les mains qui agrippent le grillage de la clôture. Il ne faut pas lui demander ce que peut être la douleur du blessé, lui-même devient le blessé. Lui aussi allongé sur le sol avec sa chemise rouge. Lui aussi sait ce qu’est s’asseoir, mendier et avoir honte.
Ce n’est là qu’une infime partie de la poésie whitmanienne, les trente premiers poèmes de son Song of Myself. Mais après les avoir parcouru, senti et bu, tel que Whitman l’aurait probablement désiré de ses lecteurs, lui qui disait savoir la parfaite équanimité de la vie, et que jamais nous ne chantons ni ne célébrons, que par seulement de calculables vanités, d’intraitables désespoirs, que cherchons-nous si obscurément ? nous leurrant nous-même à nous sentir aussi libre que le carré de blé où siffle la caille, comme à nous faire indifférent à la délicate fleur bleue du lin, comme à nous rendre plus aimant ou plus méprisant selon la variation de nos humeurs, et comme à nous effrayer de la vie et de la mort. Chercheurs de savoirs avec nos visions embrumées et nos haleines desséchées, tout n’est-il pourtant pas plus simple, malgré les riches et parfois ennuyeuses complexités, et malgré aussi nos dégoûts et nos frissons de plaisirs certains.
Les choses invisibles et visibles, l’air des villes et des montagnes, les astres et les arbres des vergers, tout ce qui vibre au-dessus de nos têtes et devant nos yeux ; ce Tout qui est là depuis toujours, puisqu’il est déjà et depuis toujours en poésie ; de même qu’il n’est pas matière à savoir, puisqu’il est déjà Savoir ; n’est-ce pas encore la nuit ? et ne sommes-nous pas encore à la lisière du bois ? Pas d’autres pays de soi-même à visiter, n’allant jamais là où le grizzly quête du miel ou des racines. J’ignore si Walt Whitman, hier comme aujourd’hui, aurait gagné la juste reconnaissance de ses concitoyens d’Amérique, de la même manière que Rimbaud à son heure posthume. Mais Whitman avait-il raison ou non de préférer le silence, il savait néanmoins que bien des silences sont aussi faits de bruits, d’or, et de météores. Mais probablement ignorait-il ce qui pouvait alors se produire en force et en grâce. Probablement que ce qu’il ne savait pas ne se tenait seulement que sur les feuilles d’herbe, vivantes et débordantes, de son écriture et sa fulgurante énergie d’une joie communicante. Transmission du bonheur d’être, qui n’a d’égal que dans le vaste monde de la Vie.
« C’est moi que je célèbre, moi que je chante, Mais la somme que j’embrasse, tu l’embrasseras aussi
Tant le moindre de mes atomes t’appartient intimement (…)
Ma langue, la totalité des atomes de mon sang façonnés
Par le sol d’ici-même, l’air d’ici-même, (…) J’accueille, est-ce un bien, est-ce un mal,
Je laisse s’exprimer sans frein
La Nature hasardeuse dans sa vierge énergie »
(1) Feuilles d’herbes
Nathalie Riera – Mars 2007
11:33 Publié dans ETATS-UNIS, Walt Whitman | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
Dorothea Tanning
Dorothea TANNING - "Behond the Esplanade" - (1940)
- oil on canvas - 29 x 14.25 in. 74 x 36 cm.
Dorothea TANNING American artist - Image
copyright ©2007 Dorothea TANNING (USA)
- Artists Rights Society (ARS), New York / ADAGP, Paris
Dorothea TANNING - "The Birthday" - (1942)
- oil on canvas, 102cm x 65cm -
Dorothea TANNING American artist - Image
copyright ©2007 Dorothea TANNING (USA)
- Artists Rights Society (ARS), New York / ADAGP, Paris
Photograph of Dorothea Tanning, 1948, by Robert Bruce Inverarity. 14 x 11 inches (36 x 28 cm). Robert Bruce Inverarity papers, 1926-1998. Archives of American Art, Washington, DC, USA. www.aaa.si.edu
00:30 Publié dans CLINS D'OEILS (arts plastiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
PORTRAITS - Leonora Carrington&Max Ernst (sur un poème de R.M. Rilke)
00:13 Publié dans CLINS D'OEILS (arts plastiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
19/06/2008
Les sonnets à Orphée - XV
Attendez..., cet arôme... oh! c'est déjà parti.
...Rien qu'un peu de musique étouffée en murmure :
vous, chaleureuses, vous, silencieuses filles
dansez le goût du fruit tel que vous le savez!
Dansez l'orange. Oh! qui pourrait l'oublier, elle :
comme elle résistait, en se fondant en soi,
à sa propre douceur. Vous l'avez possédée.
Précieusement en vous elle s'est convertie.
Dansez l'orange. Et son paysage plus chaud,
rejetez-le de vous, qu'à l'air de sa patrie,
mûre, elle resplendisse. Ouvrez-là, la brûlante
arôme sur arôme! Entrez en parenté
avec l'écorce qui se refuse, la pure,
avec le suc qui la remplit, la bienheureuse!
Rainer Maria Rilke, Editions du Seuil (bilingue) - (p.125)
Tableau : Trois oranges et pots (huile sur toile au couteau) 41x33
23:24 | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
Sandro Botticelli - Les Trois Grâces
22:49 Publié dans CLINS D'OEILS (arts plastiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
Dire I (Extrait) - Danielle Collobert
Danielle Collobert
(1940-1978)
« On longe de nouveau la mer – marée basse, larges grèves mouillées, ligne si lointaine de l’eau. Deux chevaux galopent sur le sable dur. Appel soudain d’images belles, trop rapides. Retombée, chute, dedans, dans le moutonnement, pas de mer mais de boue, de lave, glissante, crevant de bulles, éclatant de partout, refermée, béante, difforme, surtout ça, sans forme. Mais lourde consistance. La lourdeur s’appuie sur tout ce qu’il y a, dehors, et à l’intérieur. Dans la boue, la somnolence, pour échapper. Alors apparaît l’autre partie du visage – son haut – la floraison. Ce sont des yeux clairs, embués, regard un peu difficile. De si près, les paupières luisent – grand espace vers le nez. Les cils partent droits, énormes poils drus, secs, adoucis au coin des yeux en courbe. Intensité, sous l’eau. Paravent-citadelle, forteresse. Une ouverture ».
22:01 Publié dans Danielle Collobert | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
18/06/2008
La pénombre de l'or - Jean Mambrino
LA DEDICACE DE L'AUTEUR : "Seul ce qu'on appelle poésie peut tisser/ le fil qui relie le divers à l'unité". Une fois encore j'ai tenté (dans une forme nouvelle) de relier les mots et les choses, l'homme intérieur et l'homme extérieur, le monde du Multiple et le souffle de l'Un. Avec une sorte de simplicité somptueuse, car "l'offrande ruisselle en dissimulant sa gloire", et l'univers en sa complexité infinie se voile dans son éclat. Le plus profond secret aime à se dire dans le minime ou l'insignifiant, et comme à voix basse, non seulement pour qu'on l'entende mais pour qu'on l'écoute. J'ai usé ici de l'alexandrin sans qu'on puisse le reconnaître, les césures étant partout ; et de même les rimes se dérobent sans cesse, car chaque dernier mot d'un vers ne trouve son écho qu'à l'intérieur d'un autre vers, avant et après lui, parfois fort loin. Le chant ainsi s'entremêle au mouvement du poème, partout et nulle part, comme la musique des sphères qui enveloppe mystérieusement la totalité des choses, les plus humbles créatures comme la grandiose aventure de l'esprit, toutes les réalités, les pires comme les meilleures, la ténèbre et la lumière se tenant embrassées. "Il faut abriter chaque mot dans le poème,/ le rossignol, le muid, l'amarante, l'aurore,/ et encore le sang, la sanie, le blasphème". Tout est signe. Tout doit devenir parole, puisque la peine est l'ombre de l'or, selon la polysémie des mots du poème, conduisant le poète, comme son lecteur, vers la paix nombre de l'or, dont le chiffre réconcilie toutes les contradictions. (Jean Mambrino)
Editions Arfuyen, septembre 2002.
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16/06/2008
Ewa Partum
24 mai – 25 août 2008
Sunset est une installation monumentale d'Andro Wekua conçue spécifiquement pour la Rue du Magasin, qui consiste en un assemblage de 170 carreaux de céramique. Son motif est réalisé à partir d'un dessin de l'artiste, grossi 600 fois et sérigraphié sur la surface des carreaux. L'image du coucher de soleil comme tonalité parfaite s'y érige en une façade, portée et soutenue par une structure en métal. I Love the Horizon est une exposition collective, proposition d'Andro Wekua avec le concours de Daniel Baumann. Avec des œuvres de Rita Ackermann, Ketuta Alexi-Meskhishvili, Luis Buñuel, Xavier de Maria y Campos, Trisha Donnelly, Jannis Jaschke, Mikheil Kalatozishvili, Martin Kippenberger, Emil Michael Klein, Oliver Laric, Nick Mauss, Sergej Paradjanov, Ewa Partum, Steven Parrino, Seth Price, Richard Prince, Yves Saint-Laurent, Piotr Uklanski et des textes de Anna Moschovakis, Anne Sexton, Marina Tsvetaeva, Derek Walcott et Adam Zagajewski. Sunset / I Love the Horizon est un projet imprimé, livre d'artiste constitué par Andro Wekua à partir d'une masse d'images et de documents mis bout à bout tout au long de ses pages.
Site internet : www.magasin-cnac.org
courriel : info@magasin-cnac.org
Téléphone renseignement : 04 76 21 65 25
Téléphone réservation : 04 76 21 65 25
LE MAGASIN, CENTRE NATIONAL D'ART CONTEMPORAIN
155 cours Berriat Site Bouchayer-Viallet
GRENOBLE 38000
23:43 Publié dans CLINS D'OEILS (arts plastiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
Sylvia Plath
La cueillette des mûres
Personne sur le chemin, et rien, rien sinon des mûres,
Des mûres de chaque côté, des mûres partout,
Une allée de mûres, qui descend en crochets, et une mer
Quelque part au bout, qui se soulève. Des mûres
Aussi grosses que mon pouce, aussi muettes que des yeux
Ebène dans les haies, et pleines
De jus bleu-rouge, qu’elles abandonnent sur mes doigts.
Je n’avais pas demandé de telles sœurs de sang ; elles doivent m’aimer.
Elles sont accommodantes, elles se font toutes petites pour tenir dans ma bouteille à lait…
Sylvia Plath - Blackberrying - (p.63) in La traversée "crossing the water" - Poésie/Gallimard.
22:44 Publié dans ETATS-UNIS, Sylvia Plath | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
12/06/2008
Epiphania
Géorges Séféris
Poème de Georges Seferis écrit en 1937 et publié dans le recueil collectif de son oeuvre sous le titre EPIPHANIE 1937, dans Cahier d'études.
La mer en fleurs et les montagnes au décroît de la lune ;
La grande pierre près des figuiers de Barbarie et des asphodèles;
La cruche qui ne voulait pas tarir a la fin du jour ;
Et le lit clos près des cyprès et tes cheveux
D'or : les étoiles du Cygne et cette étoile, Aldebaran.
J'ai maintenu ma vie, j'ai maintenu ma vie en voyageant
Parmi les arbres jaunes, selon les pentes de la pluie
Sur des versants silencieux, surchargés de feuilles de hêtre.
Pas un seul feu sur les sommets. Le soir tombe.
J'ai maintenu ma vie. Dans ta main gauche, une ligne ;
Une rayure sur ton genou; peut-être subsistent-elles encore
Sur le sable de l'été passé, peut-être subsistent-elles encore
Là où souffle le vent du Nord tandis qu'autour du lac gelé
J'écoute la voix étrangère.
Les visages que j'aperçois ne me questionnent pas ni la femme
Qui marche, penchée, allaitant son enfant.
Je gravis les montagnes. Vallées enténébrées. La plaine
Enneigée, jusqu'à l'horizon la plaine enneigée. Ils ne questionnent pas
Le temps prisonnier dans les chapelles silencieuses
Ni les mains qui se tendent pour réclamer, ni les chemins.
J'ai maintenu ma vie, en chuchotant dans l'infini silence.
Je ne sais plus parler ni penser. Murmures
Comme le souffle du cyprès, cette nuit-là
Comme la voix humaine de la mer, la nuit, sur les galets,
Comme le souvenir de ta voix disant : « Bonheur ».
Je ferme les yeux, cherchant le lieu secret où les eaux
Se croisent sous la glace, le sourire de la mer et les puits condamnés
A tâtons dans mes propres veines, ces veines qui m'échappent
Là où s'achèvent les nénuphars et cet homme
Qui marche en aveugle sur la neige du silence.
J'ai maintenu ma vie, avec lui, cherchant l'eau qui te frôle,
Lourdes gouttes sur les feuilles vertes, sur ton visage
Dans le jardin désert, gouttes dans le bassin
Stagnant, frappant un cygne mort à l'aile immaculée
Arbres vivants et ton regard arrêté.
Cette route ne finit pas, elle n'a pas de relais, alors que tu cherches
Le souvenir de tes années d'enfance, de ceux qui sont partis,
De ceux qui ont sombré dans le sommeil, dans les tombeaux marins,
Alors que tu veux voir les corps de ceux que tu aimas
S'incliner sous les branches sèches des platanes, là même
Où s'arrêta un rayon de soleil, à vif,
Où un chien sursauta et où ton coeur frémit,
Cette route n'a pas de relais. J'ai maintenu ma vie. La neige
Et l'eau gelée dans les empreintes des chevaux.
00:37 Publié dans Georges Séféris | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
08/06/2008
"Néant d'or" Anna-Eva Bergman
11:13 Publié dans CLINS D'OEILS (arts plastiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook