Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

30/04/2012

Nathalie Riera à la médiathèque de Saint-Vincent (Vallée de la Loire) - VENDREDI 4 MAI 2012 à 20h30

 

Nathalie Riera_Lecture VENDREDI 4 MAI 2012.jpg

 

langue morte disloque

la route des mots déploie ses herbes calcinées colonisées

l’amour est le seul poème qui me demeure

  ...

 

Nathalie Riera

(Inédit, 2012)


 

 

 

Nathalie Riera vit en Provence. Elle est l'auteur notamment d’un essai sur la contribution positive du théâtre et de la poésie dans l’espace carcéral : La parole derrière les verrous (éditions de l'Amandier, 2007), de recueils de poésie : Puisque Beauté il y a (Lanskine, 2010), Feeling is first/Senso é primo (Galerie Le Réalgar, 2011 – Collection "1 et 1" : un artiste et un écrivain – sur les peintures de Marie Hercberg), puis récemment aux éditions du Petit Pois : Variations d'herbes (collection Prime Abord, 2012). Elle dirige par ailleurs la revue numérique Les Carnets d'Eucharis depuis 2008 (33 numéros) et publie régulièrement en revue.

 

Amelia Rosselli

 

 

 

AMELIA ROSSELLI

 ---------------------------------

© Sites Imperfetta Ellisse / Terres de femmes / Littérature de partout

 

 amelia_rosselli3.jpg

© Dino Ignani - tutti i diritti riservati - vietata la copia e la riproduzione

 

 

Revue Europe n°996 & autres

EXTRAITS

Variations de guerre/Variazioni belliche

Les fleurs reçues en offrande…

Dialogue avec les poètes/Dialogo con i poeti

 

 


                                    

Amelia Rosselli, Variazioni

(1960-1961)

in Variazioni Belliche

Le poesie, Garzanti, 1997

ried. collana Gli Elefanti, 2007, p. 254

A cura di Emmanuela Tandello

Prefazione di Giovanni Giudici       

                               

VARIAZIONI, op. cit. supra, p. 292.

 

 

Si ce n’est ennui c’est amour. Le monde entier m’arrachait ses
chers sens. Si dans la nuit qui m’apporte ton oubli
j’oublie de me freiner, si dans tes bras évanescents
je cherche une autre forêt, un parc, ou une aventure : ―
si dans les routes qui mènent au paradis je perds
ta beauté : si dans les chenils et les évêchés du pré
de la grande ville je cherche ton ombre : ― si dans tout
cela je cherche encore et encore : ― ce n’est pas pour ta fierté
ce n’est pas pour ma pauvreté : ― c’est pour ton sourire oblique
c’est pour ta manière d’aimer. Dedans la grande ville
tombaient obliques encore et encore les manières d’aimer
les amères déceptions.

 

-------------------------

 

Se non è noia è amore. L’intero mondo carpiva da me i suoi
sensi cari. Se per la notte che mi porta il tuo oblio
io dimentico di frenarmi, se per le tua evanescenti braccia
io cerco un’altra foresta, un parco, o un avventura: ―
se per le strade che conducono al paradiso io perdo la
tua bellezza : se per i canili ed i vescovadi del prato
della grande città io cerco la tua ombra: ― se per tutto
questo io cerco ancora e ancora: ― non è per la tua fierezza,
non è per la mia povertà: ― è per il tuo sorriso obliquo
è per la tua maniera di amare. Entro della grande città
cadevano oblique ancora e ancora le maniere di amare
le delusioni amare.

 

***

 

VARIAZIONI, op. cit. supra, p. 321

 

 

Pendant tout l’hiver qui fut comme un gel entre tes
bras je fuyais désolée à travers une vaste, grande
plaine couleur ambre. Ce n’était pas par jalousie que s’estompaient
les grandes ombres des gratte-ciels ; ce n’était pas à cause du
gel que je dédaignais l’ami. Je dépeignais attentivement
de grands triomphes qui s’estompaient eux aussi à la première
vaine apparition du soleil. Le soleil peut-être était ton
ombre sagace et sadique, ta main était pleine d’ombres
et tes yeux simulaient le braquage, le sel et
les triomphes.

En m’arrêtant sur des trottoirs je regardais attentivement
le fleuve se mouvoir. Il n’était pas clair que la ville
se vengeât !

 

-------------------------

 

Per tutto l’inverno che fu come un gelo tra le
tue braccia io fuggivo desolata per una vasta, grande
pianura color ambra. Non era per gelosia che sfumavano
le grandi ombre dei grattacieli; non era per il
gelo che io disdegnavo l’amico. Disegnavo attentamente
grandi trionfi che sfumavano anch’essi al primo
vano apparire del sole. Il sole forse era la tua
ombra sagace e sadica, la tua mano era piena di ombre
e i tuoi occhi simulavano la rapina, il sale e
i trionfi.

Arrestandomi su dei marciapiedi guardavo attentamente
muoversi il fiume. Non era chiaro se la città
si vendicasse!

 

***

 

VARIAZIONI, op. cit. supra, p. 333

 

 

Le monde entier est veuf s’il est vrai que tu marches encore
le monde entier est veuf si c’est vrai ! Le monde entier
est vrai s’il est vrai que tu marches encore, le monde
entier est veuf si tu ne meurs pas ! Le monde entier
est à moi s’il est vrai que tu n’es pas vivant que tu n’es
qu’une lanterne pour mes yeux obliques. Je suis restée aveugle
depuis ta naissance et l’importance d’un jour nouveau
ne m’est que nuit dans ta distance. Je suis aveugle
parce que tu marches encore ! Je suis aveugle parce que tu marches
et le monde est veuf et le monde est aveugle si tu marches
encore agrippé à mes yeux célestiels.

 

-------------------------

 

Tutto il mondo è vedovo se è vero che tu cammini ancora
tutto il mondo è vedovo se è vero! Tutto il mondo
è vero se è vero che tu cammini ancora, tutto il
mondo è vedovo se tu non muori! Tutto il mondo
è mio se è vero che tu non sei vivo ma solo
una lanterna per i miei occhi obliqui. Cieca rimasi
dalla tua nascita e l’importanza del nuovo giorno
non è che notte per la tua distanza. Cieca sono
chè tu cammini ancora! Cieca sono che tu cammini
e il mondo è vedovo e il mondo è cieco se tu cammini
ancora aggrappato ai miei occhi celestiali.


 

Traduit de l’italien par Marie Fabre

testo inedito per Terres de femmes (estratto e trad. G. Cerrai - 2009)

 

 

 

■ Imperfetta Ellisse

http://ellisse.altervista.org/

 

 

 

***

 

 

Amelia Rosselli

Dialogo con i Poeti

Serie Ospedaliera 1963-1965

in Le poesie, Garzanti, 1997 

(1960-1961)

 

 

DIALOGUE AVEC LES POÈTES (extrait) DIALOGO CON I POETI (brano)

T’aimer et ne rien pouvoir faire d’autre que t’aimer, inconvénient
dont je souffris une fois et puis plus du tout, pour
retomber ensuite. Dans la souffrance de toi tu invitais : parler
plus clair, lacérer l’air de petits cris
obtus, puis désinfecter l’air lui-même, et
l’appeler amour à son tour, lui qui tant te séparait
de mes bras fondus d’envie, de mes
tantrums* secrets, de ton visage penché
qui ne blâmait pas ou presque, l’affairement
de mes horloges mentales autour de ton corps.

-------------------------

Amarti e non poter far altro che amarti, inconvenienza
di cui soffrii una volta e poi non più, per
poi ricadere. Soffrendoti invitavi: parlare
più chiaro, lacerare l’aria di piccoli gridi
ottusi, poi disinfettare l’aria stessa, e
chiamarla amore anch’essa, che tanto ti divideva
dalle mie braccia fuse d’invidia, dai miei
tantrums segreti, dalla tua faccia proclive
che non biasimava se non quasi, il moi affacendare
gli orologi della mente intorno al tuo corpo.

■ Terres de femmes

http://terresdefemmes.blogs.com

 

 

 

***

 

DOCUMENTO 1966-1973

 

 

I fiori vengono in dono e poi si dilatano
una sorveglianza acuta li silenzia
non stancarsi mai dei doni.

Il mondo è un dente strappato
non chiedetemi perchè
io oggi abbia tanti anni
la pioggia è sterile.

Puntando ai semi distrutti
eri l'unione appassita che cercavo
rubare il cuore d'un altro e poi servirsene.

La speranza è un danno forse definitivo
le monete risuonano crude nel marmo
della mano.

Convincevo il mostro ad appartarsi
nelle stanze pulite d'un albergo immaginario
v'erano nei boschi piccole vipere imbalsamate.

Mi truccai a prete della poesia
ma ero morta alla vita
le viscere che si perdono
in un tafferuglio
ne muori spazzato via dalla scienza.

Il mondo è sottile e piano :
pochi elefanti vi girano, ottusi.


-------------------------

 

Les fleurs reçues en offrande s’épanouissent

une étroite surveillance les réduit au silence

ne jamais se lasser des offrandes.

 

Le monde est une dent arrachée

ne me demandez pas pourquoi

j’ai aujourd’hui tant d’années

la pluie est infertile.

 

En quête de graines détruites

tu étais l’accord flétri que je cherchais

voler le cœur d’un autre aux fins de s’en servir.

 

L’espoir est un dommage sans doute irréparable

les pièces de monnaie tintent crûment dans le marbre

de la main.

 

Je persuadais le monstre de se retirer

dans les chambres propres d’un hôtel imaginaire

on trouvait dans les bois de menues vipères embaumées.

 

Je me déguisai en prêtre de la poésie

mais j’étais morte pour cette vie

les viscères se perdent

dans la bagarre

et tu en meurs balayé par la science.

 

Platitude et minceur du monde :

les éléphants sont obtus, on en rencontre peu.

 

 

 

Traduit de l’italien par Jean-Baptiste Para

Extrait de Une brève anthologie, Amelia Rosselli (Revue Europe n°996 – avril 2012)

 

 

 

 

europe avril 2012.jpg

www.europe-revue.net

 

 

 

 

 

 

 

 

 

***

A Pier Paolo Pasolini
Di Amelia Rosselli

 

E posso trasfigurarti,
passarti ad un altro
sino a quell’altare
della Patria che tu chiamasti
puro…

E v’è danza e gioia e vino
stasera: - per chi non pranza
nelle stanze abbuiate
del Vaticano.

Faticavo: ancora impegnata
ad imparare a vivere, senonchè
tu tutto tremolante, t’avvicinavi
ad indicarmi altra via.

Le tende sono tirate, il viola
dell’occhio è tondo, non è
triste, ma siccome pregavi
io chiusi la porta.

Non è entrata la cameriera;
è svenuta: rinvenendoti morto
s’assopì pallida.

S’assopì pazza, e sconvolta
nelle membra, radunata a sé
gli estremi.

Preferii dirlo ad altra infanzia
che non questo dondolarsi
su arsenali di parole!

Ma il resto tace: non odo suono
alcuno che non sia pace
mentre sul foglio trema la matita.

E arrossisco anch’io, di tanta esposizione
d’un nudo cadavedere tramortito.

 

■ Site PIER PAOLO PASOLINI

http://www.pasolini.net

 

 

 

 

 

***

 

 

 

Pier Paolo Pasolini
Notizia su Amelia Rosselli

 

Uno dei casi più clamorosi del connettivo linguistico di Amelia Rosselli è il lapsus. Ora finto, ora vero: ma quando è finto, probabilmente lo è nel senso che, formatosi spontaneamente, viene subito accettato, adottato, fissato dall'autrice sotto la specie estetica di una «invenzione che si fa da sé». E così inserito nella serie di borchie, di cui questa lingua - nata come fuori dal cervello, quasi proiezione fisica di un involucro spirituale razionalmente inesprimibile - ha bisogno di costellarsi, per presentarsi come prodotto culturale riconoscibile, leggibile. LIRE LA SUITE

 

 

 

■ Autres sites à consulter

Littérature de partout

Encyclopédie sur la mort

Le Nouveau recueil

 

 

 

 

Pascal Boulanger (Revue FAIRE-PART 30/31)

Pleynet en son temps

Pascal Boulanger

__________________________________________________________________

 

Pleynet_en_son_temps.jpg

 

C’est la résistance au dressage social (et aux poètes du social) et la radicalité du retrait qui ont toujours fait pour moi actualité dans les œuvres lues. En puisant dans la bibliothèque et en découvrant, à l’âge de 18 ans, les écritures de Rimbaud et de Pleynet, j’ai compris que la société n’était qu’un crime organisé sous le masque progressiste de la solidarité et des droits de l’homme.

 

 

 

 

Pleynet a été confronté, comme les écrivains de sa génération, au psychologisme lourd, au sociologisme pesant, à l’existentialisme engagé, au surréalisme tenace, au réalisme socialiste et bientôt à l’avant-garde exténuée sombrant dans l’académisme… Il fallait donc aller voir ailleurs, chez les poètes et les peintres américains, chez Lautréamont, Rimbaud et Artaud, chez Georges Bataille afin de détruire la parole éculée, le vieux bassin à sublime (Sollers).

Le combat du texte est combat musical et maîtrise du temps, contre l’asservissement au spectacle, contre le pathos materno-social au service de l’homo technicus, programmé dans un tube de verre et éduqué dans les collèges de l’ignorance et de la violence.

Le passé, le présent confondu au foyer fixe du désir (…) Etre aujourd’hui comme hier, présent, caché, fuyant, entouré, isolé et seul dans la jouissance de ce vide papier (Marcelin Pleynet, Prise d’otage, Denoël, coll. L’Infini).

 

 

 

 

Les animateurs culturels que je croise pour des raisons alimentaires s’intéressent au bien public. Ils croient à la société, à sa réalité et à son utilité. Ils sont dans l’agitation, l’adhésion, à l’image d’un Sartre pour qui Baudelaire fait scandale : Il a souhaité se dresser à l’écart de la grande fête sociale, à la manière d’une statue, définitif, opaque, inassimilable. Le transparent et assimilable Sartre, comme les bateleurs de foire d’aujourd’hui, n’aiment guère que l’on quitte la fête sociale, surtout sans autorisation. Les écrivains de la misère sociale préfèrent se perdre dans la foule, dans la bafouille de l’engagement. Quel intérêt peut bien susciter la poésie de Baudelaire et de Pleynet pour les professeurs d’instruction civique et de participation citoyenne ?

 

 

 

 

Dans la voix, dans les gestes, j’ai parfois senti une fureur digne d’un saint Paul chez Pleynet. N’est-il pas, comme le fut Pasolini, radicalement étranger à la culture de son époque ? La vision, qui n’est jamais celle d’un siècle mais d’un individu, témoigne d’une traversée directe et existentielle d’où peut surgir une extrême liberté de parole face à tous les discours des pharisiens et des prêtres de la fraternité universelle.

L’œuvre de Pleynet révèle une métaphysique de l’exil, celle d’un sans-patrie du temps (Franz Rosenzweig). L’oreille et la voix se chargent alors de l’infini : Il ne faut pas lire négligemment avec les yeux, mais avec les oreilles, comme si le papier était en train de déclamer (Hopkins à son ami Robert Bridges).

 

 

 

 

En 1999, je publie aux éditions Tarabuste un recueil : Le bel aujourd’hui, dédicacé à Marcelin Pleynet.

Le premier poème signe une dette explicite.

 

 

Les monstres intimes

                      en attendant

                                  lecture

                                       des livres qu’on ne lit plus

 

1962 : Provisoires amants des nègres

1963 : Paysages en deux suivi de Les lignes de la prose

1965 : Comme

1973 : Stanze (Chants I à IV)

1981 : Rime

1984 : Fragments du chœur (vers et proses)

1987 : Plaisir à la tempête

1995 : Le propre du temps

1998 : Notes sur le motif suivi de La Dogana

 

Les livres sont sur le bureau

                            au pied du lit

sur l’herbe mauve

                           les guirlandes

 

 

 

Le poème Extase publié dans le recueil Le lierre la foudre (Editions de Corlevour, 2011) sera lui aussi dédié à Marcelin Pleynet.

Autrement dit, c’est toujours pour moi, à chaque reprise d’un livre de Pleynet et à chaque rencontre avec lui, un état neuf du langage qui se dessine, un espace stimulant qui se crée. J’écoute et je sais, je traverse ce que je sais, dans une accélération d’images ou dans la lenteur, dans une foule énorme de moments, dans un temps sans durée.

 

 

...

 

 

Vies misérables/Poésies misérables… La poésie, hors-jeu et dans le secret du jeu, Pleynet la conçoit comme passage d’un monde muet et idolâtre à un monde sensible saisissant l’oreille et le regard.

 

 

 

 

A la fin des années 70, inscrit à l’Université de Paris VIII Vincennes, j’assiste au cours des sinistres hégéliens/marxistes Jacques Julliard, Jean Elleinstein, Madeleine Réberioux et Henri Weber qui, avant de se découvrir social-démocrate et de siéger au Sénat, dirige avec Krivine la LCR. Il me dédicace un de ses livres Changer le PC : A Pascal Boulanger, eurocommuniste de choc, en souvenir de nos débats, et dans l’espoir que du dedans et du dehors on finira tout de même par changer le PC. Amicalement.

Changer le parti communiste, changer la vie ? Tout ce qui ressemble à de l’espoir ne constitue-t-il pas le signe que le présent et l’exercice de la vie ne vont pas de soi ? Je ne resterai pas longtemps ami des ligues, quelles qu’elles soient. Laissant au devenir son innocence et au hasard sa chance. Le monde est une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien.

 

 

...

 

 

Depuis la parution de Provisoires amants des nègres, les livres de Pleynet signent une odyssée du nom propre sous l’éclairage de la pensée. Ils tiennent la poésie en éveil, même quand ils prennent la forme d’un essai et du journal. Ils envisagent la poésie comme un savoir du monde, dans un carrousel de traits décalés sur la page, agissant par secousses, condensations, illuminations. Pour que le monde retrouve la vieille incohérence qui le fonde, il faut que l’écriture fasse retour à l’origine en brisant le lien social. Ce qui devient alors déterminant, c’est la liberté de son propre être essentiel.

 

 

 

 

J’au eu la chance d’être abordé par des visages et des livres. Pour brûler sans agir, pour tuer le monde et ses convulsions folles et fermées. Même si je sais que, demain, je risque de retomber en servitude, sollicité par quelque famille d’opinions encline à l’hostilité rageuse ou douceâtre des prédicateurs de l’action.

 

 

...

 

 

La poésie doit dévoiler l’histoire et l’histoire qui se dévoile poétiquement n’est évidemment pas l’histoire des historiens. Elle est l’expérience singulière du temps, c'est-à-dire la façon dont le temps est vécu dans le vécu du temps. Elle est aussi, et je pense au livre central de Pleynet : Stanze, épopée musicale jouant sur les harmonies et les dysharmonies prosodiques.

Heidegger : La poésie n’est pas simple ornement qu’accompagnerait la réalité humaine, ni simple enthousiasme passager, elle n’est pas du tout une simple exaltation ou un passe-temps ; la poésie est le fondement qui supporte l’histoire.

La poésie fonde l’histoire et tenter une fondation poétique de l’histoire, c’est ouvrir un monde, un présent du monde à chaque fois singulier, que les événements intimes et collectifs, dans une succession muette, recouvrent. Mais n’est-ce-pas aussi s’opposer à une communauté de destin basée sur le sacrifice et la guerre ? N’est-ce-pas se démarquer du site d’un monde historique commun dans lequel, justement, s’est égaré et compromis bassement Heidegger qui, en refoulant le judéo-christianisme, a souhaité unifier une communauté de langue recevant sa loi du poète et de l’homme d’Etat ?

 

 

 

 

(…) Comment lire Rimbaud ? Artaud ? Comment traiter la folie qui pourvoit d’otages ces misérables ? Comment quitter ce continent ? (Pleynet).

En effet, comment quitter ce continent et le dix-neuvième siècle comme technique de l’ennui, sinon en proposant une écriture qui pense sa dépense ? Et comment ne pas être chassé de sa propre parole, comment rester vivant à force de paradoxes ? Pleynet ne s’est jamais identifié au milieu d’où il était censé venir ni à la misère qu’il traversa en faisant ses premiers pas à Paris. Pleynet ne sera pas assimilable. il n’y a pas de mère-patrie dans ses livres, mais le rejet radical de la société française, celle qui s’impose après la seconde guerre mondiale et pendant la guerre d’Algérie, un rejet des compromis et des marchandages, un refus de se laisser enfermer, fût-ce à l’intérieur de Tel Quel et de L’Infini. Il s’agit pour lui de se dégager des affaires de famille – du fascisme, du stalinisme – de se dégager d’un monde rongé par le négatif. Pour lui, toute création poétique nait de la ferveur pensante du souvenir et il s’agit de penser, à l’intérieur du déjà-pensé, le non-pensé qui s’y cache encore.

Les trois livres (Seuil), Fragments du chœur (Denoël), Plaisir à la tempête (Carte blanche), Le Propre du temps (Gallimard), Notes sur le motif (Dumerchez), Le Pontos (Gallimard) et tout autant les livres consacrés à la peinture et à la littérature participent à cette révolution poétique, inaugurée par Lautréamont et par Rimbaud, qui doit être comprise au sens étymologique des mots « qui fait retour ». Ce qui oublié, et oublié dans les œuvres lues, fait retour dans le temps. Il ne s’agit plus, à partir de là, de savoir si la poésie est admissible ou inadmissible, si elle participe ou non de l’impossible, elle est – écrit Pleynet – qu’on le veuille ou non, une fois pour toutes et par essence, de tous les possibles dévoilés.

L’écriture de Pleynet n’a rien à voir avec l’affairement autour de la question poétique, qui révèle trop souvent le nihilisme acharné de ceux qui jouissent de leur manque et de leur misère. La niaiserie poétique (qui peut très bien s’inclure dans un jeu formaliste) accepte un monde sans questions ni tentatives de réponses. C’est d’une autre partition dont il s’agit ici, où la pensée s’insère dans l’exercice de l’existence et de la liberté, et de l’aventure poétique qui en découle.

 

 

 

 

Prendre congé du siècle. En lisant donc tous les livres de Pleynet, conçus comme une éthologie, une composition de vitesse et de lenteur où les lignes de force qui se déploient sont des sillages de lumière et de couleur. Le champ qui s’ouvre est centrifuge, étendu, complexe. Et l’émotion méditée, l’éclat et le roulement des mots, le feu jusqu’au blanc des cendres sont des défis au nihilisme et à la logique interne de notre histoire dans laquelle tout le monde se ressemble et agit de même.

 

 

 

 

L’homme Pleynet en trois mots ? Fidélité, écoute, générosité.

Allez y voir vous-même, si vous ne voulez pas me croire.

 

 

© Pascal Boulanger, Revue FAIRE PART n° 30 / 31 - Printemps 2012

ITINÉRAIRES DE MARCELIN PLEYNET

(avec l’aimable autorisation de son auteur)

 

 

 

Pascal Boulanger est écrivain. Il a publié des chroniques et des entretiens dans de nombreuses revues et notamment sur Marcelin Pleynet. Son intervention à la Sorbonne en 2004 sur Rimbaud et Pleynet a été publiée dans le recueil critique : Suspendu au récit, la question du nihilisme (Comp’Act, 2006).

Il est l’auteur de plusieurs livres parmi lesquels : Martingale (Flammarion), Une action poétique de 1950 à aujourd’hui (Flammarion), Tacite (Flammarion), Le Bel aujourd’hui (Tarabuste), Jongleur (Comp’Act), Jamais ne dors (Corridor bleu), Un ciel ouvert en toute saison (Corridor bleu) et Le lierre la foudre (Editions de Corlevour).

Prochaine publication : un livre d’entretiens avec Jacques Henric.

 

 

 

 

faire part2.jpg

revue faire part - 8 chemin des Teinturiers 07160 Le Cheylard
TD 04 75 29 41 36 - TM 06 86 41 97 77

 

 

CLIQUER ICI

 

 

 

 

29/04/2012

Hélène Mohone

 

Hélène Mohone.jpg

 

Le Coeur cannibale, Ed. William Blake & Co, 2003

L'Enfant africaine, Ed. L'Amourier, 2006

Torpeur, Ed. La Cabane, 2007

De loin, Ed. Atelier de l'Agneau, 2008

 

 

Hélène Mohone | Le père à la main de fille

 

terresdefemmes.blogs.com

 

PSAUME
j'ai au couronnement des lèvres une blessure si grave presque mortelle la lune les étoiles la peur même d'y être enfermée la crainte d'y rester seule tous les jours comme sur une autoroute et puis encore des sons de cornemuse en haut des collines des branches de palétuviers ma rêverie assemble des chiffres plus infinis maintenant que s'achève l'histoire tu n'es pas mort tu vis mieux d'être absent tu vis inquiet et souffrant comme une archive d'Auschwitz ton corps est un parchemin d'autres vivants le mien seul a cette mue assassine la grande maladie de ton visage revient comme une incurable la grande maladie de ton âme vitriolée par des morts successives se refuse assemblée en d'autres marches toujours plus sèches ivres et misérables nous voilà donc craints de nous-mêmes pires ennemis que le temps nous voilà sujets d'arbres de feuilles de saisons bout à bout ridiculement durables jamais renouvelés

Hélène Mohone, Le Cœur cannibale, William Blake & Co. Edit., Bordeaux, 2003, s.f.

CLIQUER ICI

 

 



Passant n°50 - Couple-s [oct. - déc. 2004]
- Aimer plus

Passant n°49 - La nuit [juin - sept. 2004]
- Quitter les ténèbres pour aller vers la lumière
- Cette nuit j’ai rêvé de Mademoiselle Pogany

Passant n°48 - Actions ?, ça tourne ! [avr. - juin 2004]
- Souffler mot

Passant n°45-46 - L'homme normal [juin - sept. 2003]
- L’homme normal et la petite fille

Passant n°42 - Le corps [sept. - oct. 2002]
- Corpus Triste

 

www.passant-ordinaire.com

 

 

 

 

NE SAURAIS DIRE

Ne pas aimer la tache la flaque la couverture de sang des oracles ne pas piller le cadavre après la bataille ne pas enlever les bagues au trépas pour qu’aucune malédiction ne s’anime ne s’anime de fantômes amers comme la chicorée de l’enfance la maudite chicorée trop amère que souligne le matin froid penché en cadence vers les écoles l’avenir s’assoie vieillard vielleux à partition sans cesse relue rejouée à qui mieux mieux ne saurais dire qui me fend qui me tord qui me plante comme un vieux chou en terre étrangère du côté des obésités coutumières celles tenues au chaud qui gardent un souvenir de petit accordéon de petit bal de campagne de baiser échangé robe fleurie contre chemise blanche un élan tout frais moite emboîté aux ravins mensongers…

 

Hélène Mohone (Revue Diérèse N°55, p.68)

 

revue Diérèse n°55 (Hiver 2011/2012)

 

 

 

Hélène Mohone

SITE DE L'AUTEUR

Dominique Ehrhard

Galerie Samagra
Roy Sfeir
www.gallery-samagra.com

 

 

 

La tromperie
mixed-media 52 x 52 cm

 

Dominique Erhard_la tromperie_Mixed Media_52 x 52 cm.jpg

 

www.dominique-ehrhard.fr

CALISTO, "Lou Andreas-Salomé ou le paradoxe de l'écriture de soi" par Nathalie Riera

Lecture Nathalie Riera

 

Lou Andreas-Salomé

ou le paradoxe de l’écriture de soi

Calisto

Editions L’Harmattan, 2012

 

Site Les éditions L’Harmattan/ http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=36770

 

 

 

 L A SALOME2.jpg

 

 

(…)

____________________________________________________________________________

 

Que savons-nous en France de Lou Andreas-Salomé et de son œuvre ? Absence d’études littéraires consacrées à ses écrits, discrétion éditoriale, nous annonce Calisto, auteur de Lou Andreas-Salomé ou le paradoxe de l’écriture de soi, un essai semblait alors s’imposer, aux multiples ambitions : faire découvrir l’écrivain et intellectuelle née à Saint-Pétersbourg le 12 février 1861, mettre en lumière le paradoxe de l’écriture de soi (l’expression revient à M. Foucault), approcher la question de l’autobiographie (mot apparu au 18ème siècle sous la forme anglaise « autobiography »), tout en évitant les écueils des stéréotypes, autrement dit, tenter de « dépasser l’image d’égérie (…) que le temps s’est chargé de façonner à son égard » (p.15).

   Nombre incalculable d’ouvrages et d’écrits de toutes sortes, correspondances prolixes avec Nietzsche, Rée, Rilke et Freud, L. A-Salomé s’inscrit dans « le paysage littéraire et transculturel des années 1900 » (p.19). L’écriture de soi ne se limite pas au genre autobiographique. La personnalité esthétique et philosophique de L. A-Salomé s’affirmera dans l’écriture des « Carnets intimes des dernières années » (écrits de janvier 1934 à mai 1936), carnets considérés « à mi-chemin entre les Mémoires, le journal intime, l’autobiographie et le traité philosophique » (p. 21).

 

   Tout au long de ce mémoire commencé au début des années 2000, Calisto convoque de multiples personnalités, dont les œuvres critiques et théoriques sont consacrées à l’écrivain (J.P. Faye, P.C. Hummel, J. Lacoste…), ainsi qu’à la question de l’autobiographie et du roman (R. Barthes, P. Bourdieu, M. foucault, G. Genette, J. Starobinski…).

   Qu’est-ce que l’autobiographie ? : « (…) en quelque sorte le produit du regard en arrière (…) vision rétrospective de sa propre histoire (…) le récit autobiographique est une re-construction » (p.26), « le produit d’une vie retranscrite » (p.27). Pour au mieux saisir ce qu’est l’autobiographie, une règle s’impose : « forme, langage (récit en prose), sujet traité (vie personnelle) et situation identitaire (auteur-narrateur-personnage) » (p.26). Calisto pose ainsi pour question les raisons du choix de l’autobiographie chez Salomé, s’il faut comprendre à travers ce choix la nécessité « de faire retour à ses racines, de se « reterritorialiser » après une longue période d’éloignement ou d’errance » ? (p.27).

   Si l’écriture de soi « est à comprendre selon une dynamique particulière qui pousse l’auteur à écrire sur lui, à écrire en fonction de lui, à s’écrire lui-même » (p.32), le processus consiste paradoxalement à « l’écriture des autres pour une écriture de soi » : « L. A-Salomé entretient l’écriture de l’autre (…) pour révéler son activité, son mode de pensée, son caractère. L’écriture des autres lui permet en quelque sorte de se raconter, de se dire, de manière allusive et détournée » (p.34). Ce choix de Salomé opère surtout d’une détestation à l’idée de dévoiler sa vie privée.

   Autre manière d’appréhender l’autobiographie : elle est également « un bon test en matière d’évaluation des faits ». Mais le choix de l’autobiographie répond t-il pour autant à une volonté de dire toute la vérité sur son vécu ? Tout souvenir fixé dans la mémoire a de forte chance de se modifier dans son contact avec d’autres souvenirs : « L. A-Salomé possède une pleine conscience de l’impossibilité d’une véridicité dans sa totalité » (P.54). Ainsi va-t-elle privilégier l’authenticité en recourant à peu de faits : « Ce n’est plus la somme des expériences qui est en jeu, mais l’approche véridique de la narration. Forme et contenu fusionnent au nom de l’exactitude » (p.54).

 

   Dans la deuxième partie de l’ouvrage, Calisto met le doigt sur d’autres paradoxes, lesquels peuvent rapprocher entre eux des genres aussi différents que complémentaires, comme l’autobiographie et le roman, qui ensemble ont la capacité d’évoluer en résonance : « En effet, l’autobiographie, paradoxalement, est obligée de se servir des instruments de la fiction pour se construire. (…) l’autobiographie se construit de fait sur les bases de l’écriture romanesque. Elle doit tenter de dire la vérité au moyen des outils empruntés à la fiction narrative. La mise en abyme de ces deux genres engageant dans le même temps une situation équivoque et paradoxale » (p.99).

  

   « (…) Dans l’écriture saloméenne, le roman vient relayer l’autobiographie là où elle connait des faiblesses. On ne peut parler alors de prédominance d’un genre sur l’autre. Le roman ne sert (ne ni dessert) l’autobiographie, il l’enrichit. Se trouve derrière les deux écritures utilisées par l’auteur, l’idée d’une complémentarité, bien plus que celle d’une rivalité. Acte autobiographique ou acte romanesque ? Les deux actes évoluent en étroite proximité, puisqu’ils participent au final à l’élaboration d’une seule et même écriture : l’écriture de soi » (p.119)

 

 

(Les carnets d’eucharis, Nathalie Riera, avril 2012)

 

 

 

 

Imprimer PDF

Nathalie Riera_Lou Andreas-Salomé_Calisto.pdf

 

LE BLOG DE CALISTO  

http://calisto.over-blog.org/

 

 

 

28/04/2012

Claude Simon, "Quatre conférences" (par Nathalie Riera)

Lecture Nathalie Riera

 

Quatre conférences

Claude Simon

Editions de Minuit, 2012

Textes établis et annotés par Patrick Longuet

 

Site Les éditions de Minuit/ http://www.leseditionsdeminuit.com/f/index.php

 

 

 claude simon.jpg

 

 

 

Les « causeries » de Claude Simon

____________________________________________________________________________

 

Chez Claude Simon la fabrication littéraire (au sens où écrire c’est fabriquer) répond à « un engagement de l’écriture »[1] : « (…) mes romans sont, je ne crains pas de le dire, très laborieusement fabriqués. Mais oui : leur fabrication me demande beaucoup de labeur ! »[2] . Engagement qui, bien sûr, se situe à l’opposé de tous les tenants d’une littérature dite « engagée » ; Claude Simon n’a que faire d’une littérature porteuse de considérations sociales, morales ou autres. Par ailleurs, il est reconnu que Simon avait souvent recours à d’autres textes pour évoquer sa vie et sa réflexion d’écrivain. Dans le souvenir d’une nouvelle de Borges, il se souvient de cet architecte-paysagiste qui « dessine un parc avec des statues, des pavillons, des petits lacs, des allées. Quand le parc est fini il s’aperçoit qu’il a fait son propre portrait. Je trouve que c’est une parabole admirable. On ne fait jamais que son propre portrait »[3].

   Les « Quatre conférences » ont été prononcées par l’écrivain entre 1980 et 1993. La première « causerie » s’ouvre avec le géant Marcel Proust qui a toujours accompagné Simon dans sa réflexion sur la littérature et l’art. Que nous dit-il précisément dans cette passionnante causerie « Le poisson cathédrale » ? Reprendre la grande idée de Proust dans « Le Temps retrouvé » : « La vraie vie, la vie enfin découverte et éclairée, la seule vie par conséquent, réellement vécue, c’est la littérature ». Si Montherlant et Breton méprisaient la description, ce ne fut certainement pas le cas de Proust. « La réalité de la langue plus réelle que le réel » nous dit Simon : « La grande nouveauté (…) ce par quoi Proust innove radicalement en ouvrant au roman des perspectives entièrement neuves (…) ce par quoi il apparaît comme le grand écrivain révolutionnaire et subversif, la grande nouveauté, donc, qui confère à Proust sa taille de géant de la littérature, c’est que, chez lui, le rôle signifiant qui était jusque là dévolu à l’action est maintenant tenu par ce que l’on considérait jusqu’alors comme un élément inerte du récit, parasitaire, au mieux « statique », c’est-à-dire la description elle-même »[4].

 

   Avec « L’absente de tout bouquet », prononcée le 21 mai 1982 à Genève, faisant référence à la question de la modernité, sous-entendue comme idée de progrès en art, Simon préfère au mot « progrès » les termes de « différences et d’évolutions » : « Chaque époque a sa modernité, et l’histoire de l’art est faite d’une série d’innovations n’instaurant jamais qu’un « autrement », en aucun cas un « mieux » (…) les diverses inventions théoriques ont surtout joué un rôle d’excitant (…) ». (p.42/43).

   Dans « Ecrire », prononcée en 1989 à Bologne, l’écrivain ne s’embarrasse aucunement devant la question « Pourquoi écrivez-vous ? » qu’il juge lui-même « sournoise ». Chez Beckett qui répondait : « Bon qu’à ça ! », Simon affirme que c’est ce qu’il sait le mieux faire. Puis à la question « Pourquoi écrire des romans ? » : « (…) c’était là le seul domaine où il est permis de s’aventurer sans avoir au préalable été obligé d’accumuler des connaissances spéciales » (p.80). Tant de réponses ou de « commentaires plus ou moins réalistes », pour Simon toute activité humaine quelle qu’elle soit relève plutôt de « motivations multiples et ambigües ». Et aussi futiles sont les motivations nous incitant à écrire, il est une motivation bien plus profonde : celle de « justifier sa propre existence devant soi-même par un « faire » » (p.76).

   Pas de place non plus à la mystification. Il importe, au contraire, de démystifier toutes ces images de l’écrivain qui « se consacre » à la littérature, ou qui a décidé un jour « d’entrer en littérature », ou qui écrit par vocation, autant d’expressions futiles et irritantes.

  

   S’il est question de littérature et plus particulièrement de l’écriture du roman, aucun des propos de l’écrivain Simon ne doit être reçu comme un discours théorique. « Avant de commencer, il me faut dire qu'à la différence de certains écrivains je ne suis pas un théoricien de la littérature et que je n'ai pas écrit mes livres en application ou pour faire la démonstration d'une conception particulière du roman (...) et tout ce que je me bornerai à faire (...) c'est d'essayer de formuler quelques petites observations qui me sont venues à l'esprit au cours de mes lectures ou de mon travail. Rien de plus ». Claude Simon évoque la subversion accomplie par les Dostoïevski, Proust, Joyce, Kafka et Faulkner : retourner « sens dessus dessous l’optique romanesque ». Elimination de la fable, refus de délivrer un quelconque enseignement social, religieux, philosophique ou autre, Claude Simon ne se range absolument pas du côté de ceux qui considèrent que « tout écrit doit avant tout être utile, éclairant, porteur d’une morale » (p.92) « Aujourd’hui, les dirigeants des pays dits socialistes découvrent avec épouvante les désastreuses conséquences d’une science, d’une littérature ou d’un art que l’on a voulu soumettre à des impératifs sociaux » (p.94).

 

   Chez Simon, ce qui prévaut  clairement, en réponse à l’usure du roman romanesque, c’est « la question de la prééminence de la description » qu’il « convient d’étendre aussi bien à l’action qu’aux choses ». Dans la postface de « L’Acacia », Patrick Longuet écrit : « Claude Simon se préserve ainsi d’une tentation de la culture commune, d’un conformisme à un usage établi de sons et de signes convenus, c’est-à-dire suscitant des images à peu près nettes, ordonnées, distinctes les unes des autres ».[5]

   Pour Alastair B. Duncan, chez l’écrivain de « L’Herbe » : « méfiance à l’égard des livres, du moins à l’égard des livres appartenant à une certaine tradition : ils sont censés donner de la réalité une idée fausse »[6]. Souci et remise en question du réalisme chez Simon : réalisme de la perception, réalisme de la mémoire : « la tâche de l’écrivain ne consiste plus à reproduire, mais à produire en travaillant les mots ».[7] L’attention chez Claude Simon sera notamment portée au « travail de et sur la langue ».

 

 

 

(Les carnets d’eucharis, Nathalie Riera, avril 2012)

 

 

 

 

Imprimer PDF

 Nathalie Riera_Claude Simon_Quatre conférences.pdf

 

 

 

 



[1] Claude Simon, Œuvres, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2006, p.1457

[2] « La Nouvelle critique », n°105, juin-juillet 1977, p.34

[3]  Claude Simon, Œuvres, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2006 - Notes « Le Jardin des Plantes », p.1501

[4] Claude Simon, « Quatre conférences », éd. de Minuit, 2012, p. 36

[5] Claude Simon, « L’Acacia », (Postface de Patrick Longuet) éd. de Minuit, 1989/2003, p. 387

[6] Claude Simon, « L’Herbe », (« Lire L’Herbe » de A. B. Duncan) éd. de Minuit, 2009, p.188

[7] Ibid., p.194

15/04/2012

Action Poétique n°206 - avant dernier

Revue Action Poétique n°206

Décembre 2011

---------------------------------

 

 

 

Vélimir Khlebnikov.jpg

 

http://www.hlebnikov.com/

 

 

Vélimir Khlebnikov

Poète russe

(1885-1922)

 

 

 

 

 

TOI ET MOI

 

 

[…]

 

L’air est fendu en tiges noires

comme une vieille vitre

Priez la Madone de l’automne !

Les fenêtres de la chapelle de l’automne

brisées par la course d’une balle      font la grimace

L’arbre brûlait comme un lumignon dans l’air d’or

Il ploie      s’incline

Le briquet de l’automne furieusement

a fait jaillir les jours d’or

Te Deum de la forêt         D’un coup tous

les parfums d’or sont tombés

Les arbres sont tendus comme des rateaux

pour ramasser des brassées de foin solaire

L’arbre de l’automne ressemble sonorement

au tracé des voies des chemins de fer de Russie

Le vent de l’automne d’or

m’a dispersé à tout vent

 

 

7 novembre 1921

 

 

 

-------------------------  (p.36)

 

Traduit du russe par Yvan Mignot

 

 

 

 

thill hans.jpg

 

http://www.mplf.be/article.php?id=656

 

 

 

Hans Thill

Poète & traducteur

(né en 1954 à Baden-Baden)

 

 

 

 

 

LA CHAIR CHAUDE DES MOTS


[…]

 

La chair chaude des bords et des lichens qui coulent

devant tes yeux. Arrache les ailes de l’écriture.

Pose ton oreille de chien contre son air contre

le mal qui est dans l’air. Aide les poissons

 

dans le fleuve de l’écriture. Chante le pont au dessus de leur dos.
Saisis les gambettes du pont au dessus des dents

de l’écriture. Essuie les amibes de l’écriture

sur la surface blanche etc.

 

[…]

 

 

 

 

-------------------------    (p.42)

 

Traduit de l’allemand par Michèle Métail

 

 

 

 

 

 

 

action poétique 206.jpg

La vie de cette revue est comme celle de la poésie qui en est la matière : « A l’usage stéréotypé de la langue, à la répétition du sens préétabli, le poème propose un excédent, une multiplicité de sens et de sensations. C’est aussi le mouvement du désir, celui de la mort ou du deuil impossible à surmonter qui se reproduit dans le poème ». Ce mouvement qui anime Action poétique est ce bégaiement de la forme et du sens qui permet au symbolique d’échapper à son recouvrement par le spectaculaire du langage marchandise. LIRE LA SUITE

 

MICHEL ROTFUS/MEDIAPART

http://blogs.mediapart.fr/blog/michel-rotfus/210610/les-60-ans-de-la-revue-action-poetique

 

 

Viviane Ciampi

 

VIVIANE CIAMPI 

 ---------------------------------  

© Les Carnets d’eucharis

 

photo Viviane Ciampi.jpg

 

EXTRAITS

Inciampi

 


 

 

CHOIX DE POEMES

 

Traduits de l’italien par Raymond Farina

 

 

 

 
Inciampi

Editions Fonopoli, 2008

 

                                   

(p.19,22,24,25,27,60)   

                                      

 

                   6 POEMES

                   

 

                          *

 

Les prés. La surprise de les voir fleuris

 

et l’herbe si belle

et si astucieux le désir.

 

Dans une rapide séquence

passe le monde entre nos doigts.

 

-------------------------

I prati. La sorpresa di vederli fioriti

 

e l’erba così bella

e così astuto il desiderio.

 

In rapida sequenza

Passa il mondo tra le dita.

 

                          *

 

Nous portons en nous l’éphémère

 

Le trait imprécis

les humeurs

l’amour

le choix lexical

l’implication cérébrale.

La question serait

où allons-nous maintenant, où

avec nos yeux privés des couleurs ?

 

Mais nous voici déjà pensant au lendemain

d’un temps post-humain

à la formule secrète

pour y entrer.

 

-------------------------

Portiamo in noi l’effimero

 

il tratto impreciso

gli umori

l’amore

la scelta lessicale

l’implicazione cerebrale.

la domanda sarebbe

dove andiamo ora, dove

tolti gli occhi dal colore ?

Ma ecco che già pensiamo al domani

del tempo post-umano

alla formula segreta

per entrarvi.

 

 

                             *

 

 

Dans la musique des répétitions

 

chaque action nourrit

l’action qui la suit.

 

Le monde paraît bon.

Le monde paraît chargé de sens.

 

On met la main sur le feu

pour éteindre la violence.

 

L’espérance s’allume

prend racine  comme une plante

peu importe si c’est maintenant

demain ou dans une autre ère.

 

-------------------------

Nella musica delle repetizioni

 

Ogni azione nutre

l’azione seguente.

 

Il mondo appare buonpo.

Il mondo appare carico di senso.

 

Si mette la mano sul fuoco

per spegnere la prepotenza.

 

La speranza s’accende

mette radici come una pianta

non importa se ora

domani o in altra era.

 

 

                         *

 

 

Dans le silence

 

une main se pose sur notre épaule

à moins qu’il ne s’agisse

d’une erreur de perception.

 

Inutile de se tourner pour voir

le soleil nous aveugle.

 

La blancheur des marbres nous étourdit.

 

-------------------------

Nel silenzio

 

Una mano si posa sulla spalla

o forse trattasi

d’un errore di percezione.

 

Inutile voltarsi a guardare

Il sole acceca.

 

Il biancore dei marmi stordisce.

 

 

                            *

 

 

Comment se soustraire aux évènements

 

au  gris qui transparaît

dans le temps de l’histoire ?

 

Lui ne craint rien 

il sait bien

que nous arrivons.

 

Un pas. Un autre.

S’inclinent les peupliers

dans le jeu de les compter.

 

L’ongle

des jours

se décompose

à une telle vitesse.

 

-------------------------

Come sottrarsi agli eventi

 

al grigio che traspare

nei tempi della storia ?

 

Lui non teme niente

lo sa

che arriviamo.

 

Un passo. Un altro.

Si flettono i pioppi

nel giocco di contarli.

 

L’unghia

dei giorni

si decompone

a una tale velocità.

 

 

                     *

 

 

Dans les pensées abyssales

 

dans le ciel intérieur

on joue aux dés

avec l’ange de l’ironie

 

puisque la grâce

se met à vivre chaque jour

au-dedans au dehors du murmure.

 

La grâce chaque jour

par principe

d’une montagne tombe

et puis renaît.

 

-------------------------

Nei pensieri abissali

 

nel cielo interno

si gioca a dadi

con l’angelo dell’ironia

 

poiché la grazia ogni giorno

si fa viva

dentro fuori il mormorio.

 

La grazia ogni giorno

per principio

da una montagna cade

e poi rinasce.

 

 

 

■ ■ Née à Lyon, en 1946, Viviane Ciampi vit et travaille à Gênes. Auteur de plusieurs recueils :

Domande Minime Riposte (Ed. Le Mani-Microart’s, 2001),  La Quercia e la Memoria  (Ed. Il Ponte vecchio- Faenza, 2004), Pareti e famiglie (Ed. liberodiscrivere, 2006),  Inciampi (Ed.Fonopoli, 2008), Le ombre di Manosque (Ed. Internos, 2011)

Elle a également traduit des essais de Bernard Noël et prochainement un article critique sur l'œuvre de la grande poète ligurienne Elena Bono dans Poesia e Spritualità, la revue internationale de Donatella Bisutti ;  une anthologie des poèmes d’Alda Merini dans la revue annuelle Inuits dans la Jungle (Ed. Le Castor Astral) ; et, plus récemment, l’anthologie Poeti del Québec (Edizioni Fili d’aquilone, 2011).

Anterem, Vernice, Poesia e  natura, Marea,  Issimo,  Nuovo Contrappunto, L’Agave,  Il Grande Vetro, Aprile, Corrente Alternata, Almanacco del ramo d’oro, Poeti e Poesia -, ils ont été traduits en français et accueillis dans des revues françaises et canadiennes telles que Poésie première, Rehauts, Recueils, Aujourd’hui Poème, Autre Sud, Estuaire, Arcade.

Rédactrice des revues Icare et Fili d’aquilone et co-fondatrice de la revue d’art et de culture en ligne Progetto Geum, elle collabore depuis 1998, comme traductrice, interprète et lectrice au Festival International de Poésie de Gênes.

■ Sites

www.filidaquilone.it

www.progettogeum.org

  

 

 

AUTRES SITES A CONSULTER

 

MOUVANCES (Revue Art&Littérature de Claudine Bertand)

Extraits de :

DU PRIVILEGE D'OUBLIER

L'ESPACE DE L'INSTANT

&

VDBD Viadellebelledonne

http://viadellebelledonne.wordpress.com

 

Jean-Marc Planchon - Exposition

 

 

 

Affiche Le havre 2012web.jpg

 

http://www.jm-planchon.fr

 

13/04/2012

Revue Place de la Sorbonne, par Tristan Hordé

REVUE PLACE DE LA SORBONNE

revue annuelle, éditions du Relief, 15 €

 


 

 

PLACE DE LA SORBONNE 2.jpg 

Annuel n°2 – Mars 2012

 

 

   On ne dit rien de remarquable quand on insiste sur le rôle essentiel des revues, quel que soit leur tirage (souvent modeste) et leur fréquence, pour la diffusion de la poésie : à côté d'auteurs bien connus, qui attirent l'acheteur, bien des auteurs nouveaux trouvent là un support indispensable. Leur diversité reflète la variété du paysage poétique en France, qu'elles soient pour l'essentiel consacrées à la poésie — Action poétique, Dans la lune, N4728, Nu(e), Rehauts, Triages, etc. — ou accordent une part plus ou moins importantes à d'autres formes de littérature, aux arts et à la lecture des œuvres — Conférence, L'Étrangère, Europe, Friches, Fusées, Il Particolare, Thauma, etc.1 Il faudrait ajouter la riche floraison de sites et blogs qui, sans les remplacer, complètent le rôle des revues papier.

    En tout cas, l'arrivée d'une nouvelle revue ne peut que réjouir. Le second numéro de Place de la Sorbone, qui a pour sous-titre "Revue internationale de poésie de Paris Sorbonne", a vu le jour en mars. Son rédacteur en chef, Laurent Fourcaut, poète, est aussi un universitaire fin connaisseur de la poésie contemporaine, à laquelle une large pace est donnée (le 1/3 de la livraison), avec des poètes reconnus — de Marie-Claire Bancquart, Charles Dobzynsky à Jean-Pierre Verheggen —, d'autres beaucoup moins. Une large place est réservée à la poésie d'autres langues  : Erich Fried pour l'allemand, Diane Glacy pour l'anglais des États-Unis, Rachel pour l'hébreu, David Rosenman-Taub pour l'espagnol du Chili ; les traductions, de qualité, sont toujours précédées du texte original, ce que ne font guère la plupart des revues.

    Plusieurs rubriques prolongent ces deux ensembles. Dans cette livraison, Michel Collot, dont on connaît les travaux sur la poésie, donne des pistes pour s'y retrouver dans "le paysage brouillé de la poésie française contemporaine" ; d'une manière fort différente, Lionel Ray éclaire lui aussi dans un entretien la situation de la poésie vivante, tout comme le font les réflexions sur la question du sens de Jean-Claude Pinson.

    Il faut ajouter "Contrepoins" avec les picto-clichés de Roxane Maurer et leur lecture, "Vis-à-vis" où un poème (de Claude Ber) est commenté, et des notes de lecture qui ne privilégient pas des ouvrages récents mais s'apparentent, un peu trop, plus à de mini monographies qu'à des notes. La revue (372 pages) est éditée sur un beau papier, avec une mise en pages aérée, une typographie bien lisible, et son prix (15 €) est modique. Longue vie à cette Place de la Sorbonne !

© Tristan Hordé

 

 

 

Les carnetsd'eucharis

© Nathalie Riera, avril 2012

 

 

 

     



1 Il ne s'agit pas de dresser un palmarès ! sont seulement citées quelques revues que je pratique régulièrement.

10/04/2012

Danièle Robert/Guido Cavalcanti (une lecture de Claude Minière)

 

Une lecture de 

Claude Minière

  

 

 

Guido Cavalcanti / Danièle Robert

 

 

Rime

Editions vagabonde, 2012

 

 

 

 

 

 

      

 

   Que se passe-t-il à Florence dans la fin du 13ème siècle ?  « A temps nouveau, nouveau chant » avait déclaré le troubadour Guillaume IX d’Aquitaine.  Mais il y a aussi, dans la profusion des langues, un immense héritage ; dans la philosophie, un retour et une inquiétude. Guido Cavalcanti (1250-1300), avec d’autres poètes au premier rang desquels Dante (1265-1321), participe à une refondation.  Leur « volonté commune est de donner un sens nouveau à la poésie amoureuse traditionnelle » (D. Robert, préface).  Guido a son chemin personnel, une pratique complexe de l’expérience lyrique : « Ce que Cavalcanti met surtout en lumière avec une exceptionnelle acuité…c’est le drame de la connaissance » (idem).

 

      Les saisons consécutives à ce printemps florentin seront étendues. William Shakespeare dans ses Sonnets posera « Will I am » (« Virilité je suis »), ce qui est, il faut en convenir, d’une autre impétuosité que « Je pense donc je suis » mais n’en manifeste pas moins une volonté de fondement et une décision en raison.  Plus tard, dans le péril, Hölderlin en quelque sorte « ramassera » les options diffuses et tranchera : « Ce qui demeure, ce sont les poètes qui le fondent ».  Ezra Pound, au début du 20ème siècle, traduira Cavalcanti et souvent se remémorera, comme en jouant, « Donna me prega ».

 

 

 

      Donna me prega (« Dame me prie… ») est l’incipit de la canzone XXVII de Guido Cavalcanti.  C’est dans cette « pièce » que l’on peut relever ces notes aiguës et graves :

 

        vers 5   : « Or à présent je recherche un savant »

 

        vers 53 : « (ne peut l’imaginer qui ne l’éprouve) »

 

        et enfin cet envoi :

 

                       « Tu peux partir, chanson, tout à fait sûre,

 

                           là où tu veux : car je t’ai si ornée

 

                           que ta raison va être fort louée

 

                           par toutes gens qui ont l’entendement ;

 

                           et quant aux autres tu n’en as vraiment cure »

 

 

 

      Danièle Robert a fait le choix d’entrer dans un système métrique et elle s’en explique dans sa préface (pp. 9-35) du volume. Elle a également fait le choix de conserver ou « retrouver » une certaine tonalité de vocabulaire. Alors attardons-nous un instant sur ta raison (« tua ragione »). Quelle raison ? Une raison ornée. Cavalcanti est virtuose dans la tournure d’une « canzone », dans l’usage et la subversion des codes poétiques--- mais pas seulement. Il avance une raison qui sera fort louée, mais de ceux, seuls, qui ont « l’entendement ». Dans une note au premier  poème des Rime, une « ballata », Danièle Robert explique que « le caractère ineffable de la beauté de l’aimée » porte l’interrogation sur « sa véritable nature : humaine ou divine ? »

 

     

 

      On pourrait renverser les termes : ne serait-ce pas l’interrogation (humaine ou divine ?) qui installerait le thème de la beauté de l’aimée, beauté dès lors logiquement « ineffable » --- ou inépuisable ?  Danièle Robert parle bien de « l’expression lyrique d’un drame » (je souligne). Dans le drame, Cavalcanti et Dante prendront des chemins différents, l’un et l’autre répondront différemment à la question de savoir jusqu’où peut-on aller, jusqu’où peut on aller avant de buter sur l’indicible. Dante repense la doctrine de la fin’amor en fonction de la théologie et de la Grâce ; Cavalcanti vivra l’expérience « comme ne permettant d’atteindre ni vertu ni rédemption ».

 

      Comme toujours (elle a pour Actes Sud traduit Ovide et Catulle, pour vagabonde Michele Tortorici) Danièle Robert écrit ici de manière sensible et documentée. Sa lecture des Rime nous engage à voir comment se renouvelle la figure de la « Donna », et ce qu’elle demande.

 

…Pensée de l’Amour, amour de la pensée.

 

 

 

© Claude Minière

Les Carnets d’Eucharis N°33 (printemps 2012)

 

09/04/2012

Les carnets d'eucharis n°33 - Printemps 2012

■■■

 

Les carnets d’eucharis n°33

PRINTEMPS 2012

 

 

LES CARNETS D'EUCHARIS N°33, Nathalie Riera

2012 © Photo : Nathalie Riera - Série « Photobiographique/Autoportrait en herbe »

 

 

Photobiographique

NATHALIE RIERA

 

Gertrude Käsebier

PHOTOGRAPHE

 

 

 

 

 

■■■Thomas Brummett

 

DU CÔTÉ DE…

Jos Roy  (choix de poèmes)

Roberto BolañoTrois/Les chiens romantiques

Cathy Garcia  (Délit de photos)

 

CHRISTIAN BOURGOIS EDITIONS ADOLFO BIOY CASARES quelques jours au Brésil

EDITIONS ISOLATO CLAUDE DOURGUIN La peinture et le lieu

EDITIONS NOUS JEAN DAIVE L’énonciateur des extrêmes

CARDERE EDITIONS CATHY GARCIA Les mots allumettes

 

AUPASDULAVOIR

PIERRE AGNELGustave Roud, Le temps de l’Adieu n’est plus. Le temps de la Salutation commence

NATHALIE RIERAGustave Roud, attaché à la même seule échappée

 

■■■ AMELIA ROSSELLI[Hommage] 

 

Patti Smith … Walter Benjamin

 

DES LECTURES/DES PORTRAITS

Susan Sontag Le prurit de l’interprétationpar Nathalie Riera

Roberto Bolaño lâche ses chiens romantiques par Patrice Beray

Guido Cavalcanti / Danièle Robert IME, éditions Rimes & raison par Claude Minière

Paul Louis Rossi IME, éditions La porteuse d’eau de Laguna & Les Chemins de Radegonde par Tristan Hordé

[Disparition]Antoni Tàpies, métaphysicien de la matière par Claude Darras

 

REVUE(S)

                                                                           Diérèse – # 56 (Thierry Metz)

La Voix des Autres – # 5 (Cahier central Angye Gaona)


■■■

 

 

Au format PDF

logo pdf.jpg

Les carnets d'eucharis n°33_PRINTEMPS 2012.pdf

 

&

Au format CALAMEO

 http://www.calameo.com/read/0000370711dc220cf86b3

Publiez sur Calaméo ou explorez la bibliothèque.

 

 


 

Couv'Verso_carnets d'eucharis n°33.jpg

 

 

 

■■■

 

Les carnets d’eucharis n°34

ÉTÉ 2012

 

(mise en ligne vers la mi-juillet 2012)

 

07/04/2012

Gustave Roud "... attaché à la même seule échappée" - Par Nathalie Riera

Hommage à Gustave Roud

(1897-1976)

 

 

 

  Vucherens 1935.jpg

 

© Photo : Fonds photographique Gustave Roud – Vucherens, 1935

 (Fonds photographique Gustave Roud)

http://www.unil.ch/unimedia/page53151.html

 

 

 

 

 « (…) cette vie menée si purement, si fidèlement, vraie vie de berger des mots, toujours dans le même champ, le regard attaché à la même seule échappée (…) »

Philippe Jaccottet[1]

 

 

 

fernand par gustave roud.jpg

Détail d’une photographie de Gustave Roud,

«Fernand aiguise sa faux au crépuscule».

 

 

 

« … attaché à la même seule échappée »

Par Nathalie Riera

________________________________________________________

 

Les Ecrits de Gustave Roud ?

En retrait des agitations, le lecteur avance tout au long de pages qui sont autant de sentiers parcourus avec le poète qui avance lui-même en promeneur solitaire, – à l’époque, privilège qu’on eût pu lui envier ou lui reprocher et qui aujourd’hui encore ne serait pas plus acceptable –  en souci de maintenir une parole qui jamais ne fait rage, alors que se poursuit la toujours plus sombre réalité que nous vivons des heures maudites de mensonges et de lâchetés, dans un monde toujours plus peuplé d’images haïssables et moribondes, et que toute poésie digne de ce nom en est que plus malmenée.

En 1985, le poète libanais Salah Stétié écrit dans son « Archer aveugle » : « Mais pourquoi la poésie intéresserait-elle ? Elle ne capte, comme eau pure une main, rien qui vaille d’être retenu si l’on n’est pas organisé intérieurement pour ce type de captage froid et brûlant.»[2] Langage égaré des poètes, selon encore Stétié, ou « langage privilégié du mal-être », avec Gustave Roud comment ensemble ne pas se jeter dans le paysage comme on plonge au plein d’une rivière, avec le désir de m’abandonner, de me laisser perdre et porter je ne sais où par une force déchaînée qui jouerait aveuglément avec mon abandon ».[3]

Dans le Journal de Vitalie Rimbaud, la sœur du poète, juillet 1873, on peut lire : « Mon frère Arthur ne partageait point nos travaux agricoles ; la plume trouvait auprès de lui une occupation assez sérieuse pour qu’elle ne lui permît pas de se mêler de travaux manuels. » Gustave Roud se rendait attentif à la vie paysanne et aux travaux des hommes dans les champs, pour avoir vécu toute sa vie à Carrouge, dans le Jorat, dans la ferme du grand-père maternel.

Bien que poésie dans sa musique agreste, poésie qui se fait conteuse de l’absolu de la solitude, marcher aux côtés de Gustave Roud, c’est écarter du ciel de l’imaginaire tout azur trop bleu, et s’écarter ainsi de toute baliverne champêtre.

« … et je vécus, étincelle d’or de la lumière nature. »[4], écrit Rimbaud, alors que chez Roud, c’est la couleur fauve de la vie et de la nature qui domine, sans leur prêter une quelconque supposition ou présomptueuse idée de Paradis ou de Terre Promise. Y voir plutôt comme un simple regard qui s’affûte sous les effets d’une certaine nostalgie, cette « nostalgie de la distance » selon Philippe Jaccottet.

Résistance d’une poésie et d’un poète qui ne se tient pas à l’écart, contrairement à ce que peut supposer toute existence contemplative, mais plutôt en souci de ne pas rompre ce lien avec l’éphémère et l’éternel.

 

Avril 2012 © Nathalie Riera (Les carnets d’eucharis)

 

 

 

 

-------------------------

 

Ecrits I


 

 

[…] Un corps nouveau, un cœur nouveau…

 

              (Par lambeaux soudain devant ma mémoire presque abolie, le temps où ma vie tâtonnait encore parmi les hommes tout pareils à des anthologies : un corps et une table des matières. Temps des « langues mortes » - et des « langues vivantes » plus mortes que les autres. Un désert où le squelette de la poésie luisait sous le soleil des dictionnaires. L’Integer vitae chanté sur un air de choral par le vieux maître hernoute, l’avocasserie d’Euripide, Aristophane et ses danseurs agitant comme un fouet leur membre de cuir rougi, Lucrèce, fou furieux pour avoir respiré dans les fourrés de l’Hélicon l’arbre à la fleur-qui-tue… - mais déjà le veilleur d’Eschyle, le museau dans les étoiles comme un chien, me rendait d’un coup la présence  du ciel nocturne, et l’Andromaque de Virgile se faisait un paradis de la tristesse. Les plus lointains, les plus vagues pressentiments  réapparaissent : quand au-delà des vitres de la sombre salle où nos sept têtes sous le sifflement du gaz versaient leur ombre sur les syllabes mortes, un jet de soleil en trompe-l’œil sur de la neige tirait tout près de moi du cœur de l’hiver un faucheur de seigles, la tête dans le ciel, sa dure épaule nue huilée de lumière. Autour de lui déjà le monde s’ordonnait selon le rythme de son souffle ; la colline fléchit, remonte, quand s’abaisse et se relève tour à tour  la lisse poitrine noire et dorée. Toute la ville abattue comme un château de cartes, si le jeune paysan traverse la rue, un épi de froment à son chapeau.

 

 

  [extrait de « Nuit » in Essai pour un paradis, ECRITS I – p.223/224]

 

 

 

 

-------------------------

 


 

 

BAIN

 

 

 

              Ta chair nue ou sous la toile toujours liée au soleil, je sais bien ce sourd désir d’eau qui jamais ne l’abandonne ! Ni la cruche en plein ciel renversée, son jet de glace au fond de ta gorge (car c’est la soif des lèvres et de la langue qu’elle apaise), ni le vent qui t’épouse comme l’ombre et meurt, sa fraîche plume fondue à ta poitrine avec le frisson du plaisir, - ni le sommeil même ne pourront rendre le calme au corps brûlé.  Et pourtant qui osait braver là-haut le sommeil et son empire ? Suspendu à cette seule note aiguë qui de cent mille cris d’insectes à l’unisson célèbre le soleil, l’univers dormait. Les villages blêmes au fond de l’air bercés par le courant qui tord les routes comme des algues, le noir battement des cloches, ce peuple de cadavres dans les vergers (tu riais de l’homme aux mains mortes, Aimé, vaincu par la goutte de lumière à sa joue) – tous les sortilèges de la torpeur, de quel bond tu les brises ! Tu traverses en courant les seigles, la pente commence, et tout de suite l’ombre à ton épaule ! Le ravin s’ouvre et se referme sur le ciel. Tu descends, battu de feuilles et d’odeurs ; tes pieds aveugles tâtent le sentier sous les branches, le tuf craque, les prêles lient tes genoux. Ivresse du végétal corps à corps, espèce de cri qui sourd de ta chair heureuse, quand le soleil d’en bas brille tout à coup sous les feuilles, et que ce morceau de ciel qui est de l’eau lui chante son rassasiement et sa joie !

 

  

[…]

 

 

 

  [extrait de « Bain » in Essai pour un paradis, ECRITS I – p.247/248]

 

 

 

 

 

 

-------------------------

 

 

 

Ecrits II

 

 

 

 

EPAULE

 

 

 

              Fleurs des talus sans rosée, pitoyables au voyageur, qui le saluez une à une, douces à son ombre, douces à cette tête sans pensée qu’il appuie en tremblant contre nos visages, signes, timide appel, caresse à l’homme qui ne sait plus rien des hommes sinon ce murmure d’une voix sans lèvres et le frôlement des suppliantes ombres, vous tout autour de l’année comme une couronne de présences, la petite étoile du faux fraisier sous sa frange de neige noircie (un papillon nu s’est trompé de soleil et vacille comme une feuille morte), l’épi du sainfoin rose, la scabieuse de laine, bleue comme le regard de mon ami perdu, la sauge, la sauge de novembre refleurie et la brunelle, vous que je nomme et vous que je ne sais plus nommer, ô toi parfum du pâle œillet charitable, changeur de rêves, dénoueur des plus sombres sommeils, vous d’aujourd’hui, de cette minute même sous mon regard, campanules haletantes, humiliées, compagnes de mon ombre solitaire, consolatrices, voyez, cette ombre sur vous n’est plus seule, accueillez mon bonheur d’une heure, ne riez pas de mon bonheur ! Un visage près de mon visage, une épaule nue à mon épaule ; la fauve croupe des chevaux qui tirent, le pas des chevaux parmi les pierres, et derrière nous jusqu’aux nuages, pesante et solennelle, fleurie d’une toute petite fille, la craquante charge de froment !

 

              Non, laisse le fouet pris au collier. Les taons suffisent, et ce soir fourmillement de mouches que je tisonne en vain d’une tige de coudre avec toutes ses feuilles. Doucement, la route est longue. Calme ce cheval fier qui est à toi et que j’aime, avec son chiffre à l’encolure (l’année où tu es devenu dragon), ses jarrets au bord de la danse et du bond ployés sans cesse, ses naseaux traversés soudain par le soleil comme une sombre rose de sang. La route est lente. A gauche, à droite, ne vois-tu pas le pays qui se penche et nous salue, debout dans sa vêture d’or ? Tout le pays debout au long de notre marche comme la foule au flanc d’un cortège, la forêt voleuse de javelles, l’auberge endormie, le chant pur des pavots de soie ! Et ces chênes maintenant qui te lancent tour à tour le même filet d’ombre aux mailles de feu.

 

 

[…]

 

  [extrait de « Epaule » in Pour un moissonneur, ECRITS II – p.44/46]

 

 

 

 

 

 

-------------------------

 

  

[…]

 

 

 

              J’ai relu vos phrases : La guerre crée un présent que nous n’avons pas choisi. En dehors des obligations civiques et de charité qu’il nous impose, il nous laisse tout loisir pour fuir dans la poésie ; la guerre qui menace notre vie menace ce que nous aimons le plus dans la vie : la poésie. Les poètes reprennent ainsi une singulière actualité, car jamais nous ne les aurons lus avec plus de ferveur. Voilà qui est net, et juste. Mais vous parlez de la poésie qu’on lit, donc d’une poésie qui est déjà faite, et moi, je ne puis songer qu’à celle qui va naître, et je tremble. La poésie (la vraie) m’a toujours paru être (…) une quête de signes menée au cœur d’un monde qui ne demande qu’à répondre, interrogé, il est vrai, selon telle ou telle inflexion de voix. La guerre, par ce doute atroce qu’elle installe en nous sur nous-mêmes et l’univers, ne peut que paralyser l’entretien du poète et du monde fondé sur un réciproque abandon. Que l’on se batte ou que l’on « monte la garde » seulement, la guerre nous est perpétuelle présence, et si l’on tente de l’oublier comme je l’ai fait tout à l’heure, parvenu sur le bord même de l’échange poétique, tout s’écroule soudain, sournoisement miné par cette présence niée qui se venge. L’herbe éternelle est rendue à la faux, les feuillages éternels à l’hiver, ce paysan éternel qui est mon ami redevient le soldat revenu l’autre jour en congé, qui portait encore sur sa profonde poitrine la petite plaque d’os poli où l’on peut lire :

 

 

Dragon

 

Fernand Cherpillod

 

Escadron 4

 

 

 

et, demain peut-être, repartira.

 

              Je vous le jure, il ne s’agit pas de mirages ; c’est la nue et stricte vérité.

 

 

 

[…]

 

  [extrait de « Lettre à Henry-Louis Mermod » in Air de la solitude, ECRITS II – p.99/101]

 

 

 

 

  

-------------------------

  

 

 

Ecrits III

 

 

 

 

CAMPAGNE PERDUE

 

 

 

[…]

 

 

 

              La marche errante du vagabond sans but paraît tout de suite coupable aux yeux des hommes d’ici repris par quelque grand travail d’été comme les foins. Est-il permis, pensent-ils, de traverser les mains oisives ces prairies dont nous sommes, plus encore que les maîtres, les prisonniers ? Ils jalousent la liberté de cet homme et s’en irritent, au moment même où ils redeviennent esclaves, et les pires esclaves : ceux de l’incertain, leur moindre geste dicté par le vent ou le nuage. S’ils savaient !

 

 

 

[…]

 

  [extrait de Campagne perdue, ECRITS III – p.94/95]

 

 

 

 

 

 

-------------------------

 

 

 

 

 

              La route noire, mate ou luisante, laquée par la pluie ou liquéfiant le paysage sous le soleil comme un sombre fer brûlant, n’est plus celle de jadis où boitaient, buvant la poussière d’une lèvre sèche, les rôdeurs aux sourcils, à la moustache feutrés de farine comme des meuniers. Les fleurs d’août restent fraîches, l’herbe riveraine est pure. Mais le voyageur poursuit sur cette nappe insensible une course malaisée. Quelque chose l’isole du monde, qui ne fait plus corps avec lui. Le bleu d’acier, le violet vulgaire, le noir sans richesse que sa semelle touche sont morts. Pour toujours a disparu cette chose frémissante où posait son regard sans pensée : la route ancienne sous le gel comme une dalle de marbre où le matin versait brutalement un flots d’ombres éclatantes ; la route après l’averse, grêlée comme une peau ; la route sous l’orage de mai où l’on enjambe des flaques de pétales, neige et rouille ; la route de novembre, quand le talon crève avec un cri rauque la creuse glace des ornières ; la route qui vivait. 

               

 

[…]

 

  [extrait de Campagne perdue, ECRITS III – p.179/180]

 

 

 

 

 

 

-------------------------

 

 

 

Aux trois tomes des Ecrits de Gustave Roud s’ajoutent des textes publiés en revue, des traductions et la riche « Correspondance » Jaccottet & Gustave Roud 1942-1976, publiée en 2002 dans les Cahiers de la NRF.

 

 

 

 

 

 

Ecrits I, II, III

Bibliothèque des Arts, 1978

 Gustave Roud I.jpg

 

 

 

Site Bibliothèque des Arts/http://www.bibliotheque-des-arts.com/index.php?page=Fiche&ID=12

 

 

Autres sites à consulter

 

 LA PLAINE LA POESIE_Gustave Roud_bulletin 2011.jpg

Bulletin N°2, 2011

 

Site L’association des amis de Gustave Roud/http://www.gustave-roud.ch/Documents_files/La%20plaine_bulletin%202.pdf

 

 

 

 

IMPRIMER

logo pdf.jpg

CLIQUER ICI

 



[1] Philippe Jaccottet, « Gustave Roud, Vues de la solitude » (écrit en 1966), in L’Entretien des Muses, Gallimard, 1968

[2] Salah Stétié, Archer aveugle, éd. Fata Morgana, 1985 - p. 19

[3] Gustave Roud, Ecrits de Gustave Roud, III, Bibliothèque des Arts, 1989 - p.106

[4] Arthur Rimbaud, Une saison en enfer, « Délires II. Alchimie du verbe », La Pléïade, 2009 – p.267

OSSIP MANDELSTAM - Cité du Livre/Aix-en-Provence

Les Écritures Croisées,

les éditions La Dogana et Le Bruit du temps
vous invitent à une rencontre autour de la récente publication

 

MANDELSTAM, MON TEMPS, MON FAUVE
Une biographie
par Ralph Dutli

 

OSSIP MANDELSTAM rencontre&lecture Cité du Livre AIX.jpg

Présentée par Florian Rodari (éditeur)
Louis Martinez, spécialiste de la littérature russe
s’entretiendra avec
Michel Aucouturier, traducteur
Lecture d'extraits de textes de Mandelstam,

en russe et en français

-----------------------------------------
Jeudi 19 avril 2012 à 18 h30
Amphithéâtre de la Verrière
Cité du livre - Aix-en-Provence

-----------------------------------------

 

 

Escapades Littéraires

 

Escapades littéraires

 



2ème édition – Italie Du quotidien aux utopies

 

Du 12 au 15 avril 2012

Chapelle de l'Observance - Draguignan

 

Invité d'honneur Erri de Luca

 

Hommage à Hugo Pratt

 

Auteurs
Erri de Luca
Giorgio Pressburger
Roberto Ferrucci
Francesco de Filippo
Philippe Fusaro
Jean-Paul Manganaro
Marta Morazzoni
Gianpaolo Pagni
Alessandro Sanna

 

Invités
Marguerite Pozzoli
Dominique Vittoz

 

 

ESCAPADES LITTERAIRES_ITALIE_du 12 au 15 avril 2012.jpg

 

 

 

ICI

 

06/04/2012

Pier Paolo Pasolini

 

Supplica a mia madre

E’ difficile dire con parole di figlio
ciò a cui nel cuore ben poco assomiglio.
Tu sei la sola al mondo che sa, del mio cuore,
ciò che è stato sempre, prima d’ogni altro amore.
Per questo devo dirti ciò ch’è orrendo conoscere :
è dentro la tua grazia che nasce la mia angoscia.
Sei insostituibile. Per questo è dannata
alla solitudine la vita che mi hai data.
E non voglio esser solo. Ho un’infinita fame
d’amore, dell’amore di corpi senza anima.
Perché l’anima è in te, sei tu, ma tu
sei mia madre e il tuo amore è la mia schiavitù.
Ho passato l’infanzia schiavo di questo senso
alto, irrimediabile, di un impegno immenso.
Era l’unico modo per sentire la vita,
l’unica tinta, l’unica forma : ora è finita.
Sopravviviamo : ed è la confusione
di una vita rinata fuori dalla ragione.
Ti supplico, ah, ti supplico : non voler morire.
Sono qui, solo, con te, in un futuro aprile.

Pier Paolo Pasolini Poesia in forma di rosa

 

05/04/2012

Juliette Lemontey à la Galerie Le Réalgar

Galerie Le Réalgar
Daniel Damart

23 rue Blanqui – 42000 Saint-Étienne
Cell. :
0687602234
lerealgar@gmail.com/www.lerealgar.com

 

 

La carpe et le pinson

Peintures de Juliette Lemontey

Du 14 avril au 25 MAI 2012

Vernissage le 14 AVRIL à partir de 18h


La carpe et le pinson.jpg

 

A cette occasion la Galerie édite :
"La carpe, le pinson et le bestiaire de nos solitudes inachevées"
Textes de Raphaële Bruyère accompagnés de la reproduction des peintures de Juliette Lemontey

Ruben Dario (1867-1916) - "Azul" José Corti, 2012

 

Rubén DARIO | Azul

Editions José Corti, 2012

traduit de l'espagnol (Nicaragua) par Jean-Luc Lacarrière
Collection Ibériques | éditions Corti

 

        

Ruben Dario.jpg

  

                                

AZUL (extrait)

 

 

 

**

 

La tigresse de Bengale
pelage zébré et lustré
est affable et joyeuse, tout en beauté.
D’un tertre aux pentes raide elle saute
vers un pré de carex et de bambous ; et c’est là
à la roche qui s’érige à l’entrée de son trou.
Puis elle lance un feulement rauque,
s’agite comme une diablesse
et de plaisir hérisse son pelage fou.

 

 

-------------------------

 

 

 

 

■ José Corti Editions

ICI

 

02/04/2012

Roberto Bolano

Prochainement

■■■

 

dans

Les carnets d’eucharis n°33

PRINTEMPS 2012

 

 

 

ROBERTO BOLAñO

 ROBERTO BOLANO.jpg

Trois

Un petit roman lumpen

Les chiens romantiques

Christian Bourgois Editeur, 2012

 

 

trois.jpg un petit roman lumpen.jpg les chiens romantiques.jpg

         

Roberto Bolaño lâche ses chiens romantiques

 

| Par Patrice Beray |

 

 

 

 

(mise en ligne vers la mi-avril 2012)