30/04/2009
W.H. Auden
La Mer et le miroir,
commentaire de La Tempête de Shakespeare
Edition bilingue
Traduction de l'anglais et présentation par Bruno Bayen et Pierre Pachet
Editions Le Bruit du temps, avril 2009
Présentation de l'éditeur:
C'est après avoir émigré aux États-Unis que W.H. Auden, qui a déjà derrière lui une oeuvre poétique considérable, compose entre 1942 et 1944 son poème dramatique "La Mer et le Miroir". Il s'agit à la fois d'une continuation et d'un commentaire de la dernière pièce de Shakespeare, La Tempête, oeuvre-testament dans laquelle le poète élisabéthain a donné – à travers une intrigue fantastique – un résumé énigmatique de sa pensée et de son théâtre. Dans "La Mer et le Miroir", les personnages de la pièce, après une représentation, reviennent tour à tour sur scène pour commenter, chacun dans une forme poétique qui lui est propre, le spectacle auquel le public vient d'assister.
"La Mer et le Miroir" est un chef-d'oeuvre, aussi bien par l'intelligence critique qu'y déploie Auden que par sa virtuosité de poète, en tous points digne de l'oeuvre qu'il commente. Comme Auden l'a lui-même dit à ses amis : « C'est mon art poétique, de la même manière que, je le crois, La Tempête fut celui de Shakespeare. »
Et c'est cela qui est particulièrement émouvant, dans ce poème écrit pour la scène. À la fin d'une «tempête» qui ne fut que trop réelle, la Seconde Guerre mondiale qui l'a exilé loin de son pays, Auden, dont une grande part de son oeuvre est déjà derrière lui, décide de méditer sur ce que signifia, pour Shakespeare, écrire une ultime pièce avant de renoncer à son art. Loin de voir dans La Tempête, comme Henry James, une pièce où Shakespeare se serait contenté d'offrir à son public comme à lui-même l'exemple le plus pur et le plus rare de son art littéraire, Auden a le coup de génie de donner à Caliban le dernier mot, au cours d'un long discours écrit dans une prose aussi subtile que celle de James. Il a compris que l'art n'est pas un sanctuaire, qu'il est le lieu où la vie la plus réelle peut se confronter à son reflet et que seuls les échanges constants de l'un à l'autre permettent de parvenir à quelque chose comme une « relation restaurée ».
Si Auden est si mal connu en France, c'est aussi parce qu'il est un poète d'une grande maîtrise formelle, un artisan virtuose de son art. Il est donc particulièrement difficile à traduire. Pierre Pachet, depuis toujours particulièrement sensible à l'art de traduire, et Bruno Bayen, qui possède une précieuse pratique de l'art du théâtre, sont parvenus à rendre toutes les nuances de sens d'un texte d'une grande complexité, tout en créant un poème français presque aussi musical que l'original anglais, que l'on peut lire ici en regard de la traduction.
« Pourtant, en ce moment précis où nous nous voyons enfin nous-mêmes tels que nous sommes, ni à l’aise ni folâtres, mais sur l’ultime corniche battue des vents qui domine le vide sans fin — nous ne nous sommes jamais tenus ailleurs —, alors que nos raisons sont réduites au silence par l’énorme dérision — Il n’y a rien à dire. Il n’y a jamais rien eu à dire — et que nos volontés tremblent entre leurs mains — Il n’y a pas d’issue. Il n’y en a jamais eu —, c’est à ce moment que pour la première fois de nos vies nous entendons non pas les sons que, acteurs-nés que nous sommes, nous avons jusqu’ici condescendu à utiliser comme un excellent médium pour mettre en valeur nos personnalités et notre allure, mais la Parole réelle qui est notre seule raison d’être. »
23:50 Publié dans GRANDE-BRETAGNE/IRLANDE, W.H Auden | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
29/04/2009
David Lynch à la Fondation Ekaterina, Moscou
David Lynch, The Air is on Fire
10 avril - 12 juillet 2009
© David Lynch, Sans titre, Sans date
Black and White photograph
Exposé pour la première fois en 2007 à la Fondation Cartier pour l’art contemporain à Paris, David Lynch, The Air is on Fire sera présenté à la Fondation Ekaterina de Moscou du 10 avril au 12 juillet 2009. Cette exposition majeure dédiée à David Lynch en tant qu’artiste plasticien, explore les multiples facettes de son œuvre, réunissant peintures, photographies, dessins, lithographies, films expérimentaux et créations sonores réalisées depuis 1960. Lire la suite
15:37 Publié dans CLINS D'OEILS (arts plastiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
Michel Dieuzaide
“Quand la lumière tient la plume”
du 25 mars au 3 mai 2009
« Le noir et blanc est le véritable jardin du photographe »
M. Dieuzaide
Trente ans d'images exposées
15:07 Publié dans CLINS D'OEILS (arts plastiques) | Lien permanent | Commentaires (1) | Imprimer | | Facebook
Anna Akhmatova
Le cœur perd longtemps mémoire du soleil,
Qu’est-ce qu’il y a ? Du noir ?
Peut-être ! une nuit va suffire pour que vienne
L’hiver.
(1911)
En lisant Hamlet
en 1924
L'or se couvre de rouille, l'acier tombe en poussière, Et le marbre s'effrite.
Tout est prêt pour la mort. Ce qui résiste le mieux sur terre, c'est la tristesse, Et ce qui restera, c'est la Parole souveraine. Anna Akhmatova. En Russie, à la fin des années trente, parmi les millions d'innocents arrêtés qui disparaissent dans les cachots et dans les camps, il y a le fils d'Anna Akhmatova, un des grands poètes russes du siècle. Elle compose alors des poèmes qu'elle n'ose même pas confier au papier : des amis sûrs les apprennent par coeur et, pendant des années, se les récitent régulièrement pour ne pas les oublier.
En évoquant sa tragédie personnelle, Akhmatova parle au nom de toutes les victimes, et aussi de toutes les femmes qui, comme elle, ont fait la queue pendant des semaines et des mois devant les prisons. Ses vers " formés des pauvres mots recueillis sur leurs lèvres ", comptent parmi les plus poignants de la littérature russe. Les dizaines de millions de voix étouffées et brisées qui, grâce à elle, traversent l'espace et le temps pour parvenir jusqu'à nous, résonneront encore longtemps dans la mémoire de la Russie.
09:29 Publié dans Anna Akhmatova, RUSSIE | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
Joseph Alexandrovich BRODSKY
Nature morte
« Verrà la morte e avrà i tuoi occhi »
Cesare Pavese
1
Choses et gens nous
entourent. Et les deux
déchirent l’œil.
Mieux vaut vivre dans le noir.
Je suis assis sur un banc
du parc et je suis des yeux
une famille qui passe.
La lumière me répugne.
C’est janvier. L’hiver.
Selon le calendrier.
Quand le noir me répugnera,
alors je parlerai.
2
Voilà. Je suis prêt. Commencer.
Peu importe par où. Ouvrir
la bouche. Je peux me taire.
Mieux vaut que je parle.
De quoi ? Des jours, des nuits,
ou bien encore de rien.
Ou encore des choses.
Des choses et non des
gens. Ils mourront.
Tous. Je mourrai aussi.
Vaine entreprise.
Comme d’écrire au vent.
Extrait de Poèmes 1961-1987
Traduit par Véronique Schiltz
Monde entier/Gallimard, 1987
Stoïcisme, ironie, puissance, éblouissante virtuosité, double ancrage dans la culture russe et dans la culture occidentale, tels sont les traits les plus saillants de l’œuvre de Joseph Brodsky. L’ode, l’élégie, la ballade, le poème philosophique, il n’est pas de forme poétique dans laquelle il ne fasse preuve d’une aisance digne de Pouchkine.
{…}
Pour Brodsky, le poète est « la combinaison d’un instrument et d’un être humain », la première composante tendant à prendre le pas sur la seconde. Sa principale préoccupation ? Les effets du temps sur l’homme. « Les ruines sont le triomphe de l’oxygène et du temps », dit-il. Et les poèmes ? « Ce sont les seules bornes aux attentats du destin et à la vulnérabilité des corps ».
Jean-Baptiste Para, Présentation « Ligne de crête, lignes de feu », in L’HORIZON EST EN FEU Cinq poètes russes du XXème siècle, Poésie/Gallimard (p.22), 2005
09:05 Publié dans Joseph Brodsky | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
27/04/2009
Numéro 7 - Carnets d'eucharis du 1er Mai 2009
© Photo en fond : Irène Suchocki
●●●●●●●●●●●●Poésie & Arts plastiques●●●●●●●●●●●●
L’air s’engouffre dans la pièce. Les grands arbres d’été/ s’agitent à hauteur du regard à notre réveil/ et le lierre hasarde vers l’intérieur de petites pousses/ qu’il faut entraîner vers le dehors – comme ces souvenirs/ si longtemps entraînés qu’ils peuvent se montrer/ et garder leurs distances. La dépression à gueule blanche/ s’éloigne de son ombre à la nage, comme un dauphin/ aux yeux humides, illisibles, infurtifs.
Je nage dans Homère. Livre vingt-trois.
Enfin Ulysse et Pénélope/ s’éveillent côte à côte. L’une des colonnes du lit/ est le tronc vivant d’un vieil olivier,
Il est leur secret. Comme eût pu l’être pour nous le lierre,
Persistant, frémissant, ineffable.
Extrait Lire au lit (6), « La lucarne » 1991
Seamus Heaney
2005, Editions Gallimard pour la traduction française.
Merci de noter la nouvelle adresse mail des Carnets d’Eucharis où vous pouvez m’adresser vos notes de lectures et autres textes autour de la poésie et des arts contemporains
SOMMAIRE………
Nathalie Cousin et sa série de photographies Galerie l’Air
Extraits de La lucarne de Seamus Heaney
La Galerie Alain Paire reçoit Vincent Bioulès
Texte monographique Julien Blaine, le Mémorialiste des Muses par Claude Darras
Paul Claudel, Psaumes (une lecture de Claude Minière)
La Dernière Epopée de Charles-Mézence Briseul aux éditions Ikko
Rainer Maria Rilke
Nouveaux Délits – Numéro 32 – Revue de poésie vive et dérivés
&
A LIRE ABSOLUMENT !
Brancusi contre les Etats-Unis : un dossier proposé par Christine Bauer sur le site "Regard au pluriel"
© Nathalie Cousin
Télécharger le bulletin
Carnets d'eucharis n°7 du 1 mai 2009.pdf
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26/04/2009
Numéro 32 - Revue Nouveaux Délits
NOUVEAUX DELITS
Revue de poésie vive et dérivés
Numéro 32
Je n’aime
Pas les gens
Mais je vous aime
Mal et pleine d’exigences
Je fais une revue de poésie
Je fais une revue de
Je fais une revue
Je fais une
Je fais
Je
De poésie
Revue de poésie
Une revue de poésie
Nous faisons
Nous
Cg
Il faut rêver à haute voix, il faut chanter jusqu'à ce que le chant s'enracine, tronc, branches, oiseaux, astres, chanter jusqu'à ce que le chant engendre et que sourde de la côte du dormeur l'épi rouge de la résurrection, l'eau de la femme, la source pour boire et se voir et se reconnaître et se reprendre, la source pour se savoir homme, l'eau qui se parle à elle même dans la nuit et nous nomme de notre nom... la vie et la mort ne sont pas des mondes contraires, nous sommes une seule tige avec des fleurs jumelles, il faut désenterrer la parole perdue, rêver vers l'intérieur vers l'extérieur, déchiffrer le tatouage de la nuit et regarder midi dans les yeux, lui arracher son masque, se baigner dans le soleil et manger les fruits de la nuit, épeler l'écriture de l'étoile et du fleuve, écouter ce que disent le sang et la marée,
la terre et le corps, revenir au point de départ...
Octavio Paz
in "La jarre cassée" dans "Liberté sur Parole"
AU SOMMAIRE
Délit du pied dans la porte : Renaud Marhic (Finistère), L’enfer un pied dans la porte.
Délit de poésie : Manuel Galaret (Lot), Frédéric Ohlen (Nouvelle- Calédonie)
Délit de racolage : Cathy Garcia (Lot), un nouveau recueil, Mystica perdita
Délit dedans les murs : Nathalie Riera, La parole derrière les verrous.
Délits d’(in)citations, boutures à disséminer.
Vous trouverez, c’est lassant, le bulletin de complicité au fond en sortant.
Illustratrice de ce numéro* :
Cathy Garcia
http://ledecompresseuratelierpictopoetiquedecathygarcia.hautetfort.com/
(*sauf pour les illustrations présentées avec Mystica Perdita : JL Millet)
Passez entre les fleurs et regardez :
Au bout du pré c’est le charnier.
Pas plus de cent, mais bien en tas,
Ventre d’insecte un peu géant
Avec des pieds à travers tout.
Le sexe est dit par les souliers,
Les regards ont coulé sans doute.
— Eux aussi
Préféraient des fleurs.
(…)
On va, autant qu’on peut,
Les séparer,
Mettre chacun d’eux
Dans un trou à lui,
Parce qu’ensemble
Ils font trop de silence contre le bruit.
(…)
Lequel de nous voudrait
Se coucher parmi eux
Une heure, une heure ou deux,
Simplement pour l’hommage.
(…)
Ici
Ne repose pas,
Ici ou là, jamais
Ne reposera
Ce qui reste,
Ce qui restera
De ces corps-là.
Eugène Guillevic
in Les charniers
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23/04/2009
Paul Claudel et ses Odes
« … je suis vivant dans votre nuit abominable »
Paul Claudel, « Magnificat » in « Troisième Ode »
Claudel est trop poète pour réduire le langage au récit des faits ou des idées, trop impatient pour nous mener sous de vagues prétextes à des ravissements clandestins, mais il est trop prudent pour pousser l’écriture à ses confins d’imagination gratuite, de musique pure ou d’expériences plastiques. Les vertus qu’il a sont contradictoires et son art en fait une synthèse qu’on a peu de chance de rencontrer à nouveau. Elle est peut-être à son plus haut point dans les Odes. Celles-ci se soumettent si peu à un ordre externe que l’auteur a dû les faire précéder d’arguments qui guident la lecture, mais elles sont parfaitement organisées à l’intérieur de leur mouvement. On peut y perdre pied, on se sent emporté dans une cohérence. Et chaque relecture nous y fait mieux découvrir, sous les violences de l’esprit et de l’âme, à travers les changements d’allure et les allusions bigarrées, une profonde science de la vie. Plus on comprend la structure de cette démarche, plus on aime cette extrême liberté sans désordre, une espèce d’immense cri vierge.
Extrait Préface de Jean Grosjean, éd. Gallimard, 1966
Extrait
« L’esprit et l’eau » in « Deuxième Ode »,
(…)
L’eau
Toujours s’en vient retrouver l’eau,
Composant une goutte unique.
Si j’étais la mer, crucifiée par un milliard de bras sur ses deux continents,
A plein ventre ressentant la traction rude du ciel circulaire avec le soleil immobile comme la mèche allumée sous la ventouse,
Connaissant ma propre quantité,
C’est moi, je tire, j’appelle sur toutes mes racines, le Gange, le Mississipi,
L’épaisse touffe de l’Orénoque, le long fil du Rhin, le Nil avec sa double vessie,
Et le lion nocturne buvant, et les marais, et les vases souterrains, et le cœur rond et plein des hommes qui durent leur instant.
Pas la mer, mais je suis esprit ! et comme l’eau
De l’eau, l’esprit reconnaît l’esprit,
L’esprit, le souffle secret,
L’esprit créateur qui fait rire, l’esprit de vie et la grande haleine pneumatique, le dégagement de l’esprit
Qui chatouille et qui enivre et qui fait rire !
O que cela est plus vif et agile, pas à craindre d’être laissé au sec ! Loin que j’enfonce, je ne puis vaincre l’élasticité de l’abîme.
Comme du fond de l’eau on voit à la fois une douzaine de déesses aux beaux membres,
Verdâtres monter dans une éruption de bulles d’air,
Elles se jouent au lever du jour divin dans la grande dentelle blanche, dans le feu jaune et froid, dans la mer gazeuse et pétillante !
Quelle
Porte m’arrêterait ? quelle muraille ? L’eau
Odore l’eau, et moi je suis plus qu’elle-même liquide !
Comme elle dissout la terre et la pierre cimentée j’ai partout des intelligences !
L’eau qui a fait la terre la délie, l’esprit qui a fait la porte ouvre la serrure.
Et qu’est-ce que l’eau inerte à côté de l’esprit, sa puissance
Auprès de son activité, la matière au prix de l’ouvrier ?
Je sens, je flaire, je débrouille, je dépiste, je respire avec un certain sens
La chose comment elle est faite ! Et moi aussi je suis plein d’un dieu, je suis plein d’ignorance et de génie !
O forces à l’œuvre autour de moi,
J’en sais faire autant que vous, je suis libre, je suis violent, je suis libre à votre manière que les professeurs n’entendent pas !
Comme l’arbre au printemps nouveau chaque année
Invente, travaillé par son âme,
Le vert, le même qui est éternel, crée de rien sa feuille pointue,
Moi, l’homme,
Je sais ce que je fais,
De la poussée et de ce pouvoir même de naissance et de création
J’use, je suis maître,
Je suis au monde, j’exerce de toutes parts ma connaissance.
Je connais toutes choses et toutes choses se connaissent en moi.
J’apporte à toute chose sa délivrance.
Par moi
Aucune chose ne reste plus seule mais je l’associe à une autre dans mon cœur.
Ce n’est pas assez encore !
(…)
00:30 Publié dans Paul Claudel | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
HENRY BRIGHT
« Le peintre vient à s’embarrasser quand il ne croit plus à ses yeux »
Lettre de Jean Dubuffet à Claude Simon, le 23 février 1983
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22/04/2009
Psaumes - Paul Claudel (une lecture de Claude Minière)
Paul Claudel, Psaumes, - Traductions 1918-1953
Gallimard, 2008
NOTE DE LECTURE………
« La manière que j’ai eue de mettre un pied devant l’autre, tout de même il est temps d’y songer, et toute cette écriture que j’ai écrite avec ma langue. » (Ps. 38) La réécriture des Psaumes telle que la pratique Claudel donne une excellente occasion de « voir » sa poésie. Répétitions, variations, corrections, épuisement, nouvel élan. Un pas en arrière pour mieux sauter. Langue cultivée ou des « simples », réclamations d’enfant têtu, emphase, demande nue, pression, humilité…Claudel mobilise toutes les capacités de sa lyre. « Regardez mes doigts sans aucun bruit dans le rayon de soleil qui essaient la harpe entre mes genoux : il y a dix cordes » (Ps. 32). L’instrument est toujours le même mais les changements de clef sont abrupts, selon le jour et l’heure, entre 1918 et 53. On croit entendre un écho d’Hölderlin : « L’homme, avec tout cet honneur qui lui sied, n’a pas compris » (Ps. 48), et puis c’est Homère : « Dieu va au secours du matin avec l’aurore »(Ps. 45). Le combattant échappe à ses poursuivants : il est debout sur le verset, converti, envers et contre tout dans les revers. « Egorge-Moi la glorification ! »(Ps. 49), voilà comme Claudel se permet de faire parler Dieu. Ou bien : « la beauté de la campagne est avec Moi. ».
Claude Minière
« Les psaumes, ça n'est pas fait pour dormir dans des vieux livres poussiéreux, ni pour être ânonné ou roucoulé sur des airs qui manquent d'air, de beauté, de culot. C'est fait pour vivre aujourd'hui, louer, crier, pleurer, prier, danser ce qui fait le fond et l'arrière-fond de notre présent avec toute la panoplie des douleurs, espoirs, tristesses, joies.
Plutôt que de les retraduire, Paul Claudel a voulu les répondre comme l'écho, en les recréant en toute liberté dans cette langue charnelle, baroque, bruissante qui fait son génie.
Le résultat est explosif. »
Guy Goffette (Préface)
16:51 Publié dans Claude Minière, NOTES DE LECTURES/RECENSIONS, Paul Claudel | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
Guillaume Apollinaire
LARRON
(…)
Il y avait des fruits tout ronds comme des âmes
Et des amandes de pommes de pin jonchaient
Votre jardin marin où j’ai laissé mes rames
Et mon couteau punique au pied de ce pêcher
Les citrons couleur d’huile et à saveur d’eau froide
Pendaient parmi les fleurs des citronniers tordus
Les oiseaux de leur bec ont blessé vos grenades
Et presque toutes les figues étaient fendues
(…)
G. APOLLINAIRE, Le larron « Alcools », éd. Gallimard, 1920, (p.69)
VENDEMIAIRE
(…)
Actions belles journées sommeils terribles
Végétation Accouplements musiques éternelles
Mouvements Adorations douleur divine
Mondes qui vous rassemblez et qui vous ressemblez
Je vous ai bus et ne fus pas désaltéré
Mais je connus dès lors quelle saveur a l’univers
Je suis ivre d’avoir bu tout l’univers
Sur le quai d’où je voyais l’onde couler et dormir les bélandres
(…)
Ibid, (p.142)
16:42 Publié dans Guillaume Apollinaire | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
18/04/2009
Ossip Mandelstam
OSSIP MANDELSTAM Photo couverture « Contre tout espoir »
« Il ne me reste qu'un seul souci sur terre, un souci d'or : porter le poids du temps. »
Ossip Mandelstam est né le 2 janvier 1891 à Varsovie, fit des études à Paris, Heidelberg et Saint-Pétersbourg. En 1911-1912, il participa avec Goumilov et Akhmatova à la création de l’Acméisme qui s’oppose au verbe désincarné des symbolistes par le recours à un langage « simple et concret », visant à porter à son apogée la dimension poétique du quotidien. Mandelstam est arrêté pour activités contre-révolutionnaires en mai 1938, et condamné à 5 ans de travaux forcés. Il décède le 27 décembre 1938 au goulag Archipelago près de Vladivostock (Russie). Son corps est jeté dans une fosse commune.
Poésie – Editions La Dogana, 1994 (Poèmes traduits du russe par Philippe Jaccottet, Louis Martinez et Jean-Claude Schneider. Postface de Florian Rodari) « Mandelstam est mort pour avoir dit tout haut à six ou sept personnes ce qu’il pensait de Staline, de ses doigts épais et gras comme des vers, de sa moustache grouillante de cafards. Il est mort parce qu’il ne savait se taire, qu’il voulait conserver à sa langue sa course fraîche, son existence de chasseur… Pourtant la lutte menée par Mandelstam dans le poème reflète une pensée beaucoup plus vaste et généreuse que la stricte opposition à une tyrannie particulière, elle exprime le souhait pour tous de survivre sur cette terre plus vraie et redoutable… » (Extrait de la postface) Pour + d'infos ■■■
Association Culturelle Arménienne de Marne-la-Vallée (France) Ossip MANDELSTAM |
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16/04/2009
Une lecture de Nathalie Riera
Mathieu Brosseau
la nuit d’un seul
La Rivière Echappée, mars 2009
(IV )
Ici, disparaître. Circonscrire ce rien, cet ajout de soi, ce dérèglement du regard. Dans le sort d’être et le déroulement de la formule. Se dénouer dans l’équation. Sa valeur sacrilège dans le ventre de l’Initiale s’exécute, ici, sur le passage des mondes…, ici, by its very absence.
(p.32)
Rêve et chair cherchent alliance. Ils sont vie, sont mouvement, sont ce qui se perpétue sur le sol natal, c’est-à-dire disposés à toutes les métamorphoses.
*
En soi ne cesse de se conjuguer or et mort, prairie de l’abîme ou « mélodie du labyrinthe ». Rien de mortifère, mais seulement ici, disparaître. Ou en finir, mais en finir avec quoi précisément ? Ce temps humain tout fait de fictions. Chimères, inventions, narrations de ce que nous sommes, de ce que nous vivons, et de tout ce qui nous vit, nous happe, nous possède.
Savez-vous
ce qu’il faut de
chimères
pour faire du continu… ?
*
Il n’y a pas de double de soi, mais le témoin de soi, ou témoin de votre mort, tout contre vous depuis le commencement de votre histoire, Toujours présent comme un astre jumeau. Et puis, il n’y a pas seulement ce qui avance à l’endroit, le chemin pris est toujours un retour. L’essentiel retour, comme essentiel est ce qui meurt, est ce qui ne peut périr... il nous faudra/nous mourir pour nous redevenir il nous faudra/aller en sens inverse.
Enigme et dualité de ce qui nous anime et nous divise. Tristesse et lumière. La nuit d’un seul est une invitation à ce qui est chair, sel, éther, à la parole qui ne bavarde pas, aux lèvres qui se veulent libres, ne pas se dessécher, et puis, à ce que l’on peut encore atteindre par le langage à chaque pas, un retour à soi par l’expérience poétique, sans se retourner, c’est-à-dire repartir.
Le songe de vivre et le fruit du rêve sont ce rien et ce tout, sont ce qui nous font tourment, mais pour Mathieu Brosseau il faut tristesse pour se redresser, et puis, Le feu pour sortir de l’autofiction. Le feu comme seule issue à la nuit.
*
Nous sommes ce qui cherche autre chose. Nous sommes ce qui nous lie au temps sans couleur. Nous sommes ce que nous voyons, ce qui est su et qui est inconnu de nous. Ce que je vois et ce que je suis, ce que je m’apparais et ce que je disparais totalement. Ce que j’ai aussi les yeux blancs d’un aveugle.
Ce qui nous lie nous mène à la source, hors du centre. Ce qui nous lie : volatil, aérien, coagulation.
Il y a être poète pour encore écrire, ne pas écrire, encore dire, ne pas dire. Pour être perméable comme tulle au vent (…) perméable comme gaze au soleil. Comme il y a de rêver pour son âme qu’elle retrouve l’aurore des merveilles. Comme il y a être cet enfant qui pleure de revenir au monde, et qui dit ce refus de vivre, ce cri de vie.
A la page 63 : « L’automne est notre fin, aussi. Légèreté déconcertante des feuilles, moutons de poussière volants entre les édifices, spectacle sans souffle, vision aveugle. Etouffé, le monde se tait. Cet octobre en lieu et place du linéaire, l’arrêt du cœur et de la sève montante. Tissu du continu en dehors des cycles qui ponctuent notre corps de corde. Chambrée de comètes vives, ces enfants sont nos parents, notre arrière en place des astres dormants. Ils ont le rire du fracas et la langue qui devine le dessous des pierres, ce sol, ce tapis de terre. »
*
Ce recueil, nous dit son auteur, recouvre plus de cinq années d’écriture/étude, dans le tourment et l’absorption de « la question de l’Autre insondable et la volonté de casser l’incassable relation sujet-objet ».
Où se situe la poésie de Mathieu Brosseau ? Lui-même répond, au sujet de ce recueil précisément : « combien je suis livré à interroger la parole comme instance sous-jacente au langage, comme puissance évocatrice non (encore) verbalisée. Et du mouvement qui amène cette parole à s’accoucher d’elle-même, naît une écriture non narrative, structurée comme un au-delà prescient. Là se situe ma poésie. »
A la manière d’un Jean Tardieu, Mathieu Brosseau ne se veut-il pas « désert et transparent afin de devenir un piège pour les mots » ? ou, à la manière d’un Georges-Emmanuel Clancier, se demander : « Mais qui dira si je vis ou meurs ? »
La poésie est là où le chant se courbe et se recourbe, où l’horizon s’éprouve, là où le poète marche, où lui-même est aventure éperdue. Poésie sous le signe de la chair.
Contribution publiée sur poezibao le 27 février 2009
©Nathalie Riera, Notes de lecture 2009 - Toute reproduction interdite.
Cliquez ci-dessous :
Né en 1977 à Lannion dans les Côtes d’Armor, Mathieu Brosseau est bibliothécaire à Paris. Il a publié deux ouvrages : L’Aquatone et Surfaces : Journal perpétuel. Plus récemment et en collaboration avec Thierry Le Saëc, il a publié Dis-moi, un livre d’artiste aux éditions La Canopée/La Rivière échappée. En 2006, il fonde la revue en ligne plexus-s.net et depuis 2008 il codirige avec François Rannou la collection L’Inadvertance sur le site publie.net. Il a également publié dans de nombreuses revues : Action Resteinte, Ouste, Dock(s), Boudoir & autre, L’étrangère, etc.
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14/04/2009
Changement d'adresse
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13/04/2009
Bulletin des Carnets d'eucharis n°6
© Photo en fond : Benoît Paillé
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SOMMAIRE………
Jean-Louis Bec et sa série de photographies Equus, rencontres au coin du pré
Là où l’ombre de Mario Luzi
La Galerie du tableau avec Attila Rath Geber
Bernard Plossu, French Cubism à la Galerie La Non-Maison de Michèle Cohen
Poésie : pourquoi, comment ? de Nathalie Riera en ligne sur le site Loyan
Jean Dubuffet & Claude Simon, Extrait Correspondance 1970-1984
Le monde où l’on se confesse (I) de Richard Skryzak
Faux Partir de Patrice Maltaverne
Végétal, de Sylvie Deparis, Sophie Lavaux et Jean Joubert (conférence, lecture, expo)
16:07 Publié dans LES CARNETS D'EUCHARIS (pdf & calaméo) | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
Végétal : Sylvie Deparis, Sophie Lavaux, Jean Joubert
«CONFERENCE LECTURE EXPO»
Sylvie Deparis
Le dit du lierre, Sylvie Deparis, Jean Joubert
Végétal
Sylvie Deparis .Sophie Lavaux
livres d’artistes, peintures, dessins, sculptures
18 avril au 28 mai 2009
M É D I AT H È Q U E D ’ U Z È S
41, Le Portalet 30700 Uzès 04 66 03 02 03
w w w . u z e s - m e d i a t h e q u e . c o m
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Bernard Plossu : French Cubism (hommage à Paul Strand)
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Exposition BERNARD PLOSSU FRENCH CUBISM, Hommage à Paul Strand Exposition du 30 mai au 27 septembre 2009
Après l’exposition en 2008 « Ateliers parallèles » qui réunissait deux artistes Patrick Sainton, plasticien et Bernard Plossu, photographe, Michèle Cohen, directrice de LA NON-MAISON organise du 30 mai au 27 septembre 2009 une seconde exposition avec le photographe Bernard Plossu : « FRENCH CUBISM, hommage à Paul Strand ».
Avec cette exposition, LA NON-MAISON affirme sa volonté de continuer à s’engager aux côtés de cet éminent photographe en montrant cette série inédite de photographies
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Bernard PLOSSU, [au sujet de Paul Strand] « Je suis fasciné par le cubisme discret et intelligent d'une des photos de France de Paul Strand : "Levens, Alpes Maritimes, 1950", photo verticale. Cette photo m'a permis de "voir" la France, mon pays maintenant retrouvé, et l'invisibilité du cubisme dans des rues "normales" ! Et du coup, cela fait des années que je fais des toutes petites photos, que je crois fortes, sur "un certain cubisme français en hommage à Strand" (à cette image-là surtout !) et que petit à petit ces images se sont construites en une belle série exigeante et rigoureuse, sans aucun effet : même je suis allé jusqu'à ne les faire qu'en tirages miniatures, pour garder toute discrétion et "tuer" tout spectaculaire ! » Bernard Plossu.
LA NON-MAISON Galerie
22 rue Pavillon 13100 Aix en Provence.
Michèle Cohen, directrice : 0624033931
e-mail : m.cohen@lanonmaison.com
DOSSIER DE PRESSE PLOSSU MAI 2009-LZ3.pdf
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Bernard Plossu/Hommage à Paul Strand
■ Lien : http://www.lanonmaison.com/
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10/04/2009
Jean Dubuffet
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Jean Dubuffet & Claude Simon
EDITIONS L’ECHOPPE
© Claude Simon photographié par Nete Goldsmidt
Jean Dubuffet
&
Claude Simon
Correspondance
1970-1984
Jean Dubuffet à Claude Simon
Paris, 15 mai 1973
Mon cher Claude Simon,
J’ai été très touché de votre gentille lettre, qui me parvient seulement maintenant à mon retour d’un séjour de 3 semaines à New York. Vous n’êtes pas de ceux auxquels on fait l’envoi de quelque chose et qui n’en accusent même pas réception. Comme moi, veux-je dire. C’est que je ne voulais pas seulement accuser réception du Triptyque mais je voulais vous en parler longuement, vous exprimer en termes convenablement élucidés et expressifs les sentiments que j’en ai ; et remettant toujours de rédiger cette lettre, qui nécessitait d’y consacrer un bon peu de temps, des mois ont passé sans que je le fasse. Engagé dans des travaux et projets compliqués, qui soulèvent de nombreux problèmes difficultueux, j’ai une vie suractivée et jamais de loisir. Je voulais vous dire, dans une forme convenable, et non pas brouillonne et hâtive comme je le fais ici maintenant, que votre livre présente ce caractère qui me comble de plaisir, de procurer une lecture ininterrompue, je veux dire qu’on peut à tout moment l’ouvrir à n’importe quelle page, et trouver dans cette page la substance du livre entier. C’est un livre qu’on ne peut pas lire – si lire est commencer à la première page et finir à la dernière. Ici on ne finit pas. On peut faire usage du livre une vie entière. On peut le lire aussi en remontant de la fin au commencement. Il n’a pas un sens, il en a autant qu’on en veut. C’est un livre à utiliser comme un tapis de Perse. Ou encore comme un talisman, une boule de cristal. Il est d’un usage permanent. A tout endroit qu’on l’ouvre on est immédiatement transporté dans votre monde parallèle, votre monde homologue, où se trouvent abolis le petit et le grand, le léger et le lourd, le corporel et le mental, le départ et l’arrivée, le vide et le plein. Je vous envoie, faute de temps nécessaire à m’y exprimer dans une manière plus formulée, ces impressions ainsi transcrites en brouillon désordre, comme un cochon. Vous savez que c’est mon mythe, mon obscur (et obscurantiste) idéal, de parvenir à écrire comme un cochon. Vous n’écrivez pas comme un cochon, ah non ! Vous écrivez dans une forme très magistrale, estomacante, que j’admire grandement. A vous chaudement.
Jean Dubuffet
Cette lettre a été publiée dans le n°414 de la revue Critique (1981) consacré à Claude Simon.
(p.13)
Editions L’échoppe, 1994
© Jean Dubuffet Fondation
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Jean Dubuffet
New-York 1951-1952
Jean Dubuffet à New-York - Photo © Kay Bell
Asphyxiante culture
Où en sommes-nous en 1986 ? Le combat n’a pas pris fin entre-temps. Asphyxiante culture demeure d’actualité. Ayant compris que l’ordre social est l’émanation de l’ordre culturel – et non le contraire (et qui veut contrôler l’un doit préalablement s’assurer de l’autre), chaque pouvoir – celui-ci comme celui-là – n’a-t-il pas continué à empêcher d’éclore les œufs nouveaux pondus. De sorte que la culture, institutionnalisée, publicitaire, prévaut toujours dans l’attente de cette autre, souhaitée par Jean Dubuffet, qui désignerait “ l’actif développement de pensée individuelle ”. Pour + d'infos
1986
128 pages
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