Joseph Alexandrovich BRODSKY (29/04/2009)
Nature morte
« Verrà la morte e avrà i tuoi occhi »
Cesare Pavese
1
Choses et gens nous
entourent. Et les deux
déchirent l’œil.
Mieux vaut vivre dans le noir.
Je suis assis sur un banc
du parc et je suis des yeux
une famille qui passe.
La lumière me répugne.
C’est janvier. L’hiver.
Selon le calendrier.
Quand le noir me répugnera,
alors je parlerai.
2
Voilà. Je suis prêt. Commencer.
Peu importe par où. Ouvrir
la bouche. Je peux me taire.
Mieux vaut que je parle.
De quoi ? Des jours, des nuits,
ou bien encore de rien.
Ou encore des choses.
Des choses et non des
gens. Ils mourront.
Tous. Je mourrai aussi.
Vaine entreprise.
Comme d’écrire au vent.
Extrait de Poèmes 1961-1987
Traduit par Véronique Schiltz
Monde entier/Gallimard, 1987
Stoïcisme, ironie, puissance, éblouissante virtuosité, double ancrage dans la culture russe et dans la culture occidentale, tels sont les traits les plus saillants de l’œuvre de Joseph Brodsky. L’ode, l’élégie, la ballade, le poème philosophique, il n’est pas de forme poétique dans laquelle il ne fasse preuve d’une aisance digne de Pouchkine.
{…}
Pour Brodsky, le poète est « la combinaison d’un instrument et d’un être humain », la première composante tendant à prendre le pas sur la seconde. Sa principale préoccupation ? Les effets du temps sur l’homme. « Les ruines sont le triomphe de l’oxygène et du temps », dit-il. Et les poèmes ? « Ce sont les seules bornes aux attentats du destin et à la vulnérabilité des corps ».
Jean-Baptiste Para, Présentation « Ligne de crête, lignes de feu », in L’HORIZON EST EN FEU Cinq poètes russes du XXème siècle, Poésie/Gallimard (p.22), 2005
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