25/09/2023
ROSEMARIE WALDROP - Clé pour comprendre la langue d'Amérique
■ © KEITH AND ROSEMARIE WALDROP. PHOTO : WALT ODETS.
Chapitre XXX
De leurs peintures
- Ils peignent leurs vêtements
- leurs visages à la guerre
- couleur des pensées sur l’objet qui fait défaut
- les hommes et les femmes par fierté
- adhérant tout contre
- apllique la psychologie au point de fuite
chromo
prisme
spectre
structure
goutte d’eau
rage
longueur d’onde
Je me servais de teinture d’iode pour peindre ma blessure, un motif géométrique entrelacé de chocs et de conflits. Une amarre qui arrime la confiance ou qui remorque un bateau. Une occasion d’enfler. Ou de hurler devant une nudité immediate, inutile. Bien que j’aie, en toute liberté, choisi les mauvais modèles, je possède des parties féminines et je cultive un comportement qui ne montre rien.
la pensée
sort du négatif
le vide qu’abhorre
la nature
est fertile (perspectives
variables, papier monnaie)
la mémoire refinance
lave plus blanc
[…] ................................... (p.163)
●●●
Chapter XXX
Of their paintings
- They paint their garments
- their faces in warre
- color of thought to lacking object
- book men and women for pride
- closely adherent
- applies psychology to vanishing point
poly
para
spectrum
structure
raindop
rage
wavelength
I used iodine to paint my wound, a geometrical design interwoven with collision and conflict. Line securing or towing a boat. A motivation to swell. Or scream in the face of the immediate, useless nakedness. In spite of having, without restraint, chosen the wrong role models I have female parts and cultivate outward behaviour.
thinking develops
out of the negative
the vacuum abhorred
by nature
is fertile (variables
perspectives, paper money)
refinanced memory
washes white
[…] ................................... (p.162)
Rosmarie Waldrop
Clé pour comprendre la langue de l’Amérique
A Key into the Language of America
rbl, la revue de belles-lettres
2012, 2
Traduit par Paol Keineg
CONSULTER LA REVUE DE BELLES LETTRES
| © https://www.larevuedebelleslettres.ch/revues/2012-2/
14:09 Publié dans ROSEMARIE WALDROP | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
27/06/2022
AMY CLAMPITT
Amy Clampitt
Un silence s’ouvre
[extrait]
■■■
---------------------------
Extrait
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Gaëlle Cogan
Préface de Calista McRae
Édition bilingue
Éditions Nous, 2021.
La raiponce cornue
« Chaque jour, de ce terrain
étranger d’un perpendiculaire
enchanteur, fleurissait
quelque chose de nouveau
et, après inspection
détaillée, de merveilleux —
encore une permutation
aromatique-fleurie
de la silène ou de la sauge,
de la scabieuse, de la ciste,
de l’onagre, de la
campanule, que celle-ci,
d’un genre que je n’avais
jamais vu : éperonnée,
avec des ajours en fuseau, sorte de
baldaquin sur tige,
rareté solitaire, élégante,
suspendue, d’une teinte
à mi-chemin entre l’azur
clair du romarin
et le violet plus
sombre de l’ancolie,
qui s’avéra être
nommée raiponce cornue.
Le lendemain elle n’était plus
singulière mais plurielle ;
le jour suivant, multiple.
En une semaine elle était
partout, devenue
simple raiponce cornue,
si familière que
je l’oubliai, et n’y
pensai plus, semble-t-il,
jusqu’au moment où
un volume de l’Encyclopaedia
Britannica, pris sur l’étagère
à une fin quelconque, s’ouvrit
au hasard, sur la raiponce
cornue, nommée,
dépeinte, étonnante
en mémoire tandis que l’amour ancien
refleurissait, encore vibrant. »
[pp.55-56]
■ © Éditions NOUS/NOW
18:52 Publié dans Amy Clampitt, Nous | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
08/11/2020
GERTRUDE STEIN PAR PHILIPPE BLANCHON
GERTRUDE STEIN
Vue par Philippe Blanchon
[extrait]
■■■
---------------------------
Extrait
de Gertrude Stein par Philippe Blanchon, Folio Biographies, 2020.
« […] Américaine, elle fut particulièrement sensible à la circularité du monde. Aristarque l’avait pressenti, et on sait depuis Kepler et Galilée que la Terre est ronde. Avec l’arrivée des Européens sur le continent américain et la révolution historique qui s’ensuivit, cette connaissance n’était plus seulement théorique. L’humanité, sachant qu’elle occupait dorénavant tout l’espace, en bouclant physiquement le cercle, prit conscience d’une clôture. La jeune Gertrude en fut bouleversée. Il en résulta une constante aspiration pour les infinis : celui de l’univers et celui de l’esprit humain, individualisé. La conscience de sa propre individualité – qui aurait pu ne pas être – devint sa propre obsession, obsession qui conditionnera son travail sur le langage, fascinée qu’elle fut par les singularités peuplant le monde, toutes animées par une infinité de pensées et de sentiments.
Aidée en cela par sa force créatrice, forte de son appétit pour la vie, elle s’appliqua à conjurer ses angoisses. Le goût de la vie doit s’entretenir et Gertrude Stein s’y attacha avec assiduité. C’est ainsi qu’elle a pu conduire un travail atypique sur le temps, à travers des expériences sur le langage, et mener une vie tournée vers les plaisirs s’offrant à elle. Elle en parlera comme d’un « présent continu » : un temps réinventé qui ne cesse de commencer, entre plaisirs et questionnements, et qui a construit son écriture. »
■ © Éditions FOLIO-BIOGRAPHIES
16:00 Publié dans Gertrude Stein | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
WALLACE STEVENS - Transport vers l'été
WALLACE STEVENS
Transport vers l’été
Soldat, il existe une guerre entre l’esprit
Et le ciel, entre le jour, la nuit et la pensée. C’est
pourquoi le poète est toujours dans le soleil
●●●
[Ni renard, ni croûton, ni patates]
Il n’est pas là, le vieux soleil,
Aussi absent que quand on dort.
Le champ a froid. Les feuilles sont sèches.
Mal est ultime en cette lumière.
Dans cet air morne les tiges brisées
Ont des bras sans mains. Ont des troncs
Sans jambes ou, pour cela, sans têtes.
Ont des têtes où un cri captif
Est le simple mouvement d’une langue.
La neige pétille comme une vision tombant
Du ciel, comme la vision de claires disparitions.
Les feuilles sautillent, griffent le sol.
C’est grand janvier. Le ciel est rude.
Les tiges dans la glace ont leurs fermes racines.
Là, dans cette solitude, une syllabe,
Hors de ces gauches palpitations,
Entonne son vide singulier,
Le rien le plus féroce des bruits d’hiver.
Là, dans ce mal, nous connaissons
Le bien dans la suprême pureté.
Le corbeau rouillé prend son vol.
Son œil brille de méchanceté…
On vient le voir ici pour se distraire,
Mais à distance, sur un autre arbre.
[Extrait de Transport vers l’été]
………………………………………………………………
●●● Éditions Nous, 2020, pp. 43/44.
■ © Éditions Nous, 2020
Traduit de l’anglais (États-Unis)
par Alexandre Prieux
Collection Now
208 pages
ISBN : 978-2-370840-75-2
-----------------------------
[BIOGRAPHIE]
Wallace Stevens (1879-1955) peut prétendre, en France, au titre de plus grand poète méconnu de langue anglaise. Souvent considéré comme le centre de son œuvre, Transport vers l’été restait son seul livre non traduit en français.
●●●
15:27 Publié dans Nous, Wallace Stevens | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
22/08/2016
Charles Reznikoff - Rythmes 1 & 2, Poèmes (Ed. Héros-Limite)
Charles Reznikoff
AVEC LE RÉEL
Avec « No ideas, but in things » (Pas d’idées, sinon dans les choses), maxime du poète américain William Carlos Williams, dans son poème A sort of a Song, perçu comme un mantra pour la poésie au début du XXème siècle, le poète se tient en marge des concepts et des métaphores, des abstractions et des fioritures métaphysiques. Se concentrer sur la chose pour la traiter dans son aspect défini, aux yeux des Imagistes modernes la poésie est en prise directe avec le réel, ce qui veut dire précision, économie de mots, être à l’écoute des rythmes de la parole de tous les jours : on parlera d’une esthétique démocratique.
Fils d’émigrants juifs, Charles Reznikoff, poète du courant dit « objectiviste », commence à écrire en 1918. Rhythms (1918) & Rhythms II (1919) et Poems (1920), puis Separate Way en 1936, chez Objectivist Press*. Viendront ensuite deux livres majeurs : Témoignages/Testimony (1965) puis Holocauste (1975). Ce qui réunit ces deux ouvrages, c’est la construction d’une œuvre à partir d’archives des tribunaux américains (Témoignages) et d’archives du Procès des criminels devant le Tribunal militaire de Nuremberg (Holocauste).
La poésie, pour Reznikoff, « présente l’objet afin de susciter la sensation. Elle doit être très précise sur l’objet et réticente sur l’émotion ».
* Ces deux livres sont en parution aux éditions Héros-Limite : Rythmes 1 & 2 Poèmes (2013), Chacun son chemin (2016)
22/08/2016
:- :- :- :- :- :
© Nathalie Riera
EXTRAITS
14
Comment donc vous pleurer, qui fûtes tués, gâchés,
certain que vous ne mourriez pas sans avoir achevé
Votre tâche,
Comme si la faux dans l’herbe s’arrêtait pour une
fleur ?
---------------------------------------------(p.23)
Rythmes 1
(traduit de l’anglais par Eva Antonnikov et Jil Silberstein)
How shall we mourn you who are killed and wasted,
sure that you would not die with your work unended,
as if the iron scythe in the grass stops for a flower ?
***
1
Pas même eu le temps de me tenir parmi les prés,
ni de m’offrir pleinement à la tendre écume,
et déjà te voici, vent mauvais.
---------------------------------------------(p.29)
Rythmes 2
I have not even been in the fields,
nor lain my fill in the soft foam,
and here you come blowing, cold wind.
***
13
Depuis son lit, elle pouvait voir la neige envahir
lentement les ténèbres,
compacte autour des réverbères comme phalènes en été.
Tout juste si elle pouvait bouger la tête. Des mois
qu’elle était alitée.
Son fils s’était fait grand, large d’épaules, son
visage rappelant toujours plus celui de son père à elle,
mort depuis des années.
Elle reposait sous l’édredon comme si elle-même était
recouverte de neige,
calme, affrontant la noirceur de la nuit
qu’emplissaient des flocons tourbillonnant ainsi que des étoiles.
Mort, cloué dans une caisse, son fils lui avait été expédié,
à travers villes et prairies transies et blanchies par la neige.
---------------------------------------------(p.71)
Poèmes
From where she lay she could see the snow crossing the darkness slowly,
thick about the arc-lights like moths in summer.
She could just move her head. She had been lying so for months.
Her son was growing tall and broad-shouldered, his face becoming like that of her father,
dead now for years.
She lay under the bed-clothes as if she, too, were covered with snow,
calm, facing the blackness of night,
through which the snow fell in the crowded movement of stars.
Dead, nailed in a box, her son was being sent to her,
through fields and cities cold and white with snow.
ǀ SITE : Les Éditions Héros-Limite
Cliquer ICI
19:34 Publié dans Charles Reznikoff, Héros-Limite, Nathalie Riera, NOTES DE LECTURES/RECENSIONS | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
17/03/2015
Les Carnets d'Eucharis, 2015 : Paul Auster, une lecture de la poésie française
J’ai le plaisir de vous annoncer la sortie des Carnets d’Eucharis 2015
en livraison à partir du 21 mars.
Je vous remercie pour votre soutien.
Nathalie Riera
Con piacere di annunciarvi l'uscita dei Carnets d’ Eucharis 2015
a partire dal 21 marzo.
Vi ringrazio per il vostro sostegno.
I have the pleasure to announce you the publication of the Carnets d’ Eucharis, on 2015 in delivery,
from March 21th 2014.
Thank you for your support.
Les Carnets d’Eucharis
●●●●●●Poésie |Littérature Photographie |Arts plastiques●●●●●●●●● 2015
Les Carnets d’Eucharis, Année 2015
(≠CARNET 3 – Paul Auster, une lecture de la poésie française)
Format : 160 x 240 | 248 pages
+PORTFOLIO I Cahier visuel & textuel de 16 pages
ISSN : 2116-5548 | ISBN : 978-2-9543788-2-4
France : 22 € (frais de port compris)
En livraison à partir du 21 mars 2015
●●●
(COMITÉ DE RÉDACTION)
Nathalie Riera, Claude Darras, Richard Skryzak, Tristan Hordé,
Angèle Paoli, Béatrice Machet, Sabine Péglion, Gérard Larnac,
Brigitte Gyr, Myrto Gondicas, Eva-Maria Berg, Martine Konorski et Patricia Dao
ABONNEMENT :
L'Association L'Atelier des Carnets d'Eucharis
L'Olivier d'Argens - Chemin de l'Iscle - BP 90044
83521 ROQUEBRUNE-SUR-ARGENS CEDEX
(CONTACT)
13:43 Publié dans Les Carnets d'Eucharis, Nathalie Riera, Paul Auster | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : les carnets d'eucharis, paul auster... | Imprimer | | Facebook
12/02/2015
Gregory Corso
| © Gregory Corso
his attic room, 9 Rue Git-le-Coeur, Paris
gelatin silver print
14 x 11 inches
Le Joyeux Anniversaire de la mort
[extrait]
The Happy Birthday of Death
Selected poems
Traduit de l’anglais par Blandine Longre
Introduction de Paul Stubbs
Postface de Kirby Olson
-------------------------------------------
■ Black Herald Press, 2014 ■ ICI
■ Notice bio&bibliographique
Gregory CORSO (1930-2001), l’un des poètes majeurs de la Beat Generation aux côtés de Jack Kerouac, d’Allen Ginsberg et de William S. Burroughs, a voué son existence à la poésie. Bien qu’ancrée dans la modernité, l’écriture de Corso puise également dans des traditions plus anciennes (celles, entre autres, du poète Percy Bysshe Shelley, figure tutélaire, et de l’héritage antique), révélant une poésie de nature composite, erratique et visionnaire, entre élégance lyrique et audace syntaxique, archaïsme revendiqué et facétieuse vitalité. Cet ouvrage rassemble un choix de poèmes extraits d’un recueil d’une incontestable originalité, Le Joyeux Anniversaire de la mort (publié en 1960 par New Directions), recueil qui concourut à consolider la réputation du poète, « un alchimiste des plus insolites, un belliciste des mots opérant à l’usure, bataillant aveuglément, immensément, avec le langage », ainsi que le décrit Paul Stubbs dans l’introduction au présent ouvrage.
●●●
Tortue Géante
— d’après un film de Walt Disney
Tu émerges de la mer un supplice de mer
Nuit au clair de lune tu t’alentis sur le rivage
Derrière toi tes empreintes palmées retracent ton calvaire
Une heure au bout d’une heure tu cesses ta lenteur
Pattes arrière à présent creusent creusent le sable l’humide le sable
La lune illumine la mer apaise
Ta bouche pompe tes yeux larment épais
Tu crées un trou formidable tu t’écroules à plat
Éreintement soupir effort
Œufs œufs œufs œufs œufs œufs œufs œufs œufs
Œufs œufs œufs œufs œuf œuf œuf
Poussée éreintement soupir à plat
Ta matrice humide constellée de sable tu te retournes lente
Lente tu recouvres le trou les œufs lente lente
Tu cesses ta lenteur
L’aube
Et tu tombes dans la mer comme un gros rocher
……………………………………………………………………… (p.49)
GIANT TURTLE
— from a Walt Disney film
You rise from the sea an agony of sea
Night in the moonlight you slow the shore
Behind you webbed-tracks mark your ordeal
An hour in an hour you cease your slow
Hind legs now digging digging the sand the damp the sand
The moon brightens the sea calms
Your mouth pumpingyou eyes thickly tearing
You create a tremendous hole you fall flat
Exhaust sign strain
Eggs eggs eggs eggs eggs eggs eggs eggs eggs
Eggs eggs eggs eggs egg egg egg
Heave exhaust sigh flat
Your wet womb speckled with sand you turn slow
Slow you cover the hole the eggs slow slow
You cease your slow
Dawn
And you plop in the sea like a big rock
……………………………………………………………………… (p.48)
| © BLACK HERALD PRESS, 2014
13:07 Publié dans Black Herald Press, Gregory Corso | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
21/12/2014
LES CARNETS D'EUCHARIS, 2015 (n°3) - Abonnement et souscription
Les Carnets d’Eucharis
●●●●●●Poésie |Littérature Photographie |Arts plastiques●●●●●●●●● 2015
(PAUL AUSTER une lecture de la poésie française]
Les Carnets d’Eucharis, Année 2015
(CARNET≠ 3)
Format : 160 x 240 | 248 pages
+PORTFOLIO I Cahier visuel & textuel de 16 pages
ANNE-SOPHIE MAIGNANT
ISSN : 2116-5548 | ISBN : 978-2-9543788-2-4
France : 22 € (frais de port compris)
Prix de l’abonnement annuel :
17 € (+ frais de port à ajouter :
5 € France – 7,50 € Etranger)
Publication et livraison vers le 15 mars 2015
●●●
(COMITÉ DE RÉDACTION)
Nathalie Riera, Claude Darras, Richard Skryzak, Tristan Hordé,
Angèle Paoli, Béatrice Machet, Sabine Péglion, Gérard Larnac,
Brigitte Gyr, Myrto Gondicas, Eva-Maria Berg, Martine Konorski
[ABONNEMENT]
L'Association L'Atelier des Carnets d'Eucharis
L'Olivier d'Argens - Chemin de l'Iscle - BP 90044
83521 ROQUEBRUNE-SUR-ARGENS CEDEX
(CONTACT)
© Paul Auster – Catalogue des Editions UNES
(ABONNEMENT/SOUSCRIPTION]
Les Carnets d’Eucharis, Année 2015
(CARNET≠ 3)
●●●
(COMITÉ DE RÉDACTION)
Nathalie Riera, Claude Darras, Richard Skryzak, Tristan Hordé,
Angèle Paoli, Béatrice Machet, Sabine Péglion, Gérard Larnac,
Brigitte Gyr, Myrto Gondicas, Eva-Maria Berg, Martine Konorski
●●●
(RÉDACTION & SIÈGE SOCIAL)
L'Association L'Atelier des Carnets d'Eucharis
L'Olivier d'Argens - Chemin de l'Iscle - BP 90044
83521 ROQUEBRUNE-SUR-ARGENS CEDEX
CONTACT : nathalriera@gmail.com
(ABONNEMENT/SOUSCRIPTION)
NOM/PRENOM :
……………………………………………………
ADRESSE :
……………………………………………………
……………………………………………………
……………………………………………………
CODE POSTAL /VILLE :
……………………………………………………
MAIL : …………………………………………………….
Je souhaite
■faire un don de soutien à L’Association L’Atelier des Carnets d’Eucharis
Je verse la somme de : _____________ €
■un simple abonnement à la Revue annuelle Les Carnets d’Eucharis
Prix de l’abonnement annuel :
17 € (+ frais de port à ajouter :
4 € France – 7,50 € Etranger)
□ PREMIER NUMÉRO :
Année 2013
[Susan Sontag]
21 €, frais de port compris
□ DEUXIÈME NUMÉRO :
Année 2014
[Carnet 2]
21 €, frais de port compris
Prix de l’abonnement annuel :
17 € (+ frais de port à ajouter :
5 € France – 7,50 € Etranger)
□ TROISIÈME NUMÉRO :
Année 2015
[Paul Auster]
22 €, frais de port compris
Je vous adresse le montant total de : _______ €
■par chèque à l’ordre de
L’Association L’Atelier des Carnets d’Eucharis
L'Association L'Atelier des Carnets d'Eucharis
L'Olivier d'Argens - Chemin de l'Iscle - BP 90044
83521 ROQUEBRUNE-SUR-ARGENS CEDEX
CONTACT : nathalriera@gmail.com
(SOMMAIRE]
0 I[AVANT-PROPOS](Les débuts français de Paul Auster)
Nathalie Riera s’entretient avec Danièle Robert (traductrice de l’œuvre poétique de Paul Auster et Directrice de collection aux éditions chemin de ronde]
●●●
PAUL AUSTER (Une lecture de la poésie française)
I [Dossier coordonné par Nathalie Riera]
00 I Paul Auster [PAUL AUSTER : HOMMAGE À JACQUES DUPIN (à La Maison de L’Amérique Latine, Paris, 4 mars 2013)]
00 I Angèle Paoli [Dans l’œil de celui qui parle]
00 I Béatrice Machet [Paul Auster – apophatiquement]
00 I Brigitte Gyr [Du sort du mot – de la parole – dans les poèmes de Paul Auster]
00 I Gilbert Bourson [Sur la poésie de Paul Auster / Une adhésion aux mots]
00 I Jacques Estager [De Joë Bousquet à Paul Auster, à un cheminement dans la nuit]
00 I Sabine Péglion [Paul Auster et l’écriture poétique : un instantané du monde]
00 I Emeric de Monteynard [Paul Auster, de cet œil qui révèle et du mot qui dessaisit]
00 I Patricia Dao [L’Art de la Faim]
00 I Marie-Christine Masset [Le Loup Rouge]
00 I Martine Konorski [Temps de terre, temps de Pierre – Paul Auster, architecte du chaos]
00 I Isabelle Baladine Howald [All about Paul ?]
00 I Anthony Dufraisse [Quelques pierres pour Paul Auster]
00 I Catherine Zittoun [Il sème sur les pages des pistes de mémoire]
00 I Tristan Hordé [« Ne rien dire. Dire » : notes sur Paul Auster, Dans la tourmente]
00 I Richard Skryzak […]
ENTRETIEN
0 I Tristan Hordé s’entretient avec Edith Azam
AU PAS DU LAVOIRI Poésie & Prose
00 I Gérard Larnac [WIGWAM HOTEL (avec 12 photographies de New-York)]
00 I Navia Magloire [LÈVRES NUES(extraits)]
00 I Joël-Claude Meffre [SEPT PRINTEMPS]
00 I Thierry Guinhut [À une jeune aphrodite de marbre (Choix de 5 sonnets)]
00 IGuillaume Decourt [HUIT DIZAINS HELLÉNIQUES(extraits de Les Heures grecques)]
00 I Myrto Gondicas [Histoires de Lucie]
00 I Nathalie Riera [LA BAIGNADE&BOOK STAND]
00 I Mario Urbanet [ETATS DU MONDE VIVANT]
00 I Felip Costaglioli [POÈMES CHOISIS]
LE CHANTIER DU PHOTOGRAPHE
00 IDevant le miroir (à partir des « Etudes pour Suzanne» d’Anne-Sophie Maignant) Texte : Nathalie Riera
PORTFOLIO I Cahier visuel & textuel de 16 pages
Photographies : Anne-Sophie Maignant « Is a rose rose ? » & « Suzanne au bain»
I Entrevue d’Escaudain : entretien conduit parRichard Skryzak & Nathalie Riera
CLAIRvisionI Petite anthologie d’écrits contemporains sur les arts visuels et audiovisuels (cinéma, art vidéo…)
00 IPhotos-vidéos &Texte : Richard Skryzak (Le Père, le Fils et la Télévision)
00 I Sabine Péglion : (Sculpting Time : 3 poèmes sur la rétrospective de Bill Viola au Grand Palais)
00 IJacques Sicard[Notes monochromes : Alfred Hitchock, Michaël Snow, Vivian Maïer]
TRADUCTIONS
000 IVincenzo MASCOLO Traduit de l'italien par Elena Chiti (avec la participation de Nathalie Riera)
000 IMia LECOMTE Traduit de l'italien par Raymond Farina
000 IGian-Mario VILLALTA Traduit de l’italien par Sabine Péglion & Brigitte Gyr
000 IAmir OR Traduit de l’hébreu par Aurélia Lassaque
000 IRobert LOWELL Traduit de l'américain par Béatrice Machet
000 IVera Schindler-WunderlichTraduit de l'allemand par Dominique Destraz (avec l’auteure)
000 IGwendolyn BROOKSTraduit de l'américain par Amanda Edmonds & Armelle Leclercq
eT BANC DE FEUILLES DESCENDANT LA RIVIÈRE
I Notes, Portraits&Lectures critiques
000 I[Portrait] Vera Schindler-Wunderlich par Eva-Maria Berg (traduit de l’allemand par Brigitte Gyr)
000 I[Portrait biographique]Andenken pour Georg Trakl & 3 poèmes de G. Trakl (texte et traduction d’Alain Fabre-Catalan)
000 I[Portrait critique] Pierre Soulages : le noir lui va si bien ! par Claude Darras
000 I[Lectures] Ossip Mandelstam, De la poésie (La Barque, 2013) Nathalie Riera •000 I Michel Serres, Pantopie : de Hermès à Petite Poucette – Entretien avec Martin Legros et Sven Ortoli(Le Pommier, 2014)Richard Skryzak • 000 I James Sacré, On cherche. On se demande (La Porte, 2014) Tristan Hordé •000 I Le « chantier » Cavalcanti par Claude Minière •000 I
13:26 Publié dans Les Carnets d'Eucharis, Nathalie Riera, Paul Auster | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paul auster;les carnets d'eucharis | Imprimer | | Facebook
31/07/2014
SUSAN SONTAG dans Les Carnets d'Eucharis, 2013 (N°1)
E X T R A I T S
Les Carnets d’Eucharis, Année 2013
(HOMMAGE A SUSAN SONTAG)
■■■
[…]
Devant l’image qui montre la douleur des autres, il reste à lutter contre plusieurs attitudes : la défection morale mais aussi la naïveté de qui croit découvrir l’horreur ou le cynisme de celui qui la voit comme une représentation et rien d’autre.
En entendant les propos de Macha Makéïeff à la radio vantant « la beauté convulsive » de Fukushima, j’aurais aimé lui opposer les arguments de Susan Sontag. Pour voir de la beauté dans la catastrophe, il faut soit se sentir hors du désastre, en le regardant de loin comme un spectacle et fuir ainsi sa propre peur, ou être en mesure de la transformer en œuvre, ce qui n’empêche pas d’en mesurer la réalité. De l’horreur, de la guerre, en effet, peuvent naître des tableaux et des poèmes. Otto Dix, Apollinaire, Picasso et bien d’autres artistes pourraient être cités. Cette douleur, si nous pouvons l’éloigner bien entendu, et même la transformer, elle n’en existe pas moins. Susan Sontag évoque en ce sens le travail du photographe canadien Jeff Wall comme antidote à l’indifférence devant la guerre. Il n’est jamais allé en Afghanistan mais a conçu une immense photographie[1] en 1992 à partir d’une installation mettant en scène des soldats morts. « Antithèse du document », cette image de Jeff Wall nous donne à voir l’horreur de la guerre mieux que des images de reportage réel. Il n’est pas hasardeux que l’artiste se réfère explicitement à l’œuvre de Goya.
Susan Sontag, après avoir réfléchi sur ce qui l’éloigne en partie de sa position dans ses précédents essais sur la photographie - qu’elle qualifie de conservatrice, la diffusion des images entrainant une apathie morale - explicite son cheminement de pensée en se référant à une « défense de la réalité » contre les tenants de la représentation. II faut des images, mais vues dans un cadre élargi, dans la compréhension de ce que les hommes sont capables d’infliger à leurs semblables. Revenant sur le travail de mémoire, elle choisit une posture originale : Pour elle, la mémoire est trop souvent associée à un excès de souvenirs qui rendent impossible toute réconciliation, parce que trop facilement utilisés pour opposer les identités au nom de la souffrance particulière de telle ou telle communauté. On se souviendra, outre son origine juive, qu’elle fut aux côtés des Bosniaques à Sarajevo, ou à Jenine, aux côtés des Palestiniens.
« Faire la paix, c’est oublier », écrit-elle.
Par l’image, il s’agit de faire réfléchir, non pas à une monstruosité particulière, mais de montrer de quoi l’humanité est capable en matière de cruauté et de violence. Cette conclusion paraît d’une grande sagesse dans un contexte international dominé par les violences interethniques et communautaires. Leçon de vie, pensée souple et pragmatique, culture ouverte, le livre de Susan Sontag est tout cela et reste un bel encouragement à la vigilance et à ne pas céder à la tentation du cynisme, de l’indifférence ou, pire à ses yeux, de l’angélisme.
« Nous » – ce « nous » qui englobe quiconque n’a jamais vécu une telle expérience – ne comprenons pas. Nous ne saisissons pas la chose. Nous ne pouvons pas nous représenter ce que c’était. Nous ne pouvons imaginer à quel point la guerre peut être horrible – ni à quel point elle peut devenir normale. Nous ne pouvons ni comprendre, ni imaginer. C’est ce que chaque soldat, chaque journaliste, chaque travailleur humanitaire, chaque observateur indépendant ayant connu le feu de la guerre et eu la chance d’échapper à la mort qui frappait les autres, tout près, éprouve, obstinément, et ils ont raison»[2]. […]
_______________________
© Sylvie Durbec
Extrait de « Devant Susan Sontag, écrire ? », (p.23/24)
[…]
Il est devenu plausible que, dans des situations où le photographe a le choix entre une photo et une vie, il choisisse la photo.
Puis elle-même et la rédaction, et surtout la France la meilleure, la plus consciencieuse, perdirent trois photographes et un reporter en Algérie et deux journalistes à Suez, et là Trotta lui dit : la guerre que vous photographiez pour les autres, pour le petit-déjeuner, elle ne vous épargne donc pas non plus ! Je ne sais pas, mais je suis incapable de verser une larme sur tes amis. Quand quelqu’un se précipite dans le feu pour rapporter chez lui quelques bonnes photographie de la mort des autres, il peut bien, avec cette ambition sportive, mourir lui aussi, il n’y a là rien de particulier, ce sont les risques du métier, rien de plus ! Élisabeth avait perdu toute contenance, car tout ce qu’ils faisaient à ce moment-là, elle le considérait comme la seule attitude juste, il fallait que les gens apprennent, et de façon précise, ce qui se passait là-bas, et il fallait qu’ils voient ces photos pour « être secoués, réveillés ». Trotta dit seulement : Ah bon, le doivent-ils ? Le veulent-ils ? Réveillés, seuls le sont ceux qui peuvent imaginer ça sans vous. Penses-tu être obligée de me photographier des villages détruits et des cadavres pour que je me représente ce qu’est la guerre, ou bien ces enfants indiens pour que sache ce qu’est la faim ?
De même que l’appareil photo est une sublimation de l’arme à feu, photographier quelqu’un est une sublimation de l’assassinat : assassinat feutré qui convient à une époque triste et apeurée.
Qu’est-ce que c’est cette prétention idiote ? Et celui qui ne sait rien, il feuillette vos séries de photos bien réussies, en esthète ou simplement écoeuré, mais cela doit dépendre de la qualité des clichés, tu en parles si souvent, l’importance de la qualité, est-ce qu’on ne t’envoie pas partout parce que tes photos ont cette qualité ? Demanda-t-il avec un léger mépris.
Une photo qui informe sur la détresse qui sévit dans une zone où on ne la soupçonnait pas ne fera pas la moindre brèche dans l’opinion publique, en l’absence de sentiments et de prises de position qui lui fournissent un contexte adéquat. (…) Les photos sont incapables de créer une position morale, mais elles peuvent la renforcer (…)
[…]
_______________________
© Michaël Glück
Extrait de « Tout, dans l’univers, existe pour aboutir à une photographie », (p.33)
[…]
L’aventure de la forme a été négligée, abandonnée, au profit du témoignage infini et de ce qu’un Stéphane Mallarmé appelait si justement, et avec quel dégoût, « l’universel reportage ». Inceste, viol, pédophilie, meurtre, cancer, conflit, crise financière, magouille politique, suicidé de frais, tout est bon, aujourd’hui, pour inscrire le roman dans le fil d’une actualité dont, en fait, il ne dit pas grand-chose, la critique sociale ayant, depuis longtemps, trouvé refuge dans le « roman noir ».
Le journal entretient notre représentation du monde comme fragmentation aléatoire et déréalisation quotidienne. La seule lecture que l’on peut décemment en faire est une lecture sur le mode surréaliste. Le journalisme possède, en effet, ce talent très particulier qui consiste à rendre considérable le banal et banal le considérable. Règne de la donnée hors contexte, de l’information partielle, des « chiens écrasés », de l’obsession « people », du dernier « débat de société » à la mode ; le J.T. et Internet n’ont fait que renforcer ces travers. C’est pourquoi ce dont nous aurions le plus besoin, aujourd’hui, c’est d’auteurs débranchés, inactuels, aptes à inquiéter les routines. Pas des experts en « faits divers » abonnés aux alertes automatiques de Google. Des auteurs du « dehors », en quête de vigueurs nouvelles.
Tristan Tzara, dans le manifeste Dada de 1918 : « Une œuvre compréhensible est produit de journalisme ». Aujourd’hui, la multiplication des accès à une information devenue pléthorique, contradictoire et omniprésente aurait dû frapper les auteurs par le côté précisément inconstituable de son discours. Or, tout se passe comme si l’écrivain n’avait pas noté la profonde aphasie de notre commun présent. La littérature semble partout, face au texte inarticulable de l’actualité, dans un état de sidération servile quant au contenu et de repli conservateur quant à la forme. Son obsession du sens la réduit à n’être qu’une simple donnée parmi d’autres. Les romans industriels sont devenus aussi jetables que le journal quotidien. En en empruntant les thèmes, ils finissent par en partager le destin.
[…]
_______________________
© Gérard Larnac
Extrait de « Sontag apparamment », (p.36/37)
Susan Sontag, comme chacun d’entre nous, était un personnage « de son époque ». Plus encore, elle fut l’un des principaux interprètes de cette époque. Elle sut adopter plusieurs masques littéraires comme celui de critique d’art, d’avocat polémique des causes politiques et sociales, jusqu’à celui de romancière, de correspondant de guerre, témoignant en cela de la grande variété de sa personnalité, (on pourrait même penser disparité), ce dont elle fut toujours consciente. En écrivant au sujet de Sartre elle avait lancé l’idée que le philosophe, fidèle aux rites primitifs de l’anthropophagie, les transposait afin de « manger le monde ». Elle nommait cet élan : cosmophagie. On pourrait lui retourner le compliment, Susan Sontag a avalé, a dévoré la vie comme le monde, en jouant de nombreux rôles. Une figure de l’excès s’il en fut.
[…]
_______________________
© Béatrice Machet
Extrait de « La revanche de l’intellect », (p.39)
[…]
Remettant en question sa mentalité de « citoyenne de l’empire américain », analysant avec lucidité ses contradictions personnelles ainsi que les paradoxes auxquels elle se trouve confrontée, elle tente d’approcher au mieux et de comprendre l’état d’esprit et la culture de ceux qui l’accueillent, elle, l’Américaine, avec tant de désarmante bienveillance. Une fois surmontés le côté négatif des toutes premières impressions et le désarroi qu’elles engendrent, l’une des difficultés majeures, dans la démarche intellectuelle et humaine qui est la sienne, consiste à se dépouiller des images que la femme et la militante se sont construites au cours de sa vie ; « sarabandes d’images » qu’elle porte en elle, qui forgent ses convictions et qui façonnent sa personnalité. Car « c’est une chose d’imaginer et autre chose de découvrir la réalité », de la saisir dans son épaisseur, indépendamment du « moulage qui portait la marque de l’esprit américain ».
[…]
_______________________
© Angèle Paoli
Extrait de « Trip to Hanoi ou le récit d’une « révolution intérieure » », (p.45)
[…]
« Pour moi, voyager, c’est se remplir l’esprit. (…) je vois combien la notion de « voyageur » a infiltré, parfumé, nourri mon rêve naissant de devenir écrivain. Quand je reconnais que tout m’intéresse, que dis-je d’autre, sinon que je veux voyager partout ? »
Chez Sontag les notions de lecture et d’écriture sont aussi intimement liées à la notion de voyage. Voyager pour défendre des libertés est un engagement qui se passe de toute démagogie, et sur ce point Sontag est sans concession. Elle a non seulement voyagé sur les terres de la littérature, mais elle a aussi directement vécu, pendant un certain temps, dans des pays en guerre. Durant l’été 1993, elle se rend, pour la deuxième fois, à Sarajevo pour monter En attendant Godot de Beckett – (« il était sûrement aussi dangereux d’aller à Barcelone en 1937 qu’il l’est d’aller à Sarajevo en 1993 ») – De 1965 jusqu’au début des années 1970, elle milite contre l’agression américaine au Vietnam. Autant de luttes et de positionnements qui définissent son profil d’écrivain, c’est-à-dire ne se voulant ni crédule ni idéaliste. Pour Sontag, rien de plus lamentables que ces « intellectuels tristement dépolitisés d’aujourd’hui, avec leur cynisme toujours prêt, leur accoutumance au divertissement, leur réticence à subir de l’inconfort au nom d’une cause quelconque, leur dévotion à leur sécurité personnelle. »
« L’art se crée parmi des hommes vivants et concrets, donc imparfaits. […] Il faut que votre verbe vise à atteindre les hommes et non les théories, les hommes et non pas l’art. » écrivait Witold Gombrowicz, dans son Journal, 1954.
[…]
_______________________
© Nathalie Riera
Extrait de « Susan Sontag et le désir d’une émancipation totale », (p.58)
[…]
Si la photographie a très tôt intéressé les écrivains (Hugo, Zola, Lewis Carroll), c’est que se joue en elle, à travers elle, la question de la trace, de l’empreinte, de la Graphie. Photo-Graphie. Ecriture de la lumière. Ecriture par la lumière. La lumière par l’écriture. La preuve par la lumière qui non seulement peut se voir, mais en plus s’écrire. Et que signifie au fond écrire sur la photographie sinon chercher dans l’écriture de la lumière une réponse à l’écriture du texte, c’est à dire à la lumière de l’écriture ? De ce point de vue il faut remonter très loin pour trouver l’origine du problème; à Moise et aux tables de la Loi. Moïse voit d’abord et ensuite ça s’écrit. D’où l’alliance originelle image/texte, le texte fait image car l’image est un texte. Susan Sontag, née Rosenblatt, ne peut l’ignorer. Une langue commune aux deux medias qui fonctionne au régime de la Révélation (le fameux révélateur photographique) et de l’Impression (sur un support, papier ou autre, au moment où Sontag écrit la photo argentique est encore la norme).
[…]
_______________________
© Richard Skryzak
Extrait de « Petite diversion à propos de Sur la Photographie de Susan Sontag », (p.60)
[…]
Susan Sontag a écrit “La maladie comme métaphore” à la fin des années ’70. Trente ans et des poussières plus tard, la maladie s’est compliquée, la métaphore en est devenue plus rugueuse encore, la chape de plomb s’est faite plus dense, plus lourde, plus sournoise. La maladie appartient plus que jamais à l’industrie pharmaceutique qui boursicote, protocole, cultive les effets d’annonce, promet, laisse espérer que dans quelques années au vu des résultats obtenus sur les rats, souris, lapins, cochons et autres cobayes, les malades du futur auront, sinon le privilège de guérir, au moins celui de ne plus traîner pendant toute leur vie le boulet d’avoir été un jour “gravement” malade et d’obtenir enfin un prêt dans une banque.
Or, même si l’espoir est le dernier à mourir, ça fait quand même un bail que durent ces “quelques années” parsemées de “molécules du futur”, de “nous y sommes”, de “blouses blanches reprises devant un microscope qui va voir ce que personne n’a encore réussi à voir, là bientôt, très bientôt”. Dans ce cirque médiatique qui vend de l’espoir périmé avant même qu’il n’arrive aux intéressés, le livre de Susan Sontag devient repère, il fixe les choses et nous les rend afin que nous regardions ce que tout est devenu. Un livre rare. Qui nous montre comment la métaphore de la maladie s’est développée, s’est embellie, continue à pousser dans le terreau des conflits, des injustices, des jeux de pouvoirs économiques et politiques qui parcourent désormais la planète à la vitesse des réseaux qui sillonnent espace, terre, ciel, mers, océans et air.
“La maladie comme métaphore”, Susan Sontag l’a voulu “essai”, une forme qui valorise et valide une recherche méthodique, presque universitaire mais qui en même temps s’adresse à tous sans tomber dans le piège de la “vulgarisation”. La question est trop délicate pour être simplifiée. Alors l’auteur argumente, étoffe, montre, prend à témoin l’histoire, la littérature, écarte le malade, sciemment l’évite, par respect, presque par tendresse, comme une mère elle le cache à la vindicte dont il est le sujet-objet-raison, la cause de quelque chose qui le dépasse et dont il ne sait rien. Comment pourrait-il le savoir lui qui est confronté plus que jamais à la vie dans ces instants où quelque chose a basculé ou s’est déclaré ou s’est mis à exister, à vivre. On ne meurt pas à petit feu, on meurt un point c’est tout, c’est la vie qui veut ça, pas la maladie. La maladie ne veut rien, elle vit sa vie, suit son évolution, court à sa perte de toutes les façons, guérison ou mort sont pour elle la même chose, la fin de son aventure. La maladie n’est jamais mortelle, c’est l’homme qui est mortel. Et pas seulement l’homme. Les arbres, les animaux et même la radioactivité sont mortels, ce n’est qu’une question de temps. Un jour, la vie se transforme en d’autres vies et/ou une infinité de morts, finalement chacun choisira son credo ou ne choisira rien et se laissera aller à l’indéfinition même de ce bagage encombrant. Mais mourir n’est pas au goût du jour. Dans une société qui mise sur « l’idéal d’une santé parfaite », la mort est forcément un échec. Susan Sontag revisite les siècles, la littérature, la peste, la syphilis, la tuberculose. Et le cancer. Dont elle prépare l’entrée en scène dès le début du livre, il est là entre les lignes, sujet délicat, « maladie mortelle (ou jugée l’être), parce qu’elle est ressentie comme obscène au sens originel du terme, c’est-à-dire de mauvais augure, abominable, répugnante, offensante pour les sens. »
[…]
_______________________
© Patricia Dao
Extrait de « La maladie comme métaphore », (p.62/63)
SUSAN SONTAG
Les Carnets d’Eucharis, Année 2013
(HOMMAGE A SUSAN SONTAG)
Like some Americans and many Europeans, I would far prefer to live in a multilateral world – a world not dominated by any one country (including my own).*
Comme certains Américains et comme de nombreux Européens, je préfèrerais de loin vivre dans un monde multilatéral – un monde qui ne serait pas dominé par un seul pays (quel qu’il soit, y compris le mien) – Literature is freedom(The Friedenspreis acceptance speech of Susan Sontag)
[Susan Sontag, « La littérature est la liberté » in Garder le sens mais altérer la forme, Christian Bourgois Editeur, 2008, (p.248) Traduit de l’Américain par Anne Wicke.]
Les Carnets d’Eucharis, Année 2013
(HOMMAGE A SUSAN SONTAG)
Format : 170 x 250|206 pages| ISSN : 2116-5548
ISBN : 978-2-9543788-0-0
2013
16:06 Publié dans Les Carnets d'Eucharis, Susan Sontag | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
06/06/2014
CONRAD AIKEN ... La venue au jour d'Osiris Jones / Neige silencieuse, neige secrète
ET BANC DE FEUILLES descendant la rivière *
(Nouvelles parutions, Notes, Portraits & Lectures critiques)
* Lorine Niedecker
| © Nathalie Riera
La venue au jour d’Osiris Jones | © Editions La Nerthe, 2013
Neige silencieuse, neige secrète| © Editions La Barque, 2014
« LA NERTHE ET LA BARQUE … AVEC CONRAD AIKEN »
par Nathalie Riera
■■■
-I-
La venue au jour d’Osiris Jones … Conrad Aiken est reconnu, selon les propres termes du poète et critique Allen Tate, comme « le plus polyvalent des hommes de lettres du XXème siècle : il a excellé dans la critique, dans la fiction et dans la poésie ».[1] Actuellement, deux éditeurs, en France, nous offrent à découvrir le poète américain dont sa singularité depuis T.S. Eliot ou Ezra Pound était d’être en avance sur son temps. La Barque avec la nouvelle « Neige silencieuse, neige secrète », La Nerthe avec le poème dramatique « La venue au jour d’Osiris Jones » : deux livres qui participent d’une rencontre avec un poète qui « connut une relative reconnaissance » davantage auprès de ses pairs que des lecteurs.[2]
Une vie littéraire passée sous le signe de la discrétion et d’une « solitude essentielle », poète de « force lyrique », Aiken ne s’interdit cependant pas une « spécificité prosodique », précise l’éditeur, ajoutant par ailleurs : « Rien de ce qui se perçoit, la vue et l’ouïe dominant, n’échappe à la dramaturgie ».[3]
« Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage » pourrait nous dire Aiken, très tôt marqué par l’évènement traumatique que fut le suicide de son père, William Ford Aiken, après que celui-ci eût tué sa femme, la mère de Conrad alors âgé de onze ans. Dans une note de « La venue au jour… » Aiken nous éclaire sur l’origine du nom « Osiris » :
Quant au titre de mon poème, je ne peux que citer Le Livre des Morts, p.29 : « Dans toutes les versions du Livre des Morts, Osiris est toujours le nom donné au mort et, comme il était toujours admis que ceux pour qui elles furent écrites seraient innocentés par la Grande Balance (…) elles étaient toujours écrites à partir de leurs propres noms ». (p.11)
Dans « Inscriptions diverses » :
En lettres dorées sur un panneau noir se balançant
Docteur William F. Jones
(p.41)
Ö mort, en forme de changement, en forme de temps,
dans l’éclat d’une feuille et d’un murmure, charmant dieu
dont la divinité est fumée, dont le délice
est glace en été et l’arbousier
sous la congère et l’eau de la rivière coulant
vers l’ouest parmi les roseaux et les oiseaux volants
par-delà l’obélisque et les hiéroglyphes –
pourquoi et d’où chuchotés, question dans l’obscurité
réponse dans le silence, mais un tel silence, ange,
est aussi la seule réponse des dieux qui cherchent des dieux –
réjouissons-nous, car nous sommes venus dans un monde
où la pensée n’existe pas.
(p.101)
…
Les livres
Mon cœur de ma mère – mon cœur de ma mère – mon cœur de mon être, –
ne témoigne pas contre moi, –
Ne me repousse pas vers les ténèbres !
■■■
-II-
Neige silencieuse, neige secrète … la neige au-dessus de tout cloisonnement, « s’alourdissant plus chaque jour, emmitouflant le monde ». Là où le secret est comme « lieu de forteresse, de rempart derrière lequel il pouvait se retirer dans un isolement divin », tout le récit de « Neige… » se tient sur ce qui pourrait être perçu comme une faille, ou l’étrangeté d’une attitude, celle d’un enfant de 12 ans, du nom de Paul Hasleman : « La chose était avant tout un secret, quelque chose à dissimuler précieusement à Père et Mère »[4]. Et ainsi que lui-même le dit : cette chose lui appartient, est sa récompense. Il se fait en lui « une sensation de possession » et à cela la presque certitude d’« une sensation de protection ». A Paul Hasleman un monde nouveau s’est ouvert. Dans ses « Mots pour… » l’éditeur se risque à l’expression de Pietro Citati : « le royaume de la schizophrénie », mais cela pour nous dire plus précisément que dans ce monde de neige rien n’est enfermé : « Et c’est là le merveilleux, que ce texte n’enferme rien, pas même la folie »[5].
Et il ne pouvait y avoir le moindre doute – pas le moindre – que ce monde nouveau était le plus profond et le plus merveilleux des deux. Il était irrésistible. Il était miraculeux. Sa beauté allait simplement au-delà de tout – au-delà de la parole et au-delà de la pensée – éminemment incommunicable. Mais comment alors trouver un équilibre entre ces deux mondes dont il avait sans cesse conscience ? (p.14)
Comment au cœur de la vie de tous les jours éviter de ne pas être pris d’un déchirement, de par la simultanéité même d’une « vie publique » et d’une « vie secrète ». Paul Hasleman se résout à ne rien dévoiler, « continuer à se tenir à l’écart, puisque l’incommunicabilité de l’expérience l’exigeait ».[6] D’ailleurs, ne faut-il pas à ce monde secret indévoilable ou inavouable lui promettre d’à jamais préserver « cette combinaison extraordinaire de charme éthéré et de quelque chose d’autre, innommable ».
Conrad Aiken a dit au sujet de son récit « Silent Snow, Secret Snow » qu’il était une projection de sa propre inclinaison à la déraison.[7]Neige silencieuse, neige secrète est un voyage captivant dans les éminences non moins inéluctables que les creux. En Paul Hasleman, que ne cesse alors cet autre monde où « la neige riait ». Est-il vain de penser que, par ce récit en éloge d’un univers intérieur, Aiken nous livre peut-être une clé.
Deux livres pour nous réjouir. En compagnie d’un poète pour qui est de saisir et non de régenter la matière du monde.
Nathalie Riera, juin 2014©Les carnets d'eucharis
LA NERTHE
Conrad Aiken LA VENUE AU JOUR D’OSIRIS JONES
Traduction de Philippe Blanchon
| © Cliquer ICI
LA BARQUE
Conrad Aiken NEIGE SILENCIEUSE, NEIGE SECRÈTE
Traduction de Joëlle Naïm
| © Cliquer ICI
NATHALIE RIERA
Les Carnets d’EucharisET BANC DE FEUILLES descendant la rivière
| © Cliquer ICI
[1]In 1969 the poet-critic Allen Tate, Aiken's opposite both in poetic temperament and in his views on art, politics and religion, called Aiken "the most versatile man of letters of the century: He has excelled in criticism, in fiction and in poetry."
http://www.georgiawritershalloffame.org/honorees/biography.php?authorID=1
[2] Conrad Aiken, « La venue au jour d’Osiris Jones », La Nerthe, 2013 in« Conrad Aiken et sa sortie au jour » de Philippe Blanchon, (p.1)
[3]Ibid., (p.6)
[4] Conrad Aiken, “Neige silencieuse, neige secrète”, La Barque, 2014, (p. 5)
[5] Ibid., in ‘Mots pour…” d’Olivier Gallon, (p.47)
[6] Conrad Aiken, “Neige silencieuse, neige secrète”, La Barque, 2014, (p. 20)
[7] Aiken once said that his short story "Silent Snow, Secret Snow" (a psychological portrait of a disturbed boy) was "a projection of my own inclination to insanity." http://www.poetryfoundation.org/bio/conrad-aiken
19:00 Publié dans Conrad Aiken, La Barque, La Nerthe | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
22/05/2014
Susanne Dubroff
SUSANNE DUBROFF CINQ POEMES / FIVE POEMS
Poèmes traduits par Raymond Farina
***
(Ingmar)
Gestes en accord avec ce qui a été donné
Tous les coups pris pendant l'enfance
Quelque chose qui lui dit :
Vas-y C'était bien sûr plus
qu'un homme qui veut vaincre.
Une fidélité ?
Acte après acte, peut-être calcula-t-il
prenant des risques comme les acrobates
Même au cours des premières années à Stockholm quand
tout ce qu'il pouvait faire c'était crier et insulter
mais assez longtemps et assez bruyamment pour que
quand les acteurs ne voulaient pas écouter le regardaient de haut
Victor Sjöström les saisît par la nuque
fît avec eux les cent pas devant le studio
silencieux la plupart du temps, mais en leur adressant
de temps en temps de claires de simples suggestions...
L'action, qui est après tout
une sorte de divine résistance est le rôle qu’on doit jouer
Assez disait-il de ce non-sens
les choses ont à faire sens
et à l’intérieur du petit cabinet blanc
l'enfant criant pour lui
persistait dans sa secrète terreur
de l'existence jusqu'à ce que prît forme
une Samothrace et que personne n'en fût
plus étonné que lui.
-------------------------
(Ingmar)
Gestures in accord with what has been given
All the knocks he took as a child
something telling him
Go on It was of course more
than a man wanting to win.
A faithfulness?
Acte after act perhaps calculated
the way acrobats shoulder the risk
Even in the early years in Stockholm when
all he could do was scream and curse
but long enough and loud enough so that
when the actors wouldn’t listen looked down on him
Victor Sjostrom grabbed him by the nape of the neck,
walked him up and down in front of the studio
silent for the the most part but now and then
giving him clear simple suggestions
Action which is after all
a kind of divine resistance is our part
Enough he said of this nonsense
things having to make sense
and inside the thin white closet
the child screaming to himself
persisted in the locked terror
of existence until it took form
a Samothrace and no one
was more surprised than he
-------------------------
(LES CHASES)
Ceux, dans les bus,
qui s'accrochaient à la courroie,
la femme de Jack Chase aimait les peindre.
Elle était, je pense, une sorte
d'Orozco des villes dortoirs des Etats-Unis.
Etait-ce à Quincy, après qu'ils aient quitté le Vermont
parce qu'il était trop vert - ces tableaux,
qui avaient chacun des couleurs insupportablement originales!
Petite dame, dodue, trapue, à la tignasse noire,
avec des socquettes et des chaussures à lacets, la cigarette
au coin de son sourire,
elle croyait à chaque pli et fossette
chaque soigneuse caresse d'étoffe. Où sont-ils aujourd'hui ?
Désaxés sur les roues du voyage ?
Offrant des miettes d'amour absurde, dont
le poète a dit que nous en avions ensuite la charge
même si nous n'en pouvions plus.
-------------------------
(The Chases)
The ones on buses,
who’d hang on by the strap,
Jack Chase’s wife, I think, a sort of
Orozco of the U.S. bedroom town.
Was it in Quincy, after they left Vermont
because it was too green – those paintings,
each unbearably colorful individual!
Small, plump, stumpy lady, shock of black hair,
oxfords and bobby socks, cigarette
in one corner of her smile,
she believed each crease and dimple,
Careful caress of cloth. Where are they now?
Splayed over the wheels of the journey?
Holding out bits of absurd love, for which,
the poet said we’re charged afterwards
even though we couldn’t possibly?
-------------------------
(FAIM)
I.
La faim est foi.
Cela se voit dans les yeux noirs
des enfants
dans Brot* de Käthe Kollwitz.
Ils croient en elle,
lèvent leurs assiettes,
tirent sur sa jupe,
qui couvre un corps
défait ;
II.
Selbst-bildnis*,
le regard las, déconcerté:
« Refuserai-je de prêcher ?
Plus de Nie wieder Krieg*
est-ce bien ce qu'ils veulent »
* Pain, 1924, lithographie de Käthe Kollwitz.
* Auto-portait, 1934, tableau de Käthe Kollwitz.
* Tu ne feras point
-------------------------
(HAMLET)
Un éclat
de ces rivières noires
sur lesquelles Ophélie
flotte comme la vérité.
Et ce jeune homme rendu fou, son vieux
couteau entre les dents,
regarde ! il attrape tous les verbes ;
Gertrude quitte indignée la scène.
-------------------------
(Hamlet)
A flash
of those dark rivers
on which Ophelia
floats like the truth.
And that maddened boy, the old
knife in his teeth
look ! He’s taking all the verbs ;
Gertrude’s flouncing off the stage.
-------------------------
(Djuna Barnes)
Aucune bravoure n'est jamais applaudie
et vous le saviez.
Moins que toutes les autres la bravoure
de la présence.
Elle s'est appuyée sur vous
et vous l'avez laissé faire;
ce fut tout.
Comme une vieille statue
qu'on n'a pas nettoyée,
avec ses pigeons, ses pigeons.
-------------------------
(Djuna Barnes)
No bravery is ever applauded
and you knew it.
Least of all the bravery
of presence.
She leaned into you
and you let her;
that was all.
Like some old, unwashed
Statue,
its pigeons, pigeons.
■■■Susanne Dubroff est née à Berlin en 1930. Elle a quitté l’Allemagne avec sa famille à l’âge de huit ans pour les USA. Elle vit dans le New Hampshire. Elève de Denise Levertov, elle a collaboré à de nombreuses revues telles que Tendril, Sou’wester, Southern Illinois University, Sonora Review (University of Arizona),The Christian Science Monitor, International Review of Poetry (University of North Carolina),The Bitter Oleander ( New York ), The Hampden-Sydney Poetry Review, The Mid-American Review, Luna (The University of Minnesota), Poetry, The Paris Review (New York), Circumference (University of Columbia). Ses poèmes ont été traduits en français et publiés dans les revues Arpa, La Barbacane, Lieux d’Etre et Le Journal des Poètes. Elle a participé à de nombreuses manifestations poétiques et a traduit des poèmes de Rilke, de Goethe, de Mallarmé et de Gustavo Adolfo Bécquer. Elle est également l’auteure des traductions de deux anthologies de poèmes de René Char : « Nothing Shipwrecks Itself » (Mid-American Review Press) et, plus récemment, « René Char, This smoke that carried us » (White Pine Press, New York, 2004). Parmi ses recueils récents figurent : « You & I » ( Kinsman Press,Franconia,1994 ), « The One Remaining Star » (WordTech Editions, Cincinnati, 2008) et “Saxophones Were Banned in Albania” (CreateSpace Independent Publishing Platform, 2012).
23:17 Publié dans Raymond Farina, Susanne Dubroff | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
Robert Lowell
■■■
Robert Lowell (1917-1977)
BIOBIBLIOGRAPHIE | Boston, MA, United States
Robert Lowell
sitting on a terrace, Paris, 1964
Black-and-white photograph; Fiber Base Silver Gelatine Print; white outline border
| © Cliquer ICI
AUTRES SITES
The Paris Review No. 25, Winter-Spring 1961
Robert Lowell, The Art of Poetry No. 3
Interviewed by Frederick Seidel
| © Cliquer ICI
From Robert Lowell’s Notebook | © Cliquer ICI
Nine Poems by Ossip Mandelstam
Robert Lowell, The Art of Poetry No. 3Ossip Mandelstam
translated by Olga Andreyev Carlisle and Robert Lowell
| © Cliquer ICI
22:33 Publié dans Robert Lowell | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
21/05/2014
Edward Estlin Cummings, Paris, Seghers, 2014 (Une lecture de Tristan Hordé)
●●●
UNE LECTURE DE TRISTAN HORDÉ
…
© The Famous People │ http://www.thefamouspeople.com/profiles/e-e-cummings-160.php
Paris
Edition bilingue
traduit de l'anglais et présenté par Jacques Demarcq
Edward Estlin Cummings
Seghers, Poésie d’abord, 2014
Site éditeur | © http://www.editions-seghers.tm.fr/site/paris_&100&9782232123849.html
______________________________________________________________
■■■
Nombre d'artistes américains, après Gertrude Stein installée dès le début du XXe siècle, sont venus à Paris au cours des années 1920, et certains y ont vécu plus ou moins longtemps, d'Hemingway à Alexander Calder, qui s'installa ensuite en Touraine. Cummings (1894-1962) y est venu en 1917 quelques semaines, pendant la Première Guerre mondiale, y a vécu deux ans à partir de 1921 et y est retourné régulièrement ensuite. La quarantaine de textes (proses, poèmes — parfois partiellement en français —, article pour Vanity Fair et lettres) écrits à propos de la ville, de 1918 à 1957, dispersés dans plusieurs recueils, sont réunis dans ce livre et présentés de manière précise dans la postface de Jacques Demarcq. Ils sont accompagnés de neuf dessins (crayon ou encre), tracés entre 1917 et 1933.
Cummings distingue nettement, en 1926, un Paris pour touristes (qu'il désigne par "Paree", prononcé à l'anglaise) avec ses lieux obligés (Montmartre : « machine totalement dénuée d'intérêt servant à débarrasser les Anglo-Saxons de leur papier monnaie »), de la ville authentique ("Paname"), avec ses bistrots, la Foire aux pains d'épices (nommée ensuite Foire du Trône), les courses, le Cirque d'hiver, le Jardin du Luxembourg, les péniches et les bateaux-mouches, bref : « le profond, l'extraordinaire, le lumineux triomphe de la Vie même et d'une ville fondée sur la Vie ». En 1953, revenant sur ce qu'avait été Paris dans sa jeunesse, il y reconnaît le lieu de « la miraculeuse présence [...] d'êtres vivants [...] et où la beauté fleurissait dans ma vie comme une étoile. » C'est ce Paris qui est exploré dans sept chapitres regroupant des textes en ensembles : "Les Halles, le Marais", Montparnasse", Grands Boulevards, Pigalle", etc.
C'est surtout ce qui se passe quotidiennement dans la rue qui est retenu, mais certaines scènes singulières sont décrites. Par exemple, dans une lettre à sa mère, il rend compte avec humour des funérailles officielles de Joffre, regardant avec détachement ce qui se voulait solennel et, ainsi, tournant en dérision ce qui appartient à l'institution : « Tout le monde prenant le spectacle pour un pique-nique désordonné doublé d'un music-hall universel. » Il s'attache aux éléments d'une vie passée, totalement disparus aux États-Unis, comme les joueurs d'orgue de barbarie, ou « à / denfert l'hercule gras [qui] a étalé son tapis », ailleurs les enfants acrobates pour les passants ou ceux qui vendent des fleurs — « sautez dansez gamins hop suivez du doigt le rouge bleu blanc violet orange verd- /oyant ». Ce qu'il rejette fortement de son pays natal, l'argent édifié en unique valeur et le vide de la pensée, se lit dans une saynète, dialogue entre deux touristes américaines, riches et prétentieuses, dans un restaurant des Halles, avec mise en place du décor (« La scène se passe la nuit au Père Tranquille, dans le quartier des Halles. Des putains endormies. (etc.) » ; s'ajoute l'esquisse d'une américaine qui dépense « un fric incroyable ».
Cummings fréquente les expositions et un poème daté de 1920 évoque les peintres Picabia, Picasso, Matisse, Kandinsky, Cézanne ; mais il ne néglige pas les spectacle comme ceux des Folies-Bergères et il écrit, en 1926, pour la revue Vanity Fair un long éloge de Joséphine Baker dansant, en se moquant du moralisme des spectateurs. Il rapporte aussi des scènes plus intimes, avec Marie-Louise « aux jambes de reine » dont il dessine le visage ; il ne cache pas sa nostalgie de l'enfance, du temps aussi de la "Grande époque", celle du dadaïsme déjà dans le passé en 1923 ou de poètes selon son cœur comme Swinburne.
Regrouper des poèmes écrits au cours d'une quarantaine d'années aboutit à donner à lire des manières différentes d'écrire. À côté de proses et de poèmes de facture classique, le lecteur retrouvera au fil des pages les ruptures introduites par Cummings dans son écriture. Par exemple, il introduit ici un complément de lieu dans une parenthèse entre un pronom ("je") et le verbe, mais là, outre ce procédé qui contraint à revenir sur sa lecture, il introduit des coupes à l'intérieur même des mots — ce qui pose de redoutables difficultés au traducteur :
(the;mselve;s a:nd scr;a;tch-ing lousy full. of rain
beggars yaw:nstretchy:awn)
devient :
(le;s s;e gr,att-ant poux pleins.de.pluie mendiants
b:âillents'étirentb:âillent
Non pas seulement jeu, puisque le poème construit sur les articulations "quand... quand... alors", s'achève sur l'union, dans les mots, du couple : « nous / toi-avec-moi / autour de (moi)toi / d'un seul JeTu ».
Cette mise en pièces des règles morphologiques peut être plus forte, et les frontières de mots disparaissant dans :
and, b etw ee nch air st ott et er a thresillyold
WomanSellingBalloonS
traduit par
et, e ntr el esc ha ise sc lop in e lavieille idiote
QuiVendDesBallonS
Jacques Demarcq, traducteur déjà de plusieurs œuvres de Cummings(1), met en relation dans la postface des épisodes de la vie du poète avec les textes c'est apporter un éclairage utile pour comprendre ce qui peut être allusif dans les poèmes. En même temps, cela constitue une introduction à une écriture encore déconcertante pour bien des lecteurs. Ce Paris est un livre à lire et relire.
______________________
1. Récemment, Érotiques (Seghers, 2012) et 1x1 (La Nerthe, 2013)
Tristan Hordé, mai 2014 © Les Carnets d’Eucharis
■■■Edward Estlin Cummings
Néen 1894 à Cambridge (Massachusetts). Étudiant à l'université Harvard, il vient en France comme ambulancier en 1917. Ses convictions pacifistes lui valent trois mois de détention à La Ferté-Macé (Orne). Cette expérience lui inspire L'Énorme Chambrée, un récit enjoué et moqueur, remarqué dès sa sortie par la critique et figurant depuis parmi les classiques. Toute sa vie, Cummings écrira des poèmes, sur l'actualité parfois et sur la vie sociale, mais plus souvent sur les thèmes éternels de la nature et de l'amour, dans un style de plus en plus novateur, bousculant les formes et repoussant les frontières du langage. Très populaire auprès des jeunes après la Seconde Guerre mondiale, Cummings est mort en 1962.
SITES À CONSULTER
Sur le site : Seghers | Paris
Sur le site : Seghers | Erotiques
Sur le site : La Nerthe | 1 x 1 [une fois un]
| © Cliquer ICI
22:36 Publié dans E.E. Cummings, NOTES DE LECTURES/RECENSIONS, Tristan Hordé | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
10/05/2014
Diane Glancy
■Diane Glancy ©Photo : http://www.dianeglancy.org/
Diane GLANCY
Ecrivain & Poète Cherokee
(Née en 1941)
■ LIEN : http://www.hanksville.org/storytellers/glancy/
SITE OFFICIEL
■ THE POETRY FOUNDATION
■ http://www.poetryfoundation.org/bio/diane-glancy
Eclipse Solaire
Chaque matin, je me lève invisible. Je fais une aiguille d’un piquant de porc-épic, coud les pieds aux jambes, soulève la colonne vertébrale posée sur mes cuisses. J’enfile ma côte et ma clavicule. Je plante une oreille sur ma tête, me colle des yeux. Je sais à peu près ce qu’il faut voir. Ma gorge s’enfle de colère. Je me fais une main pour contenir ma douleur. Mon cœur est un trou de la taille de l’éclipse du soleil. Toute la journée je lutte un cheveu après l’autre jusqu’à ce que la lune bouge de devant le soleil et cela fait une lumière identique à celle d’une lampe de kérosène dans une cabane. J’enfile une robe, passe un châle sur mes épaules. Maintenant, je sais qu’on me voit. J’ai une ombre. Je mets un chapeau, un manteau sur mon ombre, une autre robe plus large, je passe d’autres châles et des chemisiers et des jupons jusqu’à ce que l’ombre même ait une substance.
_______________
DIANE GLANCY | Offrande pour Iron Woman
Traduit de l’américain par Béatrice Machet
Editions Wigwam, 2006
15:02 Publié dans Diane Glancy | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
05/05/2014
Susan Sontag - Joseph Brodsky
Susan Sontag
& Joseph Brodsky
| © Sur la photo : Susan Sontag, Annie Epelboin & Joseph Brodsky
EXTRAITS DE TEXTES
(choisis par Nathalie Riera)
Sempre Susan/Souvenirs sur Sontag
Sigrid Nunez
13E Notes Editions, 2011
- :- :- :- :- :- :- :-
Marcelin Pleynet dans l’atelier de Robert Motherwell
Extrait du Journal de l’année 1988
Marcelin pleynet
In « Ironie Ironie Ironie »
Interrogation Critique et Ludique n°171 – décembre 2013
Blog : Ironie
| © http://interrogationcritiqueludique.blogspot.fr
Sempre Susan/Souvenirs sur Sontag
Sigrid Nunez
(Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Ariane Bataille)
13E Notes Editions, 2011
Joseph Brodsky avait trente-six ans. Il venait de s’installer aux Etats-Unis – et deviendrait citoyen américain l’année suivante ; expulsé en 1972 de sa patrie, la Russie soviétique, il avait vécu, depuis, dans différentes villes européennes. Une existence très dure incluant le siège de Leningrad par les Allemands pendant lequel il était presque mort de faim, un an et demi de travaux forcés dans une ferme (fraction de la peine de cinq ans pour « parasitisme social » purgée en exil au nord de la Russie avant que la sentence ne soit commuée), le tabagisme et une maladie cardiaque l’avaient prématurément vieilli. Son crâne dégarni, ses dents manquantes, son ventre bedonnant, les vêtements informes et négligés qu’il portait tous les jours n’empêchaient pas Susan de lui trouver une allure extrêmement romantique. Dès le début de leur amitié qui durerait jusqu’à la mort de Brodsky en 1996, elle fut folle de lui. Elle faisait partie de ces Américaines lettrées pour qui les écrivains européens seraient toujours supérieurs à leurs compatriotes, et pour lesquelles un auteur russe, surtout un poète, possédait un attrait particulièrement exaltant et séduisant. W.H. Auden et Anna Akhmatova ne tarissaient pas d’éloges sur Joseph Brodsky, qui était aussi un héros*. Et même un martyr* : un écrivain qu’on avait traité comme un criminel à cause de son art. D’ailleurs, tout le monde savait qu’il allait remporter le Prix Nobel. Susan était à ses pieds. Elle décelait des éclairs de génie dans la moindre de ses réflexions, dans les calembours qu’il n’arrêtait pas de faire (« Muerto Rico »), dans ses railleries désinvoltes (« Si tu veux être citée, ne cite pas les autres »). Elle supportait ses interminables diatribes contre Tolstoï (il comparait Tolstoï, «en aucun cas l’égal de Dostoïevski », à une sorte de Margaret Mitchell pour intellectuels qui aurait ouvert la voie au réalisme socialiste), ainsi que ses jugements littéraires bizarres (l’écriture de Nabokov avait « trop mariné »). Elle lui pardonnait sa grossièreté (les étudiantes de Mount Holyoke, où il enseignait, étaient des « chiennes » ; les homosexuels minaudaient « pour se faire mettre »).
[…]
Joseph était drôle. Il avait un rire exquis, lèvres serrées, presque un gémissement ; et il riait beaucoup. Malgré les brutalités dont il avait été victime, il gardait un cœur tendre. Il soutenait avec virulence que les poètes étaient des êtres humains d’une classe supérieure, affirmait comptait lui-même parmi les meilleurs du monde ; et cela sans être pour autant snob ou prétentieux. Cet homme généreux, naturellement affectueux, aimait prendre du bon temps – en le partageant de préférence avec une nombreuse compagnie – et possédait un sens de l’humour juvénile, espiègle. Il adorait les chats ; il lui arrivait de pousser un miaulement en guise de bonjour.
------------------------------ (p. 28/29)
[* Remarque de Nathalie Riera : J. Brodsky « héros » et « martyr » selon les termes de S. Nunez : ces deux appellations seraient inacceptables pour Brodsky. « Sempre Susan » renferme beaucoup de maladresses dans l’usage d’expressions telles que celles-ci ; sans compter mes quelques interrogations, pour ne pas dire mes quelques doutes, après la lecture de cet ouvrage, notamment sur la relation de Nunez à Sontag, et de son étrange manière de nous soumettre à son jugement, comme une volonté à vouloir régler ses comptes avec l’écrivain. ]
Marcelin Pleynet dans l’atelier de Robert Motherwell
Extrait du Journal de l’année 1988 (inédit)
Marcelin pleynet
In « Ironie Ironie Ironie »
Interrogation Critique et Ludique n°171 – décembre 2013
Nice, mercredi 20 février
[…]
L’action, si l’on peut dire…, disons la « mauvaise action », se passe à Venise. Ville que Brodsky dit aimer pour tout ce qu’elle n’est pas, et où la seule rencontre notoire qu’il y fasse, semble être celle de… Susan Sontag. « Au Londra, où je séjournais aux frais de la Biennale de la Dissidence (…), je reçus un appel téléphonique de Susan Sontag qui séjournait au Gritti dans les mêmes conditions. »
Le décor est posé. Nous sommes entre gens de bonne compagnie. Suit le dialogue : « Joseph, dit-elle, que fais-tu ce soir ? – Rien, répondis-je. Pourquoi ? – Voilà, je suis tombé sur Olga Rudge aujourd’hui sur la piazza. Tu la connais ? – Non. Tu veux dire la femme de Pound ? – Oui, dit Susan (comme on sait, voir plus haut, Olga Rudge ne fut pas « la femme de Pound ». Pound était marié avec Dorothy Shakespear. Il rencontre Olga Rudge en 1923, et ne tarde pas à partager, et jusqu’à ses derniers jours, son existence entre ces deux femmes qui se connaissent et autant que possible s’estiment)… Oui, dit Susan Sontag, et elle m’a invitée pour ce soir. Je n’ai pas la moindre envie d’y aller toute seule. Tu ne pourrais pas venir avec moi… ?
Et c’est ainsi que les deux grands spécialistes de la « Biennale de la Dissidence » (sic) vont rencontrer celle à qui l’on doit la redécouverte des partitions de Vivaldi.
[…]
http://interrogationcritiqueludique.blogspot.fr
© Joseph Brodsky
●●●
Joseph Brodsky (1940‑1996)
Poète russe, essayiste anglais et citoyen américain Joseph Brodsky est né à St.Pétersbourg en 1940. Dès la lecture de ses premiers vers, Anna Akhmatova salue en lui le poète le plus doué de la jeune génération. Arrêté, jugé le 18 février 1964 pour parasitisme social et fainéantise, il est condamné à cinq ans de travaux correctifs. Après une campagne internationale, il est libéré en 1965, mais quasiment interdit de publier en URSS. Poussé à émigrer en 1972, il s'installe d'abord à Vienne, avec l'aide du poète anglais W. H. Auden, puis aux États Unis. Ses poèmes, conçus pour la déclamation et la lecture publique, sont essentiellement en russe, alors que sa prose est en anglais. Ses thèmes de prédilection sont historiques et mythologiques, marqués par une forte préoccupation éthique. Il est le traducteur en russe de Donne et de Marvell et un écrivain fortement inspiré par les œuvres de Kafka, de Proust et de Faulkner. En 1991, il devient poète lauréat en Amérique, après avoir reçu le prix Nobel de littérature en 1987. On lui doit notamment Collines et autres poèmes, Aqua Alta et Urania, ainsi que de nombreux essais (Moins qu'un homme, 1986 ; la Peine et la raison, 1995).
© Susan Sontag
●●●
Susan Sontag (1933‑2004)
Susan Sontag est sans doute l'écrivain américain le plus « européen ». Née en 1933 à New York, c'est à l'âge de trente ans que Susan Sontag publie son premier roman, Le Bienfaiteur (Le Seuil, 1965), une étude sur la formation de la personnalité. Dans les années 60, elle écrit pour différents magazines et revues. Très engagée à gauche, figure de la scène new-yorkaise, elle est proche d'intellectuels français comme Roland Barthes, auquel elle a consacré un livre (L'écriture même : à propos de Roland Barthes, Christian Bourgois éditeur). Elle publie en 1977 un essai, Sur la photographie, où elle s'interroge sur la différence entre réalité et expérience. Elle défend le concept de « transparence », autrement dit de l'évidence de l'œuvre, avant toute interprétation. Elle publie L'Amant du volcan (1992) et En Amérique (1999) pour lequel elle a reçu le National Book Award. Elle a reçu le Prix Jérusalem pour l'ensemble de son œuvre et en 2003 le Prix de la Paix des libraires à Francfort. Susan Sontag est décédée en décembre 2004.
(Notice visible sur le site de christian bourgois éditeur)
___________________________________________________________________
AUTRE SITE À CONSULTER
[revue la barque No. 8]
Dirigée par Olivier Gallon
Printemps 2011
320 pages + cd audio – 25 euros
ISBN : 978-2-917504-06-2
Joseph Brodsky
Présentation (O. G.)
Procès d’un jeune poète « L’affaire Joseph Brodsky »
« Conversation » avec Solomon Volkov
Poèmes (1958-1963) (traduction du russe : Christian Mouze)
L’Horizon, postface (C. M.)
Sommaire sur le site | © Cliquer ICI
16:30 Publié dans Joseph Brodsky, Susan Sontag | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
26/03/2014
Djuna Barnes - Ryder (Ypsilon éditeur)
Djuna Barnes
Ecrivain américaine
[1892–1982]
EXTRAIT
Ne suis pas ces fanatiques qui voient au-delà de toi et des tiens, au-delà de ta venue et de ta disparition, et de celles des tiens, et au-delà encore, quand aura pris fin tout le cheminement : ta vie, et celles que tu engendres, et celles qui jailliront de celles que tu engendres, en un monde sans fin ; car cette engeance n’a nul besoin de toi ; ils ne te voient pas et ils ignorent tes gémissements, tant les obsèdent ta damnation, et celle de ta descendance, et celle, multiple, de toutes les multitudes qui seront engendrées de ton espèce, aussi abondante que les poissons dans les ruisseaux, aussi abondantes que les poissons dans les plus vastes eaux. Ton salut les affole autant que le salut de ta tribu. Tourne-toi plutôt vers les hommes de peu, qui pour toutes choses incomplètes, pour toutes choses incertaines, ont une aptitude nonpareille : eux ne te repousseront pas, ni dans ton corps charnel, ni dans ta souffrance temporelle, ni dans tes pleurs, ni dans tes rires ou tes lamentations. Tu n’as pas vocation à la Dernière Station, mais rendez-vous avec des petites béatitudes : pommes au creux de la main, petites coupes pour étancher la soif, mots qui ne vont nulle part mais qui ont commerce avec la seule oreille externe, purs bavardages aux portes de ton piètre calvaire.
-------------------------
Traduit par Jean-Pierre Richard
■ Premier roman de Djuna Barnes, Ryder est la chronique grivoise d’une famille très semblable à la sienne. Bestseller éphémère à sa parution en 1928, il séduit le public et déroute la critique. Dans la Saturday Review il est salué comme « le livre le plus étonnant jamais écrit par une femme. » Détournant les codes de la littérature canonique occidentale, et la manière de ses plus illustres représentants mâles (Chaucer, Rabelais, Shakespeare, Fielding…), la prose débordante, savante et populaire, excessive et jouissive, de Ryder, apparaît aujourd’hui comme une satire du patriarcat aussi tragique que joyeuse, et définitivement ambiguë.
Cette édition reproduit les 11 dessins de l’auteur qui devaient accompagner la publication originale, ainsi que son avant-propos sur la censure.
YPSILON EDITEUR
34 bis rue Sorbier 75020 Paris
+33 (0)9 82 37 50 15
23:00 Publié dans Djuna Barnes, Ypsilon | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
13/03/2014
Les Carnets d'Eucharis - Edito - Année 2014 (ABONNEMENT)
ÉDITO●●●
Les Carnets d’Eucharis, Année 2014
(≠CARNET 2)
Jauger le monde, en faire au mieux l’éloge, changer la conscience de son temps, avec cet esprit insatiable de celle qui s’intéresse à tout en permanence. Ainsi écrivait, était, Susan Sontag ; elle pour qui écrire était faire l’expérience de son autonomie, de sa force ; elle qui notait le 30 novembre 1970, en référence à La Planète de M. Sammler de Saul Bellow : « essayer de vivre avec un cœur civilisé ». Elle savait qu’il faut à l’esprit beaucoup de souplesse, « élargir mon espace intérieur », ne pas s’enfermer dans le temple de la Culture, avec son élite et ses gardiens.
A l’occasion du premier numéro en version imprimée des Carnets d’Eucharis, en l’année 2013, consacrer un numéro littéraire à une personnalité comme Susan Sontag, ce n’est ni précieux ni même prétentieux de le placer sous le signe du défi. Puis-je m’assurer à penser, en ce tout début de l’année 2014, que le projet fut vécu et porté à même hauteur ou plus justement au même niveau que cette aspiration si chère à Sontag : me trouver en compagnie d’une intelligence captivante, et comme elle, qui n’hésitait ni ne se sous-estimait à se placer en disciple face à des Schopenhauer, Nietzsche, Wittgenstein, Sartre ou Simone Weil, trouver tout naturellement jouissance à « travailler à son niveau ».
Zbigniew Herbert soulignait l’un des grands méfaits de la culture contemporaine : « cette conviction arrogante que nous pouvons nous passer de modèles (autant esthétiques que moraux), sous prétexte que notre situation dans le monde est soi-disant exceptionnelle et incomparable.»* Sontag aurait probablement approuvé.
Ce deuxième opus poursuit sa ligne exploratrice des figures d’écritures. Ainsi, le carnet consacré à Susan Sontag fait place, cette fois-ci (mais pour mieux y revenir par la suite) à une constellation d’écrits inédits qui multiplient les franchissements et les traversées, entre essaims de poèmes et de proses, aux formes et aux formulations flambant frais. Multitude ouverte sur des détroits et des isthmes, où le « langage essentiel » se tient à l’écart, à ne cesser de favoriser les trouées. Chaque carnet entend poursuivre sa fabrique d’échappées, de « paroles sur le papier » ; les mots comme autant de tracés, de traces, et bruits de source.
La poésie ne s’inscrit pas dans un âge d’or et la littérature n’a pas fonction d’ériger des théories éblouissantes. Les paysages de la poésie et de la littérature devraient échapper à la spéculation, et le lecteur peut-il alors se muer en paysagiste, juste à dessein de renouveler sa palette.
Nathalie Riera …………………………. Janvier 2014)
* (Zbigniew Herbert, Le labyrinthe au bord de la mer, Ed. Le Bruit du Temps, 2011- p.122)
Les Carnets d’Eucharis, Année 2014
(≠CARNET 2)
Format : 170 x 250| 160 pages| ISSN : 2116-5548
ISBN : 978-2-9543788-1-7
France : 17 € (rajouter 3 € frais de port)
En vente à partir du : 1er mars 2014
| 2013-2014 | Revue papier Les Carnets d’Eucharis| ISSN : 2116-5548 | ISBN : 978-2-9543788-0-0 |
●●●
(COMITÉ DE RÉDACTION)
Nathalie Riera, Claude Darras, Richard Skryzak, Tristan Hordé,
Angèle Paoli, Claude Minière, Sabine Péglion, Gérard Larnac
●●●
(RÉDACTION & SIÈGE SOCIAL)
L'Association L'Atelier des Carnets d'Eucharis
L'Olivier d'Argens - Chemin de l'Iscle - BP 44
83520 ROQUEBRUNE-SUR-ARGENS
CONTACT : nathalieriera@live.fr
(ABONNEMENT/SOUSCRIPTION)
NOM/PRENOM :
……………………………………………………
ADRESSE :
……………………………………………………
……………………………………………………
……………………………………………………
CODE POSTAL /VILLE :
……………………………………………………
MAIL : …………………………………………………….
Je souhaite
■faire un don de soutien à L’Association L’Atelier des Carnets d’Eucharis
Je verse la somme de : _____________ €
■un simple abonnement à la Revue annuelle Les Carnets d’Eucharis
Prix de l’abonnement annuel :
17 € (+ frais de port à ajouter :
4 € France – 7,50 € Etranger)
□ PREMIER NUMÉRO :
Année 2013
[Susan Sontag]
21 €, frais de port compris
□ DEUXIÈME NUMÉRO :
Année 2014
[Carnet 2]
21 €, frais de port compris
Je vous adresse le montant total de : _______ €
■par chèque à l’ordre de
L’Association L’Atelier des Carnets d’Eucharis
■par virement
Banque Caisse d’Epargne Côte d’Azur
N° de compte : 08004840629
IBAN : FR76 1831 5100 0008 0048 4062 952
BIC : CEPAFRPP831
Date : Signature :
12:07 Publié dans Les Carnets d'Eucharis, Nathalie Riera, Susan Sontag | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : susan sontag;carnets d'eucharis | Imprimer | | Facebook
01/03/2014
Guy Davenport
Guy Davenport
---------------------------------
© Écrivain américain
Guy Davenport / 1927-2005
(En 1965, photographié par Ralph Eugène Meatyard)
EXTRAIT
Tatline !
(traduit de l’anglais par Robert Davreu)
Collection « Fictives » dirigée par Brice Matthieussent
Christian Bourgois Editeur, 1991
…
Neige
Tatline fourgonna le crible à cendres de son poêle en porcelaine, tourna la tirette vers le haut, enfila son lourd chandail marron, s’installa auprès de la haute fenêtre contre laquelle bouillonnait la neige comme une lame insubstantielle, une mer de cristaux aériens de forme hexagonale drossés de Finlande, snyeg, toujours snyeg, et il ouvrit son Leskov au conte du Gaucher, imagina les musées d’Angleterre avec leurs plafonds de vitrage sans tain à entretoises de fonte permettant à la lumière du soleil de tomber en même temps que les ombres délicates des rossignols sur la machine à calculer en cuivre et noyer de M. Babbage, les vitrines de minéraux, les papillons, les sabres de samouraï, les pièces de monnaie islamiques, les fossiles du tertiaire, les abeilles mérovingiennes, les chevaux T’ang, les boucliers d’osier d’Andaman, le cadavre hâlé et empaillé de Jeremy Bentham vêtu de son chapeau à larges bords, de son plastron et de son manteau d’alpaga. Snyeg, toujours snyeg.
Picasso avait des mains carrées, catalanes, aussi modernes et kybist que le moteur d’une Packard. Le dessin jaillissait de son épaule en saillie, le trait commençant bas dans son dos. Il dessinait comme les peintres rupestres dont il descendait, il était Cro-Magnon, il était le fils des dessinateurs de taureaux aurignaciens qui peignaient avec tout leur corps, se ruant à la lueur de chandelles de joncs sur leurs peintures magiques, bisons rouges, vaches bistres, idéogrammes en noir bitume de leurs foyers à toits de chaume au bord des rivières celtes argentées du frai des saumons.
- Senior Tatlino ! avait-il dit, un artiste a un œil, une main, et des couilles.
Lipchitz avait traduit. Picasso n’avait pas de théories, pas de manifestes, pas de parti, pas de club. Je fais ce qui se présente à la main.
Tatline se vit montrer des toiles dans la manière africaine, des visages comme des masques, yeux fendus, nez burinés, bouches en goulot de bouteille. Il vit la géométrie de Cézanne hardiment investie d’un rôle dominant, et puis d’une sorte de musique métaphysique par laquelle l’information graphique d’un portrait était traitée comme autant d’échardes de lumière et d’éclats d’ombre.
La neige s’amoncelait sur les branches du mélèze.
Il prit Sinie Okovy, Les Chaînes bleues, de Khlebnikov. Le titre, l’une des étranges richesses de Velemir, rappelait les Sinyakovs de Kharkov, qui s’habillaient comme des dryades et des bergers de Théocrite et marchaient dans les bois de Krasnaya Polyana, Boris Pasternak parmi eux, ainsi que David Bourliouk, qui se trouvait à présent à New York.
Smeley, smeley, dusha dosuga
écrivait-il des jeunes filles, cinq sœurs,
miel d’or sombre ses cheveux dénoués
écrivait-il de Nadezhda, et dans une manière d’image qui se transmuait en papillon noir et jaune, puis en fleuraison du ciel, en brise, en champ d’orge, en Pouchkine et Lensky sur une route, et pour finir en anémone s’accrochant au pied d’un passant.
[…]
------------------------------ (p. 44/46)
Les aéroplanes à Brescia
[…]Le Blériot XI était une libellule jaune de bois ciré, de toile tendue et de fil de fer. Le long de son flanc était inscrit son nom en lettres carrées d’un gris militaire : ANTOINETTE 25 CV. Otto les informa gracieusement que son moteur avait été construit par Alessandro Anzani. Sa puissance résidait à l’évidence dans ses épaules, où ses ailes, ses roues et son propulseur jaillissaient à angles droits, chacun dans un plan différent. Pourtant, en dépit de tout son gréement jaune pimpant et nautique, il était d’une petitesse inquiétante, à peine plus qu’un moustique agrandi aux dimensions d’une bicyclette.
Près d’eux un homme de haute taille aux cheveux châtains tenait son poignet gauche comme si celui-ci était douloureux. L’intensité de son regard retint l’attention de Kafka plus que sa maigreur d’échalas qui, de toute évidence dans cet environnement, était la marque de l’aéronaute et du mécanicien. C’était à présent l’ère de l’homme-oiseau et du magicien de la machine. Qui sait seulement lequel de ces visages préoccupés appartenait à Marinetti en personne ? C’était un véritable échassier que cet homme. La sauvagerie même de ses cheveux bruns bouclés et la tension de ses longs doigts semblaient parler de l’étrange nécessité pour l’homme de voler. Il s’adressait à un petit homme en blouse bleue de mécanicien qui avait un bandeau sur l’œil. De sa bouche coulaient les mots Station stratosphérique de vol de cerf-volant, Höhere Luftstazion zum Drachtensteigenlassen. Alors le petit homme leva ses mains carrées et dressa la tête en posant une question. Glossop fut la réponse, suivi du mot vert Derbyshire.
[…]
------------------------------ (p. 83/84)
L’aube à Trappelun
5.
Le visage empoussiéré, le Trappellunien ôta ses lunettes de soleil en Mylar, vérifia le sanglage de sa ceinture et demanda au voyageur ce qu’il désirait dans leur zamindar.
Le voyageur pour sa part avait traversé de hautes prairies pentues de fenouil brun déclinant de la corniche coupe-vent que formaient des gorges creusées d’ombres de malachite, paroi rocheuse désolée sur l’horrible silence d’où l’après-midi finissant tombait radieux.
Dans les profondeurs de leurs canyons, lorsqu’ils regardaient, il y avait des fleuves de soufre frappé par le soleil radical comme la foudre. Devant lui se dressaient des falaises en front de baleine brun-rose fendues par les ans, avec des ruisseaux de brèches enroulées sur elles-mêmes comme les aurores boréales de glace à minuit.
Avant le crépuscule il avait commencé à voir des forêts d’arbres étranges, anthrax ou palissandre et les proues lointaines de glaciers au-delà ; c’est alors, enfoncé jusqu’aux hanches dans une herbe piquante de rosée de prairie en lame de scie, qu’il avait découvert sur le ciel noircissant un cercle de menhirs.
Ces tiki se dressaient haut sur des bosses sauriennes. Comme les stèles du Yucatan, ils représentaient chacun un seul personnage hiératique, mais leur ornementation était si travaillée qu’ils ressemblaient aux poteaux sculptés de corbeaux des Haida.
Icônes des phylarques de quelque peuple, dieux propices et originels, totems auxquels on apportait les corbeilles des moissons au jaunissement de l’an, stupas iskandiens érigés sur de hautes prairies par un peuple aujourd’hui civilisé depuis longtemps, il ne pouvait le deviner.
Une vieille mousse soyeuse d’un vert doux couvrait le flanc nord de ces ancêtres barbares, et des herbes dégingandées et du kudzu aux gousses râtelantes battaient leurs vieux tibias.
Il n’y avait ici pas eu âme qui vive depuis des décennies.
Ce fut à ce moment, alors qu’il demeurait figé dans une crainte et un trouble qui ne différaient pas beaucoup de la peur, que la patrouille surgit de derrière l’un des mégalithes.
Ils étaient armés d’épieux et d’éolithes, et ils formèrent un cercle autour de lui.
------------------------------ (p. 187/188)
4ème de Couverture
L’artiste constructiviste russe Tatline a, comme Davenport, un faible pour les aéronefs (letatline, en russe, signifie planeur). Autre coïncidence, Kafka et Wittgenstein se retrouvent à Brescia, en Italie, lors d’un meeting aérien. Edgar Poe, écrivain encore inconnu, séjourne à Saint-Pétersbourg où il cherche des subsides pour la cause grecque. L’abbé Breuil découvre l’art pariétal des grottes de Lascaux. Héraclite reçoit la visite d’un disciple potentiel. La très borgésienne curiosité de Guy Davenport nous présente tous ces disparates comme les pièces d’un grand puzzle à la fois moderniste et archaïque, illuminé par l’écriture et les « bri-collages » éblouissants de Davenport.
●●●
Guy Davenport (1927‑2005)
Né en Caroline du Sud, il commence à lire avec Tarzan et étudie le vieil anglais avec J.R.R. Tolkien à Oxford. Après une thèse sur Ulysse de James Joyce (1949) et une autre sur Ezra Pound, il devient professeur de littérature à l'université du Kentucky. Il illustre certains ouvrages de Hugh Kenner ainsi que ses propres livres ; il est également peintre, traducteur de grec ancien et poète. Éminent helléniste, passionné à la fois par l'Antiquité gréco-latine et les grandes figures de l'avant-garde européenne, il brasse dans son œuvre les lieux, les époques, les cultures et les langues du passé et du présent. Il publie son premier recueil de nouvelles à 47 ans. Huit autres suivront, ainsi que six volumes d'essais. Ami de Pound et de Williams, il connut aussi Samuel Beckett, Christopher Middleton, Eudora Welty, Allen Ginsberg et James Laughlin.
●●●
Bernard Hoepffner
Guy Davenport (1927‑2005)
« L’érudition débute comme l’acte critique d’un regard amoureux : la curiosité est une passion ». (« The Scholar as Critic »)
©Wyatt Mason, 2003
Bonnie Jean et Guy Davenport
©Bernard Hoepffner
Guy Davenport est mort le 4 janvier, à l’âge de 77 ans. Pour moi, c’est la fin de quinze ans d’amitié, au sens où le facteur ne viendra plus m’apporter ces lettres plus ou moins mensuelles postées à Lexington, Kentucky. Comment désormais oublier la dernière phrase de sa dernière lettre : « If I could think of something else to say, I would not have the strength to type it » ? Ces dix‑huit mots dessinent un point final.
La vie qu’il a menée n’est autre que celle de ses lectures, celle de sa passion à faire partager ce qu’il avait lu — quand on se rendait chez lui, on pouvait facilement croire que les murs étaient faits de livres. Jamais il n’a cessé de transmettre son goût de la lecture, sa curiosité pour les détails, l’histoire du monde — une histoire qu’il ne cessait de reconstruire sous la forme de ce qu’il appelait des « fictions nécessaires », recombinant certains éléments de ses lectures, créant des liens entre ces éléments afin d’expliquer le passé, tentant d’éloigner, d’écarter, comme il l’a écrit, le barbare chez l’homme :
« Fiction nécessaire » signifie simplement que lorsque j’écris sur un personnage historique — Vladimir Tatline, Kafka, Walser, Pausanias, C. Musonius Rufus — je fournis certains éléments, le temps qu’il fait, les lieux, les samovars, la poussière grecque, les serveurs italiens, et ainsi de suite, toutes ces choses que les sources historiques laissent de côté. Cela ne veut PAS dire que je donne un compte rendu fictionnel.
La prose : nous écrivons, ou bien nous sommes écrits. (Le grand thème de Barthes : nos phrases existent avec tant d’intensité qu’un auteur ne fait que les arranger.)
J’approche l’écriture avec le sentiment que mes mots doivent être choisis et disposés avec la plus grande attention, car nous vivons dans un monde de mots malmenés qui ont perdu leur sens. Je crois qu’on pourrait dire que j’écris afin d’utiliser les mots à ma façon, pour obtenir certains effets, plutôt que dans un but programmé — psychologie, drame, politique, thématique.
Ce sur quoi j’écris est donc plus ou moins gratuit. J’ai suffisamment le sens de l’anecdote pour créer un récit. Mais le récit est la scène.
L’usage premier des mots est la création d’images : mon écriture est du dessin.
LIRE LA SUITE | http://transatlantica.revues.org/570
Bernard Hœpffner, « Guy Davenport (1927‑2005) », Transatlantica
| 2005, mis en ligne le 24 mars 2006
___________________________________________________________________
SITE À CONSULTER
[Guy Davenport, The Art of Fiction No. 174]
Interviewed by John Jeremiah Sullivan
Sur le site : The Paris Review
| © Cliquer ICI
23:04 Publié dans Christian Bourgois Editeur, Guy Davenport | Lien permanent | Commentaires (1) | Imprimer | | Facebook
31/01/2014
Susan Sontag, Les Carnets d'Eucharis - par Marie-Christine Masset
●●●
UNE LECTURE DE
MARIE-CHRISTINE MASSET
…
SUSAN SONTAG, LES CARNETS D’EUCHARIS, NATHALIE RIERA
Avec l’aimable autorisation de Marie-Christine Masset
L’article paraîtra dans le prochain numéro :
N°12 - Mars, 2014
Site | © http://www.revuephoenix.com/
RevuePhoenix
9 rue Sylvabelle
13006 Marseille - FRANCE
___________________________________________________________
■■■
En liminaire de l’ouvrage, dans son entretien avec Richard Skryzak, Nathalie Riera nous éclaire sur sa volonté de n’avoir pas à choisir entre le support numérique et le papier pour «faire circuler, faire (re)connaître, et pourquoi pas faire admettre que notre attention à la littérature et à l’art est la liberté de l’homme et de l’esprit.» Personne n’ignore plus la revue de poésie en ligne : Les Carnets d’Eucharis, active depuis 2008, son audace, sa richesse et ce nécessaire parti-pris d’offrir à l’internaute «le mouvement du sang», celui de la création dans les domaines de la poésie, de la littérature, de la photographie et des Arts Plastiques. Ce numéro 1 version papier consacré à Susan Sontag est un manifeste pour la littérature : «ce qui chez Susan Sontag résonne en moi ? Rien de plus important que cette volonté de ne pas occulter en littérature la dimension d’expérience, ne pas faire de la littérature désincarnée». Les contributions (neuf) éclairent le parcours de cette femme, son œuvre, ses combats, son refus du mensonge, du compromis, et cette interrogation comme le sens à donner à chaque mot : «La seule question qui vaille à propos d’un livre, un vrai, c’est : «Dans quel état va-t-il laisser la littérature ?»
Ses œuvres sont éclairantes : « La première tache de l’écrivain n’est pas d’avoir des opinions mais de dire la vérité » écrit-elle dans Garder le sens mais altérer la forme », elle n’hésite pas à se confronter aux combats du monde, ira sur le terrain : Vietnam, Kosovo, chercher la vérité, sa vérité « sa révolution intérieure » comme l’écrit si justement Angèle Paoli. Susan Sontag refuse le divertissement, son œuvre est sérieuse et, en conséquence, lisible. Elle sauve la littérature dont le dessein est d’être «prophétique».
Comme l’écrit Richard Skryzak : «les signes circulent» : Au pas du Lavoir (douze voix contemporaines), Le Chantier du Photographe, Traduction (plaisir de retrouver entre autres Alda Merini) et Recensions (dont un très riche portrait de Pierre Alechinsky) complètent ce numéro 1 papier qui peut, comme le dit Claude Minière, «se lire dans la main (dans la méditation)». A nous de reprendre cette phrase de Susan Sontag citée par Nathalie Riera : «Le poète est sauvé d’un égoïsme vulgaire par la force et la beauté de ses admirations.» Beau livre.
Marie-Christine Masset, janvier 2014
© Les Carnets d’Eucharis
SITE À CONSULTER
LES ARCHIVES DE LA REVUE
Sur le site : Phoenix
| © Cliquer ICI
SUSAN SONTAG
(1933-2004)
Susan Sontag
19:18 Publié dans Les Carnets d'Eucharis, Marie-Christine Masset, Nathalie Riera, Susan Sontag | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
05/12/2013
Joe Wenderoth - Trois poèmes (traduits par Raymond Farina)
Joe Wenderoth
Trois poèmes
© J. Wenderoth
:- :- :- :- :- :-
Poèmes publiés avec l’aimable autorisation
de Joë Wenderoth
MA VIE
d'après Henri Michaux
Il entra je ne sais comment dans ma chambre.
Je l'y découvris, et il était, naturellement, pris au piège.
Ce n'était rien de plus qu'un animal effarouché.
Alors je le remis debout.
Je le gardais pour moi, le gardais dans ma chambre,
le gardais pour son propre bien.
Je nommais l'animal Ma Vie.
Je lui trouvais sa nourriture et lui la mangeait dans ma main.
Je le laissais entrer dans mon lit, respirer dans mon sommeil.
Et l'animal, dans ma tendresse, mon soin constant,
grandit et devint fort, et capable de maints tours habiles.
Un jour, tout récemment,
en passant ma main sur le flanc de l'animal,
j'ai fini par comprendre
qu'il pouvait me tuer sans peine.
Et je réalisai, aussi, qu'il voulait me tuer.
C'est pour cela qu'il existe, pour cela que je l'ai remis debout.
Dès lors je n'ai plus su que faire.
Je cessai de le nourrir,
seulement pour m'apercevoir que sa croissance
était sans rapport avec la nourriture.
Je cessai de le nettoyer
et je m'aperçus qu'il se nettoyait tout seul.
Je cessai de chanter pour l'endormir
et m'aperçus qu'il s'endormait plus vite sans ma chanson.
Je ne sais que faire.
Je ne fais plus faire à Ma Vie ses tours.
Je laisse seul l'animal, et, à l'heure qu'il est,
il me laisse seul, lui aussi.
Je n'ai rien à dire, rien à faire.
Entre Ma Vie et moi,
un silence s'installe.
Nous ne parviendrons pas à le franchir ensemble.
MY LIFE
After Henri Michaux
Somehow it got into my room.
I found it, and it was, naturally, trapped.
It was nothing more than a frightened animal.
Since then I raised it up.
I kept it for myself, kept it in my room,
kept it for its own good.
I named the animal, My Life.
I found food for it and fed it with my bare hands.
I let it into my bed, let it breathe in my sleep.
And the animal, in my love, my constant care,
grew up to be strong, and capable of many clever tricks.
One day, quite recently,
I was running my hand over the animal’s side
and I came to understand
that it could very easily kill me.
I realized, further, that it would kill me.
This is why it exists, why I raised it.
Since then I have not known what to do.
I stopped feeding it,
only to find that its growth
has nothing to do with food.
I stopped cleaning it
and found that it cleans itself.
I stopped singing it to sleep
and found that it falls asleep faster without my song.
I don’t know what to do.
I no longer make My Life do tricks.
I leave the animal alone and, for now,
it leaves me alone, too.
I have nothing to say, nothing to do.
Between My Life and me,
a silence is coming. Together, we will not get through this.
Traduction de Raymond Farina
© Joe Wenderoth
Les carnetsd'eucharis (décembre 2013)
© (Photo X droits réservés)
■■■
NOTICE BIOBIBLIOGRAPHIQUE
Joë Wenderoth a grandi à Baltimore. Il enseigne à l’Université de Californie.
Ses poèmes ont été accueillis dans des revues comme The American Poetry Review, Granta Magazine, Triquarterly, Seneca Review et Colorado Review et dans de nombreuses anthologies – Poetry 180, The Best American Prose Poems : From Poe to Present, The New American Poets : A Bread Loaf Anthology, American Poetry : Next Generation, Best American Poetry, The Best American Essays 2008.
Il a publié Disfortune aux Editions Wesleyan University Press, en 1995, « It Is If I Speak » , chez le même éditeur, puis Letters to Wendy ( 2000 ), The Holy Spirit of Life : Essays Written for John Ashcroft’s Secret Self (2005), No real Light (2007), Wave Book (2007).
DOSSIER PDF COMPLET (à télécharger)
Joe Wenderoth_traduit par Raymond Farina_LCE_Décembre 2013.pdf
19:59 Publié dans Joe Wenderoth, LES CARNETS D'EUCHARIS (pdf & calaméo), Nathalie Riera, TRADUCTEURS | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook