Susanne Dubroff (22/05/2014)
SUSANNE DUBROFF CINQ POEMES / FIVE POEMS
Poèmes traduits par Raymond Farina
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(Ingmar)
Gestes en accord avec ce qui a été donné
Tous les coups pris pendant l'enfance
Quelque chose qui lui dit :
Vas-y C'était bien sûr plus
qu'un homme qui veut vaincre.
Une fidélité ?
Acte après acte, peut-être calcula-t-il
prenant des risques comme les acrobates
Même au cours des premières années à Stockholm quand
tout ce qu'il pouvait faire c'était crier et insulter
mais assez longtemps et assez bruyamment pour que
quand les acteurs ne voulaient pas écouter le regardaient de haut
Victor Sjöström les saisît par la nuque
fît avec eux les cent pas devant le studio
silencieux la plupart du temps, mais en leur adressant
de temps en temps de claires de simples suggestions...
L'action, qui est après tout
une sorte de divine résistance est le rôle qu’on doit jouer
Assez disait-il de ce non-sens
les choses ont à faire sens
et à l’intérieur du petit cabinet blanc
l'enfant criant pour lui
persistait dans sa secrète terreur
de l'existence jusqu'à ce que prît forme
une Samothrace et que personne n'en fût
plus étonné que lui.
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(Ingmar)
Gestures in accord with what has been given
All the knocks he took as a child
something telling him
Go on It was of course more
than a man wanting to win.
A faithfulness?
Acte after act perhaps calculated
the way acrobats shoulder the risk
Even in the early years in Stockholm when
all he could do was scream and curse
but long enough and loud enough so that
when the actors wouldn’t listen looked down on him
Victor Sjostrom grabbed him by the nape of the neck,
walked him up and down in front of the studio
silent for the the most part but now and then
giving him clear simple suggestions
Action which is after all
a kind of divine resistance is our part
Enough he said of this nonsense
things having to make sense
and inside the thin white closet
the child screaming to himself
persisted in the locked terror
of existence until it took form
a Samothrace and no one
was more surprised than he
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(LES CHASES)
Ceux, dans les bus,
qui s'accrochaient à la courroie,
la femme de Jack Chase aimait les peindre.
Elle était, je pense, une sorte
d'Orozco des villes dortoirs des Etats-Unis.
Etait-ce à Quincy, après qu'ils aient quitté le Vermont
parce qu'il était trop vert - ces tableaux,
qui avaient chacun des couleurs insupportablement originales!
Petite dame, dodue, trapue, à la tignasse noire,
avec des socquettes et des chaussures à lacets, la cigarette
au coin de son sourire,
elle croyait à chaque pli et fossette
chaque soigneuse caresse d'étoffe. Où sont-ils aujourd'hui ?
Désaxés sur les roues du voyage ?
Offrant des miettes d'amour absurde, dont
le poète a dit que nous en avions ensuite la charge
même si nous n'en pouvions plus.
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(The Chases)
The ones on buses,
who’d hang on by the strap,
Jack Chase’s wife, I think, a sort of
Orozco of the U.S. bedroom town.
Was it in Quincy, after they left Vermont
because it was too green – those paintings,
each unbearably colorful individual!
Small, plump, stumpy lady, shock of black hair,
oxfords and bobby socks, cigarette
in one corner of her smile,
she believed each crease and dimple,
Careful caress of cloth. Where are they now?
Splayed over the wheels of the journey?
Holding out bits of absurd love, for which,
the poet said we’re charged afterwards
even though we couldn’t possibly?
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(FAIM)
I.
La faim est foi.
Cela se voit dans les yeux noirs
des enfants
dans Brot* de Käthe Kollwitz.
Ils croient en elle,
lèvent leurs assiettes,
tirent sur sa jupe,
qui couvre un corps
défait ;
II.
Selbst-bildnis*,
le regard las, déconcerté:
« Refuserai-je de prêcher ?
Plus de Nie wieder Krieg*
est-ce bien ce qu'ils veulent »
* Pain, 1924, lithographie de Käthe Kollwitz.
* Auto-portait, 1934, tableau de Käthe Kollwitz.
* Tu ne feras point
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(HAMLET)
Un éclat
de ces rivières noires
sur lesquelles Ophélie
flotte comme la vérité.
Et ce jeune homme rendu fou, son vieux
couteau entre les dents,
regarde ! il attrape tous les verbes ;
Gertrude quitte indignée la scène.
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(Hamlet)
A flash
of those dark rivers
on which Ophelia
floats like the truth.
And that maddened boy, the old
knife in his teeth
look ! He’s taking all the verbs ;
Gertrude’s flouncing off the stage.
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(Djuna Barnes)
Aucune bravoure n'est jamais applaudie
et vous le saviez.
Moins que toutes les autres la bravoure
de la présence.
Elle s'est appuyée sur vous
et vous l'avez laissé faire;
ce fut tout.
Comme une vieille statue
qu'on n'a pas nettoyée,
avec ses pigeons, ses pigeons.
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(Djuna Barnes)
No bravery is ever applauded
and you knew it.
Least of all the bravery
of presence.
She leaned into you
and you let her;
that was all.
Like some old, unwashed
Statue,
its pigeons, pigeons.
■■■Susanne Dubroff est née à Berlin en 1930. Elle a quitté l’Allemagne avec sa famille à l’âge de huit ans pour les USA. Elle vit dans le New Hampshire. Elève de Denise Levertov, elle a collaboré à de nombreuses revues telles que Tendril, Sou’wester, Southern Illinois University, Sonora Review (University of Arizona),The Christian Science Monitor, International Review of Poetry (University of North Carolina),The Bitter Oleander ( New York ), The Hampden-Sydney Poetry Review, The Mid-American Review, Luna (The University of Minnesota), Poetry, The Paris Review (New York), Circumference (University of Columbia). Ses poèmes ont été traduits en français et publiés dans les revues Arpa, La Barbacane, Lieux d’Etre et Le Journal des Poètes. Elle a participé à de nombreuses manifestations poétiques et a traduit des poèmes de Rilke, de Goethe, de Mallarmé et de Gustavo Adolfo Bécquer. Elle est également l’auteure des traductions de deux anthologies de poèmes de René Char : « Nothing Shipwrecks Itself » (Mid-American Review Press) et, plus récemment, « René Char, This smoke that carried us » (White Pine Press, New York, 2004). Parmi ses recueils récents figurent : « You & I » ( Kinsman Press,Franconia,1994 ), « The One Remaining Star » (WordTech Editions, Cincinnati, 2008) et “Saxophones Were Banned in Albania” (CreateSpace Independent Publishing Platform, 2012).
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