22/08/2016
Charles Reznikoff - Rythmes 1 & 2, Poèmes (Ed. Héros-Limite)
Charles Reznikoff
AVEC LE RÉEL
Avec « No ideas, but in things » (Pas d’idées, sinon dans les choses), maxime du poète américain William Carlos Williams, dans son poème A sort of a Song, perçu comme un mantra pour la poésie au début du XXème siècle, le poète se tient en marge des concepts et des métaphores, des abstractions et des fioritures métaphysiques. Se concentrer sur la chose pour la traiter dans son aspect défini, aux yeux des Imagistes modernes la poésie est en prise directe avec le réel, ce qui veut dire précision, économie de mots, être à l’écoute des rythmes de la parole de tous les jours : on parlera d’une esthétique démocratique.
Fils d’émigrants juifs, Charles Reznikoff, poète du courant dit « objectiviste », commence à écrire en 1918. Rhythms (1918) & Rhythms II (1919) et Poems (1920), puis Separate Way en 1936, chez Objectivist Press*. Viendront ensuite deux livres majeurs : Témoignages/Testimony (1965) puis Holocauste (1975). Ce qui réunit ces deux ouvrages, c’est la construction d’une œuvre à partir d’archives des tribunaux américains (Témoignages) et d’archives du Procès des criminels devant le Tribunal militaire de Nuremberg (Holocauste).
La poésie, pour Reznikoff, « présente l’objet afin de susciter la sensation. Elle doit être très précise sur l’objet et réticente sur l’émotion ».
* Ces deux livres sont en parution aux éditions Héros-Limite : Rythmes 1 & 2 Poèmes (2013), Chacun son chemin (2016)
22/08/2016
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© Nathalie Riera
EXTRAITS
14
Comment donc vous pleurer, qui fûtes tués, gâchés,
certain que vous ne mourriez pas sans avoir achevé
Votre tâche,
Comme si la faux dans l’herbe s’arrêtait pour une
fleur ?
---------------------------------------------(p.23)
Rythmes 1
(traduit de l’anglais par Eva Antonnikov et Jil Silberstein)
How shall we mourn you who are killed and wasted,
sure that you would not die with your work unended,
as if the iron scythe in the grass stops for a flower ?
***
1
Pas même eu le temps de me tenir parmi les prés,
ni de m’offrir pleinement à la tendre écume,
et déjà te voici, vent mauvais.
---------------------------------------------(p.29)
Rythmes 2
I have not even been in the fields,
nor lain my fill in the soft foam,
and here you come blowing, cold wind.
***
13
Depuis son lit, elle pouvait voir la neige envahir
lentement les ténèbres,
compacte autour des réverbères comme phalènes en été.
Tout juste si elle pouvait bouger la tête. Des mois
qu’elle était alitée.
Son fils s’était fait grand, large d’épaules, son
visage rappelant toujours plus celui de son père à elle,
mort depuis des années.
Elle reposait sous l’édredon comme si elle-même était
recouverte de neige,
calme, affrontant la noirceur de la nuit
qu’emplissaient des flocons tourbillonnant ainsi que des étoiles.
Mort, cloué dans une caisse, son fils lui avait été expédié,
à travers villes et prairies transies et blanchies par la neige.
---------------------------------------------(p.71)
Poèmes
From where she lay she could see the snow crossing the darkness slowly,
thick about the arc-lights like moths in summer.
She could just move her head. She had been lying so for months.
Her son was growing tall and broad-shouldered, his face becoming like that of her father,
dead now for years.
She lay under the bed-clothes as if she, too, were covered with snow,
calm, facing the blackness of night,
through which the snow fell in the crowded movement of stars.
Dead, nailed in a box, her son was being sent to her,
through fields and cities cold and white with snow.
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19:34 Publié dans Charles Reznikoff, Héros-Limite, Nathalie Riera, NOTES DE LECTURES/RECENSIONS | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
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