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30/12/2013

Meilleurs Voeux

Les Carnets d'eucharis N°40_HIVER 2014_couv 1ère.jpg

Nathalie Riera | In the orchard picking apples

 Nel frutteto cogliendo delle mele

© Photo : Patrick Pesenti

 

 

Bonne Année

2014

 

L'Ollave Editions - Vient de paraître...

 

 

L'Ollave

Domaine croate/Poésie.

Jean de Breyne Martina Kramer Vanda Mikšić

 

 


CONTACT


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Jean de Breyne

ollave@orange.fr
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http://www.ollave.org/

 

28/12/2013

Patrice Beray, Pour chorus seul, Les Hauts-Fonds, 2013 & Claude Tarnaud, L'Aventure de La Marie-jeanne...

 

 

 

UNE LECTURE DE NATHALIE RIERA

 

Patrice Beray

 

    

 

© Couverture « POUR CHORUS SEUL »

Michel Thamin | Gisement 03 (installation)

 

 

« Pour chorus seul »

À Jean-Pierre Duprey et Claude Tarnaud

Essai poétique

Les Hauts-Fonds, 2013

http://www.leshauts-fonds.fr/

 

 

 

 

 

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 « … VERS LA HAUTE MER DU LANGAGE »[1]

par Nathalie Riera

 

« La poésie, parfois semblable à la marée, se retire des objets ou des images qu’elle n’a pas réussi à évider par son vertige, ou qu’elle n’est pas parvenue à hanter, pour y revenir comme dans ces coquillages où l’on n’en finit plus d’entendre battre le cœur du temps.»

 

Annie Le Brun, Qui Vive*, p.97

 

 

 

Avec « Pour chorus seul », Patrice Beray a choisi la forme de l’« essai poétique », dans un magnanime hommage adressé à Jean-Pierre Duprey et à Claude Tarnaud. Ce chaleureux essai peut-il être vu ou considéré sous l’angle d’une éthique de l’admiration, avec les poètes Duprey et Tarnaud réunis dans ce même ouvrage, c’est nous rendre à la poésie : ce courant que rien n’arrête, [2] ou, mieux encore, « cette sauvagerie critique capable de s’emparer d’un rien pour remettre tout en cause. » [3]

Jean-Pierre Duprey, sculpteur et poète de l’immédiat après-guerre, et de la deuxième génération surréaliste, – il rejoint le mouvement en 1949 – demeure parmi les grands ignorés de la critique, outre l’attention constante de Jean-Christophe Bailly [4] à cette œuvre intempestive, et « l’œil de Bernard Noël (et pas nécessairement l’oreille…) pour saisir ce qui, enfoui dans cet univers poétique, allait faire sens pour la pratique même du poème dans des sociétés sacrifiant progressivement à partir de Mai 68 aux vecteurs de la communication, exacerbant les dualités. » [5]

S’il y avait chez Duprey un sens de l’apostasie – à prendre dans son sens figuratif –, quitter le sens commun se traduira par son suicide dans son atelier, le 2 octobre 1959, à l’âge de 29 ans. « Puisse durer longtemps le phare du vaisseau/Qui nous porte sur terre ».

 

 

Si « l’immédiat après-guerre est synonyme de guerre faite à la poésie »,[6] la poésie véritable s’oppose à toutes formes d’anesthésies (esthétique, politique…). Eclipsé des cercles surréalistes, désolidarisé de la revue « La Révolution La Nuit » (fondée en 1945, avec Yves Bonnefoy et Iaroslav Serpan), à partir de 1948 Claude Tarnaud se lance dans le saisissant projet de « L’Aventure de la Marie-Jeanne ou le Journal indien » : un récit multi-composé « dont l’unique source est la poésie en ce qu’elle suppose d’adresse « mentale » à autrui » [7] (…) « retranscription « méta-romanesque » prenant sa source dans l’imagination, mais qui, suivant les lignes de vie des différents locuteurs, n’est à aucun moment « romancée » ou « fictive », et qui pour autant reste une aventure de l’esprit, même incarnée. » [8]

Cinq périodes – de 1948 à 1959 – constituent la trame de La Marie-Jeanne, entre autre dédiée à Stanislas Rodanski, et présentée sous la forme classique du journal. Claude Tarnaud n’a alors que vingt-six ans, et connaît un parcours physique et artistique sous l’heureux signe de l’aventure, avec ses aspérités, ses périls, ses hasards. L’année 1952 sera particulièrement marquée par son départ pour Mogadiscio, en Somalie italienne, et l’année 1956, par sa rencontre capitale avec le poète Ghérasim Luca, à Paris, celui qui dans « La Proie s’ombre » écrit : « Etre hors la loi/voilà la question/et l’unique voie de la quête. ».

Des lettres, des notes composent Le Journal indien, dont certaines ravivent nos sens, comme cette note du jeudi 4 septembre (1958), sur une lettre reçue de G. Luca, relatant son état de « terreur-douleur-passion » au cours de sa toute périlleuse ascension d’une falaise de laves noires : « S’il put finalement franchir le fleuve aride aux vagues aciculaires, ce fut en construisant une sorte de gué mobile avec des cahiers de notes et une copie du livre Le Gouffre de la Lune, qu’il plaçait devant lui avant d’y poser les pieds. » (p.137) Tarnaud connaîtra lui aussi cet état de noir effroi lors de son combat-épouvante avec une murène noire (p.146) : retranscription du vécu écrite dans une prose captivante, la poésie de Tarnaud est faite de ses pérégrinations haletantes, qui n’ont rien de fantaisistes. L’ironie n’est jamais absente.   Le poète signe sa mise à l’écart, son égarement comme seuls vecteurs d’innovation et de création poétique.

« Poète synthétique », ainsi qu’il se qualifiait lui-même sous le nom de plume de H de Salignac : « (…) je proclame la défaite totale de l’esprit. Dès à présent je me veux l’égal du vide. » [9]

 

 

Se faire lecteur-complice de « L’Aventure de la Marie-Jeanne » ne peut se faire sans le remarquable essai « Pour chorus seul » de Patrice Beray.



* Annie Le Brun, Qui Vive Considérations actuelles sur l'inactualité du surréalisme

Ed. Ramsay - J.J. Pauvert, 1991.

 

 

Nathalie Riera, décembre 2013

 ©Les carnets d'eucharis 

 

 

Cliquer ICI 

 


 

 

 

NOTICE BIO&BIBLIOGRAPHIQUE

Journaliste au site d’information Mediapart, Patrice Beray a animé la revue Delta, station blanche de la nuit. Auteur de livres de poèmes et d'études littéraires (notamment, Benjamin Fondane, au temps du poème, éd. Verdier, 2006, et Pour chorus seul – À Jean-Pierre Duprey et Claude Tarnaud, éd. Les Hauts-Fonds, 2013). Pour les Hauts-Fonds, il a collaboré à l’édition des livres de Guy Cabanel et René Crevel.

 

 

 

Claude Tarnaud

 

    

 

© Couverture « L’AVENTURE DE LA MARIE-JEANNE… »

Gibbsy Tarnaud | Photographies de couverture et du volume

 

 

« L’Aventure de La Marie-Jeanne ou le Journal indien »

Les Hauts-Fonds, 2013

http://www.leshauts-fonds.fr/

 

 

 

 

Lorsque, les yeux protégés par des lunettes étanches de la myopie due au contact de la cornée avec l’élément liquide, on nage sous l’eau et que l’on est pris dans un courant qui vous entraîne à la même vitesse et dans les mêmes tourbillons que les algues, autour, et le sable, au fond, alors ce sont les rochers qui se déplacent, paniques, par à-coups et dans les directions les plus imprévues. Les lettres sont les récifs du langage et si l’ont est entraîné par le flux de la parole à la même vitesse et dans les mêmes tourbillons que les pensées, autour, et les désirs, au fond, alors ce sont les lettres qui se déplacent, spasmes, par à-coups, et dans les directions les plus prévisibles pour peu que l’on s’attache à déterminer leurs places respectives au milieu du sable des passions.

 

---------------------------------------------------------------------------             25

 

*** 

 

Je devenais le jouet favori du hasard. Son double. Et j’interprétais :


  « J’ai découvert la réalité du cactus à travers les mailles ténues d’un hamac maya. C’est la flamme verte – le sel y fut versé – figée dans son plein mouvement incessant – les radiations calorifiques en épines – la flamme verte, ai-je dit, celle que le prêtre prétend ranimer en déposant le chlorure de sodium sur la langue-flamme-à-verbe du baptisé.

 

  … Je dormais. Une blatte cherchait à pénétrer dans mon oreille gauche. Machinalement ma main la saisit et, dans mon demi-sommeil, j’eus l’impression qu’il s’agissait d’une mante religieuse. La conscience subite de mon erreur m’imprima une panique telle que je laissai l’insecte. Ce ne fut qu’après une infernale partie de cache-cache parmi les encombrements de la chambre que je parvins à écraser la bête avec le premier objet qui me tomba sous la main : une cartouche, couleur d’argent et de pourpre, de cigarettes Pall Mall (prononcez Pêle Mêle). »

 

---------------------------------------------------------------------------             85 

 

***

 

(…) le supplément magazine qui fait partie de l’édition dominicale du New York Times publiait sous le titre UN Cats Dig Jazz une série de photographies prises pendant le concert donné aux Nations Unies. Sur l’une d’entre elles, apparaissait très distinctement mon visage effaré et ravi. Cela ne m’aurait pas ému outre mesure si, dans le même numéro du magazine, n’avait figuré un groupe de photographies de l’aquarium de Coney Island, dans lesquelles se pavanaient en gros plans mes acteurs préférés des cours de madrépores bariolés engloutis au large de Mogadiscio : le dangereux ptéroïs aux longues rémiges en guise de nageoires, les poissons-anémones qui vivent à l’abri des beaux et cruels tentacules de l’actinie, le poisson-pierre, doué d’invisibilité et de venin mortel, et une murène bleu ardoise, la gueule béante.

 

---------------------------------------------------------------------------             159

 

 


Jean-Pierre DUPREY

 © Photo : Luc Joubert | “Soleil noir”

 

 

SITES À CONSULTER

 

 

Articles


POUR CHORUS SEUL

Une lecture de Jacques Josse

Remue.Net – 7 novembre 2013

 | © Cliquer ICI


UNE MAIN, DEMAIN

Par Patrice Beray

Mediapart – 11 mars 2009

 | © Cliquer ICI


Sur les LA VIERGE DU NEANT,
premiers poèmes de Jean-Pierre Duprey

Alexandre SECHER

In« L’art d’aimer » (revue d’essais critiques)

 | © Cliquer ICI

 

 

Poèmes  



NAUFRAGE

(Mai 1946)

Sur le site : Terres de Femmes

 | © Cliquer ICI 


CRI

Sur le site : Littérature de partout

 | © Cliquer ICI


Sur le site : La Frenière & Poésie

 | © Cliquer ICI

 

 


Ghérasim Luca et Claude Tarnaud

à Oppède vers 1958/60

 © Photo : Gilles Ehrmann | “Soleil noir”

 

SITE À CONSULTER

 

CLAUDE TARNAUD

Site dédié à Claude Tarnaud

 | © http://claudetarnaud.com/

 

 

 



[1] « (…) la détermination de s’aventurer vers la haute mer du langage. », Annie Le Brun, in « Qui Vive », p.30.

[2] Ibid., p.50.

[3] Ibid., p.59

[4]Jean-Christophe Bailly, « Jean-Pierre Duprey », Pierre Seghers, coll. « Poètes d’aujourd’hui », 1973.       

[5] Patrice Beray, « Pour chorus seul », p.32.

[6] Patrice Beray, « Pour chorus seul », p.40.

[7] Ibid., p.37

[8] Ibid., p.44

[9] Claude Tarnaud, « L’Aventure de la Marie-Jeanne ou le Journal indien », p.16.

 

Sabine Péglion, Derrière la vitre

 

 

 

 

UNE LECTURE DE CÉCILE Oumhani

 

 

Sabine Péglion

 

   

 

 

 

« Derrière la vitre »

ficelle n° 109, Juillet-août 2012

 

Vincent Rougier, 2012

(Les Forettes F 61380- Soligny la Trappe)

Cliquer ICI

 

 

 

 

 

 

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Combien d’instants se brisent contre des parois de verre, échoués dans le mirage d’une proximité et d’un partage possible... Des pas posés vers les autres,  portés par la promesse du monde et qui cherchent, vacillent puis trébuchent dans le vide.  Des mots chuchotés, confiés qui bruissent dans la lumière du jour puis retombent dans le silence...

Sabine Péglion écoute des voix qui se croisent, sans se rencontrer. Elle démêle les strates des phrases qui se suivent, se recouvrent jusqu’à étouffer un cri qui jamais n’émerge et demeure enfoui dans l’inaudible.  Il s’enlise, vaincu par le quotidien, puis balayé par l’espoir qui renaît malgré tout, après les défaites. Passerelles incertaines / les mots courent / Fluides    liquides / Bulles fragiles / à leurs lèvres assurées / Crèvent /se recroquevillent / fusent / aux volutes   S’accrochent.

C’est dans cet inaudible, fait d’échanges avortés, de meurtrissures contenues à l’intérieur de la cartographie de tous les jours, que la poète recherche les fils ténus qui nouent nos gorges et emprisonnent nos élans. Elle y démasque les jeux sociaux où s’échappe le dire,  bien loin du ressenti, du vrai et de ce que l’on désire.  Entre ces paroles superposées, apparaissent les décalages et les abîmes où l’on se perd, dépossédé de ce que l’on est, sans parvenir à se débarrasser de sa chrysalide.  Toi /Moi / Ta voix se tue / Ta voix s’est tue / Moi / Toi /Ce silence /Fleur rouge / Crevant d’absence / Et tes mots qui se cherchent / Et mes mots qui te cherchent.

La poète joue avec les blancs et les typographies pour mettre en relief la diversité des voix qui s’élèvent dans ces poèmes. C’est avec une grâce subtile qu’elle donne à voir ces espaces qui nous entourent et que nous entourons, de nos gestes et de nos mots.  Et son recueil chemine selon l’ordonnancement d’obstacles de verre clairement repérés : La transparence du monde, De toi à moi et Pars cours deviens, où résonne la voix d’un adolescent qui se heurte à celle des adultes.

Ce regard posé sur notre présence au monde et aux autres touche et émeut.  On ne peut être qu’interpellé par ces thèmes universels, abordés avec une infinie sensibilité.

Pourquoi   dans l’île bien loin de nos rives /   faut-il que le mauve se dissolve ?  La poésie de Sabine Péglion approche notre intime solitude et la transfigure.

 

 

Cécile Oumhani, décembre 2013

© Les Carnets d’Eucharis


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SITES À CONSULTER

 

Extraits


DERRIÈRE LA VITRE

Sur le site : Terres de Femmes

| © Cliquer ICI

26/12/2013

Eric Sarner, Coeur chronique

 

ERIC SARNER

Cœur chronique

(Le Castor Astral, 2013)

 

 

 

Encre de couverture : Éric Sarner

Préface de Michel Deguy

 

Éric SARNER

 

 

---------------------------------------------------------------------------             QUATRIEME DE COUVERTURE


Cœur chronique recense des évènements, des noms de lieux, de personnes, des œuvres et des mots qui, à tel ou tel moment, ont trouvé chez moi un écho émotionnel, écho retranscrit ici en vers ou en prose.

Du début à la fin, ce qui nous tient, n’est-ce-pas, ce sont bien nos émotions et ce qui souvent les accompagne, nos interrogations.

Le travail du poète est de tendre parole à tout cela.

D’y tendre…


É. S.

 

 ---------------------------------------------------------------------------            BIOBIBLIO


ÉRIC SARNER vite entre Berlin, Paris et Montevideo. Réalisateur d’une vingtaine de documentaires pour la télévision, il est l’auteur de récits de voyages, comme La Passe du vent (Payot), Sur la Route 66, petites fictions d’Amérique (Hoebeke) et Un voyage en Algéries (Plon), ainsi que des recueils de poèmes dont Eblouissements de Chet Baker (La Passe du vent), Et comme emportés, on demeure (Dumerchez), et Ballade de Frankie (Le Castor Astral).

 

Il vient de recevoir le Prix Max Jacob pour son recueil "Cœur chronique".

 

 

_______________________________________________

 

Femme au manteau

de chair

jouant aux angles

géométrie

de ses formes

de son

destin

son visage

borde les écritures

elle n’en voit rien

ni

la fumée

de l’autre côté

du lac

encapuchonnée noir

encapuchonnée arbre

sur l’eau

dans sa barque

un pêcheur la regarde

fouler

la neige


---------------------------------------------------------------------------             p.33

 

***


Effondrement du cœur

d’étoiles massives

en fin de vie

le plus ancien

le plus lointain

sursaut de rayons gamma

13 milliards d’années

d’autres bouffées

plus lointaines

plus anciennes

encore

seront repérées

dans le futur

dit le savant

peut-être un jour

pourra-t-on étudier

les toutes premières étoiles

et la fin de l’âge sombre

de l’univers


---------------------------------------------------------------------------            p.38

 

***


Elle

noire de la jupe aux cheveux

des yeux jusqu’au corsage

bouche mince

et rouge comme noire

je me rappelle son pas

glissando

une brise retenue

un tigre insomniaque et fiévreux

le nom d’une fleur mauve

quand je remontais du port

Goûter sa salive


---------------------------------------------------------------------------             p.51

 

***


La nuque de cette femme

y poser des figues vertes

des sanglots de fin juillet

des fièvres dignes du vaudou

de petits fleuves sans fin

autour de ses épaules

déposer

tout ce qui doit rester

le petit pont sur l’Arno

une amoureuse évanouie

quelque danse criminelle

les forêts au-dessus du Danube

et puis où encore

et sur quoi d’invisible

ce qui

ne se peut

voir

femme de pigments secs

pour toujours

déjà absentée

le 7 janvier 1911


---------------------------------------------------------------------------             p.53


***


Sur un trottoir

trempé

je trouvais ce mot

le cœur

est

un loup

pour l’homme


---------------------------------------------------------------------------             p.62


***


Les phénomènes de l’amour

comme si l’amour

était un champ d’érudition

algèbre et pas seulement géométrie

histoire et symbolique

et pas simple géographie

bestiaire furieux

outre les musiques de joie

ou de chagrin

seule la fin

sépare

probablement

le réel

de l’irréel

avant que le rhum coulant encore

on découvre

ceci

le texte sans doute est exact

la vérité est sûrement fictive


---------------------------------------------------------------------------             p.69

 

 

Ces poèmes sont extraits de « Expérience de l’hiver » in Cœur Chronique.

 

 

SITE À CONSULTER


LE  CASTOR CASTRAL

Cœur chronique

| © Cliquer ICI

 

 

Roberto Bolano, Amuleto

 

 

Roberto Bolaño

AMULETO

 (Christian Bourgois Editeur, 2013)


 

Traduit de l’espagnol (Chili) par Emile et Nicole Martel

 


Roberto Bolaño

 © Photo : Jerry Bauer | CLIQUER ICI

 

 

 

------------------------------------------             QUATRIEME DE COUVERTURE

 

Mexique, septembre 1968 : la police envahit l'université de Mexico. Afin de leur échapper, Auxilio Lacouture, une Uruguayenne amie des poètes et de la poésie, se réfugie au quatrième étage de la faculté de Lettres et de Philosophie. Elle y demeure cachée pendant treize jours, au cours desquels elle se remémore son histoire. Au fil d'un vaste récit aux accents tantôt mystiques tantôt surréalistes, elle évoque ainsi les jeunes gens qu'elle a connus à l'université et les événements de ces années troubles.

Amuleto est l'un des premiers ouvrages de Roberto Bolaño parus en France. On y retrouve la combinaison d'une atmosphère angoissante et d'une terreur politique bien contemporaine. À cet égard, Amuleto annonce ses œuvres suivantes telles que La Littérature nazie en Amérique, Étoile distante, Nocturne du Chili, où écrivains et poètes jouent souvent un rôle essentiel.

 

 

 -------------------------------------------------------           BIOBIBLIO

 

Roberto Bolaño est né à Santiago du Chili en 1953. Fondateur, au Mexique, de «l'infraréalisme», groupe littéraire d'avant-garde, héritier de Dada et de la Beat Generation, il a déferlé sur la scène littéraire avec La Littérature nazie en Amérique puis Les Détectives sauvages. Il a reçu, entre autres, le Prix Herralde en 1998 et le prix Romulo Gallegos, le plus prestigieux d'Amérique Latine en 1999. Poète et romancier, héritier de Borges, Cortazar, Schwob, il saisit à bras le corps l'histoire de sa génération et est passé maître du brassage des registres, situations et personnages. Roberto Bolaño est mort en 2003 à Barcelone.

 

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ET MOI, pauvre de moi, j’ai entendu quelque chose de semblable à la rumeur que produit le vent quand il descend courir entre les fleurs de papier, j’ai entendu une vibration d’air et d’eau, et je me suis levée (silencieusement), les pieds comme une ballerine de Renoir, comme si j’allais accoucher (et d’une certaine manière, en effet, j’allais donner naissance à quelque chose et naître moi-même), le slip tenant en menottes mes chevilles maigres, accroché aux chaussures que j’avais alors, des mocassins jaunes très confortables, et pendant que j’attendais que le soldat inspecte les cabinets l’un après l’autre et que je me préparais moralement et physiquement, si nécessaire, à ne pas ouvrir, à défendre le dernier réduit d’autonomie de l’UNAM[1] , moi, une pauvre poète uruguayenne, mais qui aimais le Mexique comme personne d’autre, tandis que j’attendais, comme je disais, un silence particulier s’est produit, un silence spécial pour lequel ni même les dictionnaires musicaux ni les dictionnaires philosophiques n’ont d’entrée, comme si le temps se fracturait et se mettait à courir dans plusieurs directions à la fois, un temps pur, ni verbal ni fait de gestes ni d’actions, et alors je me suis vue moi-même et j’ai vu le soldat qui se regardait béatement dans le miroir, nos deux personnages scellés dans un noir losange ou submergés dans un lac, et j’ai eu un frisson, parce que j’ai perçu que momentanément les lois de la mathématique et celles, tyranniques, du cosmos, qui s’opposent aux lois de la poésie, me protégeaient et j’ai compris que le soldat se regarderait béatement dans le miroir et que je l’entendrais, ou l’imaginerais, souriante aussi, dans l’abri singulier de mon cabinet, et que ces deux facteurs constituaient à partir de cette seconde-là les revers d’une pièce de monnaie atroce comme la mort.

 

---------------------------------------------------------------------------             38/39

 

***

 

SITES À CONSULTER

 

Editions


AMULETO

Christian Bourgois Editeur

| © Cliquer ICI


 

Articles


Le chant d’Auxilio Lacouture

Sur « Amuleto » de Roberto Bolaño

Antonio Werli

In« Cyclocosmia » (revue d’invention et d’observation)

| © Cliquer ICI

 

POUR UNE HISTOIRE SECRÈTE DU ROMAN CONTEMPORAIN :
2666 DE ROBERTO B
OLAÑO

Sur le site d’Enrique Vila-Matas

Emmanuel BOUJU

In« Cyclocosmia » (revue d’invention et d’observation)

| © Cliquer ICI

 



[1] Université nationale autonome de Mexico.

 

25/12/2013

Luis Bénitez

 

 

 

 img089.jpg

LES IMAGINATIONS

(Traduit de l’espagnol par Jean Dif)

 

Luis Benítez | L'HARMATTAN, Collection « Accent tonique » | 2013

 

 

 

 

La camera impossible

 

 

La caméra impossible est le nom que lui donnent ceux qui connaissent le cinéma,

Parce que l’image y est vue depuis un mur

Ou depuis l’obscurité où il n’y a personne

Et comme le temps nous regarde faire et défaire,

Toujours absorbés dans l’illusion de n’être pas vus,

Toujours prompts à nous perdre dans les cérémonies les plus stupides.

Là, sous la lentille, renaît le monde perdu

Entre les veines déjà dures et les cheveux qui sortent du nez.

Malgré le cœur qui souhaite enfin dormir sous terre,

Les poumons qui ont tant fait qu’ils ne désirent plus d’air ;

La caméra impossible suit la chorégraphie de l’intime

Qui croit avoir échappé un moment au public

Et les vieilles cérémonies se remettent à peupler les recoins

De gens qui n’existent pas, à changer la mise en scène

Pour d’autres décorés voici des années avalées par les jours.

Plus sincères que la masturbation, plus évidents que le rêve,

Les rituels secrets restituent leur sens aux photographies fanées,

Aux souvenirs qui surgissent de ces images avec leur dégaine légère de nains,

Au cauchemar jouisseur de la solitude, finalement,

Avec ce monstre lourd qui passe rapidement par les miroirs.

Et la caméra impossible filme tout cela

Pour les archives incandescentes qu’utilise la mémoire,

Cette escroquerie que brandira demain le passé :

Demain, pour nous faire honte une fois de plus encore une fois et une autre fois

Savoir que nous avons fait ce que nous avons fait et ce que nous sommes finalement

Une autre fois tout ce que nous fûmes et serons quand bien même nous n’aurions pas été,

Comme l’enregistrera la caméra, la caméra impossible.

 

 

-------------------------   (p.52/53)

 

 

 

NOTICE BIO&BIBLIOGRAPHIQUE


Luis Bénitez, poète, narrateur, essayiste et dramaturge, est né à Buenos Aires le 10 novembre 1956. Il est l’auteur de plusieurs recueils de poèmes et d’essais.

Les dernières éditions de Luis Bénitez (poésie) : Les imaginations (L’Harmattan, Paris, 2013) Courte anthologie de poésie (The Littoral Press, Angleterre, 2013) Manhattan chanson. Cinq poèmes de l’Ouest (Ars Longa Editura, Roumanie, 2013) Béring et autres poèmes (Siesta Förlag, Suède, 2012) L’éléphant après-midi et autres poèmes (Sentieri Meridiani Edizioni, Italie, 2012) Un héron à Buenos Aires. Poèmes choisis (Ravenna Press, USA, 2011).

 

 

 

L’HARMATTAN

Littérature Poésie Amérique latine 

| © Cliquer ICI 


  

recours au poeme

Une lecture de Jean Dif

| © Cliquer ICI

 

 

Poèmes choisis

| © Cliquer ICI  

 

LUIS BENÍTEZ
« El poeta contemporáneo será internacional o no será »

| © ICI

 

 

Remedios Varo

 

 

REMEDIOS VARO

PEINTRE SURRéaliste

Site officiel

 remedios varo.jpg

  

 

[Extrait]

 

 

ROBERTO BOLAÑO

AMULETO

(Traduit  de l’espagnol – Chili – par Emile et Nicole Martel)

Christian Bourgois Editeur, 2013

 

[…]

 

Il y a très peu de gens qui se souviennent de Remedios Varo. Je ne l’ai pas connue. Sincèrement, j’aimerais bien dire que je l’ai connue mais en vérité je ne l’ai pas connue. J’ai connu des femmes merveilleuses, fortes comme des montagnes, ou comme des courants marins, mais je n’ai pas connu Remedios Varo. Non parce que j’aurais eu honte d’aller lui rendre visite chez elle, non parce que je n’appréciais pas son œuvre (que j’admire de tout cœur), mais parce que Remedios Varo est morte en 1963 et moi, en 1963, j’étais toujours dans mon lointain Montevideo chéri.

 

[…]

 

 

Je lui dis à quel point je l’admire, je lui parle des surréalistes français et des surréalistes catalans, de la guerre civile espagnole, je ne lui parle pas de Benjamin Péret parce qu’ils se sont séparés en 1942 et je ne sais quels souvenirs elle garde de lui, mais je lui parle de Paris et de l’exil, de son arrivée à Mexico et de son amitié avec Leonara Carrington, et je me rends compte alors que je suis en train de raconter à Remedios Varo sa propre vie…

 

 

ROBERTO BOLAÑO  ...............................................

 

 

Julio Cortázar

 

[] Pourquoi en littérature – à l’image servile des critères de la vie courante – on incline à croire que la sincérité ne se produit que dans l’éclat dramatique ou lyrique, et que le ludique contient presque toujours artifice ou dissimulation ? Macedonio, Alfred Jarry, Raymond Roussel, Erik Satie, John Cage, ont-ils écrit ou composé avec moins de sincérité que Roberto Arlt ou Beethoven ?

 

 

 

et ligne après ligne/and line after line

 

Du côté de chez…

Julio Cortázar

 

© INTERNET | Julio Cortázar

                                                                 

 

« Crépuscule d’automne »

José Corti, 2010 – Collection « Ibériques »

 

  Extraits

 

 

 

 

 

[Fougère]

 

 

pour que tu restes en suspens dans ta nuit

de yeux fermés et de lèvres humides

après cette tâche extrême de la mousse

où mon corps se livre à ses faucons

 

 

 

         sous le zénith mystérieux qui déploie

         les formes balbutiantes de ta voix

         l’écume reprend ses énumérations

         et à nouveau la déesse y surgit.

 

 

 

la soif alors s’exalte dans la jonction

des deux rivières blanches qui se croisent

  Diane des ultimes carrefours sans issue,

lune de sang parmi les chiennes noires –

 

 

 

         machine de méduse et d’unicorne

         où s’emmêle le temps à qui on arrache

         le masque sans regard de l’instant

         quand on tombe à partir du plus profond

 

 

 

un halètement, le silex d’une plainte,

une chose interminable qui s’effondre

jusqu’à ce que l’aile tourbillonnaire des mouettes

dessine un labyrinthe déjà effacé

 

 

 

         contre l’oreiller d’algues et de salive

         le gémissement alterné renouvelle

         un double crépuscule où pas à pas

         défile une lente théorie de panthères

 

 

Julio Cortázar  ..............

 

(p.129/130)

in « Permutations »

 

 

17/12/2013

Les Carnets d'Eucharis, année 2014 (Abonnement & Souscription)

 

 

Les Carnets d’Eucharis

●●●●●●●●●Poésie| Littérature Photographie | Arts plastiques●●●●●●●●●  (2014)

 


 

 

Les Carnets d’Eucharis, Année 2014

(CARNET 2)

 

Format : 170 x 250 | 160 pages | ISSN : 2116-5548

ISBN : 978-2-9543788-1-7

France : 17 € (rajouter 4 € frais de port)

 

En vente : 1er mars 2014

 

●●●

 

(COMITÉ DE RÉDACTION)

Nathalie Riera, Claude Darras, Richard Skryzak, Tristan Hordé,

Angèle Paoli, Claude Minière, Sabine Péglion, Gérard Larnac

 

 

 

Sommaire

 

 

Les Carnets d’Eucharis     [2014]

 

●●●

 

AVANT-PROPOSNathalie Riera

 

 

ÉTIENNE FAURE

[Entretien conduit par Tristan Hordé]

 

 

AU PAS DU LAVOIR

20 I Fabrice Farre [NOUS, LES CHOSES…]

23 I Noémie Parant [45 lettres à D. (extrait)]

27 I Corinne Le Lepvrier [liste provisoire de mes derniÈres dÉcouvertes sur ma vie]

30 I Armelle Leclercq [Les Sentinelles des dieux]

36 I Jean-Louis Bernard [POÈMES CHOISIS]

39 I Jean-Marc Gougeon [POÈMES CHOISIS]

44 I Marie de Quatrebarbes [POMME FATALE]

47 I Aurélie Foglia [FINITIFS]

55 I Marie Etienne [UN ENFANT QUI S’ENDORT]

 

LE CHANTIER DU PHOTOGRAPHE

61 ISur une photographie (extrait de « Mallarmé & les fantômes ») Claude Minière

 

PORTFOLIO  I Cahier visuel & textuel de 16 pages

Photographies : Éric BourretI Texte :François Coadou (L’ivresse des sommets)

 

EN HAUT DU PRÉI Petite anthologie de textes contemporains & de Paroles d’artistes

66 IPhotos-vidéos &Texte : Richard Skryzak (Les Rêveries d’un vidéaste solitaire)

71 I Claude Minière (Numériques)

76 IPaul Louis Rossi[La Raison Pure]

80 IPierre Petit[Le Collectionneur]

 

TRADUCTIONS

  84 IW.S. GRAHAM & Paul STUBBS Traduits de l'anglais par Blandine Longre

100 IMariangela GUALTIERI Traduit de l'italien par Angèle Paoli

113 IJuan GELMAN Traduit du séfarade-espagnol par Raymond Farina

116 IViviane CIAMPI Traduit de l’italien par Raymond Farina

121 IEva-Maria BERG Traduit de l'allemand par Brigitte Gyr

129 IMina LOY Traduit de l’anglais par Olivier Apert

 

Portraits Lectures Critiques

140 I [Portrait biographique] Mina Loy : une cartographe de l’imaginaire, Nathalie Riera

144 I[Portrait critique] La tragédie humaine de René Knapen, Claude Darras

150 I [Lectures] Jacques Moulin, À vol d'oiseaux (L'Atelier contemporain, 2013) Tristan Hordé 151 I Jean-Marie Gilory, Songeries d’un rêveur insulaire (La Botellerie Editeur) Jean-Louis Bernard • 153 I Cécile Oumhani, Tunisie, carnets d’incertitude [Tunis, Editions Elyzad/Collection Sous les remparts, 2013] Sabine Péglion • 155 I Marie Huot, Douceur du cerf (Al Manar/Alain Gorius, 2013) Angèle Paoli • 159 IÉric Sarner, Cœur chronique, (Le Castor Astral, 2013) Brigitte Gyr • 162 I Jacques Laurens, Père éternel (Hermann/Collection Vert Paradis, 2013) Olivier Salazar-Ferrer

 

 

 


 Abonnement & Souscription


 

*[Année 2014]

 

●●●

 

(RÉDACTION & SIÈGE SOCIAL)

 

 

L'Association L'Atelier des Carnets d'Eucharis

L'Olivier d'Argens - Chemin de l'Iscle - BP 44

83520 ROQUEBRUNE-SUR-ARGENS

CONTACT : nathalieriera@live.fr

 

 

(ABONNEMENT/SOUSCRIPTION)

 

 

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□ PREMIER NUMÉRO :

Année 2013

[Susan Sontag]

21 €, frais de port compris

 

□ DEUXIÈME NUMÉRO :

Année 2014

[Carnet 2]

21 €, frais de port compris

 

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2013-2014 | Revue papier Les Carnets d’Eucharis | ISSN : 2116-5548 |ISBN : 978-2-9543788-1-7

 

 

 

L'Association L'Atelier des Carnets d'Eucharis

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CONTACT : nathalieriera@live.fr

 

 

 

Roselyne Sibille par Sabine Péglion

 



ROSELYNE SIBILLE

roselyne sibille.jpg

Roselyne Sibille |Sur le site Terre à Ciel| 2013

 

 

 

Roselyne Sibille

Lecture de Sabine Péglion

________________________________________________________

 

 

 

 

Poète, traductrice, géographe de formation, Roselyne Sibille a longtemps été bibliothécaire et enseignante aux Universités d'Aix-en-Provence et d'Avignon. Parallèlement à ses travaux personnels d’écriture, elle poursuit des ateliers « d’éveilleuse » pour reprendre ses termes, en Provence.

Quand on aborde la poésie de Roselyne Sibille, on songe au rôle que Jean Cocteau lui accorde : « Elle dévoile, dans toute la force du terme. Elle montre nues, sous une lumière qui secoue la torpeur, les choses surprenantes qui nous environnent et que nos sens enregistraient machinalement. »

Ainsi, dans L’appel muet, le regard de la poète, précis, sensible, « donne à voir » ce quotidien que nous traversons, le plus souvent sans même le remarquer :  

                                                                                                                                   

Entre la montagne

et les brumes

les corbeaux         leur vol         leurs cris 

 

l’odeur de la terre et son silence 

les racines font signe

 

Entre

 

Percevoir le lieu, l’instant, sa plénitude. Mais plus encore, elle nous invite à prendre conscience de notre être au monde, dans l’attention à ce qui nous est donné. Dans ce suspens perçu du temps, savoir questionner notre parcours, aller au-delà de ce que le regard capte et transmet :

 

Source noire

Seule au milieu

Souffle haletant

 

Vivre avec

Vivre sans  

Sans arrêt

Soif

in Tournoiements Ed. Champ social 2006

 

 

Devenant parfois ce passeur,

je lirai sans fin l’indéchiffrable

                     les autres frontières                            

                                                    in ibid   

 

Avec Roselyne Sibille on arpente le monde, on le redécouvre, au rythme de sa marche,

 

Quand s’enchevêtrent les mystères

que je ne sais plus rien 

je vais chercher

les senteurs d’herbe dans le vent   

in  L’appel muet Ed. La porte 2012

 

Ce matin tôt je marche

seule dans la prairie

Etoiles sous la rosée

Le ciel se tait

in ibid  

Pouvoir saisir ce qui nous échappe, s’y ressourcer

juste un espace où marcher le vent

[…] 

éblouie de vent une aube noire s’est déployée en silence

 

                                                   in Lumière froissée Ed. Voix d’encre 2010

 

Une attention aux paysages dans ses nuances que l’on retrouve sculptés par les blancs de la page. Ils laissent les mots dérouler leur ampleur sonore, vibrer au gré de la sensibilité du lecteur :

 

                                                                Falaise cabrée

délaissée

              lourde    longue     lente    ample

       vers l’absence                                                   les lointains nains

 

in Lumière froissée Ed. Voix d’encre 2010

 

Roselyne Sibille nous incite à saisir cette incandescence

 

                                   la lumière

hachée

blanc

ces lueurs fragiles car l’ombre est si proche tout tremble et fuit,

le temps abasourdi

trébuche

sur l’épaule     immobile     des secondes


En dépit de… pourtant… poursuivre. C’est bien une confiance dans la vie que nous livrent ses recueils.


Un miroir

appuyé contre la nuit

voir ce qui demeure

et sourire 
                                                

   in  L’appel muet Ed. La porte 2012

 

La poésie de Roselyne Sibille nous rappelle qu’on ne peut, ni ne doit, ni oublier, ni accepter mais regarder, devant, dans la lumière.

 

 

Décembre 2013 © Sabine péglion

 

 

 

 

NOTICE BIOBIBLIOGRAHIQUE

  2001 - Au chant des transparences, lavis de Bang Hai Ja, Éditions Voix d’encre

  2002 - Éclats de Corée, Éditions Tarabuste (Anthologie Triages, avec le concours du CNL)

  2005 - Versants, préface de Jamel Eddine Bencheikh, Éditions Théétète (avec le concours du CNL)

  2006 - Préludes, fugues et symphonie, Éditions Rapport d’étape (Librairie française de Venise)

  2007 - Tournoiements, Éditions Champ social

  2007 - Un sourire de soleil (histoire pour enfants), édition bilingue (franco-japonaise) parue au Japon, traduction de Masami Umeda, photographies d’Hélène Simmen

  2009 - Par la porte du silence (Through the Door of Silence), recueil trilingue (français-anglais-coréen), coédité par le Musée mémorial Gyeomjae Jeongseon et le Centre Culturel de la Fondation Toji, peintures de Bang Hai Ja. Publié en Corée du Sud. Traductions de Michael Fineberg et Moon Young-Houn.

  2010 - Lumière froissée, encres de Liliane-Ève Brendel, Éditions Voix d’encre

  2011 - Implore la lumière, peintures de Sylvie Deparis, Éditions SD

  2012 - L'appel muet, éditions La porte

Publications dans les revues Culture coréenne, Terres de femmes, Terre à ciel, Pratilipi, Asymptote et Qantara (revue de l'Institut du monde arabe - Paris)

Divers livres d'artistes et autres co-créations : avec Bang Hai Ja - Hélène Baumel - Florence Barberis - Laurence Bourgeois - Liliane-Eve Brendel - Sylvie Deparis - Keun Eun-dol - Youl - Dominique Limon - Christine Le Moigne - Maïté Erra

Expositions personnelles et collectives

Résidences d'écriture (Corée du Sud et Inde)


 

 

Les Carnets d'Eucharis

© D.R. Sabine Péglion, décembre 2013

 

Etienne Cendrier

etienne cendrier_opus manus3.jpg

Etienne Cendrier © Opus Manus

 

Galerie Roy Sfeir
6 rue de Seine - 75006 Paris
Tel : +33 (0)1 43 26 08 96
art@galerie-du-fleuve.com
www.galerieroysfeir.com

Galerie Samagra
52 rue Jacob - 75006 Paris
Tel : +33 (0)1 42 86 86 19
gallery.samagra@wanadoo.fr
www.gallery-samagra.com

 

Art dans l'air, N°2 (par Claude Darras)

 

 

 

[Revue de revues]

Art dans l’air,

 N°2 – 2013

 

 

une autre manière d’ouvrir les fenêtres de l’imaginaire

Par Claude Darras

 

 

 

 

 

Dans le domaine des revues, le premier pas est une expérience profonde et décisive : si l’aventure doit continuer, elle dessine déjà les linéaments d’une entreprise future et durable. Directrice de la rédaction et de la publication Art dans l’air, Anne Devailly et son équipe ne se contentent pas de commenter l’actualité artistique en Languedoc-Roussillon ; ils la provoquent en excellents passeurs qu’ils sont. Aussi conviendra-t-il de ne pas tenir pour négligeables les fonctions prospectives des revuistes. Attentifs à souligner la veine populaire du Musée international des arts modestes de Sète, ils sont très inspirés en faisant la courte échelle au jeune peintre montpelliérain Mohamed Lekleti (dans la livraison n° 1). De la même façon, soucieux d’évoquer les vingt ans du Carré d’Art de Nîmes à la faveur d’une exposition de son concepteur et collectionneur, l’architecte britannique Norman Foster, ils s’honorent en révélant la peinture d’un artiste méconnu de grand format, Jean-Baptiste Garon, né à Niort en 1964 et décédé à Montpellier en 2012 (dans le numéro 2).

 

La planète des arts est inventoriée selon toutes ses facettes : villes d’art (Parcours d’art contemporain à Carcassonne, exposition Mòstra de Mende), galeries (entretiens avec Bernard Brantus à Ganges, Cécile et Gérard Bueno à Nîmes, et Didier Nick à Aubais), photographie (Cécile Mella à Montpellier et Cyril Hatt à Saint-Jean-de-la-Blaquière), design (Julien Gudéa à Nîmes, Ova Design à Montpellier), vitrail (rencontre à Béziers avec le maître-verrier italien Carlo Roccella), artisanat d’art (avec Pierre Armengaud, ébéniste et ancien compagnon du Devoir). Salutaire confrontation et bel échange avec la chronique Regards croisés : entre le sculpteur sétois François Michaud et le dessinateur canadien David Maes résidant à Uzès. Artiste norvégienne vivant et travaillant à Saint-Brès (Hérault), Oddbjørg Reinton confie à Fabienne Durand son amour des animaux qu’elle dessine et peint et ses craintes devant la lente et durable extinction des espèces.

 

À quoi servent des revues comme Art dans l’air ? Elles sont une manière d’ouvrir l’esprit, de comprendre qu’il y a une communication souterraine entre le passé et le présent, de se convaincre aussi que la longue histoire spirituelle, religieuse, intellectuelle qui s’écrit dans le monde des formes s’inscrit partout, dans les villes et les campagnes, en Languedoc-Roussillon comme ailleurs. Sachons gré aux revuistes de repousser les murs de leurs cimaises de papier afin d’ouvrir plus largement encore les fenêtres de l’imaginaire.

 

 

++++++

 

Les Carnets d’Eucharis N°40 (HIVER 2014) © Claude Darras


Art dans l’air, n° 1 février 2013, 98 pages ; n° 2 avril/mai 2013, 98 pages, magazine de l’art & des artistes en Languedoc-Roussillon

 

15/12/2013

Antonio Pizzuto

 

 

ANTONIO PIZZUTO

---------------------------------

© Écrivain sicilien

 

 

 

Antonio Pizzuto / 1893-1976

 

 

EXTRAIT

LE TRIPORTEUR et autres proses / IL TRICICLO

(traduit de l’italien, présenté et annoté par Madeleine Santschi)

postface de Gianfranco Contini

L’Age d’homme, Lausanne, 1987

 

 


 

Grand-mère[1] 

 

Erice, odorants la sauge ses paradis, en bas de l’escarpement la mer crêpue immobile[2], essuyées comme vaisselle les routes spirales[3], portes et impostes fermées, y dedans cours où minuscules lunes d’eau dans les très profonds puits en échos, bien rare dans la symétrique citerne[4], au milieu quelque arbre, mur sur mur les liserons, issues secondaires sur candide ruelle parmi vertes persiennes opposées aux principales[5]. Pendaient du blanchi plafond à poutres, par familles, grappes maures nil or s’empergolant, au licou les oblongs fromages, abeilles buridanes tout autour, moucherons en poussière[6]. Les coups de l’heure quarte, pas solitaires violent silence après midi plus lourd dans la générale torpeur[7], et de s’apprêter en son lieu la fanfare, ordre carré, bouches contre anches, cymbales pour entrer en collision, prête la mailloche pour frapper grosse caisse. S’étant faits furibonds les regards et universellement centripètes, levée la main s’abattant pour fendre[8], explosaient les cuivres avec grand éternuement, caverneux parcheminé grondement, d’où frémissements ventraux pour ceux dans le passage ère d’aile[9], dans chaque silence vils les nasillards clairons. Au son de l’énergique marche conventionnelle diffuse dans l’enceinte citadine, demeure par demeure surgissaient les contribuables vers ablutions a cappella[10], contrepointant d’éclaboussements les tymbales, solfiant la laborieuse brosse, il y avait balancement dans les diamantifaires lampadaires. Déposés ensuite les instruments, revenaient les musiciens artisans[11], vers enclumes établis étaux, évident le s’acheminer vers l’ensoleillé de tous ceux auparavant réveillés par le massif souffle[12].

 

[…]

------------------------------ (p. 35/37)

 

 

Erice, odoranti di salvia i suoi paradisi, ingiù dallo scosceso il mare cresputo immobile, terse come stoviglie le strade spirali, ingressi ed imposte chiusi, laddentro cortili dove minuscole lune l’acqua nei profondissimi pozzi in echi, ben scarsa entro cisterna simmetrica, framezzo qualche albero, mura mura convolvoli, secondari usci su candida viuzza tra verdi persiane opposti a quelli maestri. Pendevano da imbiancato soffito a travi, per famiglie, grappoli mori nilo aurei impergolando, in capestro oblunghi formaggi, api buridane intorno, moscerini pulviscolosi. I rintocchi di quarta ora, passi solitari a violar silenzio dopo mezzogiorno più greve nel generale sopore, ed apparecchiarsi in suo luogo la banda, ordine quadrilungo, bocche contro ance, piatti per collidere, pronta  mazzuola da picchiare grancassa. Fattisi gli sguardi furibondi e universalmente centripeti, levata mano calando per fendente, esplodevano ottoni con gran sternuto, cavernoso pelliccio rombo, onde ventrali fremiti cui nel passaggio era d’ala, in ogni zittita alacri i clarini nasardi. All’energica Marcia convenzionale diffusa nel circuito cittadino, dimora per dimora sorgevano I contribuenti verso abluzioni accappella, contrappuntando di sbruffi le timballate, solfeggiava operosa spazzola, c’era dondolo in diamantiferi lampadari. Dismessi poi gli strumenti, tornavano I sonatori artigiani, da incudini deschetti morse ovvio l’incamminarsi all’aprico quanti dianzi desti il mazzicato soffio.

 

 

                                                                                                    

SITE À CONSULTER :

Madeleine Santschi

Culturactif

 

 



[1] Tiré de « Testamento » (Il Sagggiatore di Alberto Mondadori, Milan 1969) : d’une fin de journée à une autre, l’évocation d’une grand-mère, du lieu en Sicile où P. passait ses vacances.

[2] La mer comme elle apparaît du sommet du mont où est situé Erice.

[3] La route en lacet qui relie la mer à Erice.

[4] Pour indiquer l’aspect mystérieux de la bourgade close sur ses patios dans lesquels seule miroite parfois l’eau au fond des puits.

[5] Issues.

[6] Le raisin et les fromages accrochés aux poutres.

[7] Le réveil après la sieste.

[8] Mimique de la fanfare.

[9] Les sons bruyants pour ceux qui sont près mais caresse pour les autres.

[10] Toute la population entraînée par la musique.

[11] Le concert terminé les artisans musiciens retrouvent leurs occupations coutumières.

[12] Toute la population est désormais réveillée.

 

12/12/2013

Claude Minière - Barnett Newman - Le Théâtre de verdure

 

 

 

barnett-newman.jpg

  Barnett Newman | MUSEE DES BEAUX-ARTS DU CANADA | (1905-1970)


BARNETT NEWMAN

Retour vers l’Eden

 (Tarabuste, 2012)


 

 

 

TARABUSTE EDITEUR

Collection Brèves Rencontres

SITE DE L'EDITEUR

 

 

 

 

 

                

 

BARNETT NEWMAN

Retour vers l’Eden

 

p. 16.

 

  

Il est le peintre de ONEMENT, de l’ « expiation » et de la réconciliation, mais bien plus encore celui qui a lutté contre l’idée de Chute, contre la pensée d’une déchéance de l’homme. Il y a vu l’acte d’un dieu jaloux. Le premier homme était un créateur, un artiste. Il cherche ce qui est premier. Il est l’artiste de DAY BEFORE ONE, un « peintre du samedi », du sabbat luxueux. Il s’est posé des questions sur la terreur et la tragédie. La terreur est-elle maintenant derrière nous ? Devant ? En face de nous ? Quand il peint il accomplit un acte de connaissance. Celui qui est connaissant ne se sent-il pas divin ?.. Il se tient dans l’atelier, son œuvre l’accompagne sur son chemin et elle est son chemin. La peinture et lui ça fait deux et ils ne font qu’un. Il se tient dedans et à côté.

 

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 


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Claude Minière | Le théâtre de verdure | 2013



 

 

 

MARIE DELARBRE EDITIONS

Les Carnets du Noctambule

SITE DE L'EDITEUR

 

 

 

 

                           

  LE THEATRE DE VERDURE 

p. 12/13.

 

 

 

(…) Quand j’écris, pour franchir les limites de la chambre je cherche le climat et le cadre du Théâtre de verdure, sa fraîcheur, l’ordre et le soleil, le déroulement, les apparitions et disparitions, le bruissement des feuilles, la vue accrue, les voix, le petit orchestre, l’angoisse, les heurts, les résolutions, les lois et la dramaturgie. Et si je pense, imperceptiblement ma pensée s’engage dans ce jeu de ruptures, de répétitions, de progression, d’éclaircies et obscurcissements… C’est dans ce « cadre » (immatériel) que m’apparaissent le fond et la surface des évènements, les paroxysmes et le retour au calme ambigu, incomplet. Si je ferme et ouvre les yeux, si je « ferme les yeux » sur l’actualité, si j’ouvre les yeux sur le réel, je vois, j’entends en arrière-fond, vide, en attente de surprises, de chances et de démons, le « théâtre de verdure ». C’est le lieu rêvé, la place exacte de génération de la pensée et de saisie des sensations.

 

 

 

***

 

 

 

NOTICE BIO&BIBLIOGRAPHIQUE

 

Claude Minière est né à Paris le 25 octobre 1938, dans le 18ème arrondissement. Il est marié à Margaret Tunstill. D’un premier mariage il a trois enfants. Durant la guerre, il a passé son enfance auprès d’une tante de sa mère, native de Dordogne. En 1955 il a été admis (pensionnat) à l’Ecole normale d’instituteurs de Chartres. Il est encore en poste dans la campagne beauceronne quand paraît son premier livre aux Editions du Seuil en 1968, L’APPLICATION DES LECTRICES AUX CHAMPS. Il entame des études d’histoire de l’art puis de sciences politiques, à Paris, où il fréquente artistes et écrivains.  Il collabore aux revues Tel Quel, Critique, Art press, Po&sie,… Aujourd’hui, L’Infini (Sollers, Pleynet) et Les Carnets d’eucharis (N. Riera) sont désormais les deux seules revues avec lesquelles il entretient des relations  suivies.  Après des hébergements éphémères chez différents éditeurs (Christian Bourgois, Flammarion,…) il a trouvé un « refuge » solide chez Tarabuste, et attentif chez Marie-Delarbre. Il est l’auteur (à succès) d’un PANORAMA DE L’ART EN FRANCE, paru en 1995, et de traductions d’EZRA POUND, en collaboration avec Margaret Tunstill, pour les éditions Tristram. Il a par ailleurs consacré un essai au poète américain (POUND CARACTERE CHINOIS, Gallimard, 2006). Il est actuellement domicilié à Lille, tout proche de la station des « Eurostar » vers l’Angleterre. Derniers ouvrages publiés : BARNETT NEWMAN (Tarabuste) ; LE THEATRE DE VERDURE (Marie-Delarbre). A paraître en 2014 : LE GRAND POEME EN PROSE (Tarabuste).

 

Anne Teresa De Keersmaeker

 

 

07/12/2013

Norman Manea, La cinquième impossibilité

 

 

NORMAN MANEA

La cinquième impossibilité

 (Le Seuil, 2013)

 

 

 

COLLECTION « Fiction & Cie »

Essai traduit du roumain par Marily Le Nir et Odile Serre

SITE DE L’EDITEUR - http://www.seuil.com/auteur-10399.htm

 

 

 

Norman MANEA

 Site Bard College | © Cliquer ICI

 

 

____________________________________________________________________________

  

Une lecture de Nathalie Riera

« LA MAISON DE L’ESCARGOT ROUMAIN »

  

 

« L’impossible n’est pas seulement la négation simpliste, irrévocable, du possible mais plutôt sa blessure faste, enrichissante, qui valide par contraste et par complicité l’extension maladive, nocturne, de disponibilités inexplorées et secrètes »

 

Norman Manea, La Cinquième impossibilité, p.249

 

 

 

Norman Manea, né en 1936, est déporté à l’âge de 5 ans, avec toute la population juive de Bucovine. Sa seule langue d’origine, le roumain, sa « langue intérieure », sa « langue-domicile », « la maison et la patrie de l’écrivain », restera unique, malgré sa connaissance et sa pratique du yiddish, de l’ukrainien, de l’allemand, du russe et du français, et malgré ses divers domiciles linguistiques en exil, comme Berlin-Ouest, où il vit en 1987, et plus tard, New York, la  ville Dada, « ce frénétique kaléidoscope du monde » (p.244), où il fera sa première apparition publique, à l’automne 1989 ; New York où il continue d’habiter la langue roumaine « comme Paul Celan habitait la langue allemande à Paris. »

 

« J’avais tout de même emporté avec moi la langue, ma maison, comme un escargot. Elle continuerait de m’être premier et ultime refuge, domicile enfantin et immuable, lieu de survie.» (p.53)

 

Si l’être apatride ne peut être dépossédé de la langue dans laquelle il a été « formé et déformé », Norman Manea a dans la cartographie de son destin la violence de l’exil, comparable à un no mans’ land vertigineux.

 

« La cartographie de mon destin inclurait, sans doute, la Bucovine où je suis né, les camps d’extermination de mon enfance au-delà du Dniestr, le camp communiste de Periprava, qui a changé l’identité de mon père, le Bucarest de ma vie d’étudiant et d’adulte, Berlin, début de l’exil et, finalement, New York où mon exil a été naturalisé. » (p.242)

 

La Cinquième impossibilité rassemble, en douze textes, les amitiés et les affinités de l’écrivain roumain avec les écrivains Ernesto Sabato, Philip Roth, Paul Celan, Benjamin Fondane, Eugène Ionesco, Cioran, Antonio Tabucchi, Saul Bellow, Claudio Magris et Franz Kafka. Parmi eux, Magris et Tabucchi figurent parmi les amitiés les plus fécondes. Les éminents écrivains Manea et Magris (ce dernier né à Trieste, la patrie des apatrides, en avril 1939) se rencontrent vers le milieu des années 90, au Festival International des écrivains de Toronto.  

 

« J’enviai une fois de plus la grâce élégante de son style, son érudition naturelle, sa gentillesse conviviale, sa courtoisie de lettré. » (p.195)

« Un aristocrate de la culture, aussi naturel dans sa relation à la réalité de la vie que dans son rapport à la réalité du livre. » (p.196)

 

Autre rencontre-cadeau de son exil, l’écrivain italien Antonio Tabucchi, récemment décédé à Lisbonne, sa seconde patrie, et connu aussi comme traducteur et passeur de l’œuvre de Fernando Pessoa.

 

Manea reconnait en la lecture des grands écrivains son caractère formateur, et pour celui qui a vécu l’expérience de la déportation, « exposer ses vieilles cicatrices à la cosmogonie du nouveau rivage relevait d’une pédagogie bénéfique. » (p.11) La souffrance sauvée par la création « se révèle ainsi d’une paradoxale utilité thérapeutique. » (p.35) Manea se consacre alors, sans répit, à la maladie et à la thérapie de la littérature.

 

La Cinquième impossibilité renvoie aux 3 « impossibilités » de Kafka. C’est dans une lettre à Max Brod, sur la situation des écrivains juifs de langue allemande, que kafka aborde les impossibilités de langage : « l’impossibilité de ne pas écrire, l’impossibilité d’écrire en allemand, l’impossibilité d’écrire dans une autre langue, à quoi l’on pourrait presque ajouter une quatrième impossibilité : l’impossibilité d’écrire. »

Le possible a ses carences, « l’hospitalité trompeuse et corruptrice du possible », quand l’impossible devient comme un moyen de dédommagement, une réparation, pour Manéa « une sorte de revanche », et que vivre dans l’impossibilité c’est vivre « en tant qu’une des formes paradoxalement vivantes de l’existence. »

Norman Manea propose une cinquième impossibilité omise par Kafka : « On pourrait l’appeler « transfert » ou « radicalisation » ou « carnavalisation de l’impossibilité ». L’exil. L’exil d’avant et  d’après l’exil, la perte du chez-soi et ce qui s’ensuit une fois l’allogène expulsé avec tout, y compris sa langue volée, dans un milieu véritablement étranger des points de vue linguistique, géographique, historique et social. » (p.265)

 

 

Nathalie Riera, décembre 2013

Les carnets d'eucharis

 

 

 

Les livres constituent un « jeu second » essentiel de la biographie, et la bibliographie une généalogie livresque plus importante, souvent, que celle qui est inscrite dans les archives de l’hérédité.

Les êtres-personnages des rayons de bibliothèque composent une seconde population du monde, qui nous parle de l’esprit et du cœur des recensés de la planète, avec une influence plus durable que le tintamarre quotidien. Ils sont nos indéfectibles « compagnons de route », de désespoir et d’espoir.

 

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Le « trauma privilégié » de l’exil a suscité chez moi d’importantes analyses du monde extérieur et de mon monde intérieur. Je prends acte, aujourd’hui, avec une conscience accrue de l’universalité, de la cacophonie de l’actualité, du vertigineux mercantilisme de la culture et des consciences dans notre époque de transactions et d’ersatz, d’incessante perversion du Logos.

 

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Cliquer ICI

 

 

 

Franz Kafka

 

 

 

 

Franz Kafka

1883-1924

 

 

 

 

Si l'on pouvait être un Peau-rouge

 


« Si l'on pouvait être un Peau-rouge, toujours paré, et, sur son cheval fougueux, dressé sur les pattes de derrière, sans cesse vibrer sur le sol vibrant, jusqu'à ce qu'on quitte les éperons, car il n'y avait pas d'éperons, jusqu'à ce qu'on jette les rênes, car il n'y avait pas de rênes, et qu'on voie le terrain devant soi comme une lande tondue, déjà sans encolure et sans tête de cheval. »

  

 

(Franz Kafka, in Œuvres Complètes, Gallimard, La Pléiade, Paris, 1984)

 

05/12/2013

Joe Wenderoth - Trois poèmes (traduits par Raymond Farina)

 

Joe Wenderoth

Trois poèmes

 Joe Wenderoth_traduit par Raymond Farina_LCE_Décembre 2013.jpg

© J. Wenderoth

 

 

 

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Poèmes publiés avec l’aimable autorisation

de Joë Wenderoth

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MA VIE

 

 

 

                          d'après Henri Michaux

 

 

 

 

 

Il entra je ne sais comment dans ma chambre.  

Je l'y découvris, et il était, naturellement, pris au piège.  

Ce n'était rien de plus qu'un animal effarouché.  

Alors je le remis debout.  

Je le gardais pour moi, le gardais dans ma chambre,  

le gardais pour son propre bien.  

Je nommais l'animal Ma Vie.  

Je lui trouvais sa nourriture et lui la mangeait dans ma main.  

Je le laissais entrer dans mon lit, respirer dans mon sommeil.  

Et l'animal, dans ma tendresse, mon soin constant,  

grandit et devint fort, et capable de maints tours habiles.  

Un jour, tout récemment,  

en passant ma main sur le flanc de l'animal,  

j'ai fini par comprendre  

qu'il pouvait me tuer sans peine.  

Et je réalisai, aussi, qu'il voulait me tuer.  

C'est pour cela qu'il existe, pour cela que je l'ai remis debout.  

Dès lors je n'ai plus su que faire.  

Je cessai de le nourrir,  

seulement pour m'apercevoir que sa croissance  

était sans rapport avec la nourriture.  

Je cessai de le nettoyer  

et je m'aperçus qu'il se nettoyait tout seul.  

Je cessai de chanter pour l'endormir  

et m'aperçus qu'il s'endormait plus vite sans ma chanson.  

Je ne sais que faire.  

Je ne fais plus faire à Ma Vie ses tours.  

Je laisse seul l'animal, et, à l'heure qu'il est,  

il me laisse seul, lui aussi.  

Je n'ai rien à dire, rien à faire.  

Entre Ma Vie et moi,  

un silence s'installe.  

Nous ne parviendrons pas à le franchir ensemble.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MY LIFE

 

 

 

                          After Henri Michaux

 

 

 

 

 

Somehow it got into my room.  

I found it, and it was, naturally, trapped.  

It was nothing more than a frightened animal.  

Since then I raised it up.  

I kept it for myself, kept it in my room,  

kept it for its own good.  

I named the animal, My Life.  

I found food for it and fed it with my bare hands.  

I let it into my bed, let it breathe in my sleep.  

And the animal, in my love, my constant care,  

grew up to be strong, and capable of many clever tricks.  

One day, quite recently,  

I was running my hand over the animal’s side  

and I came to understand  

that it could very easily kill me.  

I realized, further, that it would kill me.  

This is why it exists, why I raised it.  

Since then I have not known what to do.  

I stopped feeding it,  

only to find that its growth  

has nothing to do with food.  

I stopped cleaning it  

and found that it cleans itself.  

I stopped singing it to sleep  

and found that it falls asleep faster without my song.  

I don’t know what to do.  

I no longer make My Life do tricks.  

I leave the animal alone and, for now,  

it leaves me alone, too.  

I have nothing to say, nothing to do.  

Between My Life and me,  

a silence is coming. Together, we will not get through this.

 

 

 

 

Traduction de Raymond Farina

 

  

 

© Joe Wenderoth

Les carnetsd'eucharis (décembre 2013)

 

 

 

 

 

  joe wenderoth.jpg

© (Photo X droits réservés)

  

 

 

NOTICE BIOBIBLIOGRAPHIQUE

 

Joë Wenderoth a grandi à Baltimore. Il enseigne à l’Université de Californie.

 

Ses poèmes ont été accueillis dans des revues comme The American Poetry Review, Granta Magazine, Triquarterly, Seneca Review et Colorado Review et dans de nombreuses anthologies – Poetry 180, The Best American Prose Poems : From Poe to Present, The New American Poets : A Bread Loaf Anthology, American Poetry : Next Generation, Best American Poetry, The Best American Essays 2008.

 

Il a publié Disfortune aux Editions Wesleyan University Press, en 1995, « It Is If I Speak » , chez le même éditeur, puis Letters to Wendy ( 2000 ), The Holy Spirit of Life : Essays Written for John Ashcroft’s Secret Self (2005), No real Light (2007), Wave Book (2007).



 


DOSSIER PDF COMPLET (à télécharger)

Joe Wenderoth_traduit par Raymond Farina_LCE_Décembre 2013.pdf 

 

 

Ossip Mandelstam

 

Lecture Nathalie Riera 

 

Ossip Mandelstam

LE TIMBRE EGYPTIEN

 

 Ossip 20Mandelstam.jpg

 

© O. Mandelstam

 

Traduit du russe par Georges Limbour et D.S. Mirsky

Préface de Ralph Dutli - Postface de Clarence Brown

Editions Le Bruit du temps, 2009

 

ICI

 

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Avec Le Timbre égyptien, paru en 2009 aux Editions Le Bruit du temps, lire Ossip Mandelstam c’est trouver jubilation au cœur même de la singulière ferveur d’un poète qui se refusait à toute poésie artificieuse, à tout mysticisme scabreux. Créateur de l’Acméisme, mouvement poétique russe du début des années 10, Mandelstam demeurait soucieux de reconquérir le réel et ses figures reconnaissables, un retour au monde et à l’homme dans ce qu’ils ont de « biologique » et de « primitif ».

Chez Mandelstam, ce qui prédomine, c’est cet espace où se meut la parole, espace structuré d’un réseau dynamique de métaphores, une symphonie d’images, telles que :

 

 « Les portées ne caressent pas moins l’œil que la musique elle-même ne flatte l’oreille. Les noires sur leurs échelles montent et descendent comme des allumeurs de réverbères. Chaque mesure est une petite barque chargée de raisins secs et de muscats noirs.

Une page de musique, c’est d’abord une flottille à voiles rangée en bataille, puis un plan selon lequel sombre la nuit organisée en noyaux de prunes ».

 

Par ce récit de « fiction », Mandelstam nous stimule et nous dessaisit dans sa virtuose pratique de « rendre autre » ce qui nous est familier. Dans Crises de vers, Mallarmé évoquait cette émotion de n’avoir entendu jamais « tel fragment ordinaire d’élocution, en même temps que la réminiscence de l’objet nommé baigne dans une neuve atmosphère ».

Le Timbre égyptien fut rédigé en 1927, avec une première traduction en France, en 1930. La préface de Ralph Dutli, écrite à l’occasion de la présente traduction, précise au sujet de ce texte qu’il était issu de la « période du silence », entre 1925 et 1930, quand Mandelstam n’écrivait plus de poèmes, quand il choisit, en conflit avec son époque, de se taire. Seul le voyage en Arménie de 1930, un des évènements les plus heureux de sa vie, lui fera retrouver sa voix lyrique. Mais Le Timbre égyptien, ce fruit d’une crise, d’une fièvre incontrôlable, est aussi un médicament : « La parole comme l’aspirine laisse un goût de cuivre dans la bouche ». L’amertume de l’amande n’est qu’une étape. Et son fruit est magnifique.

 

Ossip Mandelstam connaîtra la tragédie de la déportation qui le fera mourir d’épuisement le 27 décembre 1938.

 

© Nathalie Riera, 19 avril 2009

Parution dans la revue « La Pensée de Midi » octobre 2009

                                  

 

Extrait

p. 59

 

 

Messieurs les littérateurs ! Les escarpins de danse conviennent aux ballerines, à vous les caoutchoucs.

Essayez-les, échangez-les : voilà votre danse. Elle s’exécute dans les antichambres sombres, une seule condition étant de rigueur : manquer de respect pour le maître de la maison. Vingt ans de cette danse constituent une époque ; quarante, l’histoire… c’est là votre droit.

Sourires de groseille des ballerines,

balbutiement des escarpins enduits de talc,

complexité martiale et insolente multitude des violons au milieu de l’orchestre caché dans sa fosse lumineuse où les musiciens s’enchevêtrent comme des dryades par leurs branches, leurs racines et leurs archets,

obéissance végétative du corps de ballet,

magnifique dédain de la maternité :

  Avec ce roi et cette reine qui ne dansent pas on vient de jouer à soixante-six.

  Avec son air jeune, la grand-mère de Giselle verse du lait, du lait d’amandes, sans doute.

  Tout ballet est jusqu’à un certain point une institution de servage. Non, non, n’allez pas me contredire sur ce point !

 

Calendrier de janvier avec ses petites biches, sa laiterie modèle de myriades de mondes, et le craquement du jeu de cartes qu’on décachette…

 

***