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26/10/2011

Gunther Anders

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ed. fario — 2011

L'obsolescence de l'homme - Tome 2

Sur la destruction de la vie à l'époque de la troisième révolution industrielle

 

Par Günther Anders

cHRISTOPHE dAVID (traducteur)

 

 

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"Il ne suffit pas de changer le monde. Nous le changeons de toute façon. Il change même considérablement sans notre intervention. Nous devons aussi interpréter ce changement pour pouvoir le changer à son tour. Afin que le monde ne continue pas ainsi à changer sans nous. Et que nous ne nous retrouvions pas à la fin dans un monde sans hommes."

 

 

www.editionsfario.fr

24/10/2011

Edith Magnan, Galerie du Tableau

Exposition du 17 au 29 octobre 2011

Vernissage le lundi 17 à partir de 18h 30

Du lundi au vendredi de 10h à 12h et de 15h à 19h.

Le samedi de 10h à 12h et de 15h à 18h

 

Galerie Du Tableau, 37, rue Sylvabelle

13006 MARSEILLE

galeriedutableau@free.fr

http://galeriedutableau.free.fr/

 

 

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EDITH MAGNAN

 

Attention Espace

 « Attention Espace » vous présente une partie des derniers travaux d'Édith Magnan. Fascinée par le rapport de l’homme avec l’espace, l’artiste nous propose d’en expérimenter différentes catégories.

Ses travaux tentent de rendre compte d’un état de fait invisible, non quantifiable mais cependant omniprésent : l’espace et sa volumétrie toute particulière. Les éléments tels que : la pierre, le rocher, le bois, la terre font partie de cette singulière composition organique. Ils agissent ici comme des extractions, des échantillons, des prélèvements ; ils font un état des lieux.

Plusieurs collages et installations occupent l’espace de la galerie, que le spectateur est invité à activer en découvrant et en touchant les objets.

 

Le site Edith Magnan

 

 

Image : Pierres - paire trois, 2011.

Plastique, encre, gouache, pastels, 14.7x19.7cm

Gertrude Stein, Lectures en Amérique

Gertrude Stein Lectures en Amérique

Éditions Christian Bourgois, 2011

 

Extraits :

G. Stein avait une grande sensibilité aux problèmes de la perception et au rôle rénovateur de l’art.  Elle savait bien que l’habitude de voir et de sentir les objets empêche de les voir et de les sentir autrement et qu’il faut les déformer pour que le regard s’y arrête et y fasse apparaître d’autres possibles. C’est une leçon qu’elle avait surtout apprise de la peinture et sa compréhension de la littérature s’est faite au contact des tableaux des jeunes peintres du début du siècle. Chaque génération – selon sa propre terminologie – lève l’automatisme crée par les conventions artistiques de la génération précédente (…) Elle voit l’art comme procédé, ces procédés elle nous en parle ici et décide des siens, de ceux qui lui semblent convenir au XXe  siècle, elle les utilise pour en parler parce qu’on ne comprend bien les choses qu’en les faisant et en étant fait par elles.

« Introduction » par Claude  Grimal

(p. 16)

 

 

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Comme je l’ai dit, m’étant de plus en plus familiarisée avec toute peinture à l’huile, je me suis, bien sûr, familiarisée de plus en plus avec nombre de tableaux précis, avec beaucoup de tableaux. Et, comme je le dis, quand on a regardé nombre de visages et qu’on s’est familiarisé avec eux, on peut trouver quelque chose de nouveau dans un nouveau visage, on peut être étonné d’un nouveau type de visage, on peut être choqué d’un nouveau type de visage, on peut l’aimer ou non ce nouveau type de visage, mais on ne peut pas refuser ce nouveau visage. On doit accepter ce visage pour ce qu’il est en tant que visage. C’est la même chose pour un tableau. Vous pouvez maintenant concevoir que, quand Matisse est survenu et puis le cubisme de Picasso, rien ne pouvait me déranger. Et pourtant bien sûr en un certain sens cela me dérangeait ; mais cela me dérangeait parce que je refusais.

Cela n’aurait pas été possible puisque j’étais familiarisée avec la peinture à l’huile, et que l’essence même de la familiarité consiste en la possibilité de tout regarder.

 

Gertrude Stein

(p. 81/82)

 

 

www.christianbourgois-editeur.com

 

 

Jean-Christophe Bailly, La véridiction...

Jean-Christophe Bailly La véridiction - sur Philippe Lacoue-Labarthe

Éditions Christian Bourgois, coll. "Détroits", 2011

 

 

Extrait :

S’il y a une joie, et une joie de l’œuvre, c’est-à-dire une réponse de l’œuvre à la fidélité  (à la vie, à la possibilité d’existence), elle est du côté de la musique. Il me semble que pour Lacoue, et on peut justement le penser à partir de l’excès de réalité qui tombe sur Lenz, la musique est seule à pouvoir donner, non la diction (même dans le pur chant, elle n’est pas proprement diction) mais la dictée elle-même : sous la forme d’un ruissellement se donnant dans l’évidence d’une forme qui sans fin se défait, la musique, alors même qu’elle est beaucoup plus technique encore que le langage, donne à qui l’écoute l’impression de s’être débarrassée de ce bagage et c’est comme si, et non pas brusquement, mais selon cette progressivité qui appartient en propre au nouement temporel du musical, un accès à l’immédiateté (cet accès même que Hölderlin jugeait impossible) était ménagé. A l’immédiateté, c’est-à-dire au temps, à l’expérience dénouée du temps, au pur passage. Ce qui veut dire que la musique accorderait (rarement peut-être, rarement sans doute, mais peu importe) ce qui normalement n’est pas accordé à l’homme, c’est-à-dire, selon une expression que Lacoue affectionnait, qu’elle passerait l’homme, et qu’elle le ferait et ne pourrait le faire, étant aussi strictement humaine, qu’en passant par lui.

 

(p. 47/48)

 

 

Collection « Détroits » fondée par Jean-Christophe Bailly, Michel Deutsch et Philippe Lacoue-Labarthe

Illustration de couverture : Tournage de Andenken, Bordeaux, la Garonne, 2000 (détail)

 

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www.christianbourgois-editeur.com

17/10/2011

Nathalie Riera, Marie Hercberg - Feeling is first, 2011

Galerie Le Réalgar

23, rue Blanqui – 42000 Saint-Etienne

06 87 60 22 34

lerealgar@gmail.com

http://www.lerealgar.com/

 

 

 

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« Feeling is first »
Poème de Nathalie Riera
Illustrations de Marie Hercberg
Quatrième opus de la Collection "1 et 1" : un artiste et un écrivain
Pour se le procurer, contacter la galerie au 06 87 60 22 34 ou àlerealgar@gmail.com


Prix: 4€

 

14/10/2011

Galerie la non-maison

LA NON-MAISON

CONTREVOIES [1]

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bande à part / jean-luc godard / 1964

 

 

 

EXPOSITIONS ET RENCONTRES  DU 15 OCTOBRE AU 31 DECEMBRE 2011

 

 

 

 

Galerie LA NON MAISON, 22, rue Pavillon 13100 Aix en Provence

galerie / résidence [43.5]

tél : 06 29 46 33 98

Galerie ouverte du jeudi au samedi de 14H à 19H et sur rendez-vous

Galerie la non maison

 

 

 

Guy Allix, survivre et mourir

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Festival de la parole poétique, Quimperlé, photo de Yann de Keyser, 2011 © Guy Allix


 

Même si tout au bout s’effondre la main qui

l’a porté, il reste ce geste à l’infini.

Le vrai de toi qui s’imprime dans un souffle.

La rumeur à l’œuvre de ton corps.

 

 

 

 

Ile précaire

 

A Guénane

 

Mais cela même

Ton nom sur la page

Comme une île infiniment

Comme une île tout au bord

 

Le temps à peine…

 

L’écriture comme un regard

            S’injecte du sang nécessaire au souffle

 

Ton cœur s’écarquille aux quatre vents

 

                        Ile de Groix, été 2007.

                                     

[…]

 

 

 

 

Partir sans plus de bruit qu’une feuille morte

Abandonner le temps enfin

Retrouver les fruits de la terre dans la terre

 

Ton ventre s’étonne d’un oubli

 

L’arbre te recommence

 

 

Si ce n’est le sang aux tempes

Comme un souffle vain

Si ce n’est la paupière

Sur l’épaule d’un jour

Si ce n’est le fruit

Comme un œil fatigué

 

C’est alors le dernier mot

Sur le parchemin de vivre

 

                  

 

Guy Allix, « Survivre et mourir», éd. Rougerie, 2011

 

 

Le site Guy Allix 

 

13/10/2011

Lutz Dille

Stephen Bulger Gallery

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Lutz Dille, MoMa, NYC 1959-2004 - Gelatin Silver print, 12x16 inches

 

Jean-Philippe Rossignol (une petite note de Claude Minière)

Jean-Philippe Rossignol Vie électrique

Editions Gallimard, coll. L’Infini, 2011

 

vie électrique.jpgUne « odyssée » en trente jours, chacun d’eux apportant une menace, une chance, une décision, une rencontre et une séparation. Ce n’est pas une barque qui danse dans les ondes mais une vie… Quelques auteurs (au fond un petit nombre) sont capables de vous persuader que la forme-roman recèle des ressources inattendues.  Inattendues non dans le choix du « sujet » mais dans le mode d’entrelacement vie/ lectures/ pensée, là sur la page, par l’énergie des coupures et liaisons.

 

Claude Minière, octobre 2011

Les carnets d'eucharis

03/10/2011

MIREILLE CALLE-GRUBER/Claude Simon Une vie à écrire

Une lecture de Nathalie Riera

 

 

 

MIREILLE CALLE-GRUBER

Claude Simon Une vie à écrire

(Biographie/Seuil, 2011)

 

 

Notes

Extraits

 

 

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Source internet © Claude Simon

  

 

« Claude Simon, ce sera cela : une vie à écrire et réécrire. Pour que les informes affects du deuil prennent forme au travail de la langue et que le livre trace le dessin d’une vie »

Mireille Calle-Gruber

 

 

 

 

« Je crois qu’il y a une extraordinaire nouvelle de Borges où il raconte qu’un architecte paysagiste dessine un parc avec des statues, des pavillons, des petits lacs, des allées. Quand le parc est fini, il s’aperçoit qu’il fait son propre portrait. Je trouve que c’est une parabole admirable. On ne fait jamais que son propre portrait »

 

Claude Simon[1]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LE DESSIN D’UNE VIE

 

 

                        « Il est à jamais le cavalier éperdu de la route des Flandres, et depuis le loin, aux bords du XXe siècle, notre contemporain le plus aigu et le plus vigilant.

                        Il nous aura enseigné la lenteur hallucinée de l’écriture en ses transports métaphoriques, l’humilité de l’artisan, la main à l’œuvre, la peine et l’existence ailée de la littérature».[2]

 

 

 

Comment rendre compte d’une vie elle-même déjà écrite par Claude Simon ? confie Mireille Calle-Gruber à Alain Veinstein. Faut-il juste y voir un pari audacieux, celui de s’essayer à l’écriture biographique comme à un « nouveau genre, un nouvel exercice, une nouvelle expérience » ? Ou alors y percevoir comme une dette à l’égard d’une œuvre et d’une personne que vous avez bien connue ? Outre que M. Calle-Gruber aura eu le privilège d’une relation sans failles et d’une amitié extraordinaire tout au long des seize dernières années de la vie de « Claude Simon l’écrivain immense » et de l’homme d’exception, ce qu’il faut surtout entendre des raisons de ce monument biographique : « comme une intimation à écrire – car ce fut, oui, aussi, soudain, l’évidence intérieure d’un « il faut » - écrire, la biographie de Claude Simon, ce défi absolu… ». [3]

440 pages « entre enquête et fiction », à partir de lettres, de documents, de témoignages, autant d’éléments tangibles pour un travail d’interprétation et de savoir qui incombe à l’écrivain-biographe. La littérature ne se posant ni en termes de vrai ou de faux, il s’agit pour M. Calle-Gruber de « tirer des diagonales que j’espère aussi vraies que possible ». Et par cette biographie, non pas monumentaliser Claude Simon, mais le rendre vivant !

 

M. Calle-Gruber travaille sur l’œuvre de Claude Simon depuis de nombreuses années, ayant entre autres participé à l’édition de La Pléïade, avec notamment « Le récit de la description ».[4] Elle publie en 2008, aux Presses Sorbonne Nouvelle, Les Triptyques de Claude Simon ou l’art du montage présentant des inédits : scenarii, découpages techniques, correspondances, textes, manuscrits, plans de montage, entretiens, films, photographies (DVD).

 

***

 

De sa naissance à Madagascar, Tananarive, le 10 octobre 1913 jusqu’à son décès à Paris le 6 juillet 2005, Claude Simon aura traversé un XXe siècle de violences et de péripéties. Longtemps, il portera le « traumatisme du survivant » :

 

                        « « Survivant, Claude l’aura été à plus d’un titre. D’abord de ce frère aîné (…) Puis du père, mort au champ d’honneur (…) dans l’hécatombe de 1914, le 27 août (…) Puis de la mère qui succombe à un cancer, le 5 mai 1925, alors qu’il est dans sa douzième année, le laissant seul, tragique descendant d’une famille fantomatique et le dernier porteur du nom des Simon qui ont fait souche à Arbois, Jura ».[5]

                               (…)

                               « … une fois encore le survivant de son régiment anéanti lors de l’offensive allemande de mai 1940 ».[6]

 

Plusieurs périodes de la vie de Claude Simon sont relatées : son parcours scolaire au Collège Stanislas, à Paris, en 1925 (année du décès de sa mère, Suzanne Simon) ; son incorporation au 31ème régiment de dragons (1934) ; témoin d’une révolution : la guerre civile à Barcelone (1936) ; son voyage dans l’Europe au printemps 1937 « à travers des pays au bord de la guerre, l’Allemagne, la Pologne, l’URSS jusqu’à Odessa, puis le retour sur Paris, par la Turquie, la Grèce et l’Italie »[7] ; sa captivité (suivie de son évasion) au camp Stalag IV B, à Mühlberg, le 27 mai 1940. Ce seront autant d’évènements éprouvants qui vont nourrir son œuvre romanesque, en même temps qu’ils agiront sur la conscience et la maturité politique de Claude Simon.

 

                        « Comme pour son comportement pendant la guerre d’Espagne et pendant la seconde guerre mondiale, Claude Simon a toujours veillé à la sobriété du récit concernant son rôle dans la Résistance, craignant l’interprétation hyperbolique, voire la surenchère des clichés. Il s’est ainsi efforcé de rappeler qu’il était « bien sûr antiallemand et surtout anti-nazi mais ne brûlant pas d’un héroïque patriotisme » … ».[8]

 

***

Pour qui n’ignore pas « son intelligence d’observation sur le vif des situations » et sa sensibilité visuelle, au début des années 30 Claude Simon est étudiant en cubisme, découvre le surréalisme au cinéma (avec l’œuvre de Luis Buñuel). L’expérience de la peinture se révélant « décisive pour sa conception du travail d’écrivain : il sera celui qui écrit avec l’exigence de composition du peintre, et suivant une sensibilité rare aux matières et aux couleurs ».[9]

 

L’abandon de la peinture au début des années 50, une plus large place sera ainsi donnée à la littérature. Lectures des deux géants que furent Proust et Joyce, leçons d’écriture chez Dostoïevski, il s’ensuit que l’écrivain pour Claude Simon est celui qui – ce seront ses propres dires lors du Discours de Stockholm« progresse laborieusement, tâtonne en aveugle, s’engage dans des impasses, s’embourbe, repart – et, si l’on veut à tout prix tirer un enseignement de sa démarche, on dira que nous avançons toujours sur des sables mouvants ».[10] Un demi-siècle d’écriture, comme une raison de vivre indiscutable, tout en affrontant et se relevant des périodes les plus noires, celle de la guerre meurtrière, (dont les scandaleux évènements des deux journées du 16 et 17 mai 1940 relatés par l’écrivain dans une lettre du 17 février 1993), puis celles de la maladie et du suicide de sa première épouse Renée Lucie Clog.

 

L’écriture chez Claude Simon c’est une écriture en autodidacte, mais c’est aussi cette réalité de l’écriture, telle qu’on peut la lire dans sa préface à Orion Aveugle :

 

                        « Avant que je me mette à tracer des signes sur le papier, il n’y a rien, sauf un magma informe de sensations plus ou moins confuses, de souvenirs plus ou moins précis accumulés, et un vague – très vague – projet ».[11]

***

 

Autre volet de cette passionnante biographie, celui des années de « compagnonnage » et des années d’opposition au Nouveau Roman.

Si la littérature a ses sujets de discorde, ce qui noue Claude Simon à la littérature, et plus exactement au plaisir de l’écriture, ce n’est jamais selon Mireille Calle-Gruber qu’une « indéfectible alliance avec le vivant ». Il s’agit de n’être attaché à aucun camp, à aucune théorie littéraire, préserver son autonomie d’écrivain, et veiller à ce que la fonction littéraire ne soit en aucune manière prétexte à une fonction sociale ou autrement agissante à des fins politiques. M. Calle-Gruber reprend alors le différend qui opposait l’écrivain Claude Simon au philosophe militant Jean-Paul Sartre ; Sartre, dont l’imposture et la démagogie du il importe peu que la littérature soit dite ou non « engagée » : elle l’est nécessairement déclencheront une série de confrontations, à commencer lors de la table ronde organisée par l’Union des étudiants communistes en 1964 sur le thème « Que peut faire la littérature ? » rassemblant les intellectuels et les Nouveaux Romanciers, parmi lesquels Alain Robbe-Grillet accusé par Sartre de ne pouvoir être lu dans un pays sous-développé. Claude Simon, qui sera un temps assez proche des idées du Nouveau Roman, marquera alors son opposition au positionnement idéologique du philosophe, notamment dans le fameux « Pour qui donc Sartre écrit ? » (L’Express, 28 mai 1964, p.32)

 

Une vie d’écrivain n’est-ce pas aussi pour Claude Simon de faire face, sans la moindre complaisance et non sans une certaine ironie mordante, aux griefs éditoriaux, médiatiques, aux critiques retorses et assassines, et autres « violences passionnelles » du monde littéraire.

Après moult controverses qui l’éloigneront du Nouveau Roman, un autre feu de discorde : celui d’avoir signé la fameuse Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la Guerre d’Algérie,[12] signature qui sera suivie d’une inculpation de l’écrivain en octobre 1960.

N’est-ce pas une certaine éthique qui donnera à Claude Simon de faire cavalier seul, son autonomie à jamais préservée par l’écriture de romans (tous reconnus comme de véritables chefs-d’œuvre) et par maints déplacements, en France et à l’étranger, liés à une activité effrénée de conférencier.

 

Quand Alain Robbe-Grillet affirmait que la meilleure récompense pour un écrivain jugé illisible est d’être lu, n’y a-t-il pas eu meilleure récompense pour Claude Simon que l’attribution du Prix Nobel de Littérature, et à l’occasion de son allocution prononcée devant l’Académie suédoise (les 9 et 10 décembre 1985) de mesurer l’émotion de l’écrivain à l’entendre dire :

 

                        « Je suis maintenant un vieil homme, et, comme beaucoup d’habitants de notre vieille Europe, la première partie de ma vie a été assez mouvementée : j’ai été témoin d’une révolution, j’ai fait la guerre dans des conditions particulièrement meurtrières (j’appartenais à un de ces régiments que les états-majors sacrifient froidement à l’avance et dont, en huit jours, il n’est pratiquement rien resté), j’ai été fait prisonnier, j’ai connu la faim, le travail physique jusqu’à l’épuisement, je me suis évadé, j’ai été gravement malade, plusieurs fois au bord de la mort, violente ou naturelle, j’ai côtoyé les gens les plus divers, aussi bien des prêtres que des incendiaires d’églises, de paisibles bourgeois que des anarchistes, des philosophes que des illettrés, j’ai partagé mon pain avec des truands, enfin j’ai voyagé un peu partout dans le monde … et cependant, je n’ai jamais encore, à soixante-douze ans, découvert aucun sens à tout cela, si ce n’est, comme l’a dit, je crois, Barthes après Shakespeare, que « si le monde signifie quelque chose, c’est qu’il ne signifie rien » - sauf qu’il est. »[13]

 

 

 

 

Nathalie Riera, octobre 2011

Les carnets d'eucharis

 

 

 

 

 



[1] (Note [80] sur Le Jardin des Plantes, Gallimard/La Pléiade, 2006 – p. 1501)

[2] Mireille Calle-Gruber, Claude Simon Une vie à écrire, Editions du Seuil/Biographie, 2011 -  p. 440

[3] France-Culture :Alain Veinstein reçoit Mireille Calle-Gruber, - auteur de Claude Simon. Une vie à écrire (Seuil) http://www.franceculture.com/player?p=reecoute-4299317#reecoute-4299317

[4] Mireille Calle-Gruber, Le récit de la description (ou de la nécessaire présence des demoiselles allemandes tenant chacune un oiseau dans les mains, Gallimard/La Pléiade, 2006 – p. 1527

[5] Mireille Calle-Gruber, Claude Simon Une vie à écrire -  p. 11

[6] Ibid., - p.12

[7] Ibid., - p.91

[8] Ibid., - p.157

[9] Ibid., - p.153

[10] Claude Simon, Discours de Stockholm, Gallimard/La Pléiade, 2006 – p. 902

[11] Claude Simon, Préface à Orion Aveugle (1970), Gallimard/La Pléiade, 2006 – p. 1181

[12] Mireille Calle-Gruber, Claude Simon Une vie à écrire -  p. 263

[13] Claude Simon, Discours de Stockholm, Gallimard/La Pléiade, 2006 – p. 897/898

 

 

 

 

 

Mireille Calle-Gruber est Professeur à La Sorbonne Nouvelle - Paris III en Littérature française, et directrice de l’Equipe de Recherche « Etudes Féminines » (Paris VIII - Paris III). http://fr.wikipedia.org/wiki/Mireille_Calle-Gruber

 

 

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■ SITES A CONSULTER :

 

France-Culture/Du jour au lendemain Alain Veinstein (09/09/11) : http://www.franceculture.com/player?p=reecoute-4299317#reecoute-4299317

Editions du Seuil : http://www.seuil.com/livre-9782021009835.htm

 

 

claude simon,mireille calle-gruber Document PDF 

Jean-Jacques Breton et Dominique Williatte - Trésors insolites des Musées de France

Lecture critique de Claude Darras 

Trésors insolites : un livre d'art et de curiosités


 

J’ose prétendre que cet ouvrage-là est un livre d’exception. Il n’en copie aucun autre et il mériterait à coup sûr d’être imité. Jean-Jacques Breton et Dominique Williatte, ses auteurs (attachés à la Réunion des musées nationaux), ont parcouru la France des musées à la recherche d’œuvres diverses, peinture, dessin, sculpture, tapisserie, architecture, mobilier, gravure, des objets remarquables dont ils ont souhaité raconter l’histoire. Les critères de sélection postulent de divulguer des anecdotes inédites, étranges, surprenantes, insolites ; aussi les découvertes les plus inattendues sont-elles offertes au lecteur au gré d’un parcours muséal (150 lieux) jalonné de 201 œuvres originales que ce beau livre de curiosités dissèque pour mieux expliciter.

En parfaits iconoclastes, nos deux guides associent une érudition de bon aloi à une fantaisie pétillante. Savamment argumentée, l’analyse critique des « Trésors insolites des musées de France » épingle la sacro-sainte postérité, coiffe du bonnet d’âne des historiens trop zélés, corrige plus d’une interprétation gravée dans les dictionnaires et réhabilite des petits ou de grands maîtres que les caprices de leurs contemporains ont effacés de la mémoire patrimoniale. 201 œuvres insolites ? L’embarras du choix préside à la constitution d’un florilège. Tentons néanmoins l’exercice.

Conservée au musée des beaux-arts d’Agen, une huile sur bois, « Le Garrot », est longtemps attribuée à Francisco de Goya alors qu’elle est l’œuvre d’un de ses élèves, Eugenio Lucas y Velázquez (1817-1870). Émile Zola défend l’actrice et sculpteur Sarah Bernhardt (1844-1923) contre Auguste Rodin qui fustige la seconde passion de la sociétaire de la Comédie-Française : le musée des beaux-arts de Dijon rejoint le camp des zélateurs en acquérant un bronze de l’actrice, « Le Fou et la mort » (musée des beaux-arts Dijon). C’est un critique d’art et collectionneur allemand, Wilhelm Uhde, qui met au grand jour les œuvres naïves, dont « L’Arbre du Paradis » (musée d’art et d’archéologie de Senlis), qu’une femme de ménage exécute la nuit en psalmodiant des cantiques : Séraphine Louis (1864-1952). Avec le « Portrait de Meg Steinheil » (musée Bonnat à Bayonne), Léon Bonnat (1833-1922) donne à voir la courtisane (et femme de peintre) dans les bras de laquelle le président de la République française Félix Faure rend le dernier soupir le 16 février 1899. Détenu par le musée du Louvre, « L’Intérieur d’une cuisine » du peintre français Martin Drolling (1752-1817) utilise comme liant pigmentaire des… cœurs royaux momifiés. Chargé de détruire les cœurs embaumés de souverains (dont le Régent, Henriette d’Angleterre, Louis XIII et Louis XIV), l’architecte Petit-Radel vend certains des organes royaux aux peintres Martin Drolling et Alexandre Peau qui s’en servent dans leurs mixtures à l’exemple de confrères qui pilent les restes de momies égyptiennes afin d’améliorer leurs glacis… Sulfureuse peinture à l’huile de Fernand Le Quesne (1856-1932), « La Légende de Kerdeck » (musée des beaux-arts de Quimper), campe un joueur de biniou résistant sur son rocher à l’assaut d’une cohorte de lavandières s’ébrouant impudiques et nues dans l’océan ; le peintre est le fils du sculpteur Eugène Louis Le Quesne connu pour la statue de la Bonne Mère au faîte de Notre-Dame-de-la-Garde à Marseille. Passionné par la science héraldique, Louis XIV est perspicace à déchiffrer les « armoiries parlantes », ces blasons qui posent un rébus ou jouent sur une homophonie. L’un d’eux plaqué en façade du musée de l’Armée, aux Invalides, à Paris, irrite le Roi-Soleil parce que son ministre de la guerre en est la vedette : une tête de loup chapeaute une lucarne ronde et cela se déchiffre « Loup – voit », c’est-à-dire « Louvois ». Charles Le Brun (1619-1690) étonne par ses études physiognomoniques qui visent à mieux connaître le caractère de l’homme à travers les traits communs l’appariant aux animaux ; « Trois Têtes de corbeaux » (lavis, musée du Louvre) affiche une singulière ressemblance entre l’homme bestialisé et l’animal humanisé. Le tympan de pierre de l’abbaye de Saint-Géry au Mont-aux-Bœufs intitulé « La Mort de Pyrame et Thisbé » (musée des beaux-arts de Cambrai) rappelle le suicide de jeunes babyloniens qui s’aiment depuis l’enfance mais que la volonté parentale entend séparer. La légende est rapportée dans les Métamorphoses d’Ovide qui a d’ailleurs inspiré William Shakespeare pour Roméo et Juliette (1595). Outre une sculpture d’inspiration analogue conservée à Cologne, ce tympan est le seul exemple connu au monde dans l’art chrétien de représentation du suicide, un acte proscrit par l’Église. L’espace Paul-Bedu de Milly-la-Forêt (Essonne) abrite « Et le soleil s’endormit sur l’Adriatique », une huile sur toile de Joachim Raphaël Boronali qui est en fait l’âne du père Frédé, patron du cabaret montmartrois Le Lapin à Gill. Le 8 mars 1910, devant huissier, le romancier Roland Dorgelès (1885-1973) installe une toile vierge près du postérieur de l’âne et attache une brosse à la queue de l’animal qu’il trempe successivement dans des pots de peinture. Des remuements de l’extrémité caudale du baudet naissent un graphisme et un chromatisme inattendus que les plaisantins baptisent Coucher de soleil sur l’Adriatique et signent Boronali, anagramme d’« Aliboron », celui qui croit savoir tout faire, en fait l’âne des Fables de La Fontaine. « Une dendrite », exposée au musée Bertrand de Châteauroux témoigne de l’intérêt porté par l’écrivain George Sand (1804-1876) aux arborescences dessinées dans la roche qu’elle tente de figurer en écrasant entre deux cartons de bristol des couleurs à l’aquarelle : déplié, le support laisse imaginer un univers fantastique de formes naturelles. L’abbaye Saint-Louis-du-Temple à Vauhallan renferme une collection de… « Marrons sculptés » dus à Mère Geneviève Gallois (1888-1962). Formée aux beaux-arts de Montpellier, la religieuse modèle vers 1945-1950 ces figurines d’art brut leur insufflant l’humour corrosif des dessins de sa Vie du petit Saint Placide. Longtemps, la sanguine sur papier de Jean Baptiste Greuze (1725-1805) conservée au musée Girodet de Montargis garde l’appellation « Portrait de vieille femme » jusqu’à ce que des recherches déterminent qu’il s’agit en fait du « Portrait mortuaire de Denis Diderot sur son lit de mort ». En fait, le corps du philosophe est autopsié en 1784 et son crâne découpé, ce qui laisse à penser que le drap ceignant la tête ait été associé à un attribut féminin, d’où l’erreur du titre originel. Le musée de la Renaissance à Écouen attribue la « Nef-automate dite de "Charles Quint" » à Hans Schlottheim d’Ausbourg (1545-1625). Primitivement achetée par l’empereur Rodolphe II, l’horloge-automate est un des trésors de l’orfèvrerie horlogère de la Renaissance (XVIe siècle). Ses sept mécanismes déclenchent une infinité d’automatismes : l’émission du roulis et des jeux d’un orgue, l’action de quinze joueurs de trompette, deux joueurs de tambour, quatre matelots et deux vigies, la frappe d’une cloche aux heures et aux quarts par deux personnages et l’explosion d’une salve de canons ; également représenté dans ce chef-d’œuvre de laiton doré, de fer et d’émail, Charles Quint incline son sceptre et tourne la tête tandis que les sept électeurs du Saint Empire exultent en remuant têtes et bras !

Si j’incitais à l’imitation d’un tel ouvrage en préambule, c’est parce qu’il constitue un excellent passeport à l’univers des formes pour le néophyte, au-delà de l’intérêt documentaire et historique qu’il représente pour le spécialiste. Le langage muséal, parfois bien mystérieux, est gommé au profit d’une interprétation pédagogique et ludique qui ouvre au lecteur de nouveaux territoires. Les œuvres n’en continuent pas moins de stimuler son imagination et d’exciter sa curiosité.

Claude Darras

Les carnets d'eucharis, 2011

 


 

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Trésors insolites des musées de France, par Jean-Jacques Breton et Dominique Williatte (éditions Flammarion, 35 €). L’œuvre montrée ici est l’« Autoportrait en trompe l’œil » de Jean-Marie Faverjon, un jeu cérébral et visuel qui rappelle l’autoportrait de Murillo à la National Gallery de Londres.