Jean-Christophe Bailly, La véridiction... (24/10/2011)

Jean-Christophe Bailly La véridiction - sur Philippe Lacoue-Labarthe

Éditions Christian Bourgois, coll. "Détroits", 2011

 

 

Extrait :

S’il y a une joie, et une joie de l’œuvre, c’est-à-dire une réponse de l’œuvre à la fidélité  (à la vie, à la possibilité d’existence), elle est du côté de la musique. Il me semble que pour Lacoue, et on peut justement le penser à partir de l’excès de réalité qui tombe sur Lenz, la musique est seule à pouvoir donner, non la diction (même dans le pur chant, elle n’est pas proprement diction) mais la dictée elle-même : sous la forme d’un ruissellement se donnant dans l’évidence d’une forme qui sans fin se défait, la musique, alors même qu’elle est beaucoup plus technique encore que le langage, donne à qui l’écoute l’impression de s’être débarrassée de ce bagage et c’est comme si, et non pas brusquement, mais selon cette progressivité qui appartient en propre au nouement temporel du musical, un accès à l’immédiateté (cet accès même que Hölderlin jugeait impossible) était ménagé. A l’immédiateté, c’est-à-dire au temps, à l’expérience dénouée du temps, au pur passage. Ce qui veut dire que la musique accorderait (rarement peut-être, rarement sans doute, mais peu importe) ce qui normalement n’est pas accordé à l’homme, c’est-à-dire, selon une expression que Lacoue affectionnait, qu’elle passerait l’homme, et qu’elle le ferait et ne pourrait le faire, étant aussi strictement humaine, qu’en passant par lui.

 

(p. 47/48)

 

 

Collection « Détroits » fondée par Jean-Christophe Bailly, Michel Deutsch et Philippe Lacoue-Labarthe

Illustration de couverture : Tournage de Andenken, Bordeaux, la Garonne, 2000 (détail)

 

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