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28/02/2010

Bulletin des carnets d'eucharis n°20 - mars 2010

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 ©Edward Weston Portfolio Pepper, 1930

 

 


 

[SOMMAIRE………]

 

MICHEL PORTIER Dessinateur & Photographe portraitiste

SUR LA PHOTO Edward Weston (1886-1958)

EXTRAITS Vivre dans le feu Marina Tsvétaïéva

&

Cathy Garcia/ Patrick Fischmann Hochets de sève 17e Livr'art d'Evazine

POESIE AVEC Cathy Garcia & Nathalie-Erica Cousin & Denis Heudré & Béatrice Brérot

 

&

DU CÔTÉ DE CHEZ THOMAS BERNHARD Maîtres anciens & Extinction/un effondrement VIENT DE PARAITRE Renaître : Journaux et carnets (1947-1963) Susan Sontag Christian Bourgois Editeur…………… Orage/Tempestad Cristina Castello Bod éd. NOTES DE LECTURE (Brigitte Donat) Dominique Grandmont Mots comme la route (Claude Minière) Philippe Sollers Discours parfait

 

&

PAR AILLEURS ………………….. PRINTEMPS DES POETES à la colle sur loup – DANGER POESIE & LA VOIX DES AUTRES – 12 mars 2010

 

 

LES CARNETS D’EUCHARIS N°20

 sur calaméo

http://www.calameo.com/read/000037071c9eb464d2dec

Publiez sur Calaméo ou explorez la bibliothèque.

MARS 2010

 logo pdf.jpgTELECHARGEMENT PDF http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com/media/00/00/1849619768.pdf

 


Béatrice Brérot

 

Ouvrirr

 
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Télécharger le texte : ouvrirr.pdf
 
 
 
 
 
 
 

BEATRICE BREROT

 

Très tôt Béatrice Brérot écrit tout en étant très sensible au visuel et à la forme audiovisuelle. Après avoir suivi un cursus universitaire en Lettres Modernes, elle se consacre à l’écriture avant d’entamer une formation de technicienne vidéo. Puis elle approfondit ses connaissances cinématographiques à Aix-en-Provence en assistant aux cours publics de Nicole Brenez, spécialiste du cinéma expérimental qui devient pour B. Brérot une des expressions la plus évidente de sa poésie. Aujourd’hui, entre poèmes, cinépoèmes, poésie numérique et typo&sie, le projet poétique de cette auteure vise à redonner au corps de l’esprit et de l’esprit au corps. En éprouvant l’équilibre des contraires, désir/manque, absence/présence, vide/plein, corps/esprit..., elle invite à rejoindre l’humain en soi. Parallèlement, Béatrice Brérot a fondé la microfabrique de poésie laps/le suc et l’absynthe et, tyrannisée qu'elle est par les livres, elle en prête en bibliothèque où elle anime Les Jeux Dits de la Poésie.

 

pour laps / le s & a

http://www.sucabsynthe.net

 

 

19/02/2010

Susan Sontag

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Susan Sontag par Annie Leibovitz

 

"La profusion des interprétations de l’art aujourd’hui empoisonne notre sensibilité. Dans une culture dont le dilemme classique est l’hypertrophie de l’intellect au détriment de l’énergie et du développement des sens, l’interprétation est la revanche de l’intellect sur l’art. […] Le plus important maintenant est de recouvrer nos sens. Nous devons apprendre à voir davantage, à écouter davantage, à sentir davantage." 

"… il faut remplacer l’herméneutique (l’explication des textes) par l’érotique de l’art".

Against Interpretation (1966)

sisyphe.org                      

18/02/2010

Bernard Noël - Les Plumes d'Eros (Oeuvres I)

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Bernard Plossu (photographie de Bernard Noël, 2008)

 

 

Les Plumes d'Éros
Œuvres I

 

janvier 2010
448 pages

Un jour de grâce (extrait)

 

J’ai été élevé dans une famille paysanne et catholique. La maison, vaste et ancienne, mettait beaucoup de passé sous le présent. Elle est située dans une région et un village isolés, à mille mètres d’altitude. Les derniers hivers que j’y ai vécus furent sibériens. Je n’en conserve que la neige. Ce n’est pas un souvenir. C’est le lieu de l’attente : un sol éclatant couvert d’un ciel noir. J’ai quitté cette maison pour un collège, qui avait le statut de petit séminaire. J’y ai appris le latin et le grec ancien comme des langues vivantes. Et la religion comme l’unique activité digne d’attention. L’exercice le plus recommandé aurait dû développer la conscience de l’état de grâce jusqu’à provoquer l’union avec Dieu. Mais aucune technique ne nous était enseignée, pas plus que n’étaient indiquées sur l’éventuel chemin ascendant les stations de l’épiphanie et de l’illumination. Conséquence : en dépit de la conviction, tout cela n’était pour nous que discours et vaine agitation devant l’inaccessible. Pourtant, un jour du troisième trimestre 1946, j’ai connu l’emportement promis et la joie lumineuse. J’avais une escarboucle au front. Je ne m’en souviens pas : je vois et, aussitôt, me revoilà dans la bulle où tout est résolu parce que l’union est réalisée. Oui, l’Union ! Je vois, j’essaie de voir, et la reconstitution s’opère – ou ne s’opère pas – immédiatement. Toute ma vie, j’ai eu ce lieu dont je ne sais s’il est en moi ou en suspension près de moi, ce lieu lumineux. Longtemps, je l’ai évité ou repoussé par refus ou méfiance. Il est là sans être là. Il est souvent interdit, clos sur lui-même. Il est parfois brusquement ouvert.

 

P.O.L. Editeur

 

Sommaire
Un jour de grâce (introduction)
L’amour blanc
Le cri et la figure
L’oiseau de craie
Une messe blanche
L’été langue morte
L’enfer, dit-on
La moitié du geste
Les choses faites
L’espace du désir
Des formes d’elle
Les plumes d’Éros
Le nu
Poèmes pour en bas
Le mal de l’espèce
Histoire de Frêle
Histoire d’un ange
La Petite Âme
Le tu et le silence

Pierre Jean Jouve / Léo Marchutz :

"une race d'artistes presque disparue, celle de Delacroix qui n'était jamais content" 

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Léo Marchutz, sur les pentes du Chateau-Noir, près de sa cabane-atelier
(fonds Antony Marchutz, droits réservés)

Pierre Jean Jouve et Léo Marchutz se rencontrèrent au début des années cinquante du siècle dernier, pendant les premières soirées du Festival d’Art lyrique d’Aix-en-Provencee. André Masson qui vivait depuis 1947 à Aix, sur la route du Tholonet, fut vraisemblablement l’intermédiaire qui favorisa leur amitié. Léo Marchutz réalisa en mai 1952 à partir de sa presse à bras le tirage des trois lithographies de Balthus, Masson et Sima qui accompagnent les vingt-huit exemplaires numérotés de Langue dont la première édition fut publiée par les éditions de L’Arche.

Son épouse Barbara Marchutz qui composa la typographie de cet ouvrage et qui fut la secrétaire de rédaction des premières années de la revue L’Arc, était d’origine anglaise ; Jouve la consulta fréquemment à propos de ses traductions de Shakespeare. Par la suite, leurs relations qui furent principalement épistolières s’espacèrent, Marchutz vint quelquefois lui rendre visite à Paris, Jouve ne venait plus écouter les opéras de Mozart dans la cour de l’Archevéché d’Aix-en-Provence. Jusqu’en janvier 1976, date du décès de Léo Marchutz, il lui envoyait très fidèlement des exemplaires de ses recueils de poèmes et de ses romans. Les chaleureuses dédicaces de Jouve témoignent clairement d’une forte admiration et d’une grande affection vis à vis de son personnage et de son oeuvre.

GALERIE LIBRAIRIE

Alain paire

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Bernard Noël & Patrick Wateau - Galerie Remarque

 ***

OEUVRES DE BERNARD NOËL

 

OEUVRES DE PATRICK WATEAU

Le site de la Galerie Remarque

Ces éclats de liberté de Daniel Blanchard

 

NOTE DE LECTURE

Claude Darras

 

« Ces éclats de liberté »

 

Daniel Blanchard

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Quand la parole devient chant…

 

Le lecteur doit être prévenu : il pénètre ici dans le royaume de la littérature véritable, sans concession, avec pour seule loi interne la nécessité d’écrire et d’atteindre, à travers le verbe, à une authenticité indéniable. J’ose dire que c’est l’équivalent littéraire de la peinture, de la musique, au sens où, selon les exercices les plus authentiques de ces disciplines, ne priment plus la narration ou l’intrigue, mais le style, la qualité de l’émotion et la lucidité de la pensée. Malgré les apparences, « Ces éclats de liberté » a été écrit à deux mains, à l’exemple des partitions de piano. La ligne, récitatif ou mélodie verbale, s’étire en prenant appui sur une basse continue, l’accompagnement de la main gauche en somme, qui bat les périodes et les destinées comme on le dit des cartes.

 Arrivé aux dernières longueurs du chemin de sa vie, Émile, le narrateur, se retourne. Il traverse la forêt de sa mémoire à rebours. Parfois il revient sur ses pas afin de recouvrer le présent de sa narration (nous sommes en 1987 au cœur du pays poitevin). Issu de « paysans néolithiques », ainsi nomme-t-il ses ascendants de la vallée de Barcelonnette (Alpes-de-Haute-Provence), cet intellectuel remuant devenu typographe-correcteur d’un quotidien parisien tente de répondre aux interrogations de son propre parcours et de comprendre le monde et les gens qu’il y a côtoyés.

La rétrospection est servie par une géniale argumentation qui repose sur deux faits distincts. D’une part, un des principaux personnages, Geoffroy Rizzi, artiste hors les normes, est calqué sur un autre Geoffroy, sculpteur du XIIe siècle celui-là dont la collégiale Saint-Pierre à Chauvigny (Vienne) conserve les chapiteaux historiés : la rébellion les rassemble tous deux. D’autre part, le journal intime de Lucien Négrel, historien d’art et pianiste inspiré des années 1920, révèle à Émile la métamorphose inattendue de son mentor en véhément militant du Parti communiste qui rejoignit le maquis alpin en 1943. À partir des individus qu’il manipule, Daniel Blanchard trame un tissu narratif d’allusions et de correspondances extrêmement profus et vertigineux qui nous amènerait, pour peu que nous ayons lu ses autres textes, à conclure qu’il est sans conteste le narrateur et que Lucien est son propre père. Mais les histoires des uns et des autres s’emboîtent mal. En dépit de l’ambiguïté autobiographique, l’auteur se livre presque complètement d’un bout à l’autre de ce récit existentiel. Et les lecteurs voudront mieux connaître le philosophe insurgé (il écrivit sous le pseudonyme de Pierre Canjuers) qui se lia quelque temps avec Guy-Ernest Debord, écrivain et cinéaste, critique de La Société du spectacle (1967) et initiateur de l’Internationale situationniste (1957). Qu’ils s’attachent aussi à découvrir le poète des « Cartes » (1970, Mercure de France) qui suscita l’intérêt de Francis Ponge et d’André du Bouchet.

« Clair comme du Voltaire, touffu comme du Montaigne, nerveux comme du La Bruyère », nul doute que Daniel Blanchard ait fait du triple commandement de Gustave Flaubert la loi d’une œuvre inclassable et multiple. Chez lui, en effet, la phrase est souple, incertaine, presque tremblée. Elle n’a pas de centre visible ou de point d’équilibre. Sa pensée rameute avec maestria l’incertitude des souvenirs, la fragilité des succès, l’obsession des rancœurs, l’ironie des regrets et ajoute une infinité de lignes de fuite aux jeux de la perspective narrative déployée entre Alpes et Poitou : l’art et la politique, le jazz et l’amitié, Auschwitz et l’enfance, Mai 68 et l’Europe de l’Est, la nature et la poésie, les illusions de la conscience et l’imposture de la civilisation. La parole, ici, devient chant et les images épousent les formes imprévisibles des mots. C’est une parole unique, à plusieurs hauteurs, qui s’enroule et se déroule telle une flamme, un embrasement qui est un combat, aux différents degrés de la réalité sociale, poétique et spirituelle.

 

© Claude Darras, février 2010

 

 

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l’une et l’autre édition, 2009

 

 

 

 

Florilège

 

Si ce souvenir est resté si aigu, c’est qu’il se surimpose à une image qui devait me hanter déjà et qui me hante toujours, celle d’Herbez désert, abandonné. En un sens, ce jour-là, depuis le tournant du chemin, je découvrais le hameau abandonné, mais c’était moi qui l’avais abandonné, moi qui ne l’habitais plus et, donc, n’habitais plus nulle part. C’était moi que je voyais, là-bas, de l’autre côté de la combe, déshabité, et dans ma tête ce bégaiement de porte qui bat. Oui, ce jour-là, je me suis dit « Je suis une porte qui bat sur le vide ».

Dans « Ces éclats de liberté », l’une et l’autre édition, 2008

 

 

"Il y avait… le bruit de cataracte du temps.

‘Jamais plus nous ne boirons si jeunes.’"

G.-E. Debord. Panégyrique

 

La conversation, qu’il faudrait presque entendre ici au sens originel de « vie partagée », car elle constituait comme l’accomplissement voluptueux de l’amitié, Debord la vivait comme une dérive verbale, l’expérimentation ludique, à plusieurs, d’idées, de mots, de fantaisies nouvelles – et quiconque l’a fréquenté sait à quel point sa présence et ses propos catalysaient chez ses interlocuteurs amis l’imagination et ses expressions les plus dégourdies. Avec l’adversaire déclaré, en revanche, la discussion tournait à un autre jeu, « le match de boxe », disait-il, mais il s’agissait plutôt de combat libre car il recourait alors, pour vaincre, à tous les moyens, y compris l’argument le plus bassement personnel.

 

Dans « Debord, "dans le bruit de cataracte du temps" » (2005),
suivi de "Préliminaires pour une définition de l’unité du programme révolutionnaire", par G.-E. Debord & P. Canjuers (1960),
augmenté d’un "Post-scriptum" (2004),
Sens & Tonka éditeurs

 

 

Le jour décline de minute en minute, déjà il ne comble plus l’espace, le jour baisse comme gagné par cet appesantissement de tout. Très vite approche le moment où il s’épuise, où sa lumière ne porte plus, comme une eau trop mince, trop basse, une vague brisée, étale, une étoffe trop usée, elle perd, cette lumière, de minute en minute, la force de sertir les formes, son mordant, elle lâche, elle défaille, elle se retire des choses. De seconde en seconde, comme si c’était le jour qui les avait tenus dressés, distincts, dans l’espace, le tranchant des herbes, les feuillages, le faîte d’un toit, toutes ces longues stries qui échelonnaient les lointains, se brouillent et s’abîment dans la masse de l’ombre.

 

Dans « Ici », Sens & Tonka éditeurs, 2001

 

« L’homme se sentirait trop seul,
s’il n’y avait pas les poches. »

Silvio d’Arzo

 

Sur tout écrit d’un inconnu, ses premiers lecteurs jettent d’abord un regard défavorable. Son auteur est présumé coupable. Tout ce qu’il écrit peut être retenu contre lui, et seulement contre lui. L’acharnement à travailler et à publier, la multiplication des actes délictueux, des pièces à conviction et donc des chefs d’inculpation possibles vise ce miracle : obtenir la présomption d’innocence. Et il arrive qu’on l’obtienne. Mais comme il s’agit d’un miracle, très vite un culte s’instaure. Les dévots affluent, les femmes se pâment au moindre mot du miraculé, les savants scrutent les arcanes du génie. Non, ce que l’écrivain n’obtiendra jamais c’est d’être reconnu comme un simple être humain qui s’adresse honnêtement à ses semblables. Mais lui non plus ne l’entend pas de cette oreille.

 

Dans « Vide-poches », Sens & Tonka éditeurs, 2003

 

10/02/2010

Ingeborg Bachmann

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Oeuvres
Actes Sud

Le Thesaurus
Traduit de l'allemand par Claude Couffon
octobre 2009  / 14.0 x 20.4 / 752 pages

 

 

 

Ingeborg Bachmann est née en 1926 à Klagenfurt en Carinthie (Autriche), une région sur la frontière entre le monde germanique et le monde slave, région avec laquelle elle entretient une relation amour/haine. Survivre au traumatisme de la Seconde Guerre Mondiale exigeait, pour elle comme pour de nombreux Allemands, de faire retour sur ses origines et d’en surmonter le poids. La Carinthie, ses tensions ethniques et ses contradictions incarnent cette douleur, et l’Anschluss en 1938, alors qu’elle était âgée de douze ans, imprègne à jamais sa perception du monde et son œuvre, jusqu’à devenir parfois la métaphore de la relation d’un homme avec une femme. Lire la suite



Dans ce Thesaurus sont réunis des textes importants en prose et toutes les nouvelles d’Ingeborg Bachmann, une des grandes figures de la littérature allemande d’après-guerre. A sa mort tragique en 1973 lors de l’incendie de son appartement à Rome, Thomas Bernhard dira : « Elle est la poétesse la plus intelligente et la plus importante que l’Autriche ait produite au cours de ce siècle. »

• Lettres à Felician
• Le Passeur
• La Trentième Année
• Trois sentiers vers le lac
• Franza
• Requiem pour Fanny Goldmann
• Berlin. Un lieu de hasards
• Ce que j’ai vu et entendu à Rome
• Le Bon Dieu de Manhattan
• Leçons de Francfort. Problèmes de poésie contemporaine

 

 

 

POSTFACE

UNE LECTURE DE CÉCILE LADJALI

(cliquer ici) Extrait

 

 

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Le site Ingeborg Bachmann

 

 

Ma frontière touche encore aux confins d’un mot et d’un autre pays,

ma frontière touche, fût-ce si peu, toujours plus aux autres confins,

Bohémien, vagabond, qui n’a rien, que rien ne retient,

n’ayant pour seul don, depuis la mer, la mer contestée,

que de voir,

le pays de mon choix.

 

“La Bohême est au bord de la mer”

 

 

La collection Anne et Henri Sotta

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ANNE ET HENRI SOTTA

chercheurs dart

 par Claude Darras, critique dart et de littérature

 

 

08/02/2010

Dominique Grandmont (lecture de Brigitte Donat)

 

NOTE DE LECTURE

(Brigitte Donat)

 

Dominique Grandmont

Mots comme la route

 

 

Mots comme la route, dernier recueil poétique de Dominique Grandmont constitue une avancée d’autant plus forte qu’elle s’est formée sur beaucoup de silence.

Composée d’une alternance de bloc-textes et de courts vers syncopés, l’œuvre laisse une parole s’accroître librement jusqu’à brûler l’espace qu’elle franchit.

Ainsi la vitesse que procure l’enchaînement d’axiomes, dans le premier texte, balaient nos points d’ancrage et les mots, lie noire sur papier, forment l’asphalte d’une route lisse que nul horizon ne vient entraver. Un champ d’immanence se déploie et nous rend à notre liberté première. Détachée de toute pesanteur subjective, la langue sait alors prendre son élan, se délier, parler d’elle-même et constituer son propre dépassement.

Ces mots n’appartiennent à personne. Ce sont eux qui ont pris ma place, pour que le rien soit quelque chose.

A l’autonomie de la langue répond une charge de témoin : le poète en retrait capte les confins d’une parole qui se multiplie, ses capacités à faire de la réalité autre chose que ce qu’elle est. Il nous invite à sortir de tous les miroirs afin que l’univers puisse redevenir lui-même, infini. Si les pistes se brouillent, c’est pour mieux affronter la perte. Les mots ne comptent pas, constate Grandmont, j’ai beau écrire, je ne vois pas ce qu’ils voient dans le désert des livres, ni quelle liberté.

Puisque la signification échoue à enclore le monde dans un dire, (ne la contredit-il pas sans cesse, la débordant infiniment ?), l’écriture s’affranchit de son impuissance.

Ce que je lui fais dire n’a pas de sens, mais ce que je lui retire la grandit.

 De cette béance, à notre grand étonnement, surgit la vraie vie.

Elle est cette parole qui n’a pas commencé, cette insensée qui veut tout dire mais qui n’oubliera pas un visage.

 

© Brigitte Donat, février 2010

 

 

Editions Tarabuste, 2009

 

 

07/02/2010

Susan Sontag

Renaître : Journaux et carnets (1947-1963)

David Rieff (Préface), Anne Wicke (Traduction)

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Quatrième de couverture

Premier d'une série de trois volumes présentant une sélection des journaux et carnets de Susan Sontag, cet ouvrage nous permet de suivre la trajectoire constamment surprenante d'un grand esprit en formation. Le livre s'ouvre sur les débuts des journaux et les premières tentatives d'écriture de fiction, lors des années d'université, et il se clôt en 1963, quand Susan Sontag devient à la fois une figure et une observatrice de la vie artistique et intellectuelle new-yorkaise. Renaître est un autoportrait kaléidoscopique d'un des plus grands écrivains et penseurs nord-américains, que la curiosité et l'appétit de vivre exceptionnels de Sontag rendent d'autant plus vivant. Nous observons ainsi la naissance d'une conscience de soi complexe, nous la voyons s'enrichir des rencontres avec les écrivains, universitaires, artistes et intellectuels qui ont structuré sa pensée, et s'engager dans l'immense défi de l'écriture, le tout filtré par le prisme des détails inimitables du quotidien. Christian Bourgois Editeur, 14 janvier 2010

 

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© Photo : Peter Hujar, 1966

William Bronk

william bronk.jpg« Les poèmes de Bronk sont on ne peut plus éloignés de “rêveries philosophiques”. Ils font partie d'un flux de pensée vivant. Par la rigueur de leur pensée, par la précision de la voix, par leur pureté de forme et leur clarté aveuglante, ils sont d’une beauté qui étonne » (George Oppen)

 

Prix Maurice-Edgard Coindreau 1994

 

Le monde, le sans-monde

(The World, the worldless)

Traduit par Paol Keineg • Edition bilingue

Circé éditions

 
http://circe.nuxit.net/poesie_.pdf

Charles Olson

 

les poèmes de maximus_charles olson.jpg  

 

 

 

 

Les Poèmes de Maximus

(traduit par Auxemery)

 

Les poèmes de Maximus sont une des oeuvres majeures de la poésie américaine de l'après-guerre. Poèmes salués par de grands prédécesseurs, William Carlos Williams ou Erza Pound, ils s'inscrivent dans cette tradition (nouvelle et strictement américaine) de grands poèmes embrassant histoire et philosophie. De Gloucester, Maximus envoie des lettres, qui sont autant de chants, traversées par l'histoire, celle d'avant l'arrivée des Européens, les implantations diverses, l'invention de ce nouveau monde avec ses vertus et les éléments constitutifs condamnés par Olson (la péjorocratie). De ce port de pêche, l'histoire économique, symbolique, mythologique et religieuse est revisitée du point de vue de Maximus, posté sur le guet. Gloucester, symboliquement, signifie aussi la fin des migrations.

Les poèmes, trois volumes rassemblés sur plus de 630 pages, sont traduits pour la première fois dans leur intégralité. Ils sont suivis d'un essai du traducteur (Auxeméry, travaillant sur Olson depuis près de trente ans) sur la complexité de ces poèmes, sur leur conception et évolution. D'autre part, de précieux glossaires aideront le lecteur à s'y retrouver dans les innombrables références ou allusions, tant historiques, géographiques, que mythologiques, philosophiques, etc. La beauté de ces poèmes ne repose pas sur l'érudition de leur auteur, mais il nous a semblé qu'ouvrir les portes de la bibliothèque Olsonnienne enrichirait davantage la lecture, permettant d'en mesurer l'intégralité des enjeux.


Libraire éditeur la Nerthe/Classique, 2009

 

 

 

03/02/2010

Jean Starobinski / entretiens avec Gérard Macé - (lecture d'Alain Paire)

Jean Starobinski dialogue avec Gérard Macé :

cinq entretiens publiés par La Dogana
lecture d'Alain Paire

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Jean Starobinski et Florian Rodari, l'un des responsables de La Dogana

 

En décembre 1999, rue Candolle, dans un appartement proche de l'Université de Genève, Gérard Macé interrogeait Jean Starobinski en compagnie de techniciens de France-Culture requis pour l'émission "A voix nue". Francesca Isidori et Olivier Kaeppelin lui avaient donné carte blanche pour que soient enregistrées cinq demi-heures de conversation qui furent diffusées en matinée, du lundi au vendredi.

Dix années plus tard, parce qu'un invincible "goût d'inachevé" affectait des fragments de leur conversation, les deux protagonistes ont relancé leurs correspondances et se sont de nouveau concertés afin de reformuler par écrit leurs questions et leurs réponses. L'intégralité de leur entretien vient d'être publiée par les éditions de La Dogana. Responsable du fonds Jean Starobinski des Archives littéraires suisses de Berne, l'un des membres du comité de cette maison d'édition, Stéphanie Cudré-Mauroux s'est chargée d'assurer les va-et-vient de ce processus de réécriture.


En guise de titre ainsi que de manifeste pour ce dialogue, Gérard Macé fait réimprimer le début d'une citation de Montaigne qui figurait dans l'incipit de leur conversation : un fragment des Essais qui énonce fermement que "La parole est moitié à celuy qui parle, moitié à celuy qui écoute". Une post-face de Macé et un léger appareil critique, des repères bio-bibliographiques, complètent la transcription de cette série d'émissions. La très fine résultante de ces réemplois successifs, c'est à présent la lecture d'un élégant volume de 110 pages qui, écrit très justement Stéphanie Cudré-Mauroux, "prend ici et là des allures de mémoires ou bien de testaments".


Du côté des souvenirs, on découvre bribe après bribe quelques traits de l'existence de Jean Starobinski, principalement des moments d'une jeunesse allègrement formatrice : "Alors que j'étais encore collégien, je me glissais à l'université pour écouter les merveilleuses leçons de Marcel Raymond sur Rousseau". Marcel Raymond fut pour Jean Starobinski l'un de ses meilleurs modèles pour ce qui concerne sa tâche d'enseignant : "Il savait lier les faits à connaître et la réflexion qu'ils appelaient. Il allait droit à l'événement, aux mots chargés du sens le plus provocant et le plus troublant. Il savait soulever une question, pour éveiller une inquiétude, sans la poursuivre, quand elle aurait pu détourner la suite du propos. La construction des parties du cours, l'emploi des cinquante minutes n'étaient jamais en défaut".


Quelques pages auparavant, Starobinski évoque "un évènement bouleversant", les émotions qu'il éprouva pendant l'été de 1939 lorsqu'il lui fut donné de découvrir au cœur des malheurs de ce temps les trésors du Musée du Prado pendant quelques saisons entreposés à Genève. Celui qui continue d'affirmer fortement que les peintres qu'il préfère de très loin, ce sont ceux "qui célèbrent le don de voir. Le bonheur d'une échappée, d'une scène simple", était alors âgé de dix-neuf ans : "Les salles de notre Musée d'Art et d'Histoire offraient Goya, Vélasquez, Greco. J'ai beaucoup rêvé devant "La Bacchanale des Andriens" de Titien qui est aujourd'hui encore un des lieux sacrés où mon souvenir s'attarde... Les salles du musée, en juillet, étaient presque vides à certaines heures. Je tentais de déchiffrer les rapports entre les personnages dans les sublimes "Fileuses" ou "Les Ménines". En un sens, il y avait dans ces œuvres une force, une vérité qui prévalaient. Mais qui n'avaient pas empêché la folie meurtrière".


Les années de guerre furent également celles d'une rencontre déterminante, celle de Pierre Jean Jouve, "la première occasion où un texte de critique m'a été demandé"... "Comme il venait d'achever la grande étude intitulée "Le Don Juan de Mozart", on lui en a demandé des lectures publiques. Il fallait qu'un étudiant tourne la manivelle du gramophone pour faire écouter les exemples musicaux... Et l'étudiant, c'était moi ".


Jacques Rancière a su le rappeler en citant Rilke dans un tout autre contexte, "Perdre aussi nous appartient". Rien de superflu, aucun relâchement, des curiosités polymorphes qui touchent à Georges Canguilhem, à la fleur Narcisse ou bien aux fabriques qui se construisaient au xviiie siècle en bordure de rivière, les citations de cet entretien pourraient être multipliées. On n'oublie pas le grand âge de l'homme dont la radio et l'édition nous restituent la voix. Une parfaite courtoisie, et puis surtout une inflexible capacité de résistance, point de vains regrets chez l'immense critique qui ne laisse pas entrevoir un espoir de dénouement lorsqu'il avoue en fin de partie "une dette qui persiste" à propos de Gérard de Nerval : "Il faut que je reprenne des pages inédites où je cherche à voir comment il a vécu la quasi-simultanéité de ce qui s'annonce et de ce qui se dérobe". Celui que ses meilleurs amis appellent affectueusement "Staro" confirme tout de même, à côté d’un troisième livre à fournir pour la collection de Maurice Olender,  l'imminente parution chez Gallimard d'un livre depuis longue lurette patiemment attendu, son inoubliable titre est emprunté à un passage du Neveu de Rameau : "Diderot : un diable de ramage".


A défaut d'une cascade de livres qu'il ne faut pas souhaiter, ce qui dans ces pages ne cesse pas d'advenir et de fournir d'admirables preuves, ce sont une éthique et une esthétique souverainement joueuses, incroyablement audacieuses par rapport à tout ce qui semble prévaloir dans l'air du temps. Jean Starobinski aura fait de chaque journée de son parcours l'espace d'un combat musicalement livré "pour que le passé humain ne reste pas invisible et muet dans notre présent".


Cet homme des Lumières qui, comme l'indique Gérard Macé, "nous intimide et nous enchante", "rend possible l'avenir". Jean Starobinski réaffirme clairement qu'il "pense en société"  et qu'il travaille en étroite amitié avec d'autres personnes : "Je crois même qu'une vraie recherche ne commence que lorsqu'on se sent en compagnie" ... "Si les circonstances, ou la Fortune, nous sont favorables, notre parole sera une vie qui se propage. Mais elle est aussi, comme tout l'humain, comme tout ce qui possède une forme, bordée par l'oubli, menacée d'effacement. Ce qui est difficile, dans le monde d'aujourd'hui, ce n'est pas de rompre le silence, mais de persévérer, de simplement persister, face au bruit qui se multiplie..."

Contribution d’Alain Paire

 


 


Faute de pouvoir disposer d'une photographie de Gérard Macé pendant les moments d'enregistrement effectués par France-Culture, j'utilise ici un document qui réunit deux citoyens de Genève : Jean Starobinski et Florian Rodari, le principal responsable de La Dogana. Comme l'indique le livre que détient Rodari - les Cahiers pour un temps préparés par Jacques Bonnet qui venaient de paraître à propos de Starobinski - cette photographie date des alentours de 1985.


A propos de Gérard Macé, il faut signaler chez Verdier la parution prochaine, le 5 janvier 2010 de Pêle-mêle, un recueil de textes de Jean-Pierre Richard. Dans l'un des articles de cet ouvrage, J-P Richard évoque chez Macé le portrait réinventé de trois anthropologues.


Le catalogue de La Dogana (diffusion Belles-Lettres et Atheles) comporte trois autres titres où figurent d'importantes contributions de Starobinski : "Le poème d'invitation", précédé d'un entretien avec Frédéric Wandelère et suivi d'un propos d'Yves Bonnefoy (2001). "Goya, Baudelaire et la poésie" un essai d'Y.Bonnefoy qui comporte un entretien avec Jean Starobinski suivi d'études de John E. Jackson et de Pascal  Griemer (2004) ainsi qu' "A tout jamais", lieders de Gustav Mahler interprétés par Bo Skovhus, préface de Jean Starobinski (livre & CD, 2009).


Parmi les projets de livres/ CD que La Dogana concrétise actuellement depuis Grignan, on peut  signaler des enregistrements de poèmes prononcés par Philippe Jaccottet.
En coproduction avec  les éditions Le  Bruit du temps d'Antoine Jaccottet, La Dogana met également en chantier la  traduction et l'achèvement de la biographie d'Ossip Mandelstam composée par Ralph Duti.

Par ailleurs directeur de la Fondation Jean Planque, Florian Rodari sera en 2010 pour plusieurs musées d'Espagne  le commissaire d'une exposition de photographies issues de la Donation Jacques - Henri Lartigue