12/02/2023
Guennadi AÏGUI
Guennadi AÏGUI
Sommeil Poésie Poèmes
[extraits]
Guennadi AÏGUI
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Extraits
ÉDITIONS SEGHERS/AUTOUR DU MONDE – 1984.
Traduit du russe par Léon Robel
« il était comme une clairière le pays
le monde – comme une clairière
et il y avait des bouleaux-fleurs
et un cœur-enfant
et comme ces bouleaux-fleurs étaient par le vent de ce monde soufflés
et des roses-neiges
entouraient comme d’anges-mendiants le soupir
des sans-parole villageois !... et avec leur Lumo-Pitié
ensemble
illuminaient
/ ici – lieu d’un silence
aussi long
que l’infini de leur vie /
nous nous appelions – de Cette Lueur maints
chacun renforçant
la vivante luminescence
secondement dans la douleur
/ ici aussi
même
silence /
et étions écoutant : que dira la pureté d’un mot unique ?
sans cesser
rayonnait :
le monde-pureté »
1975
Extrait de « O OUI : PATRIE » – p.9.
***
à M. Roguinski
« Un champ parsemé de journaux ; le vent les emmêle (il n’y a ni début ni fin). J’erre tout le jour, examine avec attention : le titre est partout le même (et même l’oubli : j’oublie et j’examine – le temps passe : impossible de me souvenir) ; avec le même portrait partout (et de nouveau, l’oubli). Où suis-je ? où dois-je revenir ? Vent ; absence de routes ; froissement de papiers ; la Terre entière n’est que ce champ ; ténèbres ; solitude. »
1979
Extrait de « GOUACHE » – p.101.
***
« et quelque part
se tient jusqu’à ce jour
une petite femme
et quelqu’un transporte – en ses yeux indifférents – comme des cercles de soleil
le scintillement mauve de sa robe
et entre ses épaules et les miennes entre son cou et le mien
entre mes manches et ses manches
il y a l’herbe poussiéreuse les rails chauffés à blanc
et les rochers brûlants
des villes et des monts
mais à part moi nul ne sait
comme sont chauds ses coudes là-bas dans la manche
et quelle particulière
vulnérabilité de la démarche se dissimule
en cette station
frêle-penchée
– et il n’y a rien de plus audible que le silence
de plus fidèle que la douleur de plus clair que l’angoisse !
et longtemps encore le séjour longtemps
dans le monde le séjour longtemps / rien ne parvient jusqu’au sens « depuis longtemps » /
et vivante sur la terre
elle n’a pas encore quitté les hommes
quelque part elle se tient à présent aussi
la petite femme vêtue d’une robe rouge
– et il n’est rien de plus infini que la fin
et les buissons mauves de l’euphorbe
s’agitent la salissant de poussière du chemin
jusqu’à la ceinture
et ils deviennent plus hauts et plus larges
et plus éclatants que sa robe »
1958
Extrait de « PROLONGEMENT DU DEPART » – pp.133-134.
***
[…] Ce qu’écrit Aïgui ne ressemble à rien de connu en Russe. C’est une sorte de synthèse organique entre trois traditions très différentes : l’avant-garde russe poétique et picturale du XXe siècle (Malevitch est pour Aïgui une référence privilégiée), la poésie française moderne et la culture populaire tchouvache. La syntaxe en est souvent désarticulée, de manière à offrir plusieurs possibilités d’interprétation simultanées et à dire en même temps les difficultés de la communication en notre temps. Les images souvent surgissent des tréfonds de la mémoire. La ponctuation très personnelle permet par les trait d’union des coagulations ou cristallisations de sens (plusieurs mots se fondent en un seul) tandis que les tirets, les point d’exclamation marquent des brisures et des envols du rythme. Des néologismes parfois apparaissent comme de nouvelles évidences de la pensée ; des rimes ou des mètres réguliers enfouis ou démontés et reconstruits sont des indices de l’immense travail sur le système de versification accompli par Aïgui. Ce qui est à l’œuvre ici c’est véritablement une « pensée rythmique » qui, par son mouvement même, nous porte vers la saisie de son objet. Ce qui fait que le mouvement rythmique est inventé pour chaque poème. […]
Extrait de « DU TRADUCTEUR AU LECTEUR… » par Léon Robel – p.157.
■ À CONSULTER:
En attendant Nadeau : Aïgui le simple par Odile Hunoult : CLIQUER ICI
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13/05/2014
Ossip Mandesltam - De la Poésie - Ed. la Barque, 2013
Lecture Nathalie Riera
Ossip Mandelstam
DE LA POÉSIE
© O. Mandelstam, printemps 1933
Traduction & Postface
Christian Mouze
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Mots pour De la poésie
Olivier Gallon
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« Garde à jamais mon dit, son âcre goût de malheur et de fumée,
sa résine de solidaire patience, son goudron d’honnête labeur »
O. Mandelstam
3 mai 1931
Le choix d’un éditeur de publier Ossip Mandelstam relève, à mon sens, non pas d’une stratégie de vouloir posséder un catalogue et ne s’en tenir qu’à cette suspicieuse ambition ; il en va plutôt d’une certaine passion, et peut-être plus sobrement encore d’un certain esprit amoureux, en ce profond et légitime souci de restituer le « dit » du poète, lui-même dans cette égale transe, ou dit autrement, dans un égal transport de l’esprit, à ne cesser au cœur de la nuit et ses terreurs de nous exhorter à cette parole, que « la vie est un don que personne n’a le droit de refuser ».[1] Mandelstam, au cœur du drame, c’est le rire toujours présent, le rire non destitué de son origine et de sa force.
« De la poésie », récemment publié par le brillant éditeur Olivier Gallon des Editions La Barque, dans sa qualité de recueil d’essais édité pour la première fois du vivant de Mandelstam durant l’année 1928, et là dans la traduction remarquable de Christian Mouze, c’est honorer la poésie comme renoncement à ce que Mandelstam a fui toute sa vie : fuir tout contact avec le pouvoir, car ce qu’il faut aussi retenir du poète et de l’essayiste, c’est son « renoncement aux formes démocratiques du gouvernement », s’opposant alors à cet arrogant pouvoir des lois et des institutions à vouloir « s’imposer comme éducateur »[2] du peuple. Poète altier, entier, les pays de prose et de poésie de Mandelstam sont des « pays aux teintes incendiaires ».[3] L’incendie chez le « renégat de la tribu » demeure un geste de survie : préserver le rouge et le jaune, en même temps que revenir sur le mot « destin », que l’épouse Nadejda définit, selon la personnalité propre à son mari, comme n’être justement pas « une force extérieure mystérieuse mais une conséquence, mathématiquement calculable, de l’énergie intérieure d’un homme et de la tendance dominante de l’époque »[4].
En dépit d’une vie plongée dans les arcanes et les ténèbres de l’Histoire, dès la première arrestation de Mandelstam, en 1934, il me semble qu’il nous faut reconnaître à ce grand poète cette vive équation : sa propre vie en tant que grande œuvre, ainsi que sa résolution ou détermination à la résistance de l’esprit par la poésie. Joseph Brodsky, en hommage à Nadejda Mandelstam, écrira : « Ossip Mandelstam était un grand poète avant la Révolution. Tout comme Anna Akhmatova et Marina Tsvétaïéva. Ils seraient devenus ceux qu’ils sont devenus même si aucun des événements historiques que connut la Russie au cours de ce siècle n’avait eu lieu : parce qu’ils étaient doués. Fondamentalement, le talent n’a pas besoin de l’Histoire ».[5] Outre la légitimité de ce propos, la Terreur stalinienne n’aura pas eu raison du génie de Mandelstam.
***
« De la poésie » réunit un ensemble de 9 essais, suivis d’une postface du traducteur. Puis, des « Mots pour… » de l’éditeur, texte assorti d’une photographie pleine page d’Ossip Mandelstam enfant, à Pavlovsk, en 1894. Image singulière dans l’émotion qu’elle suscite.
Que nous disent ces 9 essais ?
Parce que chez Mandelstam la poésie est entendue « comme l’œuvre de la voix et de l’ouïe »[6], nul doute que pour l’éditeur de ce recueil il ne pouvait ne pas être révélé l’importance chez Mandelstam de la musique : « […] il récitait ses vers, comme il nous a été rapporté, la tête en arrière, l’oreille tendue vers l’infini du poème. »[7] Au sujet de la vénération de Mandelstam pour la symphonie musicale, de ma lecture du fabuleux Timbre Egyptien, je retiens ce passage – son personnage, Parnok, adore la musique : « Les portées ne caressent pas moins l’œil que la musique elle-même ne flatte l’oreille. Les noires sur leurs échelles montent et descendent comme des allumeurs de réverbères. Chaque mesure est une petite barque chargée de raisins secs et de muscats noirs.
Une page de musique, c’est d’abord une flottille à voiles rangée en bataille, puis un plan selon lequel sombre la nuit organisée en noyaux de prunes ».
Noble et pur égard, de la part d’un poète d’aucune posture et d’aucune imposture, pour tout ce qui peut hisser l’être doué de langage au-delà de l’informe bredouillement. Mandelstam n’a pas oublié la bibliothèque de la prime enfance : « un compagnon de route pour la vie entière ».[8] Chez lui, ce qui participe du geste de vivre et de faire résistance : « les incendies et les livres » ! Incendies pour ne pas « honorer le cri de l’aigle ».[9]
***
L’herbe est dans les rues de Pétersbourg – premières pousses d’une forêt vierge qui va recouvrir les villes d’aujourd’hui. Cette vive et tendre verdure, d’une fraîcheur surprenante, appartient à une nouvelle nature spiritualisée. Pétersbourg est en vérité la ville la plus avant-gardiste du monde. Ni métro ni gratte-ciel ne mesurent la vitesse, cette course du temps présent, mais une herbe joyeuse qui pousse de dessous les pierres citadines.
Ce sont les premières phrases du premier essai « Le mot et la culture », et depuis ces premières lignes l’envie de ne pas quitter le livre, en prolonger la profondeur, sillonner ses terres d’une parole qui se réclame d’aucune obédience ni d’aucune instance de vérité, mais se meut dans une affirmation où se côtoient justesse et fermeté d’une pensée qu’il est bon d’entendre comme sienne de par la force de sa résonance :
Souvent, on entend : c’est bien, mais c’est d’hier. Moi je dis : hier n’est pas encore né. Il n’a pas encore été vraiment. Je veux à nouveau Ovide, Pouchkine, Catulle ; les Ovide, Pouchkine, Catulle de l’histoire ne me satisfont pas.[10]
Retourner le temps, c’est alors concevoir que « la propriété de toute poésie (…) se comprend comme ce qui doit être et non comme ce qui a été déjà. »
Ainsi donc, il n’y a pas eu encore un seul poète. Nous sommes libérés du poids des réminiscences. En revanche combien de précieux pressentiments : Pouchkine, Ovide, Homère.[11]
Pour Mandelstam, qu’en est-il du « mot », qu’en est-il de la « culture », et surtout qu’en est-il de « l’Etat » ? Il n’est pas de réponse plus honnête, il me semble, plus engageante, que de lire : « la compassion envers un Etat qui nie le mot, c’est la voie et l’exploit social du poète moderne ». Ce premier texte de ce grand recueil est une véritable ode à la poésie, et parce qu’il se lit d’une seule traite, il faut alors y revenir, entrer dans ses plis et replis, sortir sa loupe, saisir la pensée qui l’anime dans ses volutes inaliénables, dans son eau vive de cascade, dans sa chaloupe qui nous embarque, sans craindre les culbutes et les renversements.
La poésie est aussi une faim. « Elle est la faim révolutionnaire ».
Mandelstam a ce don magnifique de vous mettre en turbulence : il vous ouvre à un grand champ ouvert et à ses contrechamps de brasier et de fureur, sans oublier la douceur. C’est ainsi et pas autrement que la parole du poète Mandelstam prend son assise, une parole sans tuteur ni béquille ! On ne peut passer à côté de ce que le poète entend de la propriété du mot, c’est-à-dire de ce qu’il en est de sa traversée dans l’espace, dans toutes choses qu’il « choisit librement d’habiter » :
Le poème vit d’une image intérieure, ce moule sonore de la forme qui anticipe sur le poème écrit. Il n’y a encore aucun mot, mais le poème vibre déjà. C’est l’image intérieure qui vibre, c’est elle qui tâte l’ouïe du poète. [12]
Toute reconnaissance est une grande leçon ! On aimerait, là, la pâmoison de toutes les théories de jadis et d’aujourd’hui. Mandelstam nous parle d’une poésie non pas d’hier ou d’aujourd’hui, mais d’une poésie pour toujours. Il faut à la poésie ce qui manque à la poésie, il lui faut aux antipodes de l’érudition, la « glossolalie », une langue inconnue qui est « une langue de tous les temps, de toutes les cultures ».[13] Là où Mandelstam nous accule, pour, peut-être aussi, mieux nous faire rebondir, là où il resserre, si je puis dire, le champ fermé, voire même clôturé, des illisibilités contemporaines, c’est encore et à jamais dans la perspective de l’Ouvert :
Telle la chambre d’un mourant ouverte à tous, la porte du monde est restée grande ouverte à la foule. Soudain tout est devenu le bien de tous. Venez et prenez. Tout est accessible : dédales, mystères, arcanes, cachettes. Le mot ne s’est pas transformé en sept, mais en mille chalumeaux qu’anime à la fois le souffle de tous les siècles.[14]
Une poésie de la révolution, ce n’est en aucune façon exercer le rejet ou manifester de l’ingratitude «envers ce qui est (…) envers ce qui de nos jours se présente comme poésie ».[15] Non plus mépriser « l’ignorance virginale » du peuple sur la poésie. Mandelstam l’écrit très assurément, le lecteur n’est pas encore entré en contact et la poésie n’a pas encore atteint ses lecteurs. Alors, face à ces questions : Qu’en est-il de « l’instruction poétique élémentaire » ? Qu’en est-il du lecteur et sa capacité à la critique ?
Il faut remettre le lecteur à sa place et simultanément nourrir en lui un critique. La critique en tant qu’interprétation arbitraire de la poésie (…) doit céder à la recherche scientifique et objective, à une science de la poésie. [16]
Autre pertinence de Mandelstam dans sa manière de nous dire que le poète n’est pas uni à un « interlocuteur concret » mais à un « interlocuteur providentiel », et que cela en est préférable, car il en coûte au poète de vouloir s’adresser à un auditeur de son temps. Mandelstam nous propose cette analogie : « La distance de la séparation efface les traits de la personne aimée. Alors seulement l’envie me vient de lui dire ce qui est important et que je ne pouvais dire quand je l’avais présente sous les yeux »[17]. A cela, on ne peut que mieux appréhender ce qu’il faut au poète : « l’amour et le respect de l’interlocuteur, et la conscience du bon droit poétique ».
J’avance dans la partition du livre, sans conteste porté par le souffle d’un poète soucieux de son temps, face à ce qu’il peut en advenir d’un pays qui abandonne la langue ! Excommunier le mot, abandonner la langue est un danger, c’est conduire son pays à « l’abandon de l’histoire (…) Le mutisme de deux ou trois générations pourrait amener la Russie à la mort historique ».[18] Mandelstam soutient l’importance pour la langue russe, de par sa nature hellénistique, de « maintenir un lien avec le mot ».[19]
Une attitude anarchique tous azimuts, un désordre total, n’importe – mais il n’y a qu’une chose que je ne puis faire : vivre sans le mot. Je ne peux supporter d’être excommunié du verbe. [20]
Qu’entendre par « hellénisme » ?
c’est cet environnement conscient de l’homme (…) c’est chaque poêle à côté duquel un homme est assis et jouit de sa chaleur comme si elle était parente de la chaleur de son corps. [21]
Poète d’aucune compromission et plus que jamais en état de guerre : il est une nécessité pour la poésie russe d’une poétique nouvelle. Les nouveaux « goûts », les nouvelles « sensations » doivent l’emporter sur les nouvelles « idées » : ce ne sont pas les idées qui déplacent les montagnes. L’acméisme, « école organique du lyrisme » sera, certes, de courte durée, mais ce mouvement né d’un « fait social », demeure dans la mémoire littéraire comme une « force d’impulsion » « au sens d’amour actif pour la littérature »[22]. Voilà ce qu’il faut entendre par état de guerre. « La poésie est toujours en guerre ».[23]
Cette note de lecture fera l’objet d’un prolongement, en attendant la publication dans les mois à venir d’un ouvrage intitulé « Arménie », qui comprend le « Voyage en Arménie », ainsi que les poèmes d’« Arménie », et le poème « Le Retour ».
Il n’est pas plus grand ouvrage que l’amplitude d’un esprit, que le cœur d’un poète qui habite l’humanité, autant dans ses joies que dans ses catastrophes. Dans sa lucidité, le poète Mandelstam savait ce qu’il en est du bonheur, on ne le voit que « le temps d’une œillade ».
… J’usai mes rares forces
à étreindre la cendre d’une poignée de ris.
© Nathalie Riera, mai 2014
Les Carnets d’Eucharis
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Extrait
(p. 17)
Un jour on réussit à photographier l’œil d’un poisson. Le cliché reproduisait un pont ferroviaire et quelques détails d’un paysage, mais la loi optique de la vision du poisson montrait tout cela métamorphosé. Si on réussissait à photographier l’œil poétique de l’académicien Ovsianko-Koulikovski ou de l’intellectuel russe moyen à travers sa vision de Pouchkine par exemple, l’image qui en résulterait ne serait pas moins surprenante que le monde visuel du poisson.
L’altération de l’œuvre poétique par la perception du lecteur, voilà un phénomène social inéluctable. Le combattre est difficile et vain ; il est plus facile de procéder à l’électrification de la Russie que d’apprendre à tous les lecteurs instruits à lire Pouchkine tel qu’il est écrit et non tel que l’exigent les besoins de leur âme et le permettent leurs facultés intellectuelles.
Editions La Barque, 2013
http://www.labarque.fr/livres04.html
CONTACT
(Olivier Gallon)
[1] Nadejda Mandelstam, Contre tout espoir, Gallimard, 2012 (p.72)
[2]Ibid., (p.144)
[3] O. Mandelstam, Nouveaux poèmes 1930-1934, Allia, 2010
[4] Nadejda Mandelstam, Contre tout espoir, (p.149)
[5] Préface de Joseph Brodsky in Nadejda Mandelstam, Contre tout espoir, Gallimard, 2012 (p.VIII)
[6] Préface de Ralph Dutli « La peur me prend par la main » in O. Mandelstam, Le Timbre Egyptien, Le Bruit du Temps, 2009
[7] Mots pour De la poésie, Olivier Gallon in O. Mandelstam, De la poésie, La Barque, 2013
[8] O. Mandelstam, Le bruit du temps, Le Bruit du Temps, 2012
[9] O. Mandelstam, Nouveaux poèmes 1930-1934, Allia, 2010 (p.94) « Honorer le cri de l’aigle c’est se vouer aux tourments »
[10] O. Mandelstam, De la poésie, in Le mot et la culture, La Barque, 2013 (p.9)
[11]Ibid. , (p.10)
[12]Ibid., (p.12)
[13]Ibid., (p.13)
[14]Ibid., (p.13)
[15] O. Mandelstam, De la poésie, in Une botte, La Barque, 2013 (p.15)
[16]Ibid., (p.19)
[17] O. Mandelstam, De la poésie, in De l’interlocuteur, La Barque, 2013 (p.28)
[18] O. Mandelstam, De la poésie, in De la nature du mot, La Barque, 2013 (p.38)
[19]Ibid., (p.38)
[20]Ibid., (p.39)
[21]Ibid., (p.45)
[22]Ibid., (p.49)
[23] O. Mandelstam, De la poésie, in Remarques sur la poésie, La Barque, 2013 (p.54)
21:25 Publié dans La Barque, Les Carnets d'Eucharis, Nathalie Riera, NOTES DE LECTURES/RECENSIONS, Ossip Mandelstam | Lien permanent | Commentaires (1) | Imprimer | | Facebook
05/05/2014
Susan Sontag - Joseph Brodsky
Susan Sontag
& Joseph Brodsky
| © Sur la photo : Susan Sontag, Annie Epelboin & Joseph Brodsky
EXTRAITS DE TEXTES
(choisis par Nathalie Riera)
Sempre Susan/Souvenirs sur Sontag
Sigrid Nunez
13E Notes Editions, 2011
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Marcelin Pleynet dans l’atelier de Robert Motherwell
Extrait du Journal de l’année 1988
Marcelin pleynet
In « Ironie Ironie Ironie »
Interrogation Critique et Ludique n°171 – décembre 2013
Blog : Ironie
| © http://interrogationcritiqueludique.blogspot.fr
Sempre Susan/Souvenirs sur Sontag
Sigrid Nunez
(Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Ariane Bataille)
13E Notes Editions, 2011
Joseph Brodsky avait trente-six ans. Il venait de s’installer aux Etats-Unis – et deviendrait citoyen américain l’année suivante ; expulsé en 1972 de sa patrie, la Russie soviétique, il avait vécu, depuis, dans différentes villes européennes. Une existence très dure incluant le siège de Leningrad par les Allemands pendant lequel il était presque mort de faim, un an et demi de travaux forcés dans une ferme (fraction de la peine de cinq ans pour « parasitisme social » purgée en exil au nord de la Russie avant que la sentence ne soit commuée), le tabagisme et une maladie cardiaque l’avaient prématurément vieilli. Son crâne dégarni, ses dents manquantes, son ventre bedonnant, les vêtements informes et négligés qu’il portait tous les jours n’empêchaient pas Susan de lui trouver une allure extrêmement romantique. Dès le début de leur amitié qui durerait jusqu’à la mort de Brodsky en 1996, elle fut folle de lui. Elle faisait partie de ces Américaines lettrées pour qui les écrivains européens seraient toujours supérieurs à leurs compatriotes, et pour lesquelles un auteur russe, surtout un poète, possédait un attrait particulièrement exaltant et séduisant. W.H. Auden et Anna Akhmatova ne tarissaient pas d’éloges sur Joseph Brodsky, qui était aussi un héros*. Et même un martyr* : un écrivain qu’on avait traité comme un criminel à cause de son art. D’ailleurs, tout le monde savait qu’il allait remporter le Prix Nobel. Susan était à ses pieds. Elle décelait des éclairs de génie dans la moindre de ses réflexions, dans les calembours qu’il n’arrêtait pas de faire (« Muerto Rico »), dans ses railleries désinvoltes (« Si tu veux être citée, ne cite pas les autres »). Elle supportait ses interminables diatribes contre Tolstoï (il comparait Tolstoï, «en aucun cas l’égal de Dostoïevski », à une sorte de Margaret Mitchell pour intellectuels qui aurait ouvert la voie au réalisme socialiste), ainsi que ses jugements littéraires bizarres (l’écriture de Nabokov avait « trop mariné »). Elle lui pardonnait sa grossièreté (les étudiantes de Mount Holyoke, où il enseignait, étaient des « chiennes » ; les homosexuels minaudaient « pour se faire mettre »).
[…]
Joseph était drôle. Il avait un rire exquis, lèvres serrées, presque un gémissement ; et il riait beaucoup. Malgré les brutalités dont il avait été victime, il gardait un cœur tendre. Il soutenait avec virulence que les poètes étaient des êtres humains d’une classe supérieure, affirmait comptait lui-même parmi les meilleurs du monde ; et cela sans être pour autant snob ou prétentieux. Cet homme généreux, naturellement affectueux, aimait prendre du bon temps – en le partageant de préférence avec une nombreuse compagnie – et possédait un sens de l’humour juvénile, espiègle. Il adorait les chats ; il lui arrivait de pousser un miaulement en guise de bonjour.
------------------------------ (p. 28/29)
[* Remarque de Nathalie Riera : J. Brodsky « héros » et « martyr » selon les termes de S. Nunez : ces deux appellations seraient inacceptables pour Brodsky. « Sempre Susan » renferme beaucoup de maladresses dans l’usage d’expressions telles que celles-ci ; sans compter mes quelques interrogations, pour ne pas dire mes quelques doutes, après la lecture de cet ouvrage, notamment sur la relation de Nunez à Sontag, et de son étrange manière de nous soumettre à son jugement, comme une volonté à vouloir régler ses comptes avec l’écrivain. ]
Marcelin Pleynet dans l’atelier de Robert Motherwell
Extrait du Journal de l’année 1988 (inédit)
Marcelin pleynet
In « Ironie Ironie Ironie »
Interrogation Critique et Ludique n°171 – décembre 2013
Nice, mercredi 20 février
[…]
L’action, si l’on peut dire…, disons la « mauvaise action », se passe à Venise. Ville que Brodsky dit aimer pour tout ce qu’elle n’est pas, et où la seule rencontre notoire qu’il y fasse, semble être celle de… Susan Sontag. « Au Londra, où je séjournais aux frais de la Biennale de la Dissidence (…), je reçus un appel téléphonique de Susan Sontag qui séjournait au Gritti dans les mêmes conditions. »
Le décor est posé. Nous sommes entre gens de bonne compagnie. Suit le dialogue : « Joseph, dit-elle, que fais-tu ce soir ? – Rien, répondis-je. Pourquoi ? – Voilà, je suis tombé sur Olga Rudge aujourd’hui sur la piazza. Tu la connais ? – Non. Tu veux dire la femme de Pound ? – Oui, dit Susan (comme on sait, voir plus haut, Olga Rudge ne fut pas « la femme de Pound ». Pound était marié avec Dorothy Shakespear. Il rencontre Olga Rudge en 1923, et ne tarde pas à partager, et jusqu’à ses derniers jours, son existence entre ces deux femmes qui se connaissent et autant que possible s’estiment)… Oui, dit Susan Sontag, et elle m’a invitée pour ce soir. Je n’ai pas la moindre envie d’y aller toute seule. Tu ne pourrais pas venir avec moi… ?
Et c’est ainsi que les deux grands spécialistes de la « Biennale de la Dissidence » (sic) vont rencontrer celle à qui l’on doit la redécouverte des partitions de Vivaldi.
[…]
http://interrogationcritiqueludique.blogspot.fr
© Joseph Brodsky
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Joseph Brodsky (1940‑1996)
Poète russe, essayiste anglais et citoyen américain Joseph Brodsky est né à St.Pétersbourg en 1940. Dès la lecture de ses premiers vers, Anna Akhmatova salue en lui le poète le plus doué de la jeune génération. Arrêté, jugé le 18 février 1964 pour parasitisme social et fainéantise, il est condamné à cinq ans de travaux correctifs. Après une campagne internationale, il est libéré en 1965, mais quasiment interdit de publier en URSS. Poussé à émigrer en 1972, il s'installe d'abord à Vienne, avec l'aide du poète anglais W. H. Auden, puis aux États Unis. Ses poèmes, conçus pour la déclamation et la lecture publique, sont essentiellement en russe, alors que sa prose est en anglais. Ses thèmes de prédilection sont historiques et mythologiques, marqués par une forte préoccupation éthique. Il est le traducteur en russe de Donne et de Marvell et un écrivain fortement inspiré par les œuvres de Kafka, de Proust et de Faulkner. En 1991, il devient poète lauréat en Amérique, après avoir reçu le prix Nobel de littérature en 1987. On lui doit notamment Collines et autres poèmes, Aqua Alta et Urania, ainsi que de nombreux essais (Moins qu'un homme, 1986 ; la Peine et la raison, 1995).
© Susan Sontag
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Susan Sontag (1933‑2004)
Susan Sontag est sans doute l'écrivain américain le plus « européen ». Née en 1933 à New York, c'est à l'âge de trente ans que Susan Sontag publie son premier roman, Le Bienfaiteur (Le Seuil, 1965), une étude sur la formation de la personnalité. Dans les années 60, elle écrit pour différents magazines et revues. Très engagée à gauche, figure de la scène new-yorkaise, elle est proche d'intellectuels français comme Roland Barthes, auquel elle a consacré un livre (L'écriture même : à propos de Roland Barthes, Christian Bourgois éditeur). Elle publie en 1977 un essai, Sur la photographie, où elle s'interroge sur la différence entre réalité et expérience. Elle défend le concept de « transparence », autrement dit de l'évidence de l'œuvre, avant toute interprétation. Elle publie L'Amant du volcan (1992) et En Amérique (1999) pour lequel elle a reçu le National Book Award. Elle a reçu le Prix Jérusalem pour l'ensemble de son œuvre et en 2003 le Prix de la Paix des libraires à Francfort. Susan Sontag est décédée en décembre 2004.
(Notice visible sur le site de christian bourgois éditeur)
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AUTRE SITE À CONSULTER
[revue la barque No. 8]
Dirigée par Olivier Gallon
Printemps 2011
320 pages + cd audio – 25 euros
ISBN : 978-2-917504-06-2
Joseph Brodsky
Présentation (O. G.)
Procès d’un jeune poète « L’affaire Joseph Brodsky »
« Conversation » avec Solomon Volkov
Poèmes (1958-1963) (traduction du russe : Christian Mouze)
L’Horizon, postface (C. M.)
Sommaire sur le site | © Cliquer ICI
16:30 Publié dans Joseph Brodsky, Susan Sontag | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
28/02/2014
Arséni Tarkovski, L'avenir seul, éd. Fario
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L’avenir seul
ARSÉNI Tarkovski
Editions FARIO, 2014
traduction et présentation deChristian Mouze
poSTFACE (texte de 1962) Anna Akhmatova
Site éditeur | © http://www.editionsfario.fr/spip.php?article161
SOUS l’Étoile double des Tarkovski pÈre et fils
ARTICLE PUBLIÉ LE JEUDI 27 FÉVRIER 2014 │MEDIAPART│© Patrice Beray
La récente publication d’une anthologie de poèmes traduits du russe d’Arséni Tarkovski, père du cinéaste Andreï, permet de vérifier que s’il y a des enfants prodiges en art, il arrive aussi que des ascendances s’y exercent avec prodigalité. En art comme dans les sentiments, il arrive que l’histoire retienne le caractère double de certaines destinées. Ainsi, en 1962, l’année même où Andreï Tarkovski réalise sa première véritable œuvre cinématographique avec L’Enfance d’Ivan, son père Arséni, à l’âge de 55 ans, publie de son côté son premier livre de poèmes. Aussi tardif que cela puisse paraître pour une première publication, c’est ce poète pourtant qu’Anna Akhmatova désigne alors comme l’un des plus importants révélés par la dernière période du « dégel » sur les lettres soviétiques, après la mort de Staline.
Né en 1907, en Ukraine, Arséni Tarkovski est l’enfant de ce siècle guerrier et révolutionnaire jusque dans ses apprêts techniques. Dans ces langes avec son fils Andreï se dessine la filiation de cette psyché moderne du visible qu’est le cinématographe. Il en ira de l’un à l’autre, d'un art à l'autre, comme de la métamorphose des mêmes visions saisies à l’état natif. Nul autre sans doute qu’Arséni pouvait confier à son fils après avoir vu son film Le Miroir : « Andreï, ce ne sont pas des films que tu fais. »
Sur le site : Médiapart
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Andreï Tarkovski, Le Temps scellé, éditions Philippe Rey
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(Il n’est pas dans mon intention de faire ici la leçon à qui que ce soit, ni d’imposer un point de vue. Ce livre n’a été dicté que par le désir de défricher la jungle des possibilités qui s’offrent à un art encore jeune et magnifique, toujours à explorer, et de m’y retrouver moi-même aussi indépendant et libre que possible. )
Andreï Tarkovski...........................
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Le Temps scellé
Andreï Tarkovski
Editions Philippe Rey
date de parution : avril 2014
coll. « Fugues » poche, 304 p.
TRADUIT DU RUSSE PAR Anne Kichilov et Charles H. de Brantes
Site éditeur | © http://www.philippe-rey.fr/f/index.php?sp=liv&livre_id=237
LE TEMPS SCELLÉ
Andreï Tarkovski, tout au long de son œuvre cinématographique, rédige des notes de travail, des réflexions sur son art, restituant dans le même mouvement son itinéraire d’homme et d’artiste.
À partir de son exil en Italie où il réalise Nostalghia en 1983, puis en France durant la dernière année de sa vie, il rassemble ces écrits qui sont d’abord édités en Allemagne puis dans les autres pays d’Europe occidentale où ils deviendront vite une référence incontournable.
Il y aborde une large réflexion aussi bien sur la civilisation contemporaine que sur l’art cinématographique : son ontologie et sa place parmi les autres arts, ou des aspects plus concrets comme le scénario, le montage, l’acteur, le son, la musique, la lumière, le cadrage…
Puisant dans son expérience de cinéaste, dans sa vaste culture littéraire, se remémorant ses années de formation, les luttes interminables pour terminer ses films à l’époque soviétique, Andreï Tarkovski offre ici le livre-bilan d’un artiste en recherche de sens, d’un homme qui consacra son inépuisable énergie à « fixer le temps »…
(4ème DE COUVERTURE)
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■■■ Andreï Tarkovski (1932-1986)
Fils du poète Arséni Tarkovski, Andreï est né le 4 avril 1932 à Zavraje en URSS. Sa première œuvre, L'Enfance d'Ivan, reçoit le Lion d’or en 1962 au Festival de Venise. Il tourne ensuite Andreï Roublev, achevé en 1966 mais projeté seulement cinq ans plus tard, après de très longues péripéties avec la censure soviétique. Pendant le tournage de ce film, il rencontre l’actrice Larissa Pavlovna Igorkina, qu’il épouse en secondes noces et avec laquelle il aura un fils en 1970, Andreï. Il recommence ensuite à tourner et réalise, avec des difficultés de plus en plus grandes, Solaris en 1972, Le Miroir en 1974 et Stalker en 1979. En Italie, il tourne Temps de voyage et Nostalghia en 1983, qui reçoit un prix au Festival de Cannes.
Sa dernière œuvre est le film Sacrifice, tourné en Suède pendant l’été 1985 et monté pendant la maladie subite qui l’assaille peu après. Au cours de la dernière année de sa vie, il parvient à achever le livre Le Temps scellé. Il meurt à Paris le 29 décembre en 1986.
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05/12/2013
Ossip Mandelstam
Lecture Nathalie Riera
Ossip Mandelstam
LE TIMBRE EGYPTIEN
© O. Mandelstam
Traduit du russe par Georges Limbour et D.S. Mirsky
Préface de Ralph Dutli - Postface de Clarence Brown
Editions Le Bruit du temps, 2009
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Avec Le Timbre égyptien, paru en 2009 aux Editions Le Bruit du temps, lire Ossip Mandelstam c’est trouver jubilation au cœur même de la singulière ferveur d’un poète qui se refusait à toute poésie artificieuse, à tout mysticisme scabreux. Créateur de l’Acméisme, mouvement poétique russe du début des années 10, Mandelstam demeurait soucieux de reconquérir le réel et ses figures reconnaissables, un retour au monde et à l’homme dans ce qu’ils ont de « biologique » et de « primitif ».
Chez Mandelstam, ce qui prédomine, c’est cet espace où se meut la parole, espace structuré d’un réseau dynamique de métaphores, une symphonie d’images, telles que :
« Les portées ne caressent pas moins l’œil que la musique elle-même ne flatte l’oreille. Les noires sur leurs échelles montent et descendent comme des allumeurs de réverbères. Chaque mesure est une petite barque chargée de raisins secs et de muscats noirs.
Une page de musique, c’est d’abord une flottille à voiles rangée en bataille, puis un plan selon lequel sombre la nuit organisée en noyaux de prunes ».
Par ce récit de « fiction », Mandelstam nous stimule et nous dessaisit dans sa virtuose pratique de « rendre autre » ce qui nous est familier. Dans Crises de vers, Mallarmé évoquait cette émotion de n’avoir entendu jamais « tel fragment ordinaire d’élocution, en même temps que la réminiscence de l’objet nommé baigne dans une neuve atmosphère ».
Le Timbre égyptien fut rédigé en 1927, avec une première traduction en France, en 1930. La préface de Ralph Dutli, écrite à l’occasion de la présente traduction, précise au sujet de ce texte qu’il était issu de la « période du silence », entre 1925 et 1930, quand Mandelstam n’écrivait plus de poèmes, quand il choisit, en conflit avec son époque, de se taire. Seul le voyage en Arménie de 1930, un des évènements les plus heureux de sa vie, lui fera retrouver sa voix lyrique. Mais Le Timbre égyptien, ce fruit d’une crise, d’une fièvre incontrôlable, est aussi un médicament : « La parole comme l’aspirine laisse un goût de cuivre dans la bouche ». L’amertume de l’amande n’est qu’une étape. Et son fruit est magnifique.
Ossip Mandelstam connaîtra la tragédie de la déportation qui le fera mourir d’épuisement le 27 décembre 1938.
© Nathalie Riera, 19 avril 2009
Parution dans la revue « La Pensée de Midi » octobre 2009
Extrait
p. 59
Messieurs les littérateurs ! Les escarpins de danse conviennent aux ballerines, à vous les caoutchoucs.
Essayez-les, échangez-les : voilà votre danse. Elle s’exécute dans les antichambres sombres, une seule condition étant de rigueur : manquer de respect pour le maître de la maison. Vingt ans de cette danse constituent une époque ; quarante, l’histoire… c’est là votre droit.
Sourires de groseille des ballerines,
balbutiement des escarpins enduits de talc,
complexité martiale et insolente multitude des violons au milieu de l’orchestre caché dans sa fosse lumineuse où les musiciens s’enchevêtrent comme des dryades par leurs branches, leurs racines et leurs archets,
obéissance végétative du corps de ballet,
magnifique dédain de la maternité :
– Avec ce roi et cette reine qui ne dansent pas on vient de jouer à soixante-six.
– Avec son air jeune, la grand-mère de Giselle verse du lait, du lait d’amandes, sans doute.
– Tout ballet est jusqu’à un certain point une institution de servage. Non, non, n’allez pas me contredire sur ce point !
Calendrier de janvier avec ses petites biches, sa laiterie modèle de myriades de mondes, et le craquement du jeu de cartes qu’on décachette…
***
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01/12/2013
Vélimir Khlebnikov
1916
■ Source photo :
C/o http://hlebnikov.com/biography
Vélimir Khlebnikov
Extrait
A Viatcheslav Ivanov
Pétersbourg, 10 juin 1909
Ô jardin des bêtes sauvages !
Où le fer ressemble à un père qui met fin à une joute sanglante en rappelant aux frères qu’ils sont frères.
Où les aigles perchent comme l’éternité sous la couronne d’un jour qui n’a pas encore connu le soir.
Où le cygne est tout semblable à l’hiver, hormis le bec automnal.
Où le cerf est pur effroi, fleuri de rameaux de pierre.
Où un soldat rasé de frais jette de la terre à un tigre parce que le tigre est plus majestueux.
Où un paon abaisse sa queue semblable à la Sibérie vue du haut d’un rocher par un jour de gel précoce, quand l’or des brûlis émaille le vert et le bleu jaspé des forêts sous l’ombre mouvante des nuages errants et quand le rocher lui-même semble être le corps de l’oiseau.
Où les grotesques poissons volants se nettoient les uns des autres de façon aussi touchante que des hobereaux du vieux temps.
Où l’homme et le chien s’assemblent étrangement dans la silhouette d’un babouin.
Où le chameau connaît l’essence du bouddhisme et réprime un sourire chinois.
Où une barbe de neige entoure la face du tigre et ses yeux de vieux musulman, de sorte qu’en honorant en lui le premier disciple du prophète nous nous abreuvons à la beauté de l’Islam.
Où un modeste oiseau traîne dans son sillage l’or du couchant auquel il a appris à prier.
Où les lions se redressent et contemplent le ciel d’un œil morne.
Où nous sentons que la honte nous gagne et où l’idée nous effleure que nous sommes plus vieux et fripés que nous ne l’avions imaginé.
Où les éléphants se contorsionnent comme des montagnes lors d’un tremblement de terre, allongent leur trompe pour demander pâture à un enfant et font écho à l’immémorial refrain : « J’ai faim ! J’ai faim ! » en bougeant leurs paupières de sages et leurs oreilles flottantes et en émettant un râle semblable à celui des pins en automne.
Où l’ours polaire chasse comme un balbuzard, traquant sa proie inexistante.
Où le phoque évoque la géhenne des pécheurs, alors qu’il fend l’eau et gémit en d’inexorables lamentations.
Où les bêtes ont appris à dormir sous nos regards impudents.
Où les chauves-souris somnolentes sont suspendues à l’envers comme le cœur des Russes.
Où une zibeline montre ses oreilles aussi délicates que deux nuits de printemps.
Où je cherche de nouveaux rythmes poétiques dont les cadences seraient des animaux et des hommes.
Où les animaux chatoient dans leurs cages, tout comme la signification dans le langage.
Ö jardin des bêtes sauvages !
D’après « Du domaine de la lumière – Choix de lettres 1909-1922»
------------------------- (p.43/44)
Vélimir Khlebnikov
■ Revue Europe, octobre 2010, n°978
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Conjuration par le rire.
Ö ériez, rieurs !
Ö irriez, rieurs !
Ceux qui rient des rires, ceux qui rièssent rialement
Ö irriez riesquement !
Ö, des diriations surriresques, le rire des riesques rieurs !
Ö, éris-toi diriresquement, rire des rieux surriresques !
Rillasserie, rillasserie
Déris, surris, rirolets, rirolets,
Rirots, rirots !
Ö, ériez, rieurs !
Ö, irriez, rieurs !
------------------------- (p.102/103)
Généralement classé comme figure majeure du Futurisme russe, Vélimir Khlebnikov (1885-1922) peut enjamber avec aisance la clôture des commodes typologies. Éveilleur d'avenir, il fut aussi un aventurier de la «nuit étymologique», comme le nota Mandelstam qui salua en lui un des plus féconds créateurs d'images à l'échelle des siècles. Khlebnikov comparait le langage de l'homme à un sac rempli de papillons. Éternel vagabond, aiguillonné par un intarissable désir d'itinérance, ses amis à leur tour le comparaient à un héron cendré ou à quelque échassier pensif, avec son habitude de rester debout sur une jambe, ses déambulations silencieuses, ses brusques envols pour de longues migrations vers les espaces insoupçonnés du futur ou les forêts ombreuses de l'archaïque. Mais aussi bien, il pérégrina jusqu'à l'épuisement à travers la Russie, promenant partout les eaux claires de son regard et l'audace d'un esprit intrépide…
■ ICI
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Autres sites à consulter
■ Poezibao
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29/07/2012
JOSEPH BRODSKY
JOSEPH (IOSSIP) BRODSKY
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©Sites Esprits Nomades / Poezibao / Les Carnets d'Eucharis
Joseph Brodsky with cigarette
[Martha Pearson, 1979]
Monterey, Ca
1979
b&w - 20 x 25 cm
Vertumne et autres poèmes Du Monde entier / Gallimard, 1993
■
EXTRAIT
Pour le centenaire d’Anna Akhmatova
(traduit par Hélène Henry)
…
Et la page et le feu, et la meule et le grain,
et le cheveu tranché et le fil de la hache,
Dieu conservera tout ; et plus que tout les mots
de pardon et d’amour qui sont sa voix profonde.
Le craquement des os, le pouls brisé, le choc
de la pioche : c’est là leur scansion souterraine ;
car si la vie est une, ils résonnent plus haut
aux lèvres des mortels que dans l’ouate du ciel.
Grande âme, à toi de par-delà les mers, Salut,
Toi qui trouvas les mots, toi, ta mortelle forme
dormante au sol natal, qui grâce à toi reçut
en ce monde emmuré le don de la parole.
Juillet 1989
& autre extrait
Seule la cendre sait ce que signifie brûler jusqu’au bout.
Je le dirai pourtant, après un coup d’œil myope par –devant :
tout n’est pas emporté par le vent, et le balai
qui ratisse ample dans la cour ne ramasse pas tout.
Nous resterons, mégot fripé, crachat, dans l’ombre
sous le banc, où pas un rayon ne pénètre,
et, étroitement enlacés à la fange, comptant les jours,
nous nous ferons terreau, dépôt, couche culturelle.
…
Juillet 1987
(Traduit du russe par Véronique SCHILTZ)
■ SOURCE PHOTOGRAPHIQUE :
General Collection, Beinecke Rare Book and Manuscript Library, Yale University
■ Autres sites à consulter
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07/04/2012
OSSIP MANDELSTAM - Cité du Livre/Aix-en-Provence
Les Écritures Croisées,
les éditions La Dogana et Le Bruit du temps
vous invitent à une rencontre autour de la récente publication
MANDELSTAM, MON TEMPS, MON FAUVE
Une biographie
par Ralph Dutli
Présentée par Florian Rodari (éditeur)
Louis Martinez, spécialiste de la littérature russe
s’entretiendra avec
Michel Aucouturier, traducteur
Lecture d'extraits de textes de Mandelstam,
en russe et en français
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Jeudi 19 avril 2012 à 18 h30
Amphithéâtre de la Verrière
Cité du livre - Aix-en-Provence
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01/02/2012
Ralph Dutli, "Mandelstam..."
Ralph Dutli
Mandelstam, mon temps, mon fauve
Une biographie
Editions Le Bruit du Temps, 2012
Traduction de l'allemand par Marion Graf, revue par l'auteur
Une coédition Le Bruit du temps / La Dogana
135 documents
Format : 135 x 205
608 pages • 34 euros
En librairie le 24 février 2012
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20:57 Publié dans Ossip Mandelstam | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
18/12/2011
Andreï Tarkovski - Zerkalo/Le Miroir - 1975
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09/12/2011
Arséni Tarkovski
Enfant, je fus malade
De faim comme d’effroi. J’ôte la peau des lèvres,
Les lèvres, je les lèche ; et je me rappelais
Cette fraîche saveur à peine un peu salée.
Arseni Tarkovski
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18/11/2011
L'Enfance d'Ivan (Andreï Tarkovski, 1962)
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31/10/2010
Léon Chestov aux Ed. Le Bruit du temps
Le Pouvoir des clés
Léon Chestov
Cette parution est la première d’une série de rééditions et de publications d’inédits de Chestov prévues au Bruit du temps, sous la direction de Ramona Fotiade, présidente de la Société d’études Léon Chestov, professeur à l’université de Glasgow.
Tome VII des œuvres telles que Léon Chestov les avait lui-même ordonnées, Le Pouvoir des clés marque un tournant dans l'œuvre du philosophe russe, désormais plus ouvertement orientée vers le questionnement de la foi. Le pouvoir des clés, pour Chestov, c’est ce droit que s’arroge chaque homme, qu’il soit catholique ou athée, d’ouvrir pour lui-même et pour ses proches les clés du royaume des cieux, de croire que, s’il fait le bien, il obtiendra le paradis. Or, pour Chestov, l’homme doit renoncer à l’idée que ce pouvoir est entre ses mains, la vérité ne commence qu’au moment où la raison perd pied. On la trouve chez ces hommes (de Plotin à Nietzsche, de Shakespeare à Dostoïevski) qui, à un moment de leur vie, ont perdu toutes les clés et ont connu une expérience qui est de l’ordre de la révélation.
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29/04/2009
Anna Akhmatova
Le cœur perd longtemps mémoire du soleil,
Qu’est-ce qu’il y a ? Du noir ?
Peut-être ! une nuit va suffire pour que vienne
L’hiver.
(1911)
En lisant Hamlet
en 1924
L'or se couvre de rouille, l'acier tombe en poussière, Et le marbre s'effrite.
Tout est prêt pour la mort. Ce qui résiste le mieux sur terre, c'est la tristesse, Et ce qui restera, c'est la Parole souveraine. Anna Akhmatova. En Russie, à la fin des années trente, parmi les millions d'innocents arrêtés qui disparaissent dans les cachots et dans les camps, il y a le fils d'Anna Akhmatova, un des grands poètes russes du siècle. Elle compose alors des poèmes qu'elle n'ose même pas confier au papier : des amis sûrs les apprennent par coeur et, pendant des années, se les récitent régulièrement pour ne pas les oublier.
En évoquant sa tragédie personnelle, Akhmatova parle au nom de toutes les victimes, et aussi de toutes les femmes qui, comme elle, ont fait la queue pendant des semaines et des mois devant les prisons. Ses vers " formés des pauvres mots recueillis sur leurs lèvres ", comptent parmi les plus poignants de la littérature russe. Les dizaines de millions de voix étouffées et brisées qui, grâce à elle, traversent l'espace et le temps pour parvenir jusqu'à nous, résonneront encore longtemps dans la mémoire de la Russie.
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Joseph Alexandrovich BRODSKY
Nature morte
« Verrà la morte e avrà i tuoi occhi »
Cesare Pavese
1
Choses et gens nous
entourent. Et les deux
déchirent l’œil.
Mieux vaut vivre dans le noir.
Je suis assis sur un banc
du parc et je suis des yeux
une famille qui passe.
La lumière me répugne.
C’est janvier. L’hiver.
Selon le calendrier.
Quand le noir me répugnera,
alors je parlerai.
2
Voilà. Je suis prêt. Commencer.
Peu importe par où. Ouvrir
la bouche. Je peux me taire.
Mieux vaut que je parle.
De quoi ? Des jours, des nuits,
ou bien encore de rien.
Ou encore des choses.
Des choses et non des
gens. Ils mourront.
Tous. Je mourrai aussi.
Vaine entreprise.
Comme d’écrire au vent.
Extrait de Poèmes 1961-1987
Traduit par Véronique Schiltz
Monde entier/Gallimard, 1987
Stoïcisme, ironie, puissance, éblouissante virtuosité, double ancrage dans la culture russe et dans la culture occidentale, tels sont les traits les plus saillants de l’œuvre de Joseph Brodsky. L’ode, l’élégie, la ballade, le poème philosophique, il n’est pas de forme poétique dans laquelle il ne fasse preuve d’une aisance digne de Pouchkine.
{…}
Pour Brodsky, le poète est « la combinaison d’un instrument et d’un être humain », la première composante tendant à prendre le pas sur la seconde. Sa principale préoccupation ? Les effets du temps sur l’homme. « Les ruines sont le triomphe de l’oxygène et du temps », dit-il. Et les poèmes ? « Ce sont les seules bornes aux attentats du destin et à la vulnérabilité des corps ».
Jean-Baptiste Para, Présentation « Ligne de crête, lignes de feu », in L’HORIZON EST EN FEU Cinq poètes russes du XXème siècle, Poésie/Gallimard (p.22), 2005
09:05 Publié dans Joseph Brodsky | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
18/04/2009
Ossip Mandelstam
OSSIP MANDELSTAM Photo couverture « Contre tout espoir »
« Il ne me reste qu'un seul souci sur terre, un souci d'or : porter le poids du temps. »
Ossip Mandelstam est né le 2 janvier 1891 à Varsovie, fit des études à Paris, Heidelberg et Saint-Pétersbourg. En 1911-1912, il participa avec Goumilov et Akhmatova à la création de l’Acméisme qui s’oppose au verbe désincarné des symbolistes par le recours à un langage « simple et concret », visant à porter à son apogée la dimension poétique du quotidien. Mandelstam est arrêté pour activités contre-révolutionnaires en mai 1938, et condamné à 5 ans de travaux forcés. Il décède le 27 décembre 1938 au goulag Archipelago près de Vladivostock (Russie). Son corps est jeté dans une fosse commune.
Poésie – Editions La Dogana, 1994 (Poèmes traduits du russe par Philippe Jaccottet, Louis Martinez et Jean-Claude Schneider. Postface de Florian Rodari) « Mandelstam est mort pour avoir dit tout haut à six ou sept personnes ce qu’il pensait de Staline, de ses doigts épais et gras comme des vers, de sa moustache grouillante de cafards. Il est mort parce qu’il ne savait se taire, qu’il voulait conserver à sa langue sa course fraîche, son existence de chasseur… Pourtant la lutte menée par Mandelstam dans le poème reflète une pensée beaucoup plus vaste et généreuse que la stricte opposition à une tyrannie particulière, elle exprime le souhait pour tous de survivre sur cette terre plus vraie et redoutable… » (Extrait de la postface) Pour + d'infos ■■■
Association Culturelle Arménienne de Marne-la-Vallée (France) Ossip MANDELSTAM |
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29/06/2008
Frémis, très chère!...
« Frémis, très chère ! – un poète amoureux, C’est un dieu, un forcené qui aime.» (…) « Tu t’assieds, ramenant tes genoux Près de toi sur la molle ottomane. Nuit et jour et toujours et partout, Tes raisons sont toujours enfantines. » (…) « Il faut ouvrir la route à l’avenir. Il ne naîtra pas une vie nouvelle Dans les décombres, les révolutions, Mais dans les inventions et les appels D’une âme dévorée par la passion. MA SŒUR LA VIE et autres poèmes, Editions Poésie/Gallimard»
09:10 Publié dans Boris Pasternak | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
20/05/2008
Suite de "les années jeunesse"
Marina Tsvétaïéva
Il en tomba combien dans cet abîme
Béant dans le lointain !
Et je disparaîtrai un jour sans rimes
Du globe, c’est certain.
Se figera tout ce qui fut, -- qui chante
Et lutte et brille et veut :
Et le vert de mes yeux et ma voix tendre
Et l’or de mes cheveux.
Et la vie sera là, son pain, son sel
Et l’oubli des journées.
Et tout sera comme si sous le ciel
Je n’avais pas été !
Moi qui changeais, comme un enfant, sa mine,
-- méchante qu’un moment, --
Qui aimait l’heure où les bûches s’animent
Quand la cendre les prend,
Et le violoncelle et les cavalcades
Et le clocher sonnant…
-- Moi, tellement vivante et véritable
Sur le sol caressant.
A tous – qu’importe ? En rien je ne mesure,
Vous : miens et étrangers ?! –
Je vous demande une confiance sûre,
Je vous prie de m’aimer.
Et jour et nuit, voie orale ou écrite :
Pour mes « oui », « non » cinglants,
Du fait que si souvent – je suis trop triste,
Que je n’ai que vingt ans,
Du fait de mon pardon inévitable
Des offenses passées,
Pour toute ma tendresse incontenable
Et mon trop fier aspect,
Et la vitesse folle des temps forts,
Pour mon jeu, pour mon vrai…
-- Ecoutez-moi ! – il faut m’aimer encore
Du fait que je mourrai.
8 décembre 1913.
Tentative de jalousie
15:21 Publié dans Marina Tsvétaïeva | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook