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23/03/2010

Lewis Carroll, une vie, une légende (lecture de Claude Darras)

 

NOTE DE LECTURE

(Claude Darras)

 

Alice et le révérend Lewis Carroll

 

 

 

Par quel bout prendre une vie ? Les uns commencent par les derniers jours, les autres par les premières amours, mais personne n’est assuré d’accéder à l’essentiel. « Quelle vie absurde qu’une biographie ! », soupirait Pierre Louÿs. Digne du répertoire à la Prévert, celle consacrée à Lewis Carroll (1832-1898) nous enseigne que l’auteur de « Alice au pays des merveilles » fut aussi théologien, photographe, mathématicien, inventeur de jeux de société, adversaire de la vivisection, admirateur de Blake, Dickens, Euclide et Shakespeare.

Morton N. Cohen nous dit tout du Carroll bègue et versatile, vicaire et pédagogue, enfantin et surréaliste. Il nous explique comment ce professeur de mathématiques du XIXe siècle, individu réservé, exigeant et profondément religieux, a pu créer une histoire qui est devenue l’un des classiques les plus populaires de la littérature pour enfants. « Le mystère de l’enfance se trouvait au cœur de son être, révèle-t-il. Toute sa vie, il se consacra à la quête des Champs-Élysées de l’enfance. »

Le biographe a recensé 98 721 lettres de Lewis Carroll, la plupart adressées à ses jeunes amies de moins de dix ans qu’il aimait photographier.

L’archidiacre Charles Lutwidge Dodgson (le vrai nom de Lewis) ne se maria jamais. Morton N. Cohen suggère une secrète blessure née d’un impossible amour avec l’un de ses modèles, Alice Liddell peut-être, fille du doyen du collège d’Oxford où enseignait Carroll, l’Alice qui inspira le personnage du « Pays des merveilles ».

L’écriture de l’universitaire canadien ressemble au blues et au flamenco : un argument puissant sur lequel viennent se greffer une multitude d’harmoniques qui donnent son vrai sens à la biographie, une façon singulière de faire sonner les mots et la légende pour qu’ils s’impriment comme une volée de notes dans l’âme du lecteur. Cent et quelques années après la mort de l’écrivain britannique, l’étude carrollienne de Morton N. Cohen est de celles qu’on fredonne.

 

 

© Claude Darras

 

 

Lewis Carroll, une vie, une légende, par Morton N. Cohen (éditions Autrement)

 

18/02/2010

Ces éclats de liberté de Daniel Blanchard

 

NOTE DE LECTURE

Claude Darras

 

« Ces éclats de liberté »

 

Daniel Blanchard

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Quand la parole devient chant…

 

Le lecteur doit être prévenu : il pénètre ici dans le royaume de la littérature véritable, sans concession, avec pour seule loi interne la nécessité d’écrire et d’atteindre, à travers le verbe, à une authenticité indéniable. J’ose dire que c’est l’équivalent littéraire de la peinture, de la musique, au sens où, selon les exercices les plus authentiques de ces disciplines, ne priment plus la narration ou l’intrigue, mais le style, la qualité de l’émotion et la lucidité de la pensée. Malgré les apparences, « Ces éclats de liberté » a été écrit à deux mains, à l’exemple des partitions de piano. La ligne, récitatif ou mélodie verbale, s’étire en prenant appui sur une basse continue, l’accompagnement de la main gauche en somme, qui bat les périodes et les destinées comme on le dit des cartes.

 Arrivé aux dernières longueurs du chemin de sa vie, Émile, le narrateur, se retourne. Il traverse la forêt de sa mémoire à rebours. Parfois il revient sur ses pas afin de recouvrer le présent de sa narration (nous sommes en 1987 au cœur du pays poitevin). Issu de « paysans néolithiques », ainsi nomme-t-il ses ascendants de la vallée de Barcelonnette (Alpes-de-Haute-Provence), cet intellectuel remuant devenu typographe-correcteur d’un quotidien parisien tente de répondre aux interrogations de son propre parcours et de comprendre le monde et les gens qu’il y a côtoyés.

La rétrospection est servie par une géniale argumentation qui repose sur deux faits distincts. D’une part, un des principaux personnages, Geoffroy Rizzi, artiste hors les normes, est calqué sur un autre Geoffroy, sculpteur du XIIe siècle celui-là dont la collégiale Saint-Pierre à Chauvigny (Vienne) conserve les chapiteaux historiés : la rébellion les rassemble tous deux. D’autre part, le journal intime de Lucien Négrel, historien d’art et pianiste inspiré des années 1920, révèle à Émile la métamorphose inattendue de son mentor en véhément militant du Parti communiste qui rejoignit le maquis alpin en 1943. À partir des individus qu’il manipule, Daniel Blanchard trame un tissu narratif d’allusions et de correspondances extrêmement profus et vertigineux qui nous amènerait, pour peu que nous ayons lu ses autres textes, à conclure qu’il est sans conteste le narrateur et que Lucien est son propre père. Mais les histoires des uns et des autres s’emboîtent mal. En dépit de l’ambiguïté autobiographique, l’auteur se livre presque complètement d’un bout à l’autre de ce récit existentiel. Et les lecteurs voudront mieux connaître le philosophe insurgé (il écrivit sous le pseudonyme de Pierre Canjuers) qui se lia quelque temps avec Guy-Ernest Debord, écrivain et cinéaste, critique de La Société du spectacle (1967) et initiateur de l’Internationale situationniste (1957). Qu’ils s’attachent aussi à découvrir le poète des « Cartes » (1970, Mercure de France) qui suscita l’intérêt de Francis Ponge et d’André du Bouchet.

« Clair comme du Voltaire, touffu comme du Montaigne, nerveux comme du La Bruyère », nul doute que Daniel Blanchard ait fait du triple commandement de Gustave Flaubert la loi d’une œuvre inclassable et multiple. Chez lui, en effet, la phrase est souple, incertaine, presque tremblée. Elle n’a pas de centre visible ou de point d’équilibre. Sa pensée rameute avec maestria l’incertitude des souvenirs, la fragilité des succès, l’obsession des rancœurs, l’ironie des regrets et ajoute une infinité de lignes de fuite aux jeux de la perspective narrative déployée entre Alpes et Poitou : l’art et la politique, le jazz et l’amitié, Auschwitz et l’enfance, Mai 68 et l’Europe de l’Est, la nature et la poésie, les illusions de la conscience et l’imposture de la civilisation. La parole, ici, devient chant et les images épousent les formes imprévisibles des mots. C’est une parole unique, à plusieurs hauteurs, qui s’enroule et se déroule telle une flamme, un embrasement qui est un combat, aux différents degrés de la réalité sociale, poétique et spirituelle.

 

© Claude Darras, février 2010

 

 

 Eclats.Blanchard.jpg

 

l’une et l’autre édition, 2009

 

 

 

 

Florilège

 

Si ce souvenir est resté si aigu, c’est qu’il se surimpose à une image qui devait me hanter déjà et qui me hante toujours, celle d’Herbez désert, abandonné. En un sens, ce jour-là, depuis le tournant du chemin, je découvrais le hameau abandonné, mais c’était moi qui l’avais abandonné, moi qui ne l’habitais plus et, donc, n’habitais plus nulle part. C’était moi que je voyais, là-bas, de l’autre côté de la combe, déshabité, et dans ma tête ce bégaiement de porte qui bat. Oui, ce jour-là, je me suis dit « Je suis une porte qui bat sur le vide ».

Dans « Ces éclats de liberté », l’une et l’autre édition, 2008

 

 

"Il y avait… le bruit de cataracte du temps.

‘Jamais plus nous ne boirons si jeunes.’"

G.-E. Debord. Panégyrique

 

La conversation, qu’il faudrait presque entendre ici au sens originel de « vie partagée », car elle constituait comme l’accomplissement voluptueux de l’amitié, Debord la vivait comme une dérive verbale, l’expérimentation ludique, à plusieurs, d’idées, de mots, de fantaisies nouvelles – et quiconque l’a fréquenté sait à quel point sa présence et ses propos catalysaient chez ses interlocuteurs amis l’imagination et ses expressions les plus dégourdies. Avec l’adversaire déclaré, en revanche, la discussion tournait à un autre jeu, « le match de boxe », disait-il, mais il s’agissait plutôt de combat libre car il recourait alors, pour vaincre, à tous les moyens, y compris l’argument le plus bassement personnel.

 

Dans « Debord, "dans le bruit de cataracte du temps" » (2005),
suivi de "Préliminaires pour une définition de l’unité du programme révolutionnaire", par G.-E. Debord & P. Canjuers (1960),
augmenté d’un "Post-scriptum" (2004),
Sens & Tonka éditeurs

 

 

Le jour décline de minute en minute, déjà il ne comble plus l’espace, le jour baisse comme gagné par cet appesantissement de tout. Très vite approche le moment où il s’épuise, où sa lumière ne porte plus, comme une eau trop mince, trop basse, une vague brisée, étale, une étoffe trop usée, elle perd, cette lumière, de minute en minute, la force de sertir les formes, son mordant, elle lâche, elle défaille, elle se retire des choses. De seconde en seconde, comme si c’était le jour qui les avait tenus dressés, distincts, dans l’espace, le tranchant des herbes, les feuillages, le faîte d’un toit, toutes ces longues stries qui échelonnaient les lointains, se brouillent et s’abîment dans la masse de l’ombre.

 

Dans « Ici », Sens & Tonka éditeurs, 2001

 

« L’homme se sentirait trop seul,
s’il n’y avait pas les poches. »

Silvio d’Arzo

 

Sur tout écrit d’un inconnu, ses premiers lecteurs jettent d’abord un regard défavorable. Son auteur est présumé coupable. Tout ce qu’il écrit peut être retenu contre lui, et seulement contre lui. L’acharnement à travailler et à publier, la multiplication des actes délictueux, des pièces à conviction et donc des chefs d’inculpation possibles vise ce miracle : obtenir la présomption d’innocence. Et il arrive qu’on l’obtienne. Mais comme il s’agit d’un miracle, très vite un culte s’instaure. Les dévots affluent, les femmes se pâment au moindre mot du miraculé, les savants scrutent les arcanes du génie. Non, ce que l’écrivain n’obtiendra jamais c’est d’être reconnu comme un simple être humain qui s’adresse honnêtement à ses semblables. Mais lui non plus ne l’entend pas de cette oreille.

 

Dans « Vide-poches », Sens & Tonka éditeurs, 2003

 

10/02/2010

La collection Anne et Henri Sotta

collection anne et henri sotta.jpg

 

ANNE ET HENRI SOTTA

chercheurs dart

 par Claude Darras, critique dart et de littérature

 

 

01/10/2009

Olivier Bernex par Claude Darras

 

L’Exécution magistrale d’Olivier Bernex


 

BERNEX.jpgCe qui nous est donné à lire et à voir simultanément dans cet essai, « L’Exécution de la peinture », c’est la vraie vie d'Olivier Bernex, dans son déroulement et dans l’intimité de deux expressions, littéraire et picturale. Né à Colombes (Hauts-de-Seine), en 1946, le peintre a rejoint le pays de ses ascendants au cours de la décennie 1960 (Théodore Bernex, son arrière-grand-oncle, fut maire de Marseille sous Napoléon III). Cinquante ans plus tard, il troque sa palette pour le cahier du diariste. Il y a dans ces quelque deux cents pages autant de révolte que de compassion, une tendresse inquiète, une générosité débordante aussi, et une sorte d’instabilité rendue par l’urgence de tout dire, de clamer son aversion des dérives du marché de l’art et de léguer un testament esthétique : « J’ai entrepris ces "écrits sur l’art", avoue-t-il, à un moment où une forme de dépression résignée combat le sentiment de l’œuvre à accomplir : et si tout s’arrêtait aujourd’hui ? ».

Nul doute qu’il ait été confronté, face à la feuille blanche, au silence des commencements, tant les idées et les mots s’entrechoquent dans le récit comme les fûts de madère dans la coque d’une caravelle déboussolée. Pourtant, la traversée des cercles de l’enfer quotidien de l’artiste - un enfer commun à bien d’autres peintres - et l’explicitation de ses orientations esthétiques et techniques sont restituées avec une justesse de ton et une lucidité d’analyse qui passionnent le lecteur. Qui l’émeuvent aussi, tout autant que le compagnonnage des peintres Pierre Alechinsky et Édouard Pignon et du musicologue René Bresson, la découverte des peintures et gravures paléolithiques de la grotte Cosquer, la musique et l’art orientaux ou Les Fleurs du mal de Baudelaire chantées par Georges Chelon (un autre marseillais) l’ont touché à cœur, lui, le gavroche libertaire resté fidèle à ses premiers engagements, dans l’ombre portée fraternelle de Léo Ferré (dont il croqua les paroles et musiques dès 1978) et celle, souffrante, de son frère Philippe, trop tôt ravi au cénacle des poètes. Une « Exécution » magistrale.

 

© Claude Darras

 

 

L’Exécution de la peinture, par Olivier Bernex, le Temps de la pensée, Autres Temps éditions, 2009 (224 pages, 20 €).

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Photo France Bernex

 

23/05/2009

Claude Darras

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Critique d’art et de littérature, Claude Darras, né en 1948, a été Maître de Conférences à l’Université de la Méditerranée (Aix-Marseille II) où il a dirigé l’enseignement de la presse écrite à l’Ecole de Journalisme et de Communication de Marseille. Formateur au sein d’un programme Med-Media de la Commission Européenne, il a enseigné en Europe, dans les pays du Maghreb et au Proche-Orient. Il poursuit aujourd’hui une activité éditoriale tournée vers les arts et la littérature dans des revues d’art, de lettres et de sciences humaines liées notamment au monde universitaire et à l’école des hautes études en sciences sociales.

 

Ateliers du Sud - L'Esprit des lieux

Photographies de Maurice Rovellotti

Edisud, 2004

l'esprit des lieux.jpgLes vingt-quatre artistes de l’ouvrage " Ateliers du Sud – L’esprit des lieux ", issus d’écoles, de courants et de styles très différents, participent d’une semblable annexion d’espaces que l’écrivain Claude Darras et le photographe Maurice Rovellotti ont cherché à mieux connaître. Maurice Rovellotti n’illustre pas Claude Darras, pas davantage que Claude Darras ne glose sur les portraits de Maurice Rovellotti. Entre la plume et l’objectif, il n’y a pas d’équivalence et de traduction. Il y a deux langues qui modulent les accents d’une émotion jumelle face aux univers singuliers d’artistes français et étrangers que relie parfois l’unique particularité d’être conçus plus ou moins complètement dans le Sud de la France. Sans prétendre résoudre les interrogations existentielles des vingt-quatre peintres et sculpteurs, le présent ouvrage a permis aux auteurs d’entrer avec eux dans un heureux commerce d’esprit et de sensibilité dont la critique et l’histoire négligent trop souvent d’admettre la fécondité. En sorte que ces belles histoires de vie et de passions se doublent de véritables monographies. Le caractère de ces " Carnets d’artistes ", qui ont nécessité vingt mois de patients travaux, est surtout universel : il délaisse la " ligne droite " de la pensée critique dans ses curiosités, campant résolument au centre d’une rose des vents qui s’ouvre sur des cultures et des modes d’expression multiples.  Source

 

Au fil du temps, j’ai acquis la conviction que le langage esthétique impose à l’écrivant de se situer au croisement d’un réseau multidisciplinaire où dialoguent sciences humaines et philosophie de l’art. La condition de « passeur d’artistes » requiert, en effet, une palette de connaissances insoupçonnées. D’une certaine façon, elle procède d’une action militante et complexe. Car elle est à la fois attention, regard, écoute, dialectique, travail des sens et de l’intelligence ; elle voue à l’admiration éclairée et au discernement pertinent une fonction pédagogique qu’il est vital de favoriser pour rapprocher l’art contemporain de tous les publics. (Claude Darras, Avant-Propos, « Passeur d’artistes »).

 

 

untitled.jpgAteliers du Sud - L'aventure intérieure

Photographies de Maurice Rovellotti

Editions Gaussen, 2008

 

Les éditions Gaussen ont publié leur premier ouvrage en avril 2008. Le premier titre, Ateliers du Sud, L'Aventure intérieure, est un recueil de monographies d'artistes (24 artistes du Midi) réunies par Claude Darras.

Pendant deux ans, Claude Darras s'est entretenu avec vingt-quatre artistes ayant établi leur atelier dans le Sud méditerranéen pour en connaître l'individualité et son double, l'oeuvre.
Porté par un puissant désir de découverte, il a recherché les traces de l'aventure intérieure de ses interlocuteurs, créateurs français et étrangers issus d'écoles, de courants et de styles différents.

Maurice Rovellotti signe ici le second volet du portrait sensible de la création contemporaine dans le Sud de la France.

 

 

Prochainement

 

Joseph Alessandri ou la face cachée de l’ombre, monographie du peintre Joseph Alessandri, avec le photographe Jean-Éric Ely, éditions Autres Temps, 2009

Les Trois Fous de Saint-Rémy, avec le photographe M. Rovellotti, monographies croisées des artistes Jan van Naeltwijck, Pierre Pinoncelli et Jean Verame, 2009

14/05/2009

Bulletin n°8 du 18 mai 2009 (à télécharger)

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© Photo en fond : Irène Suchocki

 

●●●●●●●●●●●●Poésie & Arts plastiques●●●●●●●●●●●●

 


La lumière entre dans la grotte. Io ! Io !

La lumière a plongé au fond de la grotte

Splendeur et splendeur !

Par tenailles j’entre aux collines :

Que l’herbe croisse de mon corps

Que j’entende parler l’une à l’autre les racines,

L’air est neuf sur ma feuille,

La fourche des branches branle au vent.

Zéphyr est-il plus doux, Apeliota

plus doux à la branche d’amandier ?

Par la porte j’entre dans la colline.

Choit,

Adonis choit.

Alors vient le fruit. Les petites lampes que la marée emmène

au large la griffe de la mer les assemble,

Quatre bannières à chaque fleur

La griffe de la mer emporte au large les lampes.

Donc pense au labour

Quand les sept étoiles descendent

se reposer quarante jours, au bord

de la mer dans les vallées qui vont en méandres

vers la mer

          KAI MOIRAI ADONIN

Quand la branche de l’amandier ouvre sa flamme

Quand les plantes neuves arrivent à l’autel,

          TU DIONA KAI MOIRAI

KAI MOIRAI ADONIN

     a le talent de guérison

puissance de maîtriser la bête sauvage.

Ezra Pound

Extrait La Cinquième décade (XLII-LI) – pp.259-260 - Traduit par Jacques Darras

 

2002, Editions Flammarion pour la nouvelle édition revue et augmentée sous la direction d’Yves di Manno.


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© Michel Portier
 

N°8

 

 

 

SOMMAIRE………

 

 

 

Michel Portier et ses Tirages photographiques à la Galerie Roy Sfeir

Extraits de Les Cantos d’Ezra Pound

Les chroniques parisiennes de Léon-Paul Fargue par Claude Darras

Claude Ber & Cyrille Derouineau Vues de vaches

Paul Louis Rossi, Faïences (Le 29 octobre 1981…)

Le monde où l’on se confesse (2) de Richard Skryzak

&

A LIRE VOIR ET ENTENDRE !

Over the river Christo and Jeanne-Claude : un dossier proposé par Christine Bauer sur le site "Regard au pluriel"

&

PAR AILLEURS ………………….. Martine Broda

 

Télécharger le bulletin

 

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Carnets d'eucharis n°8 du 18 mai 2009.pdf

 

 

07/02/2009

Maurice Chappaz

Évangile selon Judas

Editions Gallimard

Date de parution : 26/10/2001

Collection : BLANCHE

  

 

Écrivains suisses

L’art de la fugue de Maurice Chappaz

 


 

Note de lecture

 

Les plus accomplis des textes de Maurice Chappaz (il est mort en janvier 2009, à l’âge de 92 ans, dans le canton du Valais) restituent la constante la plus notable de son art romanesque et poétique, ce que l’on pourrait appeler son art de la fugue, l’alternance de récits parallèles, chacun fondé sur ses registres habituels, les rêveries alpestres, ses réflexions dépitées sur le « monde moderne », un univers onirique proche de celui de son compatriote et aîné Gustave Roud et la lecture attentive et extrêmement lucide de la Bible. À cet égard, « Évangile selon Judas » se révèle comme un livre à placer devant tous les yeux en un temps où la religiosité et sa conséquence l’intolérance trouvent un regain de sottise et de cruauté.

Le credo de l’écrivain (et viticulteur) valaisan livre un Judas Iscariote revisité et s’il en dépoussière le mythe de la catéchèse, l’auteur se prévaut de garder au personnage, au-delà des avatars d’un récit singulier, la véracité prônée aux enfants et aux gens simples, non d’esprit mais de cœur.

« Le douzième apôtre avait l’instinct pour deviner les bêtes, écrit-il. Il tâtait le bétail avec un sixième sens. Et c’est lui qui dénicha l’ânon gris sur lequel personne n’était monté pour l’amener à Jésus avant le grand rendez-vous, lors de l’ultime fête… »

Sa profession de foi le ramène aux matins de l’enfance, aux prémices de la pureté évangélique, lorsqu’il persistait à « se réfugier dans l’église et à écouter la petite clochette de l’élévation » dans l’espoir d’apercevoir de nouvelles « Terres promises ».

 

Claude Darras

 

maurice chappaz&gustave roud.jpg 

Maurice Chappaz et Gustave Roud lors d’une séance de signature chez Payot. 9 mars 1968.

© Archives littéraires suisses, Fonds S. Corinna Bille-Maurice Chappaz, Berne.

Bibliothèque Nationale Suisse

 

 

«Judas et Jésus remontent en moi.

Parce que ma vie devient comme une forêt noire où je m'enfonce. Je suis par moments étranglé par le respect puis en proie à la curiosité. Ma vocation je la subis. L'un après l'autre mes poèmes me quittent, déménagent, mais il me semble encore écrire des souvenirs avec les mots de plusieurs poètes engloutis, enfuis au bout du monde, de passage dans ma conscience, à demi-visibles. Je ne sais plus d'où vient telle voix, je pénètre, je tâtonne dans les buissons obscurs, sur les sentiers à la fin de l'âge. Où il faudrait être une bête, avoir son savoir aussi.»

 

Le poète valaisin s’est éteint à 92 ans, le 15 janvier 2009. « Poète témoin lucide des ruptures et des angoisses de la modernité. »

 

 

à consulter :

 

Site Rimeur.net

(Poésie Suisse Romande en ligne)