03/08/2008
La rumeur de toutes choses - Pierre Chappuis
La rumeur de toutes choses ?
Enseigne trompeuse, je le crains. Toutes choses, quand je n’aurai guère fait que tourner autour d’un petit nombre d’entre elles, toujours les mêmes mais propres à assurer une relation au monde approfondie, enrichissement de chaque instant – au vrai comme toutes autres choses, de celles dignes d’être aimées et qui tiennent en éveil.
Constituée dans le désordre des jours, la présente liasse de notes et de réflexions fait suite à La preuve par le vide, publié dans la même collection en 1992.
Pensée en devenir, bruissements de pensées éparses, alluvionnaires, susceptibles d’adjonctions, voire de remises en question. Si elles ramènent de préférence à une interrogation sur la poésie, son espace propre, sur ce qui, par elle, nous lie essentiellement – rêverie ou contemplation – au paysage et au moment présent, par ailleurs mettant en cause sa légitimité dans le monde bouleversé qui est le nôtre, elles n’entretiennent pas moins, en permanence, un rapport étroit avec le déroulement d’un vécu quotidien.
Pierre Chappuis
Ed. José Corti, novembre 2007
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01/08/2008
Pierre Chappuis
Né à Tavannes en 1930 (dans le Jura bernois, en Suisse), Pierre Chappuis fait des études universitaires à Genève avant de se consacrer à l’enseignement de la littérature française dans le canton de Neuchâtel où il vit. Depuis 1969, il a publié dix recueils, des notes réflexives et plusieurs ouvrages hors commerce en collaboration avec des peintres, ses compagnons de route. Mouvants, discontinus, rebelles à toute fixité, jetés au-dessus du silence et du vide, ses poèmes engagent le lecteur dans une aventure du regard et du langage, qui laisse hors-jeu le concept et le sujet et sollicite l’eau, les nuages, la neige, l’éboulis, l’instant, le souvenir, le rêve... LIRE LA SUITE DE LA BIOGRAPHIE SUR LE SITE
http://www.jose-corti.fr/auteursfrancais/chappuis.html
Eboulis&autres poèmes (extrait)
Jour ouvrable
Salée, impure, mélangée, salie au long d'un jour maussade,
jour bas, gris - jour o u v r a b l e ; altérée, abâtardie, elle se
dégrade, se détériore, se ruine.
Neige de rue, de ville.
Elle tourne en eau, en boue, saumure noirâtre, brunâtre,
brouillée après avoir été lisse et soyeuse comme au sortir
d'une calandre.
Neige de grincheux.
Mastiquée, malaxée (mouillure, souillure, salissure), elle mol-
lit, pâte insalubre, porteuse de fièvre.
Ordurière, repoussante
***
D'abord blessée de rien (un pas, le suivant), la moindre
incursion (furtive, insignifiante) se dénonçant elle-même
comme une violation, elle fut, au terme d'une nuit blanche,
tendue à neuf sans plis ni déchirures.
S'échouait, songe, se perdait.
A peine marquées, toutes traces presque aussitôt rentrant
dans la blancheur ou la nuit, sans amarres, urbaine de moins
en moins (marcheurs somnambuliques), lentement, d'un
même débord (sables mouvants pris dans un insensible,
insensible glissement), l'agglomération en bloc, immobile,
à la dérive, sombrait.
L'aile de la mouette, le bord envolé du toit : toutes marges
irréelles. Pas plus de trottoirs alors que de chaussées.
Immobile, enrayée, lentement, songe au matin, s'échouait.
***
Michel Collot Son oeuvre est un opus incertum, dont les blocs tiennent par la force d'un vide qui les menace mais les vivifie. En elle "triomphe et ruine, beauté et désordre", se conjuguent et échangent "une réciprocité de preuves", accomplissant ce qui est pour Chappuis la fatalité et la vocation de l'art : "convertir en beauté l'horreur du monde".
Jacques Dupin Un carnet de montagne – compris la plaine, la nuit, le jardin, le faîte du toit, la fenêtre, le bruit du torrent, l’eau du lac, pour que s’y agriffent, l’un selon l’autre, les gestes de la vie, le pas indestructible et le regard cassé clair.
Le groupement des signes. La dispersion, la constellation des images. L’art de la parenthèse, appel, écho, sonnailles. La parenthèse nécessaire et bénéfique : une incision, une injonction et son déni, un plus et un moins, une rétraction dilatée, un dépassement, un retrait, une fissure dans le mur et son crépissage impromptu célébrant l’ouvert.
Parenthèse, un bout de corde pour assurer, une gorgée d’eau-de-vie pour rebondir, mais en retrait, en abîme… Une touche d’espace et de couleur plus légère pour contrecarrer le dru de la langue. Chaque mot est toujours plus qu’un mot, toujours en excès. Toujours en équilibre instable au-dessus de la mer, au-dessus de la langue. Chaque nuit nous porte au-delà de l’obscurité qui nous emmure. Il faut inventer des percées.
Extrait de « Le sens de la marche » Pierre Chappuis (pp.148/150 - M'introduire dans ton histoire, P.O.L. Editeur, 2007) |
22:34 Publié dans Pierre Chappuis | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
Le petit séminaire - Gérard Cartier
Né en 1949, Gérard Cartier édifie sans impatience une œuvre inscrite dans l’Histoire et la trame plus secrète de notre tradition. Auteur d’une dizaine d’ouvrages, notamment chez Obsidiane, il a déjà publié Le désert et le monde (Prix Tristan Tzara 1997) dans la collection Poésie/Flammarion.
(6ème droite, porte )
O que revienne
le premier hiver qui à peine
se souvient verse-lui
le thé brûlant broie
sur ta planche poudreuse
les couleurs ...
Peins l’ombre peins
la lumière pinceaux
entre les dents puissante
comme un dieu
peins la joie lancinante...
Dans cet âge où tout
se glace où n’est plus
la beauté qu’une ombre
dans les livres peins l’âme
et le corps à qui veut
aimer encore...
La main et l’oeil
s’épuisent mais non
la torche des passions
pesant et mal
adroit je vois celle
pourtant d’autrefois...
Le site de l’auteur
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