26/06/2014
Sylvie Kandé
© Site : http://sylviekande.com/
Sylvie Kandé La Quête infinie de l’autre rive
Épopée en trois chants
Éditions Gallimard, Collection « Continents noirs », 2011
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(p.50/52)
Sire souviens-toi de la sableuse esplanade
qu’il fallut à la bouche du fleuve négocier
pour construire et radouber nos almades
entasser nos provisions cantonner nos escouades
Souviens-toi de la foule qui s’installa sur la grève :
D’abord ce furent forgerons pêcheurs et charpentiers
qui toute une saison allaient peiner sans trêve
Lors on se mit à abattre des arbres en amont
pour en flotter les immenses troncs
- mais ceux-là seuls dont les veines brunes vaguent
ceux dont la sève violette goûte l’algue et le sel
et le feuillage comme une voile étreint le vent
(Car qu’est-ce qu’un arbre dites qui ne rue
contre le ciel son vert désir de grand large…)
Reçus à l’arrivée par les maîtres de hache
ils étaient évidés au cœur tambour battant
Puis la grosse ébauche de chaque coque
était pincée entre des étaux et passée à la flamme
- les rostres quant à eux se fignolaient à l’herminette
Entretemps cordiers potières et tisserands
trimardant leurs divers talents étaient venus
et on arracha aux baobabs leur écorce rêche
pour en fabriquer des cordes et des amures
On prit leurs amandes aux karités
et aux kapokiers leur bonne ouate
pour colmater des bordages la moindre brèche
Comme il fallait aussi du coudran
sèves et huiles furent brassées en canaris
Des pigments on en broya de toutes sortes
pour peinturer joliment les œuvres mortes
et calligraphier en sus des signes et des serments
On fit des nasses des casiers et de rouges éperviers
des ancres des rames de rechange des bardis
des coffres des caillebotis des panaches
et que sais-je encore grands dieux
Aidez-moi donc vous autres à évoquer la scène
avec quelques formules un refrain des épithètes
le temps que je me retourne et reprenne haleine
Mon patron mais pourquoi
pourquoi venir gâter ce fin soliloque
par d’intempestives farcissures…
Ce chantier sublime cette cohue baroque
sans partage maintenant te reviennent
Soit. On tissa des sayons des tenues de fête
et de fines nattes de palme ou de raphia
qu’on attachait serrées aux mâtures
Des intendants des vivandières et des ovates
des guérisseurs et des traqueurs de sorcières
ce fut le tour d’établir sur la plage leurs quartiers
Les uns à tour de bras séchaient du poisson
équarrissaient le gibier et en pilaient la viande boucanée
les autres confectionnaient onguents et caractères
philtres formules et médicaments
On engrangea arachides et ignames
on remplit moult couffins de dattes et de tamarin
On fit en veux-tu en voilà du confit de piment
Dans la fraîcheur des entrepôts il y avait de l’eau
du vin de palme et de la bière de mil à tire-larigot
Cependant on montait des fougons
à l’avant des pirogues afin de préparer
en cours de route du chaud
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(p.64)
Alarme et désarroi s’emparent des almadies
Honnis soient les grands qui quittent le navire
nous laissant dans les dilemmes et névralgies
Frères de rames sur nos cœurs gardons empire
Avons-nous pas à la seule force de l’échine
Par nous-mêmes et sans l’aide de personne
gouverné depuis la côte ces périssoires…
Les uns sont à l’affût d’un signe
d’autres déjà cambrés sur leurs bancs
Et on crie et on s’empoigne et on s’indigne
comme si on découvrait enfin le notoire :
les voilà largués et maudits
au milieu de l’énorme délire
des rouleaux qui tonnent
les voilà livrés aux flammeroles
qui gravissent en sifflant les espars
et s’évanouissent sur une girandole
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20/06/2014
György Ligeti, Kammerkonzert
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Sylvie Guillem - Two (Rise & Fall)
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18/06/2014
WOMEN, Olivier Apert, Le Temps des Cerises, 2014
WOMEN
[Anthologie de la poésie féminine américaine du XXe siècle]
Poèmes traduits, choisis & présentés par Olivier Apert
Le Temps des Cerises, juin 2014
Poésie (bilingue)
Collection Vivre en poésie
Bon de commande à renvoyer par courrier :
Le Temps des Cerises, 47 avenue Mathurin Moreau, 75019 Paris.
D'une certaine façon, cette anthologie n'est pas une anthologie : entendons par là qu'elle propose une lecture à la fois conjoignant et séparant la diversité des voix qui invente la poésie féminine américaine à travers le temps et l'espace géographique par la composition d'un livre qui voudrait faire résonner une manière de tout dire, souvent au mépris des conventions et des carrières ; une volonté d'éprouver dans et par le corps de l'écriture les réalités et les illusions du social et de l'intime sans jamais recourir à la fuite lorsque l'expérience devient par trop douloureuse ; une impitoyable nomination-dénonciation des mensonges ; un aveu transparent des désirs et des haines ; une affirmation franche des revendications.
Ainsi ces voix transgressent-elles le lieu qui leur a été et leur est encore parfois dévolu : l'image de la femme made in USA. Voici donc un panorama de trente-cinq poètes, ouvrant sur la diversité tant géographique que stylistique de l'intimisme d'Anne Sexton à l'imagisme de Marianne Moore, de l'engagement de Sonia Sanchez au sensualisme de Christy Sheffield Sanford d'après Emily Dickinson (1830-1886).
En effet, si son oeuvre demeurée longtemps secrète, peut être considérée comme l'acte initial de la poésie féminine américaine, outre qu'elle appartient, malgré son innovation formelle, au XIXe siècle, elle est aujourd'hui intégralement traduite en français. Il appartenait à cette anthologie d'amener à la découverte de voix prédominantes du XXe, ici encore peu entendues, en dépit de leur reconnaissance américaine, fut-elle parfois souterraine.
De la plus lointaine, Amy Lowell (1874-1925) à la plus proche, Elinor Nauen (née en 1952), c'est tout un puzzle qui se construit et qui voudrait présenter une façon de contre-histoire de la culture américaine.
Auteures traduites
Alta (1942)
Djuna Barnes (1892-1982)
Elizabeth Bishop (1911-1979)
Kay Boyle (1902-1992)
Gwendolin Brooks (1917-2000)
Janine Canan (1942)
Candace Chacona (1950)
Laura Chester (1949)
Jane Cooper (1924-2007)
H.D (Hilda Doolittle) (1886-1961)
Tess Gallagher (1943)
Jessica Hagedorn (1949)
Joanne Kyger (1934)
Denise Levertov (1923-1997)
Amy Lowell (1874-1925)
Mina Loy (1882-1966)
Bernadette Mayer (1945)
Josephine Miles (1911-1985)
Marianne Moore (1887-1972)
Elinor Nauen (1952)
Florence Ogawa (1947-2010)
Maureen Owen (1943)
Dorothy Parker (1893-1967)
Marge Piercy (1936)
Sylvia Plath (1932-1963)
Adrienne Rich (1929-2012)
Muriel Rukeyser (1913-1980)
Edna Saint VincentMillay (1892-1950)
Sonia Sanchez (1935)
Leslie Scalapino (1948-2010)
Anne Sexton (1928-1974)
Christy Sheffield Sanford (1950)
Gertrude Stein (1874-1946)
Jean Valentine (1934)
DianeWakoski (1937)
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Olivier Apertest né et vit à Paris. Poète, essayiste, dramaturge, librettiste et traducteur ; membre du comité de la revue Po&sie ; il a, par ailleurs, été critique littéraire, auteur de catalogues d’artistes contemporains et a travaillé avec les chorégraphes Sylvain Groud etMuriel Piqué. Parmi plus d’une vingtaine de livres publiés, les derniers parus sont : Baudelaire, être un grand homme et un saint pour soi-même, Éd. Infolio (2009), Upperground, poèmes, Éd. La Rivière échappée (2010), Gauguin, le dandy sauvage,Éd. Infolio (2012), Éloge de la provocation (avec François Boddaert), Éd. Obsidiane (2013), Mina Loy, Manifeste féministe & écrits modernistes (traduction), Éd. Nous (2014).
Sur le site : M e l | Paris
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09/06/2014
Les Carnets d'Eucharis au Marché de la Poésie
Les Carnets d’Eucharis
seront présents au 32e Marché de la Poésie
du 11 au 15 juin
place Saint-Sulpice (Paris VIe)
sur le stand 704
en compagnie de Black Herald Press (Blandine Longre et Paul Stubbs)
et des éditions Hochroth-Paris (Nicolas Cavaillès).
Les Carnets d’Eucharis
●●●●●●Poésie |Littérature |
Photographie | Arts plastiques
●●●●●●●● 2014
N°40 (hiver 2014) – N°41 (printemps 2014) – N°42 (été 2014)
© Nathalie RierA
| 2008-2014 | Revue numérique Les Carnets d’Eucharis | ISSN : 2116-5548 |
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06/06/2014
CONRAD AIKEN ... La venue au jour d'Osiris Jones / Neige silencieuse, neige secrète
ET BANC DE FEUILLES descendant la rivière *
(Nouvelles parutions, Notes, Portraits & Lectures critiques)
* Lorine Niedecker
| © Nathalie Riera
La venue au jour d’Osiris Jones | © Editions La Nerthe, 2013
Neige silencieuse, neige secrète| © Editions La Barque, 2014
« LA NERTHE ET LA BARQUE … AVEC CONRAD AIKEN »
par Nathalie Riera
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-I-
La venue au jour d’Osiris Jones … Conrad Aiken est reconnu, selon les propres termes du poète et critique Allen Tate, comme « le plus polyvalent des hommes de lettres du XXème siècle : il a excellé dans la critique, dans la fiction et dans la poésie ».[1] Actuellement, deux éditeurs, en France, nous offrent à découvrir le poète américain dont sa singularité depuis T.S. Eliot ou Ezra Pound était d’être en avance sur son temps. La Barque avec la nouvelle « Neige silencieuse, neige secrète », La Nerthe avec le poème dramatique « La venue au jour d’Osiris Jones » : deux livres qui participent d’une rencontre avec un poète qui « connut une relative reconnaissance » davantage auprès de ses pairs que des lecteurs.[2]
Une vie littéraire passée sous le signe de la discrétion et d’une « solitude essentielle », poète de « force lyrique », Aiken ne s’interdit cependant pas une « spécificité prosodique », précise l’éditeur, ajoutant par ailleurs : « Rien de ce qui se perçoit, la vue et l’ouïe dominant, n’échappe à la dramaturgie ».[3]
« Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage » pourrait nous dire Aiken, très tôt marqué par l’évènement traumatique que fut le suicide de son père, William Ford Aiken, après que celui-ci eût tué sa femme, la mère de Conrad alors âgé de onze ans. Dans une note de « La venue au jour… » Aiken nous éclaire sur l’origine du nom « Osiris » :
Quant au titre de mon poème, je ne peux que citer Le Livre des Morts, p.29 : « Dans toutes les versions du Livre des Morts, Osiris est toujours le nom donné au mort et, comme il était toujours admis que ceux pour qui elles furent écrites seraient innocentés par la Grande Balance (…) elles étaient toujours écrites à partir de leurs propres noms ». (p.11)
Dans « Inscriptions diverses » :
En lettres dorées sur un panneau noir se balançant
Docteur William F. Jones
(p.41)
Ö mort, en forme de changement, en forme de temps,
dans l’éclat d’une feuille et d’un murmure, charmant dieu
dont la divinité est fumée, dont le délice
est glace en été et l’arbousier
sous la congère et l’eau de la rivière coulant
vers l’ouest parmi les roseaux et les oiseaux volants
par-delà l’obélisque et les hiéroglyphes –
pourquoi et d’où chuchotés, question dans l’obscurité
réponse dans le silence, mais un tel silence, ange,
est aussi la seule réponse des dieux qui cherchent des dieux –
réjouissons-nous, car nous sommes venus dans un monde
où la pensée n’existe pas.
(p.101)
…
Les livres
Mon cœur de ma mère – mon cœur de ma mère – mon cœur de mon être, –
ne témoigne pas contre moi, –
Ne me repousse pas vers les ténèbres !
■■■
-II-
Neige silencieuse, neige secrète … la neige au-dessus de tout cloisonnement, « s’alourdissant plus chaque jour, emmitouflant le monde ». Là où le secret est comme « lieu de forteresse, de rempart derrière lequel il pouvait se retirer dans un isolement divin », tout le récit de « Neige… » se tient sur ce qui pourrait être perçu comme une faille, ou l’étrangeté d’une attitude, celle d’un enfant de 12 ans, du nom de Paul Hasleman : « La chose était avant tout un secret, quelque chose à dissimuler précieusement à Père et Mère »[4]. Et ainsi que lui-même le dit : cette chose lui appartient, est sa récompense. Il se fait en lui « une sensation de possession » et à cela la presque certitude d’« une sensation de protection ». A Paul Hasleman un monde nouveau s’est ouvert. Dans ses « Mots pour… » l’éditeur se risque à l’expression de Pietro Citati : « le royaume de la schizophrénie », mais cela pour nous dire plus précisément que dans ce monde de neige rien n’est enfermé : « Et c’est là le merveilleux, que ce texte n’enferme rien, pas même la folie »[5].
Et il ne pouvait y avoir le moindre doute – pas le moindre – que ce monde nouveau était le plus profond et le plus merveilleux des deux. Il était irrésistible. Il était miraculeux. Sa beauté allait simplement au-delà de tout – au-delà de la parole et au-delà de la pensée – éminemment incommunicable. Mais comment alors trouver un équilibre entre ces deux mondes dont il avait sans cesse conscience ? (p.14)
Comment au cœur de la vie de tous les jours éviter de ne pas être pris d’un déchirement, de par la simultanéité même d’une « vie publique » et d’une « vie secrète ». Paul Hasleman se résout à ne rien dévoiler, « continuer à se tenir à l’écart, puisque l’incommunicabilité de l’expérience l’exigeait ».[6] D’ailleurs, ne faut-il pas à ce monde secret indévoilable ou inavouable lui promettre d’à jamais préserver « cette combinaison extraordinaire de charme éthéré et de quelque chose d’autre, innommable ».
Conrad Aiken a dit au sujet de son récit « Silent Snow, Secret Snow » qu’il était une projection de sa propre inclinaison à la déraison.[7]Neige silencieuse, neige secrète est un voyage captivant dans les éminences non moins inéluctables que les creux. En Paul Hasleman, que ne cesse alors cet autre monde où « la neige riait ». Est-il vain de penser que, par ce récit en éloge d’un univers intérieur, Aiken nous livre peut-être une clé.
Deux livres pour nous réjouir. En compagnie d’un poète pour qui est de saisir et non de régenter la matière du monde.
Nathalie Riera, juin 2014©Les carnets d'eucharis
LA NERTHE
Conrad Aiken LA VENUE AU JOUR D’OSIRIS JONES
Traduction de Philippe Blanchon
| © Cliquer ICI
LA BARQUE
Conrad Aiken NEIGE SILENCIEUSE, NEIGE SECRÈTE
Traduction de Joëlle Naïm
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NATHALIE RIERA
Les Carnets d’EucharisET BANC DE FEUILLES descendant la rivière
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[1]In 1969 the poet-critic Allen Tate, Aiken's opposite both in poetic temperament and in his views on art, politics and religion, called Aiken "the most versatile man of letters of the century: He has excelled in criticism, in fiction and in poetry."
http://www.georgiawritershalloffame.org/honorees/biography.php?authorID=1
[2] Conrad Aiken, « La venue au jour d’Osiris Jones », La Nerthe, 2013 in« Conrad Aiken et sa sortie au jour » de Philippe Blanchon, (p.1)
[3]Ibid., (p.6)
[4] Conrad Aiken, “Neige silencieuse, neige secrète”, La Barque, 2014, (p. 5)
[5] Ibid., in ‘Mots pour…” d’Olivier Gallon, (p.47)
[6] Conrad Aiken, “Neige silencieuse, neige secrète”, La Barque, 2014, (p. 20)
[7] Aiken once said that his short story "Silent Snow, Secret Snow" (a psychological portrait of a disturbed boy) was "a projection of my own inclination to insanity." http://www.poetryfoundation.org/bio/conrad-aiken
19:00 Publié dans Conrad Aiken, La Barque, La Nerthe | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook