30/04/2014
Eva-Maria Berg - Résidence d'écriture à la Villa Tamaris, Centre d'art
Eva-Maria BERG
Poète de langue allemande
(Née en 1949, à Düsseldorf)
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[EVA-MARIA BERG, 2014]
| © Nathalie Riera
…
Résidence d’écriture
à la Villa Tamaris Centre d’Art
EVA-MARIA BERG
© Carnet itinÉrant de Nathalie Riera
Résidence d’écrivain du 14 avril 2014 au 15 mai 2014
Villa Tamaris centre d'art
Communauté d´agglomération Toulon Provence Méditerranée
Avenue de la grande maison 83500 La Seyne-sur-mer
Site de la Villa Tamaris | © ICI
Photographies : Nathalie Riera© Eva-Maria Berg, Villa Tamaris, 2014
Choix de poèmes
Traduction en coopération avec Patricia Fiebig
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Avec tous mes remerciements à Eva-Maria Berg pour son accueil des plus chaleureux.
aus dem augenblick l´instant
ist betrachtung est devenu
geworden kein ufer contemplation aucune rive
entfernter als die andere éloignée l´une plus que
seite wenn der hund l´autre à l´heure où le chien
nicht wagt hinüber ne se risque pas à gagner
zu schwimmen und l´autre côté à la nage et
das boot kieloben le bateau quille en l´air
den fischfang abandonne
aufgibt segeln la pêche alors
vielleicht ein paar peut-être quelques ailes
flügel am himmel voguent dans le ciel
den blühenden qui rappellent
hafen erinnernd le port fleuri
© Eva-Maria Berg
Poèmes de la Villa Tamaris
Les Carnets d’Eucharis, Printemps 2014
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■ NOTE BIOBLIBLIOGRAPHIQUE. Née en 1949 en Allemagne, à Düsseldorf, Eva-Maria Berg a fait des études d´allemand et de français à l’Université de Fribourg en Brisgau. Domiciliée à Waldkirch, dans la Forêt Noire, elle séjourne régulièrement en France. Outre les livres de poésie publiés, elle écrit des articles et des critiques littéraires pour des journaux, collabore avec des artistes pour l’élaboration de catalogues d´expositions, figure dans de nombreuses anthologies et revues littéraires, telles que : Arpa, Europe, la Traductière, Levure littéraire, Revue Alsacienne de Littérature, Terres de femmes, Verso (F); die Horen, Poesiealbum neu (D); Du, Orte (CH). Collaboratrice régulière de la revue en ligne Recours au Poème elle travaille également dans le cadre de coopérations interdisciplinaires – théâtre expérimental, installations, expositions.
Les Résidences d´écritures sont pour elle l’occasion de rencontres entre artistes et d’un recentrement propice à l’écriture : elle a notamment séjourné à la Fundación Valparaíso, Mojacár (Espagne) 2008 et, à plusieurs reprises depuis 2010, à la Villa Tamaris, Centre d´Art, La Seyne-sur-Mer. (France).
Une vingtaine de livres et de livres d´artistes ont paru en Allemagne, en France, en Suisse.
A paraître : en 2014, livre de poèmes en allemand/francais/espagnol avec des gravures d´Olga Verme-Mignot ; en 2015, aux Editions Erès, collection PO&PSY, un recueil de poèmes bilingue franco-allemand.
■SITE OFFICIEL : http://www.eva-maria-berg.de/
18:14 Publié dans ALLEMAGNE/AUTRICHE, Eva-Maria Berg | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : eva-maria berg; | Imprimer | | Facebook
16/04/2014
Nicolas Bouvier, Oeuvres (une lecture de Nathalie Riera)
Hommage àNicolas Bouvier
(1929-1998)
© Photo : Nicolas Bouvier dans les années 1950 (Keystone)
(SUR LE SITE DE THIERRY VERNET)
■http://www.thierry-vernet.org/
« (…) Nous avons tous une boussole dans la tête, plus précieuse que l’or des Incas. » Nicolas Bouvier [1]
« Un voyage, fût-il de mille lieues, commence sous votre chaussure. »Confucius
« Incantation de l’espace, décantation du texte
ou être un miroir promené le long d’une grande route »
[[2]]
Par Nathalie Riera
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« Le déplacement dans l’espace peut être un sésame pour certains… »
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Voyager c’est avoir une certaine passion. Chez Bouvier, c’est avoir « la passion des points cardinaux », et parmi les 4 points, sa première direction sera le Nord, en lien avec ses premières lectures d’enfant. Un premier départ, durant l’été 1948, pour la Finlande, Helsinki… jusqu’en Laponie. Il survole le pays des 60 000 lacs. Le Nord lui fait signe de bonne heure ! : « … à sept ans je dessinais de l’ongle sur le beurre de ma tartine le cours de la Volga ou celui du Haut-Orkon, je savais fendre au couteau les naseaux d’un cheval pour qu’il galope encore dans l’air raréfié par le blizzard, et claquais de la langue pour stimuler les onze chiens de mon traîneau. » ([3])
Faut-il croire que voyager c’est retrouver un chez-soi ? De la Laponie à Paris : « Helsinki, Turku, Abo, c’est des endroits où je me sentais chez moi, encore plus en Laponie parce qu’il n’y avait personne, ici je me sens rudement « chez les autres » et il y a trop d’autres. » Une vie de voyages ne peut que répondre à un projet personnel. Nicolas Bouvier rendra compte du monde, de son usage du monde. Mais la disposition, autant physique que mentale, du « vivre ailleurs », et le goût à une vie itinérante, ont aussi leur genèse dans la constellation familiale. Le père, polyglotte « grand érudit et sourcier des grimoires », est directeur de la Bibliothèque universitaire de Genève, et il n’est pas inutile de préciser que la complicité père-fils jamais démentie s’avère comme un puissant pilier pour le « gamin bouffeur de livres à la chandelle clandestine ».
« … j’avais eu mes éblouissements : London, Rimbaud, Melville, Michaux, mais le véritable goût des mots m’est venu lorsqu’il a fallu les choisir, durs, lourds dans la main, polis comme des galets pour enluminer mes modestes icônes avec l’or, le rouge, le bleu qui convenaient, et pour tenter de faire du spectacle de la route un de ces Thesaurus Pauperum à majuscules ornées d’églantines et de licornes… » ([4])
Faire l’apprentissage de l’état nomade, regagner les vastes champs magnétiques, accéder à d’autres lieux « où les choses les plus humbles retrouvent leur existence plénière et souveraine », né le 6 mars 1929 au Grand Lancy, près de Genève, Nicolas Bouvier souligne, contrairement aux idées reçues, la manie de l’expatriement chez les Helvètes :
« Prenez au XVIème siècle le médecin Paracelse ou l’helléniste humaniste Thomas Platter, marcheurs infatigables franchissant les cols alpestres, de la neige jusqu’aux hanches, pour passer de Kiev à Salamanque, de Lübeck à Tunis et enrichir ou transmettre leur savoir, leur imago mundi. […] Plus près de nous : les voyages transsibériens de Cendrars, les enquêtes amérindiennes de Métraux, les randonnées verticales d’Auguste Piccard dans la stratosphère ou sous-marines dans la fosse des îles Tonga, les vadrouilles érudites d’un Charles-Albert Cingria entre vergers à pommes acides et bibliothèques à antiphonaires. » ([5])
Le voyage pour une lecture non monodique mais polyphonique du monde, ce sera alors voyager avec les mains et les yeux d’un écrivain et d’un photographe-chercheur d’images : « ce métier aussi répandu que celui de charmeur de rats ou de chien truffier… ». Et la formation à l’image, comme contrepoint à la littérature, c’est au Japon que l’écrivain en fera un exercice professionnel :
« Je suis devenu photographe par désespoir et portraitiste par accident. A Tokyo en 1955 (…) Mes premiers clients ont été les commerçants du petit quartier de banlieue où j’habitais, et mes premiers sujets, des portraits (…) J’étais payé en nature : six œufs frais, une petite pieuvre, trois chemises blanchies et amidonnées, une séance chez le masseur. Seules les prostituées du ravissant quartier réservé, qui jouxtait le nôtre, et qui sont toujours en fonds, payaient cash ; cela permettait d’acheter la pellicule et d’envoyer du courrier en Europe. […] Comment j’ai pu passer de cette humble clientèle à celle plus exigeante des magazines photographiques japonais reste un mystère que je m’explique mal. Mais cet apprentissage, parce qu’il était humain, cocasse et chaleureux, m’a donné pour toujours le goût des visages. » ([6])
Au métier de photographe s’ajoute celui d’iconographe, traqueur d’images, et que Nicolas Bouvier définit comme :
« l’héritier direct de ces colporteurs d’almanachs ou d’estampes qui faisaient autrefois les foires, leur baluchon sur le dos, et offraient pour un batz ou un sou des planches naïvement coloriées qui figuraient la grande peste de Marseille, le « bon sauvage » du Sépik ou le ballon de M. de Montgolfier et illustraient la chronique du moment. » ([7])
Voyager conduit l’écrivain « à murmurer des histoires », et la parole naît « d’une géographie concrète patiemment investie et subie ». ([8])De l’Asie, que Bouvier ressent comme la mère de l’Europe, « Asie, mère courbée » (Lorenzo Pestelli), cette Asie conquise par l’Occident, dans les universités de la fin des années 40, le jeune étudiant se confronte au « blanc de la carte » :
«… je suis donc allé chercher comme Gorki « mes universités sur les routes » et ce que j’ai pu percevoir de l’immense et merveilleux passé asiatique m’est venu sans manuels ni leçons, mais par la plante des pieds. » ([9])
La destination de l’Asie c’est le chemin vers la transparence, mais c’est aussi, d’une certaine manière, reconquérir la légèreté, ne pas se laisser aller à l’opacité, « se débarrasser par érosion du superflu ». Voyager c’est tout un jeu d’équilibre à trouver :
« Et si l’on souhaite raconter ce qu’on a vu, être, dans la définition stendhalienne « un miroir promené le long d’une grande route », il faudra que le langage subisse la même épreuve, chaque mot passé au feu, et comme alchimiquement « éprouvé », tout ce qui sonne juste étant le fruit de combustions ou de distillations successives qui s’opèrent souvent à notre insu. » ([10])
Les livres sont des routes interminables, sont aussi la promesse de prodiges, des pages et des pages de « manuscrits, grimoires, vélins, incunables, traités de botanique, d’alchimie ou de navigations… »([11]) Dans les contrées de la littérature vagabonde, Bouvier connaît d’autres éblouissements avec Ella Maillart (…et la Chine centrale), Maurice Chappaz (La Tentation de l’Orient), Patrick Leigh Fermor pour Le temps des offrandes, qu’il considère comme « le plus beau journal de marche, avec « Pantagonie » de Bruce Chatwin et « Chemin faisant » de Jacques Lacarrière. Un des chefs-d’œuvre de l’humanisme nomade. » ([12])Sur sa lecture d’Henry Miller, et notamment de son fameux Printemps noir :
« … je vis un satori de lecture qui me guérit pour un bon mois de quelques infirmités et questions (…) Chaque fois que je rencontre, et c’est souvent, un de mes frères humains en déroute, je lui donne ce petit livre. Chaque fois que pour moi le ciel se couvre, que la route que j’ai choisie semble ne mener nulle part, je l’ouvre à la page 81 et j’y puise immanquablement dérision, courage et espoir. » ([13])
Voyager c’est vivre plusieurs mois de routes qui vous privent de lectures. Mais vivre le monde dans un « vagabondage planétaire » peut aussi vous assurer quelques enchantements inattendus : « à mesure qu’on chemine on s’allège. » L’état nomade, nous rappelle Bouvier, est aussi accès à un monde poétique.
Afghanistan / La route de Kaboul
Si de 1800 à 1922, l’accès à l’est et au sud de l’Afghanistan était rendu impossible par l’armée anglaise des Indes, du temps de Bouvier et de Vernet tact et patience pouvaient suffire.
A Kandahar, réduit à l’apathie par une fièvre anarchique, Nicolas Bouvier souffre d’une malaria vivax. Et pendant la maladie, c’est aussi l’horrible expérience de la mouche d’Asie, en rien comparable à celle d’Europe, à vous tourmenter les nerfs : « Au moindre instant de repos, elle vous prend pour un cheval crevé, elle attaque ses morceaux favoris : commissures des lèvres, conjonctives, tympan. »([14])
De Kandahar à Kaboul, quelques routes de terre battue sous un ciel d’altitude, il faut rejoindre Kaboul, entre l’Hindoustan et le Khorassan, un pays marqué par les « Mémoires » de l’empereur Zahir-al-din-Babur (le Tigre), fondateur de la dynastie moghole de l’Inde : « C‘est un brevet pour une ville d’envoûter ainsi un homme de cette qualité. » ([15]) Contemporain de François Ier, le grand padichah se révèle pour l’écrivain-nomade un « personnage merveilleux (…) dont la connaissance me paraît profitable à toute personne engagée dans la découverte de l’Inde. »([16])
Le conquérant, mort à l’âge de 47 ans, aura trouvé le temps de rédiger ses « Mémoires ». Le Journal connait deux traductions, l’une en persan et l’autre en türk tchaghataï, la langue maternelle de Babour. Dans « Journal de Genève » du 14 juin 1986, Nicolas Bouvier lui consacre un article : « Découvrez Babour le Magnifique ».
« Comme Babour, j’avais aimé Kaboul à la passion » [[17]]
Zahir-al-din-Babur
(1483-1530)
Traverser le massif de L’Hindou Kouch, au nord de Kaboul, à 4000 m d’altitude pour regagner le Turkménistan. Gravir le col du Shibar en camion, et après les gorges et les abîmes, les accidents et les pannes, les duretés du climat, atteindre Kunduz, puis cheminer à pied jusqu’au Château des Païens fréquenté par les archéologues en mission de la Délégation archéologique française du professeur Daniel Schlumberger. Une réflexion sur l’écriture et l’archéologie s’impose, car autant sur le besoin de fouiller la mémoire que de fouiller la terre, écriture et archéologie ne sont pas sans avoir quelques points communs. Six années après son séjour au Château des Païens, Bouvier s’interroge :
« Mais le sens de cette fouille ? après tout : ces étrangers qui passent des années (…) à vivre en pionniers dans un coin de steppe solitaire pour ressusciter des Mages ou des dynastes morts depuis dix-huit siècles (…) Et puis pourquoi s’obstiner à parler de ce voyage ? quel rapport avec ma vie présente ? aucun, je n’ai plus de présent (…) creuser la terrifiante épaisseur de terre (…) (Voilà aussi de l’archéologie ! chacun ses tessons et ses ruines, mais c’est toujours le même désastre quand du passé se perd). Forer à travers cette indifférence qui abolit, qui défigure, qui tue, et retrouver l’entrain d’alors, les mouvements de l’esprit, la souplesse, les nuances, les moirures de la vie (…) Au lieu de quoi : ce lieu désert qu’est devenue ma tête, la silencieuse corrosion de la mémoire (…) »([18])
© Nicolas Bouvier, Thierry Vernet et sa femme Floristella Stephani à Ceylan, en 1955.
La « descente de l’Inde » / décembre 1954 – mars 1955 : le lyrisme de la route indienne
Lahore, deuxième ville du Pakistan, « une ville très personnelle qui vous saisit du premier coup… » ; Pendjab, la première ville de l’Inde ; Ambala, « une ville admirable sous un ciel qui était un ciel de véritable joaillerie » ; l’ancienne cité commerciale de Mathura sur l’axe Delhi-Bombay ; puis Gwalior où trouver réconfort, dans l'État indien du Madhya Pradesh : un nom qui tinte comme un bijou, vieille ville « jolie, menue, avec quelques chemins de poussière en velours… », aux odeurs « de girofle, de pâtisserie et de pneu surchauffé ». La « descente de l’Inde » est une descente en sauts de puce de quatre mois et demie, avant d’atteindre Ceylan. Il y a aussi l’incontournable Bombay, si snobée par les Européens, de par son côté très hybride :
« Bombay est, un peu comme l’Alexandrie d’avant-guerre, une ville qui héberge, qui habite un très grand nombre de communautés différentes : vous avez le milieu des Marathes, vous avez dans les affaires le milieu des Parsis, vous avez le milieu des cotonniers musulmans du Hyderabad qui travaillent sur le marché de Bombay, une colonie européenne importante et intéressante car ce sont des gens qui sont très épris du pays, enfin vous avez, parmi d’autres milieux, le milieu des Russes blancs et celui des Goanais. Et j’en oublie certainement. C’est donc une sorte de Babel très cosmopolite, dans laquelle une sorte de dialogue est-ouest, celui que Kipling jugeait impossible, peut parfaitement s’instaurer. » ([19])
The Grand Trunk Road relie Peshawar à Calcutta, sur plus de 3000 kilomètres. C’est là que Nicolas Bouvier dit avoir fait « la connaissance avec une seconde dimension de l’Inde, que j’appellerai le lyrisme de l’espace ». ([20])
Je traverse les récits de voyages de Nicolas Bouvier en un parcours ponctué de cahotements, de trépidations, qui donnent à ma lecture itinérante un certain tempo, comme un accès à des territoires hybrides de la pensée. Je mesure ce que l’espace, en termes de voyage, ou de déplacement sur une surface donnée, peut avoir de lyrique : le phrasé de son rythme cardiaque, le souffle de son alphabet, l’haleine de sa poésie.
Lire ces récits donne des couleurs à l’esprit : je me sens comme habitée du grand mystère du monde, et je ressens comme une amplitude à penser le voyage telle une opposition contre tout ce qui ne relève plus de l’incantation. Chaque voyage restitué par la mémoire, cette mémoire que l’on qualifie toujours de fragile, à la lisière du mensonge ou de l’amnésie, je me sens un être de chair et d’os dans la géomancie du monde. Je vibre de ma propre survivance. Le secret du monde est d’être un secret, et comme tout secret il ne peut que promettre un long voyage de vivre. Et au cœur du « vivre », les étincelles, les poussières, les scories.
Les voyages de Nicolas Bouvier sont des huiles aux couleurs primaires, des dessins à l’encre noire, des photographies de l’Ailleurs et Autrement. Ils esquissent une mémoire de reliefs, de perspectives, et par l’écriture empreinte de cet espace lyrique Nicolas Bouvier nous a restitué tous les grands spectacles de la route dont il fut un formidable observateur et témoin.
Au-dessus de la table où j’écris est accrochée une petite boussole d’acier bruni qui date de la guerre de 1914. Elle indique encore le Nord d’une aiguille qui tremble un peu ; le jour où elle cessera de le montrer, je mourrai. ([21])
Avril 2014 © Nathalie Riera (Les carnets d’eucharis)
L’usage du monde
AUTOUR DU « SAKI BAR »
[…] Sans l’odeur j’aurais pu oublier la journée. Mais malgré le savon, la douche, une chemise propre, je puais l’ordure. A chaque respiration, je revoyais cette plaine fumante et noire libérer par bouffées ses dernières molécules instables pour rejoindre enfin l’inertie élémentaire et le repos ; cette matière au bout de ses peines, au terme de ses réincarnations, dont cent ans d’ondée et de soleil n’auraient plus tiré un brin d’herbe. Les vautours qui picoraient ce néant ne manquaient pas de nerf ; la succulence de la charogne avait depuis longtemps déserté leur mémoire. La couleur, le goût, la forme même, fruits d’associations délicieuses, mais fugaces, n’étaient pas souvent au menu. Négligeant ces efflorescences passagères, perchés en pleine permanence, en pleine torpeur, ils digéraient la dure affirmation de Démocrite : ni le doux ni l’amer n’existent, mais seulement les atomes et le vide entre les atomes.[…]
[Extrait de « L’usage du monde » in Nicolas Bouvier, ŒUVRES– p.334]
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Chronique japonaise
I – LE CAHIER GRIS
[…] le froid, le poids du froid, son importance dans la vie ici : il entre du grelottement dans la musique japonaise, quant aux arbres ! ces branchures tordues anguleuses, comme s’ils avaient des crampes, comme si le froid s’en était mêlé. Et toutes ces attitudes du corps qui frappent dans le théâtre ou dans l’estampe : gestes étriqués, ramenés à soi, qui ont pour seul but d’empêcher la chaleur du corps de s’enfuir […]
[Extrait de « Chronique japonaise » in Nicolas Bouvier, ŒUVRES– p.499/500]
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Le poisson-scorpion
[…] Travaillé tout l’après-midi au récit de la bataille de Kadesh (1286 av. J.-C.). J’aime les Hittites, cette civilisation rustique et si clémente qui dort sous trois mille ans d’humus de feuilles de saules anatoliens. C’est pour moi ici un contrepoids de fraîcheur, et le moment de fixer des images encore nettes dans mon esprit. J’ai bon espoir aussi de vendre cet article. J’aime les Hittites parce qu’ils détestaient les chicanes. Tout ce que je connais d’eux n’est qu’une inlassable exhortation au bon sens. S’il fallait vraiment faire la guerre, alors ils la gagnaient, grâce à une charioterie incomparable et une tactique pleine d’astuces de derrière les fagots. Ramsès II a eu tort de leur chercher querelle. Malgré ses bas-reliefs triomphalistes, il s’est bel et bien fait rosser. J’ai revu cette empoignade sur l’Oronte comme si j’y étais : la poussière soulevée par les chars, les tiares, les cris d’agonie, les contingents grecs et philistins engagés contre l’Egypte, les bijoux sonores des putains qui suivaient les deux armées. J’avais la tête claire ; les mots qui me venaient pesaient comme un caillou dans la poche, calibré pour la fronde de David.
[Extrait de « Poisson-Scorpion » in Nicolas Bouvier, OEUVRES – p.767/768]
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D’UN PLUS PETIT QUE SOI…
Va voir la fourmi, paresseux, et inspire-toi de ses œuvres.
Proverbes, VI, 6.
[…] De tous mes pensionnaires, le cancrelat est le plus inoffensif et le plus irritant. Le cancrelat est un vaurien. Il n’a aucune tenue dans ce monde ni dans l’autre. Plutôt qu’une créature c’est un brouillon. Depuis le pliocène il n’a rien fait pour s’améliorer. Ne parlons pas de sa couleur tabac chiqué pour laquelle la nature ne s’était vraiment pas mise en frais. Mais ces évolutions erratiques, sans aucun projet décelable ! ce port de casque subalterne et furtif, cette couardise au moment du trépas ! Voilà pourquoi longtemps que je ne les écrase plus, à cause des fossoyeurs de toutes sortes, autrement dangereux, que ces dépouilles m’amènent. J’en reconnais même quelques uns, parmi les plus sales et les plus négligés – un léger clopinement, une aile rongée – auxquels j’ai donné des sobriquets affectueux mais dérisoires. Leur étourderie, souvent mortelle, me fait même sourire aujourd’hui. Leurs trajets sur ma table ou autour de ma chaise sont marqués par un affolement tel qu’il les fait parfois culbuter. D’un cancrelat sur le dos, autant dire qu’il est perdu et qu’il le sait. Il faut voir alors cet abdomen palpitant offert à la vigilance de tous les dards, pinces, mandibules, appétits qui mettent tant d’animation dans ce logis ; le battement des pattes qui télégraphient de mélancoliques adieux, la panique convulsive des antennes alertées par le frôlement d’un rôdeur qui s’approche ou par le vol irrité de la guêpe ichneumon qui cherche justement un garde-manger pour y pondre ses œufs. Il y a plus de monde qu’on ne l’imagine dans cette chambre où je me sens pourtant si seul et le cancrelat – Dieu soit loué – n’y compte pas que des amis. La vie des insectes ressemble en ceci à la nôtre on n’y a pas plutôt fait connaissance qu’il y a déjà un vainqueur et un vaincu.
[Extrait de « Poisson-Scorpion » in Nicolas Bouvier, OEUVRES – p.779/780]
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Tribulations d’un iconographe
BIBLIOTHÈQUES
[…] je n’ai pas oublié le jour où, ouvrant le traité d’anatomie de Rivière, publié par Estienne (1545), volume quasiment neuf légué à la bibliothèque en 1715, et jamais consulté parce que déjà caduc ou jugé libertin à cause des superbes femmes à chignon élégamment éviscérées, j’en avais décollé les pages avec un léger chuintement, l’encre, quatre siècles après l’édition, n’étant pas sèche. Journées entières de cette lanterne magique qui allait du XVe au XXe siècle, dans le silence et la lumière tamisée de cette petite officine et dans un « passé-présent » qui me montait à la tête. Heures vécues avec les images de Mantegna, de Dürer, de Calcar ou de Callot, et de tant d’autres, vivant dans un temps autre et sortant de ma petite « cagna » tout ébloui par le soleil de fin d’après-midi sur les pelouses de l’université, garnies d’odalisques-étudiantes en mini-jupes, et me disant, avec mes cinquante kilos de matériel sur le dos, et considéré par toutes comme un portefaix ou un Aliboron, que la « petite échelle fort officieuse » serait tout à fait de saison.
[Extrait de « Tribulations d’un iconographe » in Nicolas Bouvier, ŒUVRES– p.1096/1097]
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Les livres de Nicolas Bouvier :
L'Usage du monde, 1963, Payot poche, 1992
Japon, éditions Rencontre - L'Atlas des Voyages, Lausanne, 1967
Chronique japonaise, 1975, éditions Payot, 1989
Le Poisson-scorpion, 1982, éditions Gallimard, Folio, 1996
Les Boissonas, une dynastie de photographes, éditions Payot, Lausanne, 1983
Journal d'Aran et d'autres lieux, éditions Payot, 1990
L'Art populaire en Suisse, éditions Zoé 1991
Le Hibou et la baleine, éditions Zoé, Genève, 1993
Les Chemins du Halla-San, éditions Zoé, Genève, 1994
Comment va l'écriture ce matin ?, éditions Slatkine, Genève, 1996
Routes et déroutes, entretiens avec Irène Liechtenstein-Fall, Éditions Métropolis, 1997
La Chambre rouge et autres textes, éditions Métropolis, 1998
Le Dehors et le dedans, éditions Zoé, Genève, 1998
Entre errance et éternité, éditions Zoé, Genève, 1998
Une orchidée qu'on appela vanille, éditions Métropolis, Genève, 1998
Dans la vapeur blanche du soleil : les photographies de Nicolas Bouvier ; Nicolas Bouvier; Thierry Vernet; Pierre Starobinski; Éditeur : Genève : Zoe, 1999
La Guerre à huit ans, éditions Mini Zoé, Genève, 1999
L'Échappée belle, éloge de quelques pérégrins, éditions Métropolis, Genève, 2000
Histoires d'une image, éditions Zoé, Genève, 2001
L'Œil du voyageur, éditions Hoëbeke, 2001
Le Japon de Nicolas Bouvier, éditions Hoëbeke, 2002 (réédition de Japon, éditions Rencontre - L'atlas des Voyages)
Le Vide et le plein (Carnets du Japon, 1964-1970), éditions Hoëbeke 2004
Œuvres, Gallimard, 2004 (1428 pp, sous la direction d'Éliane Bouvier, préface de Christine Jordis). Contient : Premiers écrits ; L'Usage du monde ; La Descente de l'Inde ; Chronique japonaise ; Le Poisson-scorprion ; Le Dehors et le dedans ; Voyage dans les Lowlands ; Journal d'Aran et d'autres lieux ; L'Art populaire en Suisse (extraits) ; Histoires d'une image ; Le Hibou et la baleine ; La Chambre rouge ; La Guerre à huit ans ; Routes et déroutes + photographies, cartes, documents, biographie.
Charles-Albert Cingria en roue libre, éditions Zoé, Genève, 2005
Poussières et musiques du monde, CD Enregistrement de Zagreb à Tokyo
Correspondance des routes croisées 1945-1964, texte établi, annoté et présenté par Daniel Maggetti et Stéphane Pétermann, Éd. Zoé, Genève, 2010, 1650 pages.
Il faudra repartir, Voyages inédits, éditions Payot, 2012, textes réunis et présentés par François Laut, édition établie en collaboration avec Mario Pasa.
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Nicolas Bouvier, S’arracher, s’attacher
de Doris Jakubec et Marlyse Pietri, Nicolas Bouvier (photographies) (Louis Vuitton, « Collection VOYAGER AVEC… – 2013)
■Site Louis Vuitton http://www.louisvuitton.fr/front/#/fra_FR/Collections/Femme/Livres--ecriture
Doris Jakubec a dirigé pendant 23 ans le Centre de recherches sur les lettres romandes de l'Université de Lausanne et se consacre au rayonnement de la littérature romande par des conférences et des publications.
De Nicolas Bouvier, elle a préfacé Le Dehors et le Dedans dans l’édition Points Seuil et édité le livre posthume, Charles Albert Cingria en roue libre.
Marlyse Pietri est la fondatrice des Editions Zoé qu’elle a dirigées jusqu’en 2011.
Elle a publié de nombreux ouvrages de Nicolas Bouvier dont sa correspondance avec Thierry Vernet, la Correspondance des routes croisées.
Nicolas Bouvier, Oeuvres
Édition publiée sous la direction d'Eliane Bouvier avec la collaboration de Pierre Starobinski. Préface de Christine Jordis
(Quarto Gallimard – 2009)
■Site Gallimard http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Quarto/OEuvres11
À quel envoûtement obéit un jeune Suisse bien né, sur le berceau duquel les fées se sont penchées, pour «prendre la route» à 24 ans, ses diplômes en poche, en Fiat Topolino, mais sans un sou vaillant et pour un aller simple ? Il est décidé à en découdre. Avec lui-même, avec la vie et avec l'écriture. De la Yougoslavie au Japon, c'est dur, mais c'est cette dureté qu'il recherche : la descente en soi qui peut être illumination ou descente aux enfers, l'intensité de l'instant et l'ennui qu'il faut meubler avec des riens. Le pittoresque, l'observation ne sont que des supports à la quête de soi et à la douleur de l'écriture, mais ils nous valent des portraits truculents, des récits merveilleux car ce conteur est un enchanteur. Il fait son miel avec les surprises de la route qui ne sont pas ce que l'on croit. Ainsi ce corps encombrant qui réclame chaque jour sa pitance et que frappe un cortège de malarias, de jaunisses à répétitions, sans parler des dents qui prennent la poudre d'escampette. On s'en va «pour que la route vous plume, vous rince, vous essore, vous rende comme ces serviettes élimées par les lessives qu'on vous tend avec un éclat de savon dans les bordels... Sans ce détachement et cette transparence, comment espérer faire voir ce qu'on a vu ?». Mission accomplie. Nicolas Bouvier a payé sa livre de chair et bien au-delà, et son écriture de l'extrême exigence, de l'économie du mot, fait de nous des visionnaires par procuration auxquels il arrache «des râles de plaisir».
Il faudra repartir
Voyages inédits
(Payot – 2012)
■Site Payot
http://www.agendaculturel.com/Livre_Carnets_de_route
Des textes inédits rédigés en des pays sur lesquels le célèbre voyageur n'a rien publié de son vivant : telles sont les pépites de ses archives sur près d'un demi-siècle, du jeune homme de dix-huit ans qui, en 1948, écrit son premier récit de voyage entre Genève et Copenhague, rempli d'illusions qu'il veut 'rendre réelles', à l'écrivain reconnu qui, en 1992, sillonne les routes néo-zélandaises, à la fois fourbu et émerveillé. Tout le talent de Nicolas Bouvier apparaît dans ces carnets : portraitiste et observateur hors pair, mais également reporter, historien, ethnographe, conférencier, photographe, poète.
[1]Nicolas Bouvier, « Le Hibou et la Baleine », Zoé, 1993 – publié à l’occasion du film de Patricia Plattner, « Nicolas Bouvier, le hibou et la baleine ».
[2]« Réflexions sur l’espace et l’écriture » (p.1054) in Nicolas Bouvier Œuvres, Quarto Gallimard, 2009
[3] « Ces rêves venus du froid » (p.1099) in Nicolas Bouvier Œuvres, Quarto Gallimard, 2009
[4]Ibid., (p.1054)
[5]Ibid., (p.1057)
[6] « Notes en vrac sur le visage » (p.703/704) in Nicolas Bouvier Œuvres, Quarto Gallimard, 2009
[7] « Tribulations d’un iconographe » (p.1087) in Nicolas Bouvier Œuvres, Quarto Gallimard, 2009
[8] « Réflexions sur l’espace et l’écriture » (p.1054) in Nicolas Bouvier Œuvres, Quarto Gallimard, 2009
[9]Ibid., (p.1059)
[10]Ibid., (p.1062)
[11]Ibid., (p.1088)
[12](p.1077)
[13] (p.1085)
[14] « L’usage du monde » (p.344) in Nicolas Bouvier Œuvres, Quarto Gallimard, 2009
[15]Ibid., (p.353)
[16] « La descente de l’Inde » (p.460) in Nicolas Bouvier Œuvres, Quarto Gallimard, 2009
[17]Ibid., (p.463)
[18] « L’usage du monde » (p.379) in Nicolas Bouvier Œuvres, Quarto Gallimard, 2009
[19] « La descente de l’Inde » (p.464) in Nicolas Bouvier Œuvres, Quarto Gallimard, 2009
[20]Ibid., (p.444)
[21] Nicolas Bouvier, (Le Nord) Le hibou et la baleine
22:18 Publié dans Nathalie Riera, Nicolas Bouvier, NOTES DE LECTURES/RECENSIONS | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
Thierry Metz
DIERESE N°56
revue poétique et littéraire
■ Thierry Metz © Françoise Metz
Thierry Metz
Poète
(1956-1997)
Lecture Nathalie Riera
Thierry Metz
« quelques morceaux de lumière »
____________________________________________________________________________
■■■ « Né en 1956, Thierry Metz a choisi de disparaître le 16 avril 1997 », lit-on dans la nouvelle édition revue et augmentée de « L’homme qui penche » (Pleine Page, 2008). Puis, dans la préface de l’éditeur Didier Periz : « A l’époque, chaque matin, avant de me rendre au travail, je lisais de la poésie. C’était le meilleur moyen que j’avais trouvé d’affronter la journée. Je regagnais un peu de mon intérieur, quelques morceaux de lumière en guise de gilet pare-balles contre les agressions multiples de la vie sociale ». Dans son souvenir de Thierry Metz : « Je me souviens d’une crise d’éthylisme, un soir, entre le Cours Victor Hugo et la rue Sauvageau. Je me souviens qu’il nous a raconté la scène de l’accident de son fils sur la nationale 113 et qu’on a pleuré ». [1] Deux séjours au centre hospitalier de Cadillac, en Gironde, le 31 janvier 1997 Thierry Metz achève son journal « L’homme qui penche » (I et II):
Je ne sortirai pas d’ici, sans ce livre, sans ses perspectives. En plâtre. En papier. En chiffon. Les matériaux de ce qu’on peut être ici, matériaux psychiatriques, matériaux d’atelier, qu’on travaille et retravaille puis qu’on abandonne au premier venu.
Ce que nous sommes.
[fragment 60][2]
Ecrire pour reconstruire ? Comment y répondre ?
On ne peut pas lire Thierry Metz sans lui reconnaitre ce que bien des poètes critiques entendent du rôle de la poésie en ces temps dévastateurs. Vivre au plus près du quotidien et de l’ordinaire, se tenir à la source des êtres et des choses, se laisser saisir au cœur de la pleine réalité qui se veut le grand chemin d’apprentissage du poème. Le réel n’est pas une légende et n’a rien d’irrationnel. Et le tragique de toute vie, dans son ciel noir, est aussi un espace à l’empathie, une place à la profondeur. Que faire dans le réel ? « sinon restituer au chemin/son aujourd’hui ».
On gagne de relire Thierry Metz en ces temps de surenchère et d’arrogance verbale (« Soleil et coq sont les deux extrêmes/de ta parole »[3] ). Dans « Dolmen » (Prix Froissart, 1989), place non pas à l’empesé mais à l’élémentaire, car tout au long de son vivant, Thierry Metz n’aura pas réduit la poésie à un simple exercice de style. Aucune place à la sublimation pour le poète « échappé des fables ». Thierry Metz reste dans l’expérience de ce qui se vit et de ce qui est, et ce qu’il en recueille, dans l’espace de l’écriture se transmue en bribes lumineuses de ce peu de chose : « l’infime est plus sûr que le reste ».
Aucune nuit n’est exclue dans l’écriture du poème, et le monde jamais dessaisi de son énigme et de sa transparence.
[…] Pas un traité ni une parabole, je ne sais pas faire ça, je laisse ce travail aux abstinents ou à la raison pure. J’essaye, à ma manière et plus simplement, de faire entrer l’homme que je suis devenu dans la maison de la rencontre et de la réparation. Si ce n’est lui tout entier, au moins ses mains et son visage. Tout n’entrera pas.
[fragment 6]
Dans la maison de la rencontre et de la réparation :
Que seulement passent les heures.
Pour les empiler.
Pour conserver l’interrogation.
La délivrer des réponses.
[fragment 9]
…
Il n’y a ici qu’un va-et-vient de petites choses. Tout est toujours à convoquer. On atteint quelque chose non pour le dépasser mais pour l’atteindre encore.
[fragment 16]
…
[…] Le vrai travail est d’être aussi vide que ce temple.
[fragment 65]
Le projet d’écrire n’est pas un projet de guérison. La nuit est tombée sur Thierry Metz, et il a dédié cette nuit à tout cela qui lui fut donné, à tout cela qu’il a aimé.
■■■
Janvier 2012 © Nathalie Riera (pour la revue Diérèse N°56 – Printemps 2012)
■ LIEN : http://diereseetlesdeuxsiciles.com/57374.html
La revue Diérèse, créée il y a quatorze ans par Daniel Martinez, s'attache à publier des textes inédits d'auteurs du monde entier. Elle propose aussi des textes de réflexion autour de livres et de films. Chaque numéro comporte environ 270 pages. Elle a notamment publié des textes de Jean-Claude Pirotte, Michel Butor, Pierre Dhainaut, Isabelle Lévesque, Henri Meschonnic (+), Max Alhau, Bernard Noël, Lionel Ray, Richard Rognet, Jean Rousselot (+), Chantal Dupuy-Dunier, Jacques Ancet, Ariane Dreyfus, Françoise Hàn, Yves Charnet, Joël Vernet...Le numéro 52/53, déjà entièrement consacré à Thierry Metz, est toujours disponible.
Diérèse n°56 (mai 2012) est consacré à Thierry Metz : Poèmes inédits, lettres, dédicaces, photographies... Dossier dirigé par Daniel Martinez et Isabelle Lévesque. Avec des textes de : Sophie Avon, Gérard Bocholier, Lionel Bourg, Gérard Bourgadier, Eric Dazzan, Pierre Dhainaut, Bernadette Engel-Roux, Gilles Lades, Paul Leuquet, Isabelle Lévesque, Daniel Martinez, Jean-Michel Maulpoix, Hervé Planquois, Nathalie Riera, Joël Vernet, Muriel Verstichel, Christian Viguié... Illustrations de Denis Castaing et de Michel Bourçon.
13:07 Publié dans Nathalie Riera, NOTES DE LECTURES/RECENSIONS, Thierry Metz | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
13/04/2014
Les Carnets d'Eucharis N°41 - Printemps 2014
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Poésie | Littérature Photographie | Arts plastiques
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en ligne
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Les carnets d’eucharis n°41
PRINTEMPS 2014
[« La série des malles »]
© Nathalie Riera, 2014| Improvisation depuis ma terrasse…
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02:30 Publié dans LES CARNETS D'EUCHARIS (pdf & calaméo), Nathalie Riera | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
04/04/2014
K.O.S.H.K.O.N.O.N.G. (revue dirigée par Jean Daive - Chez Eric Pesty Editeur)
Note d'intention pour K.O.S.H.K.O.N.O.N.G.
Koshkonong est un mot indien Winnebago qui donne son nom à un lac important du Wisconsin —
Il signifie au-delà de toutes les polémiques d'hier et d'aujourd'hui : " The Lake we Live on" — Le Lac qui est la vie.
C'est là que Lorine Niedecker est née et a vécu, dont les poèmes ouvrent le premier numéro de K.O.S.H.K.O.N.O.N.G. Son œuvre poétique, d'une singularité sans partage et d'une intensité sans exemple, même si Robert Creeley l'a comparée à Emily Dickinson, intègre langue et lieu — langue indienne et sa nature — à sa propre langue (américaine du Wisconsin). Le poème de Lorine Niedecker fait d'échos, de résonances, introduit une écoute autre à propos d'accents autres et de sens autres.
Un monde secret ou un monde du secret, mettant l'existence hors de portée, est à l'origine de cette écriture qui observe la vie sous l'emprise d'une humidité extrême : eaux glacées, grands bois humides, mousses, fougères, champignons, moisissures, vents constants et mouillés, air trempé de brume — toute une humidité-humanité ne cessant jamais d'alimenter la disparition des défenses de l'homme.
L'écriture principalement connaît trois phénomènes : la main, la voix, le mur. Le mur est une manifestation qui s'adresse le plus naturellement du monde à l'homme, quel que soit son état de marche, quel que soit son état de cœur : le mur qui écrit la revendication, le mur des amoureux, des accusations, le mur des avis, notices, affiches, placards, proclamations, le mur des graffitis, des signes, des mots bombés, le mur est manifestation de l'urgence, de l'injustice, du procès, de la contagion, de l'épidémie.
K.O.S.H.K.O.N.O.N.G. est une revue qui veut prendre en compte toutes les résonances de la langue et l'urgence, toutes les désaccentuations possibles et l'alerte.
K.O.S.H.K.O.N.O.N.G. est une revue de l'ultimatum.
JEAN DAIVE.
K.O.S.H.K.O.N.O.N.G. paraît trois fois l'an.
Bulletin d'abonnement pour trois numéros : 29 euros. Chèque à libeller à l'ordre d'Éric Pesty Éditeur - 10, rue des Mauvestis, 13002 Marseille - accompagné de vos coordonnées postales.
22:01 Publié dans K.O.S.H.K.O.N.O.N.G. | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
Antoine De Baecque, La traversée des Alpes
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Tout au long de ces vingt-six étapes de sept à neuf heures de marche quotidienne, j’ai pu mesurer l’endurance du randonneur, ressentir le rythme de ses déplacements, saisir l’importance des rites et des gestes qui scandent sa journée, mettre à l’épreuve mon corps, tenter de le protéger, de le préserver, de le soigner, de le laver, de le nourrir. J’ai pu sentir mes émotions face aux paysages, à la solitude, à l’existence en montagne, j’ai fait l’expérience de rencontres, avec des gardiens de refuge, des randonneurs français et étrangers, des animaux divers. En randonnant sur le GR5, je comprenais ainsi que ce livre devait porter sur l’histoire des évolutions du corps du marcheur, ancien, moderne, contemporain, sur l’histoire de sa résistance à l’effort et à la douleur, sur ses rythmes de progression, son hygiène, sa nourriture, ses soins, son équipement ou ses sensations. C’est également à travers mes rencontres que j’ai pu esquisser concrètement une sociologie des marcheurs, qui montre, par exemple, le vieillissement de l’âge moyen des adeptes du GR5, la diversification toujours grandissante de leurs horizons sociaux et culturels, la naissance et l’épanouissement de métiers de montagne spécifiquement liés au passage du sentier. S’impose, à travers mon regard posé sur ces paysages de montagne tout au long de ma traversée, une histoire des sensibilités du corps au cadre alpin.
ANTOINE DE BAECQUE
........................... (p.23)
…
La traversée des Alpes
Essai d’histoire marchée
ANTOINE DE BAECQUE
NRF EIDTIONS GALLIMARD
Bibliothèque des Histoires
Date de parution : le 20 mars 2014
Site éditeur | © ICI
4ème DE COUVERTURE
Le 6 septembre 2009, Antoine de Baecque se lance sur le GR5, un sac de dix-sept kilos sur le dos, pour un mois de randonnée solitaire à travers les Alpes, depuis le lac Léman jusqu’à la Méditerranée : six cent cinquante kilomètres, trente mille mètres de dénivelée, sept à neuf heures de marche quotidienne. De cette aventure, il a tiré un exercice d’histoire expérimentale mêlant études savantes sur les Alpes et l’aménagement de la montagne et recherche personnelle, «par les pieds», attentive au corps.
L’auteur raconte la genèse du GR5, tantôt chemin de pèlerinage, tantôt sentier commercial ou de contrebande, draille de la transhumance ou voie militaire. Il montre comment il s’est constitué en emblème, remontant à ses pionniers randonneurs, suivant ses «aménageurs», proposant une typologie de ses usages et une sociologie de ses usagers. De plus, il fait le récit au jour le jour de cette «grande traversée des Alpes» qu’il a désiré éprouver lui-même.
Il résulte de cette expérience une forme originale d’écriture de l’histoire, un essai d’histoire marchée. Née de l’avancée du randonneur, celle-ci rend compte de la progression le long d’un sentier et, dans la foulée, plonge dans l’histoire même de ce sentier, les strates multiséculaires laissées par les circulations alpines passées. Ainsi permet-elle au lecteur lui-même de suivre, au rythme de la marche, le chemin qui va dans la montagne.
[FEUILLETER LE LIVRE]
/flipbook| © Cliquer ICI
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■■■ Antoine De Baecque
Historien et critique, professeur d’histoire du cinéma à l’université de Nanterre. Il a publié aux éditions Gallimard L’histoire-caméra (2008) et chez Gallimard Jeunesse Giboulées (en collaboration avec Pierre Guislain) Objectif cinéma (2013).
15:05 Publié dans Antoine De Baecque | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : antoine de baecque;la traversée des alpes;les carnets d'eucharis | Imprimer | | Facebook
03/04/2014
Angèle Paoli - De l'autre côté (éd. du Petit Pois, 2013)
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5
mouvement de pivot
le paysage s’inverse
la route entre dans le décor
asphalte bande blanche filent
le talus se rapproche
fils-de-chardons en
sur-lignage
[la Punta di Minerviu plonge
l’îlot du Stintinu
un point ponctue la montagne]
le ciel la mer fusent
dans le mur de pierre
collision de-bleus-de-bruns dorés
étendues lisses
échancrures-dentelles
ANGELE PAOLI...........................
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et ligne après ligne/and line after line
Du côté de chez…
Angèle Paoli
© ANGELE PAOLI | © Guidu Antonietti Di Cinarca
De l’autre côté
Les éditi•ns du Petit P•is
- Collection Prime Abord -
2013
Site éditeur | © http://cordesse.typepad.com/leseditionsdupetitpois/2013/10/de-lautre-c%C3%B4t%C3%A9.html
9
le miroir / s’incline / sur la gauche
large bande de lumière / diagonale
sur la roche
[moi] ? dedans même inclinaison
visage à découvert sérieux
front plissé / je / cherche
qui d’autre que moi ?
torsade bleue foulard / autour / le long
la main (en) insert paume courbée
doigts repliés
des filaments traversent
dos arrondi
feuillages pris
dans leur masse
verdure
...............................
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■■■ Angèle Paoli
Née à Bastia, Angèle Paoli a enseigné pendant de nombreuses années la littérature française et l’italien.
Elle vit actuellement dans le Cap Corse, où elle développe la revue numérique de critique et de poésie Terres de femmes, créée en 2004 avec son mari éditeur Yves Thomas et le photographe et architecte Guidu Antonietti di Cinarca. Parmi ses publications : Le Lion des Abruzzes, éditions Cousu Main, 2009 ; Carnets de marche, éditions du Petit Pois, 2010 ; Camaïeux, livre d’artiste, éditions Les Aresquiers, 2010 ; Solitude des seuils, livre d’artiste, éditions Le Verbe et L’Empreinte [Marc Pessin], 2011 ; La Figue, livre d’artiste, 2012. Préface de Denise Le Dantec ; Les Romans de la Corse (avec Paul-François Paoli),éditions du Rocher, 2012 ; Solitude des seuils, Colonna Édition, 2012. Liminaire de Jean-Louis Giovannoni ; De l’autre côté, éditions du Petit Pois, 2013. Angèle Paoli a aussi publié des poèmes et/ou articles dans de nombreuses anthologies (dont l'anthologie Pas d'ici, pas d'ailleurs, qu'elle a coordonnée avec Sabine Huyhn, Andrée Lacelle et Aurélie Tourniaire, éditions Voix d'encre, 2012) et revues (parmi lesquelles Europe, Siècle 21, La Revue des Archers, NU(e), Semicerchio, Thauma, Diérèse…). Le Prix européen de la critique poétique francophone Aristote 2013 lui a été attribué par le Cénacle européen francophone de Poésie, Art et Littérature.
SITES À CONSULTER
[TERRES DE FEMMES]
Site de l’auteur| © Cliquer ICI
[RECOURS AU POEME]
Plusieurs articles| © Cliquer ICI
[LES EDITIONS DU ROCHER]
Editions de : Les romans de la Corse | © Cliquer ICI
[SITAUDIS]
| © Cliquer ICI
[TERRE A CIEL]
| © Cliquer ICI
14:40 Publié dans Angèle Paoli, Les Editions du Petit Pois | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
02/04/2014
Alexis Pelletier
Alexis Pelletier © [Photo : Adrienne Arth]
:- :- :- :- :- :-
Début d’un livre en cours et sans titre
Il y a le mot lumière et commencer ainsi
c’est dire en un instant la force d’une attente
toute une histoire en somme qui s’en vient et dans
le corps rien d’autre qu’elle au présent n’est possible
Des mots ou des sons mettent en place le monde
Et quel sens surgit avec eux je ne sais pas
La lumière vient au corps et je ne sais pas
ce qui se passe chaque mot est verbe étrange
dans Terraqué Guillevic le dit de la langue
et moi de marmonner si bien que celle-ci
devient un horizon sonore où tout se perd
et qu’aussi j’ai l’impression malgré la lumière
d’avancer en aveugle ou d’être bien perdu
car de ma relation aux mots je ne sais rien
je ne sais pas
Souvent cela peut signifier
qu’un poème est en cours
J’en pressens l’initial
il y a de la lumière et c’est comme un grand vide
Si j’avance maintenant qu’elle est sans pourquoi
éclaire parce qu’elle éclaire sans souci
d’elle-même et sans demander si on la voit
quelque chose d’ancien bondit pour dire que
rien n’est possible à ce moment si ce n’est une
peur insituable presque et amenant à elle
un lot de pensées qui tournent en rond m’entraînent
sans fin
Bonjour à Silesius et à qui d’autre
:- :- :- :- :- :-
Des mots venus quand il y a de la lumière
l’automne est malade et adoré avant de
voir par la fenêtre le cerisier rougeâtre
le bouleau plus jaune et loin en arrière-plan
les marronniers en dégradé de vert encore
Des couleurs aussi viennent avec la lumière
viennent de la lumière même du soleil
À l’instant je trouve la lumière c’est le
soleil
Rien d’extraordinaire dans la phrase
sauf à dire l’étagement des références
si c’est possible avec un effet boomerang
La lumière c’est le soleil
Quand cette phrase
s’est imposée à moi il a fallu que je
m’arrête à cause de la violence des mots
qui se sont enchaînés
Comment dire autrement
:- :- :- :- :- :-
La lumière c’est le soleil autrement dit
le soleil ne se voit que d’en bas comme toutes
les étoiles on lève donc les yeux vers lui
et de constater qu’avec la lumière vient
cette sensation de n’être au monde que pour
se heurter aux énigmes à tous les délires
mystiques à tout ce qui m’éloigne de toi
alors que je veux dans ton écoute savoir
ce qu’est au juste la lumière et si nous la
percevons à l’identique et si par hasard
tu sais dire son origine dont j’ai lu
quelque part qu’elle restait toujours improbable
Et ta réponse parlera de l’énergie
que la matière absorbe et qu’elle peut stocker
ou émettre et tout cela me fait regretter
de mal lire le latin de ne pas traduire
ici des vers de Lucrèce je pense à l’hymne
à Vénus qui trouve en la déesse une mère
une origine indiscutable à la lumière
Dans le langage toujours avec l’impression
d’étrangeté dans la langue pour que bascule
mon poème vers où je ne sais pas
Aucune
invention personne pour y croire la langue
maternelle une matière où presque rien n’est
su et si par exemple je parle autrement
qu’en latin dans ces vers
Et qu’est-ce que traduire
de Michael Palmer Sun par exemple ou bien
plus loin dans le temps le De Natura Rerum
L’étrangeté aussi quand la langue nous montre
cette énergie lui permettant d’absorber tout
d’aborder toutes les lumières même celle
de l’encre des mots sur la page ou dans le corps
:- :- :- :- :- :-
Je sais bien qu’on appelle photons ces paquets
d’énergie livrés par la lumière et ça dit
sans doute quelque chose de précis à tous
les astronomes physiciens ou scientifiques
ou encore à celui qu’autrefois l’on nommait
honnête homme mais voilà que mon vers se fait
doctoral amenant avec lui la rengaine
les photons mis en vers tu ne t’y attends pas
ça dit quoi au juste de l’origine de
la lumière je voudrais savoir simplement
comment elle est née sans aucune épiphanie
mystique une version qui mette fin au noir
du cosmos à l’angoisse de notre ignorance
Michael Palmer désigne l’espace d’un temps
une station d’apaisement quand il écrit
que le soleil embrase puis divise mais
si ça évoque d’une manière pas trop
abstraite ce sujet de l’origine de
la lumière en aucun cas c’est une réponse
mais plutôt juste un signe un clin d’œil vers Lucrèce
qui lui m’arrête à chaque fois que je le lis
aux mêmes pages je veux dire aux mêmes vers
et par exemple au livre deux ceci très fort
qu’il ne peut y avoir de couleur sans lumière
et bien plus que la couleur se transforme avec
la lumière elle-même selon l’inclinaison
des rayons obliques ou directs tout ainsi
qu’au cou le plumage des colombes
brille de divers éclats les feux du rubis
le bleu du ciel tu ne penses plus à Lucrèce
ou le vert de l’émeraude sans oublier
la queue du paon cela autour des vers huit cent
je t’épargne la suite d’un piètre exercice
Plus loin dans le quatrième livre toujours
Lucrèce évoquant les simulacres petits
corps invisibles qui affectent l’âme et qui
façonnent nos sensations a cette ouverture
sur la vitesse de la lumière et c’est bien
le soleil qui ne doit mettre que fort peu de
temps pour emplir l’univers avec des rayons
innombrables et créés dans l’instant voilà
qui saisit le livre quatre fait signe vers
l’histoire des photons tu restes bouche bée
:- :- :- :- :- :-
© Alexis Pelletier
Les carnets d'eucharis N°41 (printemps 2014)
■■■
NOTICE BIO&BIBLIOGRAPHIQUE
Alexis Pelletier est né en 1964 à Paris.
Son écriture se développe dans diverses directions.
D’une part, le personnage de Mlash, qu’on retrouve dans plusieurs ouvrages, marque la volonté d’une confrontation critique à l’univers fictif.
D’autre part, ses poèmes se tournent vers les arts plastiques, vers la danse et surtout vers la musique contemporaine. Depuis 2006, il travaille régulièrement avec le compositeur Dominique Lemaître, notamment dans des concerts poétiques avec l’Ensemble Accroche-Notes, l’Ensemble Orchestral Contemporain, l’Ensemble Stravinsky, l’Ensemble Campsis, François Veilhan, Thierry Miroglio, Ancuza Aprodu). En 2011, le spectacle Les Tableaux de Bruno, autour des Tableaux d’une exposition de Moussorgski/Ravela été joué par l’Orchestre l’Opéra de Rouen Haute-Normandie dirigé par Luciano Acocella, avec le comédien Bruno Bayeux. Et, en mars 2013, le même orchestre dirigé par Oswald Sallaberger et le comédien Pierre Delmotte ont joué Notes d’impressions autour d’œuvres de Ravel, Roussel, Caplet et Ives, mise en espace d’Anne Marguerin.
Enfin, sa poésie est également soucieuse de l’époque actuelle, difficile à saisir.
Alexis Pelletier a également publié aux éditions P.O.L un livre d’entretiens avec l’un des fondateurs du nouveau roman, Claude Ollier, Cité de mémoire en 1996. Il participe, en outre, depuis une quinzaine d’années, au comité d’entretiens de la revue Triages et publie des notes de lectures dans diverses revues ou sites internet : CCP, Poezibao, etc.
Bibliographie :
Tout Mlash - Tarabuste, 1999
Un journal épisodique - Tarabuste, 2004
Résonances - Christophe Chomant éditeur, 2006
Mlash ou encore - Tarabuste, 2006
Le Grand Réel - Daniel Duchoze, 2008
Quelques mesures dans l’époque - Voix d’encre, 2008
De ce qui vient - Cahiers Intempestifs n°21, 2008
51 partitions de Dominique Lemaître - Tarabuste, 2009
Encore un petit Mlash - Revue ficelle n°93, 2009
PSALMLASH (livre-cd) - Vincent Rougier, 2012
Comment quelque chose suivi de Quel effacement - L’Escampette, 2012
Comment ça s’appelle - Tarabuste, 2012
Mains tenues – Éditions de l’Amandier, 2013
Du silence et de quelques spectres (livre-cd avec le compositeur Dominique Lemaître, à paraître aux éditions Clarisse, mars 2014)
23:36 Publié dans Alexis Pelletier | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
Jos Roy - De suc & d'espoir / With Sap & Hope
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Sous les paupières d’argile
tous
portent regard
vaste&vide vers la parfaite boucle
tempsclouéd’espace
tous morts vifs
peuplés par l’acte du mot
infini
Under the eyelids of day
each of them
turns his vast&empty
gaze towards the perfect loop
timenailedwithspace
each of them dead quick
peopled by the act of the infinite
word
JOS ROY...........................
…
De suc & d’espoir / With Sap & Hope
Jos Roy
Black Herald Press
date de parution : April 2014 / avril 2014
Poèmes choisis / Selected poems
54 pages - 10 € / £8 / $14
ISBN 978-2-919582-08-2
À paraître le 25 avril
Forthcoming, April 25
Recueil bilingue / bilingual collection
(translated from the French by B. Longre, with P. Stubbs)
Site éditeur | © ICI
DE SUC & D’ESPOIR
Si la poésie de Jos Roy nous confronte à la difficulté et au paradoxe, il faut dire aussi qu’elle déploie un mode d’expression empreint d’une absorption inaliénable, essentielle. Mystérieux, tant sur le plan génétique qu’étymologique, ses poèmes pourtant s’éclaircissent pleinement, imprégnés de secousses surnaturelles et d’élans de pensées qui restent encore à discerner. Rien n’y est vague cependant, rien n’y est laissé au hasard. Ces textes englobent tout ce qui, au cœur du langage, échappe à l’expérience humaine et nous en sépare ; et tandis que la puissance et l’éloquence de chaque poème découlent de tumultes verbaux et syntaxiques latents, les dialogues elliptiques surviennent d’entre les mots, d’entre les images, révélant une voix d’une pureté et d’une complexité comparables à celles de la prière. Jos Roy préserve sa parole en effaçant ce qui, selon le temps linéaire, renonce aux accrétions et aux attachements du soi – ainsi s’abandonnant, et s’adressant directement à nous d’une voix désincarnée qui finit par se détacher de l’âme pour flotter vers un lieu intemporel « où le monde claque net / comme un chant de bataille / où chaque ombre bascule vers sa clairvoyance ».
If the poems of Jos Roy confront us with difficulty and paradox, then they also develop a mode of utterance replete with the essence of an inalienable raptness. Both genetically and etymologically cryptic, the poems unravel full of unworldly jolts and as yet undiagnosed pulses of thought. Nothing in them though is vague, nothing left to chance. They encompass all of what in language escapes and separates us from human experience; and while the power and pathos in each poem arises via latent and syntactical word-storms, the elliptical dialogues occur in-between word and word, image and image, to reveal to us a voice as pure and complex as that of prayer. Jos Roy preserves her voice by effacing what, in linear time, renounces the accretions and attachments of selfhood; thus she gives up herself and speaks to us directly in a disembodied voice, one that floats free finally of the soul, to arrive at a point in no-time ‘where the world snaps neatly / like a war song / where every shadow collapses towards its own clear-sightedness’.
(4ème DE COUVERTURE)
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■■■ Jos Roy
Née à Bidart, village côtier basque, il y a maintenant longtemps. Parents basque et gascon, charnégou comme on dit, sang-mêlée marginale. Des études diverses. Des professions en passant. De la lecture. De l’écriture. Publications dans quelques revues (The Black Herald, Diptyque, Les Carnets d’Eucharis…) ; participation à des ouvrages collectifs locaux ; dans le monde flottant des blogs, risque une empreinte régulière.
Jos Roy is a poet who lives in the French Basque region. Her writing has appeared in various magazines (The Black Herald, Diptyque, Les Carnets d’Eucharis…).
SITES À CONSULTER
[BOUTS DE DECEMBRE/jos roy]
Extraits
Sur le site : Enjambées fauves | © Cliquer ICI
[LE POEME SAUVAGE]
Extraits
Sur le blog : Jean-Pierre Longre | © Cliquer ICI
[Lui – … Elle –]
Extraits
Sur le site : Anthologie Poétique/Terres de Femmes | © Cliquer ICI
[Ilbide]
Extraits
Les carnets d’eucharis n°29 – Juillet/Août 2011
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