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02/04/2014

Alexis Pelletier

 

Alexis Pelletier © [Photo : Adrienne Arth]

 

 

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Début d’un  livre en cours et sans titre

 

 

 

 

 

 

 

Il y a le mot lumière et commencer ainsi

c’est dire en un instant la force d’une attente

toute une histoire en somme qui s’en vient et dans

le corps rien d’autre qu’elle au présent n’est possible

 

Des mots ou des sons mettent en place le monde

Et quel sens surgit avec eux je ne sais pas

 

La lumière vient au corps et je ne sais pas

ce qui se passe chaque mot est verbe étrange

dans Terraqué Guillevic le dit de la langue 

et moi de marmonner si bien que celle-ci 

devient un horizon sonore où tout se perd

et qu’aussi j’ai l’impression malgré la lumière

d’avancer en aveugle ou d’être bien perdu

car de ma relation aux mots je ne sais rien

je ne sais pas

Souvent cela peut signifier

qu’un poème est en cours

J’en pressens l’initial

il y a de la lumière et c’est comme un grand vide

 

Si j’avance maintenant qu’elle est sans pourquoi

éclaire parce qu’elle éclaire sans souci

d’elle-même et sans demander si on la voit

quelque chose d’ancien bondit pour dire que

rien n’est possible à ce moment si ce n’est une

peur insituable presque et amenant à elle

un lot de pensées qui tournent en rond m’entraînent

sans fin

Bonjour à Silesius et à qui d’autre

 

 

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Des mots venus quand il y a de la lumière

l’automne est malade et adoré avant de

voir par la fenêtre le cerisier rougeâtre

le bouleau plus jaune et loin en arrière-plan

les marronniers en dégradé de vert encore

 

Des couleurs aussi viennent avec la lumière

viennent de la lumière même du soleil

 

À l’instant je trouve la lumière c’est le

soleil

    Rien d’extraordinaire dans la phrase

sauf à dire l’étagement des références

si c’est possible avec un effet boomerang

 

La lumière c’est le soleil

                                         Quand cette phrase

s’est imposée à moi il a fallu que je

m’arrête à cause de la violence des mots

qui se sont enchaînés

                                      Comment dire autrement

 

 

:- :- :- :- :- :-

 

 


La lumière c’est le soleil autrement dit

le soleil ne se voit que d’en bas comme toutes

les étoiles on lève donc les yeux vers lui

et de constater qu’avec la lumière vient

cette sensation de n’être au monde que pour

se heurter aux énigmes à tous les délires

mystiques à tout ce qui m’éloigne de toi

alors que je veux dans ton écoute savoir

ce qu’est au juste la lumière et si nous la

percevons à l’identique et si par hasard

tu sais dire son origine dont j’ai lu 

quelque part qu’elle restait toujours improbable

 

Et ta réponse parlera de l’énergie

que la matière absorbe et qu’elle peut stocker

ou émettre et tout cela me fait regretter

de mal lire le latin de ne pas traduire

ici des vers de Lucrèce je pense à l’hymne

à Vénus qui trouve en la déesse une mère

une origine indiscutable à la lumière

 

Dans le langage toujours avec l’impression

d’étrangeté dans la langue pour que bascule

mon poème vers où je ne sais pas

Aucune

invention personne pour y croire la langue

maternelle une matière où presque rien n’est

su et si par exemple je parle autrement

qu’en latin dans ces vers

   Et qu’est-ce que traduire

de Michael Palmer Sun par exemple ou bien

plus loin dans le temps le De Natura Rerum 

 

L’étrangeté aussi quand la langue nous montre

cette énergie lui permettant d’absorber tout

d’aborder toutes les lumières même celle

de l’encre des mots sur la page ou dans le corps

 

 

:- :- :- :- :- :-

 

 

  

Je sais bien qu’on appelle photons ces paquets

d’énergie livrés par la lumière et ça dit

sans doute quelque chose de précis à tous

les astronomes physiciens ou scientifiques

ou encore à celui qu’autrefois l’on nommait

honnête homme mais voilà que mon vers se fait

doctoral amenant avec lui la rengaine

les photons mis en vers tu ne t’y attends pas

ça dit quoi au juste de l’origine de

la lumière je voudrais savoir simplement

comment elle est née sans aucune épiphanie

mystique une version qui mette fin au noir

du cosmos à l’angoisse de notre ignorance

 

Michael Palmer désigne l’espace d’un temps

une station d’apaisement quand il écrit

que le soleil embrase puis divise mais

si ça évoque d’une manière pas trop  

abstraite ce sujet de l’origine de 

la lumière en aucun cas c’est une réponse

mais plutôt juste un signe un clin d’œil vers Lucrèce

qui lui m’arrête à chaque fois que je le lis

aux mêmes pages je veux dire aux mêmes vers

et par exemple au livre deux ceci très fort

qu’il ne peut y avoir de couleur sans lumière

et bien plus que la couleur se transforme avec

la lumière elle-même selon l’inclinaison

des rayons obliques ou directs tout ainsi

qu’au cou le plumage des colombes

brille de divers éclats les feux du rubis

le bleu du ciel tu ne penses plus à Lucrèce

ou le vert de l’émeraude sans oublier

la queue du paon cela autour des vers huit cent

je t’épargne la suite d’un piètre exercice

 

Plus loin dans le quatrième livre toujours

Lucrèce évoquant les simulacres petits

corps invisibles qui affectent l’âme et qui

façonnent nos sensations a cette ouverture

sur la vitesse de la lumière et c’est bien

le soleil qui ne doit mettre que fort peu de

temps pour emplir l’univers avec des rayons

innombrables et créés dans l’instant voilà

qui saisit le livre quatre fait signe vers

l’histoire des photons tu restes bouche bée

 

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© Alexis Pelletier

Les carnets d'eucharis N°41 (printemps 2014)

 

 

 

 

 

NOTICE BIO&BIBLIOGRAPHIQUE

Alexis Pelletier est né en 1964 à Paris.

Son écriture se développe dans diverses directions.

D’une part, le personnage de Mlash, qu’on retrouve dans plusieurs ouvrages, marque la volonté d’une confrontation critique à l’univers fictif.

D’autre part, ses poèmes se tournent vers les arts plastiques, vers la danse et surtout vers la musique contemporaine.  Depuis 2006, il travaille régulièrement avec le compositeur Dominique Lemaître, notamment dans des concerts poétiques avec l’Ensemble Accroche-Notes, l’Ensemble Orchestral Contemporain, l’Ensemble Stravinsky, l’Ensemble Campsis, François Veilhan, Thierry Miroglio, Ancuza Aprodu). En 2011, le spectacle Les Tableaux de Bruno, autour des Tableaux d’une exposition de Moussorgski/Ravela été joué par l’Orchestre l’Opéra de Rouen Haute-Normandie dirigé par Luciano Acocella, avec le comédien Bruno Bayeux. Et, en mars 2013, le même orchestre dirigé par Oswald Sallaberger et le comédien  Pierre Delmotte ont joué Notes d’impressions  autour d’œuvres de Ravel, Roussel, Caplet et Ives, mise en espace d’Anne Marguerin.

Enfin, sa poésie est également soucieuse de l’époque actuelle, difficile à saisir. 

Alexis Pelletier a également publié aux éditions P.O.L un livre d’entretiens avec l’un des fondateurs du nouveau roman, Claude Ollier, Cité de mémoire en 1996.  Il participe, en outre, depuis une quinzaine d’années, au comité d’entretiens de la revue Triages et publie des notes de lectures dans diverses revues ou sites internet : CCP, Poezibao, etc.

 

Bibliographie :

Tout Mlash - Tarabuste, 1999

Un journal épisodique  - Tarabuste, 2004

Résonances - Christophe Chomant éditeur, 2006

Mlash ou encore - Tarabuste, 2006

Le Grand Réel - Daniel Duchoze, 2008

Quelques mesures dans l’époque - Voix d’encre, 2008

De ce qui vient - Cahiers Intempestifs n°21, 2008

51 partitions de Dominique Lemaître - Tarabuste, 2009

Encore un petit Mlash - Revue ficelle n°93, 2009

PSALMLASH (livre-cd) - Vincent Rougier, 2012

Comment quelque chose suivi de Quel effacement - L’Escampette, 2012

Comment ça s’appelle - Tarabuste, 2012

Mains tenues – Éditions de l’Amandier, 2013

Du silence et de quelques spectres  (livre-cd avec le compositeur Dominique Lemaître, à paraître aux éditions Clarisse, mars 2014)

 

 

 

 

 

 

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