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09/09/2017

To Each Unfolding Leaf

 

 

 

 

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Pierre Voélin

 

To Each Unfolding Leaf

 

To Each Unfolding Leaf est une anthologie américaine proposée et dirigée par John Taylor. Son choix est porté sur une partie de l’œuvre poétique de Pierre Voélin, depuis ses premiers recueils – Sur la mort brève (1984) et Les Bois calmés (1987) – jusqu’aux plus récents – Y (2015) et Des voix dans l’autre langue (2015). Les poèmes sélectionnés s’étendent sur quatre décennies, de 1976 à 2015.

Ainsi que le souligne John Taylor, si Pierre Voélin est sans conteste l’une des figures les plus importantes de la poésie contemporaine suisse francophone, il reste toujours très peu connu des pays anglophones. J. Taylor assure une longue introduction en même temps que la traduction (du français à l’anglais) de l’ensemble paru récemment à New York chez l’éditeur Paul Roth de Bitter Oleander Press.

Né en 1949, à Courgenay, dans le Jura, Pierre Voélin dira être « Suisse par inadvertance ». À ce propos, J. Taylor nous met en garde, ce serait une grave erreur de lire la poésie de P. Voélin dans un contexte littéraire exclusivement suisse. Parmi les influences poétiques de sa jeunesse, on peut allégrement citer, au premier chef René Char, puis Henri Michaux et Francis Ponge, sans omettre son admiration pour Jacques Dupin et Jean Grosjean.

Sur cette étendue de 40 années de poésie, les paysages évoluent dans leurs particularités, nous assurant que le pouvoir de la poésie est d’être toujours « ce mince filet d’eau que l’on continue d’entendre au cœur de la nuit ». P. Voélin est particulièrement sensible aux tragédies de l’Histoire (les génocides de la Shoah, du Rwanda, la guerre en ex-Yougoslavie) et à la nuit des poètes qui ont souffert de l’enfer de leur temps (Akhmatova, Mandelstam, Celan…). Marion Graf précise que « La diction de Voélin, brisée, étincelante, elliptique, reste marquée par la fréquentation décisive de ces poètes ». Pour René Char, nous rappelle P. Voélin, le poète est le « conservateur des infinis visages du vivant ».

Les poèmes choisis révèlent des thèmes récurrents, comme l’exaltation de l’amour (et la perte), le rapport de l’individu à la nature (et particulièrement à l’environnement rural), les possibilités d’une quête spirituelle au cœur du monde contemporain… Dans son rapport au monde, le poète reconnait entretenir « un rapport panique… Il y a une intensité, une urgence ». De fait, ce rapport donne à sa poésie d’être ancrée dans le réel « où il n’y a pas de gras, mais de l’os, de la structure », dit-il.

Les 8 sections de l’anthologie nous font entendre une poésie que le seul mot de « lyrique » ne suffirait pas à définir, les poèmes étant conduits par une profonde empathie pour le monde du vivant, et envers quoi le poète veut tenir parole, faire tenir la parole debout, l’écriture en recours, à ne cesser de louer (pour ne pas oublier) les victimes et les opprimés de l’Histoire. « Écriture (…) établissant, / rétablissant partout sur les vieilles terres d’Europe le cadastre du feu ». Mais plus encore : « Écriture comme on partage le pain et le sel. » Le texte « Des cris et du silence », écrit en 1994, porte une épigraphe en hommage aux habitants de Sarajevo, du temps de la Bosnie assiégée par l’armée serbe.

Le poème « Nuit du premier Novembre » est dédié à Paul Celan, le poète est ici célébré au cœur d’une écriture amie : « Il rouvre encore les pages noires de l’ortie / avant que d’un coup ne l’embarque un fleuve ». Le poème « Les Bois Calmés » s’adresse à Pierre Chappuis, l’ami proche : « Douleur est l’autre voix qui nous rassemble ». Si la toponymie est la poésie des géographes, elle est aussi celle des poètes. Une note de Pierre Voélin nous apprend que Les Bois Calmés est une localité que l’on peut trouver sur la carte de France, quelque part en Franche-Comté. Il précise : « c’est un lieu-dit repéré sur la carte au 25/000 millième lors de mes nombreuses promenades de l’adolescence dans ce coin de pays – ce doit être un angle de forêt, et un bout de pré où paissent des vaches de la race montbéliarde, à grandes taches rouges sur le ventre, le dos, le haut des pattes ». Pierre Voélin se définit « comme un poète frontalier, un poète français de la façade est de l’Hexagone ».

L’Arménie comptera parmi ses pays d’élection. Il dit avoir rêvé d’un voyage en Arménie en découvrant le texte éponyme d’Ossip Mandelstam, dans la traduction d’André du Bouchet. C’est en 2009 qu’il y met les pieds, en compagnie de quelques amis. Et c’est à cette occasion qu’il écrit « Le poème en Arménie : notes ».

Avec To Each Unfolding Leaf, nous entrons dans les sous-bois et les hauts-plateaux de la langue. Poésie qu’on peut dire vallonnée, en rien étale, d’où la langue est « langue contournée / debout dans le chêne / … et si longtemps perdue ». Paysages accidentés d’où écouter dans leur étrange consonance « le myosotis poudreux de la douleur ». Le froid accompagne toute parole, écrit Pierre Voélin, « Je chante avec les pousses du froid / et les ramures et le noir d’écorce ». Puis, « l’esprit s’ouvre à des puis de neige (…) / Février jette sur la neige une poignée d’abeilles ». Et enfin, « Vivre de ce peu – de cette lumière de neige / de ce rien qu’offre la neige ».

Y, séquence écrite entre 2011 et 2013, a pour légende un extrait de la Vita Nuova de Dante. Y voir peut-être comme une espérance toujours possible, entre les nœuds et les décousus de la nuit, qui donne aux fleurs les plus « accourcies » d’encore pouvoir fleurir et au cœur de pareillement battre « en son jardin de graines ». Dans l’épissure du monde, « l’exil infini de l’amour ».

« Amour que j’appelle … / Que les pluies viennent te prendre par la taille / qu’elles célèbrent ton pas d’amoureuse / la menuiserie de ta gorge ».

08/09/2017

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© Nathalie Riera

 

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02/09/2017

Olivier Rolin

 

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Olivier Rolin

 

Olivier Rolin, un écrivain de l’investigation

 

Appréhender l’œuvre d’Olivier Rolin, en fournissant quelques clefs de lecture, tel est le défi et le vœu exaucé de Gérard Cartier en réunissant 16 contributeurs dans le dernier numéro de la revue Europe (juin-juillet-août 2017). En tant que proches ou amis, C. Garcin, M. Enard, J. C. Bailly, P. Michon, J.C. Milner… tous auscultent une œuvre essentiellement composée de romans et de récits géographiques, une production intellectuelle où Littérature, Histoire et Géographie se définissent pour G. Cartier comme les trois pôles « du triangle magique qui structure l’imaginaire d’Olivier Rolin »

Cartier interroge l’écrivain, notamment sur sa période de militantisme politique, une expérience que Rolin ne manque pas de juger comme initiatrice à son activité de romancier. Son engagement au sein de la Gauche Prolétarienne (1967-1974) puis, par la suite, son investissement en qualité de reporter-journaliste, auront été sûrement déterminants dans sa nécessité de s’inscrire dans le « réel » – comme Rolin le précise, entendre par « réel » la géographie, la topographie –. Son regard sur le roman en tant que forme littéraire s’appuie chez lui sur deux figures illustres, Barthes et Kundera. Dans les Propos recueillis par G. Cartier, à la question de savoir à partir de quoi écrivons-nous, la réponse de Rolin est claire et sans emphase : « C’est à partir d’une débâcle que j’ai commencé à écrire ». Il affirme que la littérature a été sa « sortie d’Egypte ».

Parler d’écriture chez Rolin relève d’une certaine modestie, celle de tenter des hypothèses et de ne pas être toujours dans des affirmations radicales : « (…) écrire répond au début à un désir de sortir du carcan des certitudes politiques, et aussi de ‘m’en sortir’, tout simplement. C’est une démarche d’éloignement, un mouvement centrifuge (…) C’est Barthes encore qui le dit : écrire, c’est faire sécession ».

Poètes, écrivains, artistes ne sont pas toujours en accord avec leur société. Parmi les désaccords ou les colères de Rolin, on retiendra son refus à « cette détestation actuelle de la nostalgie », puis à cette « étrange maladie » que peut être la haine du passé. Parce qu’il est aussi poète, Gérard Cartier sera particulièrement sensible à l’usage de la langue d’Olivier Rolin, à son « extrême diversité » qui est de recourir « à tous les niveaux de vocabulaire, du plus savant (le latin et le grec) au plus familier et même, à l’occasion, au trivial ». L’écriture chez lui n’est pas une écriture qui se répète, souligne G. Cartier, elle « se réinvente de livre en livre ».

Pour Christian Garcin, « O. Rolin est un écrivain qui a du souffle » ; pour Pierre Michon, il « est l’exemple de celui qui à grands pas (…) m’aide à sortir de la terreur » ; pour Jean-Claude Milner il « est habité par une passion. Elle a un objet qui se nomme monde ». Norbert Czarny retient de la littérature telle que lue et pratiquée par Rolin qu’elle « n’est pas un jeu mondain. Elle à avoir avec la mort, elle est un risque, pour qui écrit et pour qui lit ». Agnès Castiglione interroge le lien de la Littérature et de l’Histoire. Chez Rolin la Littérature ne peut pas être conçue sans un écho du passé, avec lui le roman se fait plutôt    « art de la mémoire », « c’est cette aptitude de la littérature à faire dialoguer entre elles, à travers tous les siècles, les grandes voix de l’humanité, à mettre en communication le passé et l’avenir, comme dans la transmission d’un héritage »

Jean-Claude Pinson a connu « fugitivement » Rolin à une époque lointaine, du temps où tous deux fréquentaient le même lycée. Pinson analyse les raisons qui ont conduit Rolin à recourir à la littérature, et notamment à l’écriture romanesque, choix déterminé, selon lui, par le fait que le recours au roman « est justifié par des valeurs d’ordre philosophique (éthique) autant qu’esthétique. C’est qu’il s’agit d’abord d’en finir avec le mensonge entretenu par les illusions et les simplifications de la pensée militante. Prenant acte de ce que fut le XXe siècle, ‘celui de grands mensonges sanglants’, O. R. choisit, en lieu et place de l’idéologie politique, de ses certitudes et de ses ‘mots d’ordre’, le roman, son scepticisme, son sens de la complexité… ». Si le roman est bien trop souvent l’ennemi du poète – jugement partagé et admis par Olivier Rolin – , le choix de la prose chez lui est justement de ne pas mettre de côté la poésie. Pinson souligne qu’ « il n’y a pour lui qu’une nature de la littérature ».

Pour Jean-Pierre Martin, la littérature comme régénérescence, comme possesseuse d’une « vertu », comme réparatrice du passé, « appelle à une refondation ». Martin ajoute : « Ce qui réunit Ponge et Michaux, Nabokov et Orwell, Borges et Cendrars, d’autres encore – tous plus ou moins passeurs de Rolin –, c’est l’exploration et la réinvention du dictionnaire. Le langage comme investigation ».

Investigation, un mot qui sied bien à cet écrivain de notre temps, lequel ne manquera pas – après son aventure subversive au sein de la Nouvelle Résistance Populaire – de pratiquer l’humour et l’auto-dérision, probablement comme un recours à plus de justesse.

 

© Nathalie Riera

Les Carnets d’Eucharis

01/09/2017

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© Vignette : Axel Boyer 

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Autre site à consulter : ǀ remue.net