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16/11/2014

Les Carnets d'Eucharis n°43 (automne 2014)

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Poésie | Littérature Photographie| Arts plastiques 

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en ligne

 

 

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Les carnets d’eucharis n°43

AUTOMNE 2014

 [« SOUS LA TONNELLE EN CANISSE »]

© Nathalie Riera, 2014| Photographie numérique

 

 

 

 

EXPOSITION

NIKI DE SAINT PHALLE

 

Nathalie Riera LA TETE DANS LES BAMBOUS

Joseph Cornell PHOTOMONTAGES&COLLAGES

 

 

DU CÔTÉ DE…

NATHALIE HANDAL [8 poèmes de Gaza – 2014]

NIKOS LYBERIS [Après le son – extraits]

CLAUDE BRUNET [Le goût de l’étrange – 2003]

 

 

JEROME ROTHENBERG … LORINE NIEDECKER

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MARIANNE MOORE Le poisson / The fish

 

 

AUPASDULAVOIR

MAËL GUESDON [Sorgue]

ISABELLE LÉVESQUE  [Ravin des nuits que tout bouscule]

NATHALIE RIERA [Solaria & La Baignade - texte inédit]

ERIC SARNER [Tentations et Tâches de Femmes]

 

 

DES TRADUCTIONS

FADIR DELGADO ACOSTA [QUELQUES POÈMES DE : Le dernier geste du poisson*

ALGUNOS POEMAS DE : El último gesto del pez traduit par Rémy Durand]

 

 

 [Clairvision]

----------------------------------- [Notes monochromes de Jacques Sicard]

 

 

DES LECTURES/DES PORTRAITS

 [ARTICLES]Olivier Salazar-Ferrer [Les possessions transparentes] par Nathalie Riera

Conrad Aiken [Neige silencieuse, neige secrète] par Tristan Hordé

e.e.cummings - Gregory Corso - Jacques Sicard
Philippe Jaffeux [Courants blancs] par Béatrice Machet-Franke

[LECTURE&RELECTURE][Christian Prigent « La langue et ses monstres »] par Claude Minière

 

 

[NOUVELLESPARUTIONS]

LA RIVIÈRE ÉCHAPPÉE la barque  LA NERTHE– BLACK HERALD PRESS


     

 

Au format livre numérique/CALAMEO

http://www.calameo.com/subscriptions/37620

11/11/2014

Alain Fleischer

Emmanuel Ruben - Galerie Le Réalgar

 

 

Emmanuel Ruben (© Tina Merandon)

Emmanuel Ruben (© Tina Merandon)

 

 

Emmanuel Ruben est né en 1980 à Lyon. Géographe de formation, écrivain, dessinateur, il est l’auteur de trois romans dont le dernier, La ligne des glaces, a été publié en 2014 chez Rivages.

(Sélection Prix Goncourt 2014)

 

Per Kirkeby est né en 1938 à Copenhague. Géologue de formation, il participe, de 1958 à 1965, à de nombreuses expéditions scientifiques au Groenland avant de rejoindre l’école radicale de Copenhague et le mouvement Fluxus. Peintre, essayiste, romancier, poète, architecte, sculpteur, cinéaste, il est considéré comme une figure majeure de l’art contemporain scandinave. Ses œuvres sont exposées dans le monde entier et de nombreuses rétrospectives lui ont été consacrées depuis la fin des années 70, notamment à Londres en 2009 (Tate Modern) et à Bruxelles en 2012 (Bozar).

 

 

Quatrième de couverture

 

«Cet homme est-il de la confrérie navrante des voyageurs plumitifs ? Cet homme pense-t-il qu'il suffit d'aller s'empoussiérer la semelle pour se ravauder la cervelle ? Non, la poussière est d'or qui le hante encore ; cet homme, que nous voudrions suivre ici, cet homme s'en va chaque année depuis ses vingt ans vers le Nord, carnet de croquis à la main, quêter de sa baguette divinatoire son Graal fantôme ; après quoi il rentre au pays, dessine, grave, sculpte et peint pour de bon ; sur ce, il paraphe en bas à droite PK. Per Kirkeby.»

 


| © Cliquer ICI

 


 

SITE À CONSULTER

 

LE REALGAR

23, rue Blanqui

42000 SAINT-ETIENNE

0687602234

Sur le site : Galerie Le Réalgar

 

| © www.lerealgar-editions.fr

05/11/2014

Nikos Lyberis

 

 

NIKOS LYBERIS

Après le son

La traduction de son dernier ouvrage paru en grec, en août 2014, d'où sont issus ces quelques poèmes a été faite par Brigitte Gyr en collaboration avec Nikos Lyberis, leur auteur.

 

 

 

Les Carnets d'Eucharis

 

Nikos Lyberis | © Vue sur le Canal Grande, en face du Palazzo Moncenigo (à Venise)

 

 

 

 

 

12 - Pétales de soleil

 

Valse enfantine pour piano désaccordé

et fragments de voix

             le crépuscule s'enfonce dans la pierre

Narration conique minée

pour tête sans corps

 

Face aux causalités      les anciennes et les nouvelles

à chaque instant il invente son destin

pour ouvrir des fentes dans les murs de l'horizon

                             pour purifier le sang empoisonné

 

Dans le paysage du son éclosent les fleurs

sons sans début ni fin                     comme un souvenir

clarinette timbre mat dans l'eau

             entière                   à moitié     ou juste un bout

             il a lâché les notes pour accéder à la musique

             dialogue sans paroles superbe

Sons inédits d'un corps compressé

             qui se confie au vent comme en fraude

tantôt murmurent tantôt crient en secret

             formes connues      insuffisantes

mais la géométrie mobile fonctionne

                             formes mouvantes à l'infini

l'espace résonne des jours et des jours après que se sont tus les

                                                                                                   [instruments

 

 

             et l'esprit ingénieux demeure sans voix

Innombrables les faces de l’immuable beauté

Silence empli de sons

 

Il déploie le pont sur l'abîme

pour la fille qui passe en larmes

et dont le temps s'est figé

………………………………………………………………………

 

 

13 - Eclipse

 

Nuit archaïque qui abrite la musique

le regard se faufile dans l'espace inassouvi

             aux confins usés

entre les ombres de ceux qui sont partis

Les murs se retirent d'autres murs arrivent

pour laisser passer

la Reine de Thulé

dans sa main la bible aux pages blanches

             Entre-deux saigné par des cordes hérissées de pics

             une cinquième guerre    totale

 

La spirale du corps amollit les barreaux de la cage

             neuf métaux fondus plus une météorite

la cage         désormais voile

Elle traverse l'accord répété

les éclats de voix

pour que la mémoire s'éteigne       peu à peu

qu'elle accueille les gestes spontanés

éboulements sous-marins

                             connaissance inaccessible à la pensée

                                             négation de la négation

D'une bouche à l'autre

une même histoire se poursuit

             malgré les bavardages silence intact

parce que la vérité et son objet sont une et même chose

 

Déchiffrer l'étoile de chacun

pour échapper à la dérive   peut-être

et par un chemin sans malice remonter le courant

………………………………………………………………………

 

 

 

19 - Concert pour un corps

 

Dans le quartier sans saisons

elle tient une fenêtre ouverte dans ses mains

entre le flûtiste et l'amiral Perse

en duel avec son ombre

             Un geste       mille interrogations

 

Elle a enlevé le masque de sous son visage

la danse lovée dans le corps

remplit l'espace entre les mots

                             contrepoint multiple

 

Habillée aux couleurs de la tempête

elle prononce les mots à l'envers

             pour ne pas trahir la joie

indifférente aux prétendants

             des messieurs naufragés en haut de forme

qui revendiquent le trône d'Egypte

en dansant avec des mannequins chèrement vêtus

                             elle répond à la question qu'on lui pose

                             cinq murs plus loin

 

Elle a brodé l'habit de la nuit

                             pour que les oiseaux migrateurs s'y posent

elle enferme le temps dans une malle pour libérer de l'espace

Dans les brisures de son rire poussent des fleurs

 

                             Vague qui traverse le large

                             sans rencontrer de bateau

………………………………………………………………………

 

21 - Froissement de tilleul sauvage

 

Dans le vent de sable qui le suit partout

il coupe du bois pour sa croix

 

Le soleil dépeçait le mur

quand un coup de feu venant d'une autre histoire

dispersa les toiles d'araignée instantanément et

révéla le grand secret

                             à lui seul

 

la cloche de l'alarme devenue rituelle

adoucit les pierres dans l'air dur

             cercles concentriques à l'horizon impromptu

 

Dans la fosse défilent des images

lambeaux d'essais

débris de temps

Au sommet du jet d'eau le récitant avec

             dans ses mains une tragédie antique

murmure quelque chose sur les instants extrêmes

les circonstances qui ne connaissent pas leur force

 

Soudain la pluie et les rêves d'acier

du train s'incorporent au spectacle

             Un vieil émetteur résonne

………………………………………………………………………

 

 

22 - La lisière du feu

 

Dans les labyrinthes de l'air

des voix s'aventurent

tentent une rencontre

afin que se consument les obstacles

Enfermée en un point la force totale

rend possible l'impossible

 

Murs aux cinq bouts de l'espace

directions inversées

le sang du temps goutte dans le verre

écho d'un orage venant d'une autre planète

             des carapaces de tortue annoncent

             l'effondrement de l'empire

                             sans contraintes la terre

                             retrouvera sa face divine

 

Il froisse une page de cinq hectares

les peurs rentrées en fraude

                             à l'extrémité du silence

 

Des mots déformés      trois cinquièmes et septièmes

neuvièmes et onzièmes     assouplissent l'air

témoignage préhistorique dont le corps se souvient

             hiéroglyphes oubliés

             d'avant les mots

………………………………………………………………………

 

 

31 - Cantate pour une fleur

 

Cri qui perça le tout       de bout en bout

l'indicible douleur de la gitane

voix qui contient l'alpha et l'omega et le reste

va et vient continu depuis le grand silence du début

 

La lumière diffuse s'est figée      en goutte

                             graine d'inaudible

musiques     danses      peintures      récits

résonance condensée du premier pouls

avant de s'incarner

de se déployer dans les bras de l'immensité

                             puissance de tout ce qui a été dit et pas dit

Le pouls du monde vibration qui

             déborde de chaque point du corps

             pour que tu puisses l'entendre

                             la pensée alors n'a plus de lieu où se tenir

Frisson amoureux à la naissance du monde

phonème au diapason de l'espace

joie intense originelle qui annule les discordances

 

et les murs se retirent     loin

L’enthousiasme     du tout fait l'un

                             tourbillon qui engloutit le temps

                             laisse les scories en surface

Et les montagnes redeviennent montagnes

et les rivières redeviennent rivières

 

 

Nikos LYBERIS est né en Grèce, à Pyrgos d’Élide, en 1953. Il a publié cinq collections poétiques en grec, dans des éditions d'art (une par "Stigmi", en 2002 et quatre par "Diatton", 2002, 2006, 2012, 2014).

(Après des études de géologie à Athènes, il s’installe à Paris en 1975. Il a voyagé beaucoup en mer sous la mer et à terre surtout dans les déserts, notamment dans les régions polaires (Spitsberg et Nord Groenland), l’Égypte et l’Asie Centrale. Il pratique les arts martiaux, disciple de Maître Noro Masamichi.)

 

 

 

 

 

Olivier Salazar Ferrer - Les possessions transparentes, éd. de Corlevour, 2014

 

 

UNE NOTE DE NATHALIE RIERA

 

 

Les possessions transparentes
Olivier Salazar Ferrer

 

Corlevour, 2014

 

  

 

Olivier Salazar Ferrer | © France-Culture

 

 

 

 

 

 

en route vers une destination inconnue, sans aucune raison valable : telle semble être la volonté du professeur de philosophie dans le roman au titre énigmatique « Les possessions transparentes » d’Olivier Salazar-Ferrer. Que peut-il en être de la recherche du voyageur et de celle du poète, l’une et l’autre sont-elles de même souche, en tant que le voyageur comme le poète sont sensibles à notre diversité en réduction : combien les cultures sont fragiles face aux standardisations de la représentation de soi. (p.22) Que revient-il au voyageur, sinon dans le choix d’une ascèse d’entreprendre l’expérience de la « désappropriation » : bouleverser le régime de la propriété avec ses clôtures phénoménologiques et sociales (p.12) — d’être dans une « liberté de déliement » : Il s’agissait de délier, de rejeter les cordages sur le quai, de se départir (…) (p.13) — de se faire « Voyageur du Divers » dont l’action (en opposition à la théorie) est de « faire s’exalter sa propre existence par la différence et le divers ». Un roman de cette envergure ne peut se dérouler sans quelques évocations ou références à des écrivains, des philosophes et des poètes majeurs (David Thoreau, Victor Segalen, Bashô, Rainer-Maria Rilke, Blaise Cendrars, Gustave Roud, Léon Chestov…). Opposer le voyage à toute action d’appropriation, est-ce alors pour mieux croire « à la puissance magique de l’inaccompli » : n’avoir rien à réaliser, mettre en pratique la théorie de l’inaccompli comme réserve d’énergie, comme défaut ou appel d’être dans la substance même du monde (p.43). Pour le voyageur, réappropriation également de « l’innocence du verbe », ou encore de la jeunesse de la langue, en référence à Holderlïn.

 

Nathalie Riera, novembre 2014

© Les Carnets d’Eucharis

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       « Le voyage était devenu objet de science, dépiauté, analysé, classifié, dévoré par les vampires analytiques (…) notre siècle n’était-il pas dévoré par la passion de l’appropriation, par sa décomposition de l’objet en relations exprimables, de façon à le reproduire, quitte à briser la puissance fougueuse qui l’animait ? Je percevais parfois la culture moderne comme une immense pieuvre collée au réel, habile à se saisir de la moindre proie vivante pour en sucer la vie. Le récit de voyage, cette ombre du réel que Segalen avait voulu subvertir dans son poème Equipée, n’était plus qu’une coquille vide sur le sable de notre culture.

Il y avait pourtant une façon de faire vivre une œuvre, de la charger de ses possibilités de sens, de l’illuminer de l’intérieur pour la faire advenir à sa fonction authentique qui est de créer de la vie. (…) Sans aucun doute, cette vieille Europe poudrée, héritière des monarchies, empêtrée dans ses richesses et dans une histoire millénaire qui lui collait aux fesses, devait se tourner vers les cultures des autres continents…»

 

............................... (p.34/35)

 

 

       « On avait rallumé les bougies. « Aimez-vous le Stabat Mater de Pergolèse ? » avais-je demandé au sommelier, tandis que les voix s’élevaient dans leur architecture transparente. Terrifié, sans répondre, la main tremblante, il avait servi le vin, un Vosne Romanée premier cru 1985. Je l’avais fais danser entre mes doigts. Robe rubis, carminée avec l’âge, vague secrète de sous-bois nocturnes avec des parfums mouillés de mousse, O quam tristis. Reflets de fruits rouges et noirs, imprégnés de la senteur de la violette. A la seconde approche : Vidit suum dulceum natum, timidité et audace mêlées, robe de feu, presque grenat, tirant sur le pourpre sombre. Corps ardents sur la neige. Inflammatus et accensus. Fruit mûr sur fond épicé, échos de cuir et de fourrures. Envol lourd d’oiseaux sauvages qui frôlent de leurs ailes les étangs embrumés. Aubes d’automne où résonne le pas méthodique des chevaux sur les feuilles mortes. Chœurs soutenant les voix singulières. Reprise paisible puis consentement à l’extinction. »

 

............................... (p.118)

 

 

 

 

Quatrième de couverture

Le narrateur est un professeur de philosophie qui se rend à un colloque consacré aux écrivains voyageurs. Il traverse en train un paysage de montagnes enneigées. Il est mythomane et s'invente des identités lors de ses conversations avec les passagers. Tandis qu'il accumule les notes pour sa conférence, les intempéries retardent son arrivée. Bloqué dans une ville de montagne, il est confronté aux pensionnaires de l'Hôtel des Glycines : les étudiants représentés par le jeune Frédéric Berlioz et l'anglais Graham Barker, enthousiaste et fantasque, le Docteur Arenberg, philosophe juif américain, le professeur Alexander, rationaliste ironique, la japonaise Mlle Kyoubou qui se singularise par un comportement sadomasochiste, le poète violoncelliste aveugle Umberto Baldi et sa charmante fille Clara dont la présence va bouleverser la paix apparente de l'hôtel, la serveuse du Café du Théâtre, prénommée Madame de Warrens à cause de sa ressemblance avec la protectrice de Rousseau. Le narrateur prend l'habitude d'errer la nuit dans la ville, découvrant le théâtre, le domaine des Charmettes envahi par la neige,

où flotte l'ombre de Rousseau... Le lecteur découvre peu à peu que les personnages sont en lutte, à des degrés divers, pour une quête du réel. Le narrateur est déchiré par un conflit entre possessions matérielles et aspirations spirituelles qui affrontent tous les jeux de l'illusion. Seul le poète aveugle Umberto Baldi invite les autres personnages à voir ce que l'on ne voit pas, mais il sera rapidement expulsé de l'Hôtel par les autres invités. Le voyage représente donc une série de dépossessions, mais aussi une reprise de la vérité à travers une série d'expériences spirituelles. Le narrateur, tombé amoureux de Clara au cours d'une promenade avec elle et son père, prendra la fuite la veille de sa conférence, hanté par la nature indicible de ce qu'il veut dire, pour se réfugier dans un hôtel désert, dans une petite ville de montagne encore plus isolée en altitude. Est-il sur les traces du vieux poète italien et de sa fille Clara ? C'est dans cet hôtel fantôme qu'il fait l'expérience d'un repas mystique qui va clore le récit, avec la vision d'une petite fille qui joue avec l'invisible.

 

 

 

Olivier Salazar-Ferrerest maître de conférences depuis 2007 en littérature française à l’Université de Glasgow en Ecosse. De formation à la fois philosophique et littéraire, ses publications portent sur les littératures du XIXe et XXe siècle, notamment sur la littérature d’avant-garde, avec plusieurs essais sur Benjamin Fondane (Benjamin Fondane, Oxus, 2004 et Benjamin Fondane et la révolte existentielle, De Corlevour, 2007), la littérature féminine, la littérature existentielle (Bespaloff, Chestov, Grenier, Jankélévitch) la phénoménologie (Pour une phénoménologie de la vie - Entretiens avec Michel Henry, De Corlevour, 2010), la littérature de voyage (Blaise Cendrars, J.M.G. Le Clézio, Nicolas Bouvier, Jacques Lacarrière), les croisements entre arts visuels, poésie, littérature et philosophie. Il est également l’auteur de poésie (Adieu à Terre rouge, In limine, 2001 ; Poèmes du silence et de la neige, In Limine, 2003 ; La Roulotte peinte, In Limine, 2006 ; La Haute Provence de l’esprit, In Limine, 2013), de récits (Un chant dans la nuit, De Corlevour, 2007) et d’adaptations théâtrales (Benjamin Fondane, L’Exode, Festival d’Avignon, 2008). Il a été nommé ambassadeur de la culture en 2012 par le City Council de la ville de Glasgow.

 

 

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SITES À CONSULTER

 

 

LES POSSESSIONS TRANSPARENTES

Editions de CORLEVOUR

| © Cliquer ICI

 

FURET DU NORD

Entretien d’Olivier Salazar-Ferrer avec Sylvie Aragnac (extraits)

| ©  Cliquer ICI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

02/11/2014

NATHALIE HANDAL - 8 poèmes de Gaza

 

 

NATHALIE HANDAL

8 Poèmes de Gaza

Confessions at Midrange / Confessions à mi-chemin

The Voices and Faces of Palestine - Summer 2014

Voix et visages de Palestine – été 2014

 

 

 

Les Carnets d'Eucharis

 

Nathalie Handal | © INTERNET

 

 

 

 

 

 

 

Confessions at Midrange

 

My heart has telescopes

my eyes have invisible streets

my portrait is of a nation

with a hundred square feet of clouds—

maybe god is a country

my eyes can’t see.

 

 

Dans mon coeur des télescopes

dans mes yeux des rues invisibles

mon portrait est celui d’une nation

sous trente mètres carrés de nuages –

dieu est peut-être un pays

que mes yeux ne peuvent voir.

 

………………………………………………………………………

Confessions à mi-chemin

(Extrait 1)

 

 

 

 


Turka

 

They ask me who I am,

they ask me where I’m from—

how do I explain

from where Jesus is born

except I’m not allowed

to reach his church

Who am I if I can’t be

with my olive groves

who am I

if I can’t find Mohammed

in my prayers

can’t reach Jesus

I am from the Teqoa

and the Dead Sea

from Bethlehem

and Jerusalem—

Dar Handal,

we grow everywhere here,

Dar Talamas,

our ancestors were translators,

so I translate this for you—

I am who I’ve always been

and behind my prayers

are windows

with a city

of endless verbs.

 

 

Ils me demandent qui je suis

ils me demandent d’où je viens –

comment expliquer

d’où Jésus est né

sauf que je n’ai pas le droit

d’aller dans son église

Qui suis-je si je ne puis

demeurer près de mes oliviers

qui suis-je

si je ne puis retrouver Mohammed

dans mes prières

ne puis atteindre Jésus

Je viens du Teqoa

et de la Mer Morte

de Bethléem

et de Jérusalem -

Dar Handal

nous avons grandi partout ici

Dar Talamas,

nos ancêtres étaient des traducteurs

alors je vous traduis ceci -

je suis qui j’ai toujours été

et derrière mes prières

il y a des fenêtres

avec une ville

aux verbes infinis.

…………………………………………………………………………. Turka

(Extrait 2)

 

 

 

COUNTRY

 

The radio was stuck

between two stations

when you told me

you sold

the only thing that

mattered to you.

I said nothing.

We’d been together for years

and I had no idea what you sold

nor what was playing

along the long blue sky

we both insisted was ours.

 

 

La radio était bloquée

entre deux stations

quand tu m’as dit

que tu avais vendu

la seule chose qui

t’était chère.

Je n’ai rien dit.

Nous avons vécu des années ensemble

et je n’avais aucune idée de ce que tu avais vendu

ni de ce qui se jouait

au long du long ciel bleu

que nous persistions tous deux à dire nôtre.

 

…………………………………………………………………………. PAYS

(Extrait 3)

 

 

 

 

 

GAZA

 

Once in a tiny strip

dark holes swallowed hearts

and one child told another

withdraw your breath

whenever the night wind

is no longer a land of dreams

 

 

C’était dans une étroite bande

où des trous noirs engloutissaient les cœurs  

un enfant dit à un autre enfant

retiens ton souffle

lorsque le vent nocturne

n’est plus dès lors une terre de rêves

 

…………………………………………………………………………. GAZA

(Extrait 4)

 

 

 

 

The Gazans

 

I died before I lived

I lived once in a grave

now I’m told it’s not big enough

to hold all of my deaths

 

 

Je suis mort avant de vivre

J’ai vécu une fois dans une tombe

maintenant on me dit qu’elle n’est pas

assez grande

pour contenir toutes mes morts

 

…………………………………………………………………………. LES GAZAOUIS

(Extrait 5)

 

 

 

 

 

 

Tiny Feet

 

A mother looks at another—

a sea of small bodies

burnt or decapitate

around them—

and asks,

How do we mourn this?

 

 

Une mère regarde une autre mère -

un océan de petits corps

brûlés ou décapités

tout autour d’elles –

et interroge,

Comment pleurer cela ?

 

…………………………………………………………………………Tout petits pieds

(Extrait 6)

 

 

 

 

Night Sky Orange

from The Gaza Box

 

I read your book of myths—

did you?

I checked the mirror for your face—

did you?

I checked the ruins and the even larger

ruins in your heart—

did you?

I memorized the shape of black smoke

and the orange sky in every tiny corpse—

did you?

I checked if loneliness was what the body

turns to when death is all it has—

did you?

Did you think of your wife the evening

you killed mine?

And unexpectedly,

an image of your son will cross

your mind,

you will question why

you’ve come after all,

you will breathe differently,

words will no longer be able

to map your crimes.

I checked for the damage in my flesh

—did you?

I found my way back to the scene

in the book

where you erase my name

as it keeps reappearing,

don’t you know,

such letters always revert back

to its original form

so look at me in the eyes

before we both perish.

 

 

 

Ciel Nocturne Orangé

extrait de The Gaza Box

 

J’ai lu ton livre sur les mythes -

et toi ?

J’ai testé le miroir pour ton visage -

et toi ?

J’ai passé les ruines en revue et celles, plus vastes, dans ton coeur -

et toi ?

j’ai gardé en mémoire la forme des fumées noires et le ciel orange dans les plus infimes cadavres –

et toi ?

j’ai vérifié si la solitude était ce que devient le corps quand la mort est son seul bien –

et toi ?

As-tu songé à ta femme le soir où tu tuas la mienne ?

Et de manière inopinée,

l’image de ton fils traversera

ton esprit,

tu te demanderas pourquoi

tu es venu en fin de compte,

tu respireras autrement,

les mots ne seront plus capables

de dresser la carte de tes crimes.

J’ai fait le compte des dégâts dans ma chair

- et toi ?

J’ai retrouvé la scène où

dans le livre

tu effaces mon nom

qui s’obstine à réapparaître,

sais-tu que ces lettres sont de celles qui retrouvent toujours leur forme originelle

alors regarde-moi dans les yeux

avant de périr l’un et l’autre.

 

…………………………………………………………………………

(Extrait 7)

 


Imaginary World with Twelve Birds

from The Gaza Box

 

There is moonlit

in my box

can you give it to me

There are hours

in my box

can you give them to me

There is a world

in my box

there are twelve birds

in my box

can I fly with them ummi

…………………

There is a picture

of my son

in his box

can I see it

before the men arrive

before the floor shakes

before they take my heart

tell them

our souls will leave our torn bodies

but we will never leave

we will multiple in their souls

 

 

Monde Imaginaire avec Douze Oiseaux

extrait de The Gaza Box

 

Il y a du clair de lune

dans ma boîte

peux-tu me le donner

Il y a des heures

dans ma boîte

peux-tu me les donner

Il y a un monde

dans ma boîte

il y a douze oiseaux

dans ma boîte

puis-je voler avec eux ummi

…………………

Il y a une photo

de mon fils

dans sa boîte

puis-je la voir

avant que les hommes n’arrivent

avant que le sol ne tremble

avant qu’ils ne prennent mon coeur

dis-leur

que nos âmes quitteront nos corps déchiquetés

mais que nous ne partirons jamais

nous nous multiplierons dans leurs âmes

 

…………………………………………………………………………

(Extrait 8)

 

 

 

 

 

            All photos by Nathaie Handal

            Taken throughout Palestine

            Permission granted to reprint

            ▪▪▪

            Toutes les photos par Nathaie Handal

            Prises en Palestine

            Permission accordée pour réimprimer


 

Nathalie HANDAL Poète et dramaturge d’origine palestinienne, née à Bethléem. A grandi en France et en Amérique latine. Etudes aux États-Unis, en Grande-Bretagne et dans le monde arabe. Parmi ses livres les plus récents, Poète en Andalousie, Language for a New Century : Contemporary Poetry from the Middle-East, Asia & Beyond et Love and Strange Horses, (Médaille d’or Independent Publisher Book en 2011). Ses pièces les plus récentes ont été mises en scène à la John F. Kennedy Center for the Performing Arts, le Bush Theatre et Westminster Abbey, à Londres. Elle signe la chronique La ville et l’écrivain du magazine World without borders.