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30/08/2014

LA REVUE DE PRESSE "Les Carnets d'Eucharis"

 

 

 

Les Carnets d’Eucharis | 2011 - 2014

 

(version papier et version numérique) 

 

REVUE DE PRESSE

  

 

 

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- « La Pierre et le Sel »

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http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com/

 

 

 

 

Dans ce jardin d'Eucharis

 

Patrice Beray

MEDIAPART

Edition : Revues & Cie

 

 

 

Revue numérique, chaque rendez-vous des Carnets d'Eucharis exalte à satiété l'œil des artistes comme autant d'espaces du dedans qui se découvrent poème, photographie, pensée, histoire, parce qu'il y a un mot, une matière, l'autre ou le monde pour les faire advenir.

 

Les deux récentes mises en ligne des Carnets d'Eucharis sont exemplaires de cette approche, qui est une ouverture, au ressort d'une sensibilité, celle de son unique revuiste, Nathalie Riera. Car solitaire, l'œil creuse d'abord de son empreinte toute présence, à la seule force de sa perception.

Ainsi de ces personnages figurés par l'objectif de la photographie (ou du cinéma... muet) qui n'attendent que d'être vus, et qui s'insinuent dans les pages d'un même numéro, telle l'actrice (et styliste plurielle) Natacha Rambova, compagne de Rudoph Valentino (en couverture du numéro de mai/juin).

 

 

© Marianne Breslauer

 

Ou encore au travers des visées de la photographe allemande Marianne Breslauer (1904 - 2001) et de la jeune photographe Lilya Corneli (couverture du numéro de juillet/août). Mais surtout, il faut prendre au mot cet espace qui s'effeuille du dedans au dehors, et entourner les pages (ou les éditer), car les mots nous guettent, nous épient même, dans ce jardin statuaire. Les Carnets d'Eucharis se rassemblent alors en un bouquet d'échos, dont le texte surgit à la tourne : la revue fourmille d'études, de présentations d'auteurs (de D. H. Lawrence à Bernard Noël en passant par Alejandra Pizarnik, Danielle Collobert ou Annemarie Schwarzenbach). C'est que la revue de Nathalie Riera sait s'adosser au contemporain pour un passage à l'œil, tout en levée d'écrous (voir ce billet : http://blogs.mediapart.fr/blog/patrice-beray/311208/pour-une-annee-lumiere-avec-nathalie-riera). Et dans le sillage de George Oppen*, on ne ratera pas l'incitation à visiter les expositions de John Cohen**, « photographe de la beat generation.

 

 

© John Cohen

 

*A paraître en novembre une édition de ses « poésies complètes », traduites par Yves Di Manno, aux éd. José Corti (j'y consacrerai un article dans le journal).

**En juillet à l'adresse de la galerie Serge Aboukrat, place Furstemberg à Paris, et jusqu'au 24 septembre à l'initiative de Michèle Cohen à la galerie La Non-Maison, 22, rue Pavillon, 13100 Aix-en-Provence.

 

Patrice Beray

© MEDIAPART (19 Août 2011)

SITE - http://blogs.mediapart.fr/edition/revues-cie/article/190811/dans-ce-jardin-deucharis

 

 

 

 

Isabelle Lévesque

© DIÉRÈSE, N°54 (Automne 2011)

 

 

SITE - http://diereseetlesdeuxsiciles.com/44674.html

 

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Nathalie Riera publie le 32ème numéro des Carnets d'Eucharis qu'elle a initiés au début 2008. Elle poursuit là une entreprise aux qualités exemplaires tant par la forme que par le fond. Accessible en téléchargement au format PDF, la revue est consacrée à la littérature, particulièrement la poésie, à la photographie et aux arts plastiques. On y trouve des textes, des recensions, des coups de projecteurs, des dossiers (dans ce dernier numéro la poète italienne Mariella Bettarini), des hommages, des port-folios, toute la diversité rassemblée d'une curiosité attentive et d'un savoir sans pédantisme.

 

 

Rien d'étonnant à cela quand on connaît le parcours de Nathalie Riera qui, de formations à la prise de parole en animations d'ateliers de théâtre et d'écriture avec des publics divers n'a cessé d'être en prise avec une réalité humaine et sociale à laquelle elle tente de donner une juste place.

Rien d'étonnant non plus à lire Nathalie dont l'écriture mêle le souci de nommer sans entraves la réalité à une délicatesse musicale des mots et à ce que Gérard Larnac appelle un « pansensualisme ».

 

Il y a les ruines, les failles, que rien ne peut réparer, où se perd ma voix, ne reste
que la fêlure d’une lettre

alors l’agrume des mots
comme l’anis et la verveine sont la joie du jardin

comme une goutte d’encre la rivière

STREAM LIKE A SPOT OF INK

s’embellir du velours, ne rien garder de la tristesse, au fil des ombres la foi pour

ce qui nous ouvre le chemin

à travers une branche, une goutte d’encre

marcher dans les allées où renaître après les feuilles, après le jaune

sur le papier vide, sur la route, le rebord du lit

ne veux pas la flétrissure

sur le papier sur la route, des paysages calmes et profonds, et mon visage qui
raconte ses rêves, la douce parole de l’encre

In ClairVision, © publie.net

 

La Pierre et le Sel ne peut que recommander l'attention de tous ses lecteurs sur le travail de Nathalie Riera qui est un exemple de ce que permet Internet en termes de création et de réflexion, loin du superfétatoire et des egos.

 

Pierre Kobel

© LA PIERRE ET LE SEL (24 février 2012)

SITE - http://pierresel.typepad.fr/la-pierre-et-le-sel/2012/02/l...

 

 

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Les métamorphoses d'Eucharis

 

Patrice Beray

MEDIAPART

Edition : Revues & Cie

 

L’album numérique des Carnets d’Eucharis de Nathalie Riera s’enrichit dorénavant d’un volume annuel, décliné sous forme papier. Le premier numéro vient de paraître, centré sur la figure et l’œuvre de Susan Sontag.

Même si nombre de revues (à l’instar d’Europe, mais aussi bien Les Hommes sans épaules de Christophe Dauphin, entre autres exemples) continuent de dédier leur espace exclusivement au texte, et ce indépendamment de leurs préoccupations, la revue est sans conteste un lieu privilégié pour interpeller, « mimer les arts voisins » selon la formule de Michel Deguy.

 

 

Revue numérique, n°36, hiver 2013

Revue numérique, n°36, hiver 2013

 

Cette interrogation sur la matière, les enjeux qui sous-tendent la représentation en propre d’une pratique artistique, peut se traduire dans des approches de revuistes clairement revendiquées comme « transdisciplinaires » (ainsi que le promeut par exemple la revue Gruppen).

Format numérique, multimédia oblige, les publications essaimées par Nathalie Riera ont fait leur miel de ces pratiques croisées : poésie, fiction, réflexion s’offrant à d’autres tracés, à d’autres formes aux contours d’une même réalité, mais métamorphosée par le dessin, la photographie, la peinture, voire la traduction.

De même, ce premier numéro papier des Carnets d’Eucharis fait plus que la part belle à la photographie (Virgil Brill, Patricyan), à la peinture (Bruno Le Bail, Pierre Alechinsky).

Sans doute, le désir de tenir en main le volume de ces Carnets s’est-il manifesté dans le continu même, l’accompagnement fécondant de l’hommage qui est rendu à Susan Sontag. Dans le dossier qui lui est consacré, une phrase liminaire de Michaël Glück pourrait valoir pour l’ensemble du projet éditorial des Carnets d’Eucharis : « Tout, dans l’univers, existe pour aboutir à une photographie. » On y découvrira autour de Nathalie Riera, attachées « au désir d’émancipation totale » de Susan Sontag, de fortes contributions (Sylvie Durbec, Angèle Paoli...).

Dans cet ensemble qui requiert bien plus le sens de la métamorphose que celui essentialisé et clivant de la métaphore, on suivra « au pas du lavoir » les découvertes d’un riche cahier poétique scandé notamment par Béatrice Machet, Claude Minière, Georges Guillain, Gérard Cartier, Gilbert Bourson :

 

Des Tziganes sur la terrasse de l’aube
vont et viennent chaussés de rythmes

 

avec des pas naufrageant les marches de l’hôtel
qui flamboie sous son emplâtre de brouillard

 

qui peu à peu se dissipe et disperse le bruit
des tracteurs invisibles du monde

 

le matin jubile pour celui qui ouvre
sa chambre fermée avec la clé des mots

 

au mail-plus-loin des voix tendent leur épiderme
où stagnent en épis les roulottes des joies

 

qui peu à peu occupent le grand silenciaire
de la nostalgie

 

cependant que partout

le monde se déplie comme un billet de banque

 

(Gilbert Bourson)

 

Patrice Beray

© MEDIAPART (16 mars 2013)

SITE - http://blogs.mediapart.fr/edition/revues-cie/article/160313/les-metamorphoses-deucharis

 

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Nathalie Riera est une lectrice infatigable. Egalement Poète, elle a publié Puisque beauté il y a (Lanskine, 2010), un recueil qui, en se gardant de tout solipsisme, couronne le jour qui passe et sait jouer des saisons de l’homme sur la terre. Depuis 2008, elle diversifie, dans sa revue numérique Les carnets d’Eucharis, les approches et les contenus littéraires. Sans sectarisme mais ouvert aux tendances esthétiques les plus novatrices, son site est devenu incontournable.

Voici aujourd’hui la publication d’une première version papier de ces carnets.

Ma décision d’en venir, une fois par an, à une version papier, est une manière de ne pas négliger un pan du lectorat qui s’avère peu attaché à la seule lecture numérique (…) Claude Minière m’a fait part de cette pensée : « dans le passage à l’édition papier, il y a un geste significatif. Par là, vous allez vers ce qui se donne à la main, ce qui peut se lire dans la main (dans la méditation) – et donc n’est plus sous l’impression binaire « informatique », se déroulant pour l’œil seul. (Réponse de Nathalie Riera à une question de Richard Skryzak dans l’avant-propos).

Au sommaire, on découvrira un dossier riche d’enjeux sur Susan Sontag (avec notamment des contributions d’Angèle Paoli, Jacques Estager et Nathalie Riera). La rubrique Au pas du lavoir nous offre à lire des poèmes de Mathieu Brosseau, de Gérard Cartier, de Gilbert Bourson, de Béatrice Machet… et de Claude Minière qui s’impose, d’après moi, comme le poète le plus singulier de notre modernité :

 

La mémoire passe de la ville à la campagne
quand les feuilles roses et grises s’unissent et se séparent selon le vent
le tronc ne bouge pas
déroulé du passage
définition spatiale du vocabulaire
au centre et à l’écart.

 

Les rubriques Le chantier du photographe, Traduction et Recensions concluent ce premier numéro d’admiration et de création.

 

Pascal Boulanger

© RECOURS AU POEME (2013)

SITE - http://www.recoursaupoeme.fr/revue-des-revues/les-carnets-d%E2%80%99eucharis/pascal-boulanger

 

 

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L’événement est à marquer d’une pierre blanche. Ces dernières années, on voyait surtout des revues qui passaient – étaient contraintes de passer – de l’état papier à l’état virtuel. On s’est presque habitué à tourner des pages qui n’avaient aucune réalité palpable, même si la machine, par excès de zèle, imite parfois le bruit ! La littérature, l’écrit, en voie de dématérialisation : la chose avait, a toujours, de quoi nous alarmer. Là, c’est l’inverse : le papier a une consistance, une odeur. On respire mieux soudain.

 

Les Carnets d’Eucharis, animés par Nathalie Riera, existent depuis 2008 en version numérique. Prose et poésie, mais aussi arts plastiques et réflexion critique se rencontrent, se croisent, dialoguent. Dans le premier numéro papier elle explique dans un entretien la vocation de sa revue : « Ma décision d’en venir, une fois par an, à une version papier, est aussi une manière de ne pas négliger un autre pan du lectorat qui s’avère peu attaché à la seule lecture numérique. Je n’ai aucune certitude quant à savoir si cela est ou non un bon choix. Certains lecteurs ont trouvé la démarche curieuse, l’estimant à contre-courant de ce qui se passe actuellement, à savoir la désertion du support papier en faveur du support numérique. » Puis elle cite cette amorce d’analyse par Claude Minière : « Dans le passage à l’édition “papier”, il y a un geste significatif. Par là, vous allez vers ce qui se donne à la main, ce qui peut se lire dans la main (dans la méditation) – et donc n’est plus sous l’impression binaire “informatique”, se déroulant pour l’œil seul. C’est important. » Oui, Claude Minière a raison de souligner la signification de ce passage préalable par la main qui éprouve avant l’œil, autrement que lui. Ce « travail de circulation » dont parle Nathalie Riera trouve là, en même temps que son support naturel, sa raison d’être.

 

 

Le premier numéro est consacré à Susan Sontag, avec des contributions diverses et des extraits de l’œuvre. La littérature n’est pas un secteur délimité. « Lire c’est espérer le voyage qui ébranle mes certitudes ou mes acquis », affirme Nathalie Riera dans le même entretien. Le geste esthétique comme volonté de « faire de la résistance » : Susan Sontag, jusqu’à sa mort en décembre 2004 à New-York (elle était née en 1933) incarna cet esprit de résistance. La vieille Europe autant que le Nouveau Monde, la politique et l’esthétique, la capacité d’admiration et la volonté d’analyse s’harmonisaient chez elle au sein d’une grande intelligence. Intelligence dont témoignent ses écrits, y compris posthumes (on édite actuellement son Journal chez Christian Bourgois). « Si je me suis engagé en littérature, tout d’abord comme lectrice puis comme écrivain, c’est aussi une extension de mes sympathies pour d’autres personnes, d’autres domaines, d’autres rêves, d’autres mondes, d’autres grandes questions. » Cette forme de « sympathie », assez rarement revendiquée par les écrivains, ne vient pas concurrencer l’intelligence, mais la renforcer.

 

Le dossier Sontag occupe environ le tiers du numéro. Des cahiers de création, poétique, photographique et de traduction, forment la deuxième partie. Enfin, classiquement (mais nécessairement), un ensemble de recensions critiques conclut le numéro.


Patrick Kéchichian

© La Revue des revues, N° 50 (2013)

SITE - http://www.entrevues.org/revue_extrait.php?id=8193

 

 

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Voici la venue d’une revue annuelle qu’il convient de saluer avec force. Celle-ci est une version « palpable» des Carnets d’Eucharis publiée en ligne depuis 2008 par cette âme ardente qu’est l’écrivaine Nathalie Riera.

La matérialité de la revue attire l’œil d’emblée : format oblong, soyeuse couverture noir anthracite où se détachent les titres en rouge, substantielle livraison de 203 pages. On la tient en main comme une promesse. Les carnetsd’Eucharis sont donc bien de ces sortes d’objets de l’esprit qui « se donnent à la main […] qui peuvent se lire dans la main…. » (Claude Minière).

Ce numéro 2013 rend hommage à Susan Sontag, hommage qui occupe le tiers du volume sous la forme de 9 contributions, précédé d’une très belle introduction de Sylvie Durbec. Viennent ensuite plusieurs cahiers rehaussés d’images en noir/blanc (dont certaines de N. Riera) : - cahier de création poétique dont le magnifique titre « Au pas du lavoir » incite à découvrir les contributions de Machet, Brosseau, Minière, Guillain, Cartier, Bourson, Couvé, Boulanger, Péglion, Riera ; - suit un ensemble de 4 portofolio où s’imbriquent textes et photographies, prenant en compte des travaux de Patricyan, Brill, Le Bail, précédé d’un belle introduction de Cosculluela ; - un entretien avec le peintre Bruno Le Bail, suivi d’un cahier de traduction (Erich Fried, Alda Merini, Annalisa Cima) ; le tout est complété par  une abondante recensions de lectures. 

Nathalie Riera est militante de la ferveur littéraire/poétique, et cette ferveur ne va pas sans véhémence, qui la caractérise entre toutes. En cela, elle accomplit un acte politique. On pourrait incruster au fronton de son entreprise cette formule (qu’elle revendique, d’ailleurs), fondement d’un engagement dans le monde et pour le monde : la poésie ? « Une maison qu’on peut habiter sans ridicule, un vêtement qu’on peut endosser sans ridicule, une attitude qu’on peut adopter sans ridicule… (Ponge).

 

Joël-Claude Meffre

© Revue EUROPE, N°1014 – Octobre 2013

SITE - http://www.europe-revue.net/

 

 

 

 

 

Marie-Christine Masset

© PHOENIX, N°13 (mars 2014)

 

SITE - http://www.revuephoenix.com/actualite_revue_phoenix.html

 

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« Eucharis me dit que c’était le printemps » écrivait Arthur Rimbaud dans Iluminations, ce Carnet 2 est luxuriance et luminosité. Nathalie Riera ne fait pas semblant avec la poésie, la littérature, la photographie, et les Arts Plastiques. Tout est là, choisi et composé. Le sommaire, dense, tient ses promesses : Etienne Faure (Entretien conduit avec Tristan Hordé), Au Pas du Lavoir (neuf poètes), Le Chantier du Photographe, Portfolio (cahier visuel et textuel), En Haut du Pré (anthologie de textes contemporains et de paroles d’artistes), Traductions (six poètes), Portraits, Lectures. A cela s’ajoutent des photographies de Nathalie Riera : Au Jardin Hanbury, elles ne jalonnent qu’en apparence les différentes parties, elles invitent à avancer encore plus, à se laisser surprendre par ce printemps où chaque contributeur offre son regard et sa voix, son œuvre. Découverte, oui, à l’égal de l’œuvre photographique de Eric Bourret dans Portfolio: « L’ivresse des sommets », qui, nous écrit François Coadou « invite à ressentir la vie fût-ce un instant seulement dans l’ivresse dionysiaque des sommets, qui est aussi celle des abîmes, en esprits libres. » Au Pas du Lavoir, lieu de rencontres et de paroles, laisse les voix plurielles approcher, saisir le lecteur, anthologie surprenante où foisonne et brille la force de la poésie, quelques étincelles entre autres, Fabrice Farre : « Je laisse cette chaise contre la mienne/je vieillis plus vite si j’oublie le temps/et le corps qui venait s’installer »,  Corinne Le Lepvrier : « /enfant petite en avance et pressée je pleure tout cela déjà : preuve que l’on n’a pas d’âge que l’on ne possède rien. », Marie Etienne : « cette mort étalée dans le bus, ce chagrin dévoré de tendresse, l’inanité de ce diamant, stupide, énorme, dans un appartement déserté par la mort ». La voix d’Aurélie Foglia ne s’encombre pas du tumulte des eaux, elle sait extraire l’essentiel :

 

Avoir perdu

la main

 

Sourire au mot

Poésie

 

Mal interpréter

ce sourire 

 

Dans Le Chantier du Photographe, le texte de Claude Minière : Sur une photographie extrait de « Mallarmé & les fantômes », fait sienne cette phrase de Blanchot : « le langage offre le spectacle d’une puissance singulière et magique ». En Haut du Pré nous rappelle ce parti pris de Nathalie Riera de ne faire l’impasse d’aucune forme artistique, telle est l’éthique même de sa revue, non pas parcours exhaustif de la création contemporaine, mais accueil et reconnaissance de la beauté où qu’elle soit. Le poème dans La Raison Pure de Paul Louis Rossi en est une preuve :

 

le fruit de la grenade

les graines le goût la

 

couleur la transparence

Puis des oiseaux dans

 

le cercle d’un soleil noir

boucle close

 

Le soleil il vient

du sol cheval cabré

 

peu dans le ciel

 

Les traductions, graines aussi de grenade, offrent à ce carnet ses ouvertures sur le monde, où se découvriront : William Sydney Graham, poète écossais, Paul Stubbs, poète britannique, Mort de l’Utopie d’après A piece of Waste Land de Bacon : « du monde d’Eliot, entre les roseaux humains et / le pelvis échoué et brisé du vent, sont encore piégés les quelques/ dernières pages de son livre » ; Mariangela Gualtieri, traduite par Angèle Paoli, au lyrisme vibratoire : « créature drue, toujours agenouillée qui transforme en autel la crevasse/ et le bord du trottoir » ; Juan Gelman, poète argentin ; Viviane Campi, autre voix italienne ; Eva-Maria Berg, poète allemande et Mina Loy poète anglaise :

 

Leda

Visiteur sub rosa

S’évanouit au profit de sa fille aînée

entraînant vers les roseaux

l’héritage et l’obstacle

de sa poitrine d’oiseau

 

Comme elle le fit pour Susan Sontag, dans son article « Mina Loy : une cartographe de l’imaginaire », Nathalie Riera nous invite à découvrir le parcours extraordinaire de cette femme. Avant les lectures (articles serait plus juste), le portrait critique de René Knapen par Claude Darras éclaire la densité tragique de son œuvre picturale, cette « fusion de l’allégorie de la mort et du portrait ».

Oui, ce carnet porte bien son nom : le printemps est là et Eucharis rayonne : Elisabeth Bishop peut écrire que « le jardin des plantes a fermé ses grilles » celui d’Hanbury est sans limites.

 

Marie-Christine Masset

© RECOURS AU POEME (printemps 2014)

SITE - http://www.recoursaupoeme.fr/revue-des-revues/les-carnets-deucharis-version-papier-opus-2/m-c-masset

 

 

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Le premier numéro en version imprimée était consacré à Susan Sontag; le second « poursuit sa ligne exploratrice des figures d’écritures » en laissant libre cours « à une constellation d’écrits inédits qui multiplient les franchissements et les traversées », selon les mots de la rédactrice en chef, Nathalie Riera. Cela donne un volume qui, pour hétérogène qu’il puisse d’abord paraître en matière générique et linguistique, trouve son unité dans le choix exigeant des textes et des images, un choix fondé sur la qualité esthétique et sur l’originalité thématique, dans une exploration des « paysages de la poésie et de la littérature ».

 

Après un entretien avec Étienne Faure autour de son dernier opus, La vie bon train, puis des photographies d’Éric Bourret commentées par François Coadou, le chapitre « Au pas du lavoir » présente des poèmes, des proses, des versets, des sentences lyriques avant un texte de Claude Minière extrait de « Mallarmé et les fantômes » et une « Petite anthologie de Textes contemporains er de Paroles d’artistes » (« En haut du pré »). Puis une partie multilingue avec des œuvres de W.S. Graham, Paul Stubbs, Mariangela Gualtieri, Juan Gelman, Viviane Ciampi, Eva-Maria Berg, Mina Loy traduites par Blandine Longre, Angèle Paoli, Raymond Farina, Brigitte Gyr, Olivier Apert… Enfin, des portraits et lectures critiques qui ouvrent un vaste horizon littéraire, et où chacun peut glaner sa nourriture.

 

Il faudrait tout citer, et l’on serait tenté de reproduire de larges extraits d’une revue qui, selon le souhait de la rédaction, a de grandes chances de muer le lecteur en « paysagiste », et à laquelle on souhaite une belle route.

 

Jean-Pierre Longre

© SITE J-P. LONGRE (avril 2014)

SITE - http://jplongre.hautetfort.com/archive/2014/04/02/vibration-de-langue-et-d-encre-5338166.htm

 

 

 

 

 

 

© CCP, N°27 – Centre International de Poésie Marseille (printemps 2014)

 

 

SITE http://www.cipmarseille.com/publication_fiche.php?id=7a3f5ed78e87ae01d3ce99cd75218e85&PHPSESSID=04061d43614d1398014f7b474afd7611

 

 

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Blason de la dernière version papier des Carnets d’Eucharis, le lis d’Amazonie photographié par Nathalie Riera, qui dirige la revue internet du même nom. On connaît bien le site qui propose régulièrement des notes critiques et la présentation de poètes francophones ou traduits (une iconographie, des articles, des liens…). Cette revue annuelle marque la volonté de Nathalie Riera de diversifier les supports pour offrir « les mots comme autant de tracés, de traces, et bruits de sources »

On retrouve la ponctuation des photos, fleur ou papillon, monarque échoué que l’on voudrait protéger par la caresse d’une feuille ou déclinaison de variations imperceptibles : les ciels d’Éric Bourret laissent percer un noyau lumineux pris dans les nuages vaporeux (traîtres yeux du songe, l’image crépusculaire ou augurale nous traverse), dans un portfolio de 16 pages accompagné d’un texte de François Coadou.

Alors, nous lisons les poèmes :

 

« Quelques torches

allumées sur nos steppes

les prenons pour

des arbres »

 

Rien de neutre, les amers poétiques de Jean-Louis Bernard renouent le présent à la fibre préhistorique. Les poèmes proposés sont tantôt des inédits, tantôt des poèmes choisis dans l’œuvre déjà publiée  d’un auteur comme ceux d’Étienne Faure qui ouvre la revue après l’éditorial, textes éclairés par l’entretien sur La vie bon train (éd. Champvallon) que mène Tristan Hordé : la gare comme lieu réel de passage certes, mais aussi perçue dans des « descriptions imaginaires » grâce à une « prose à demeure, pour un travelling circulaire », ce qui permet d’évoquer « le déploiement de la phrase » qui n’est pas le même en vers ou en prose.

Inédits, les fragments de Marie Étienne : pour chaque paragraphe une amorce de lieu, des bribes de récit les suivent et nous font pénétrer « autour du pot à miel qu’est le soleil ».

Inédites également les listes poétiques de Corinne Le Lepvrier et d’Aurélie Foglia :

 

« /enfant on garde ses trésors tout près du lit de l’oreiller où reposer la tête dans la poche de la robe chasuble dans le cartable dans le livre où déposer ses mains dans le sourire où se cacher

 

[…]

 

/enfant engoncée dans un anorak je suis potelée désolée il semble assise sur un banc comme posée déposée là ; je vais devenir une femme menue ; je vais rester petite ce sera ma forme désolée définitive je crois » (Corinne Le Lepvrier)

 

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« Avoir perdu
la main.

Sourire au mot
poésie.

Mal interpréter
ce sourire.


Chercher une écriture
en chair forgée.

Voir sans les yeux.

Fouiller des lèvres.

Peindre avec la langue. » (Aurélie Foglia)

 


Cela dans le cadre de pages bordées par un fil rouge, couleur qui traverse d’ailleurs la revue : chapitres du sommaire, titres des groupements ou nom des artistes selon les parties.

Après « Au pas du lavoir », « le chantier du photographe » : Claude Minière (qui offre aussi des poèmes « numériques ») évoque Stéphane Mallarmé dans ses rapports à la photographie de Nadar et à la peinture de Manet.

« En haut du pré » propose une anthologie de textes contemporains. Paul-Louis Rossi, dans La Raison pure, rapproche Thomas de Quincey et Emmanuel Kant. Richard Skryzak retrace son parcours dans Les Rêveries d’un vidéaste solitaire

« Traduction » propose des poèmes en version bilingue.

« Portraits – Lectures critiques » présente des études le plus souvent détaillées. Une petite anthologie de poèmes de Mina Loy (traduits par Olivier Pert) suivie d’un article de Nathalie Riera constituent un véritable dossier pour découvrir la poète anglaise. Le texte d’Angèle Paoli nous fait entrer dans Douceur du cerf, de Marie Huot, qui nous entraîne dans l’univers de Giono, en passant par la mer chère à la poète qui, grâce au cerf, dénoue la mémoire en faisant des disparus le tissu du livre.

Force des Carnets d’Eucharis qui, dans une diversité vivante, allie les images du texte poétique à l’analyse en n’hésitant pas à parcourir la poésie du monde.

 

 

Isabelle Lévesque, mai 2014

© La Pierre et le Sel

SITE - http://pierresel.typepad.fr/la-pierre-et-le-sel/2014/05/les-carnets-deucharis-carnet-2-2014.html#comments

  

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Dans la jungle des sites consacrés à l’art ou à la poésie, Eucharis, « plante bulbeuse issue des forêts tropicales humides et sombres », fleurit avec grâce et ténacité depuis plus de six ans ; on peut désormais la goûter aussi sous forme imprimée, dans des « carnets » sobres et denses : le numéro deux a paru ce printemps. Écran, papier — contenus différents pour une même ligne ; essayons d’en donner une idée.

Le plan apparaît mûrement pensé. Édito vif et clair, puis sept parties qui, souvent, se répondent : « Entretien » avec un poète ; « Portfolio », sous-titré « cahier visuel & textuel », avec l’œuvre d’un photographe éclairée par une présentation critique ; « Au pas du lavoir », qui regroupe neuf contributions de poètes français contemporains ; « Le chantier du photographe », un essai où la photographie, bien que n’apparaissant pas d’emblée, joue un rôle central ; « En haut du pré », sous-titré « petite anthologie de textes contemporains & de paroles d’artistes » ; « Traduction », qui propose, en version bilingue, un choix d’écrits de sept poètes étrangers ; enfin, « Portraits-lectures critiques », avec une présentation biographique de Mina Loy (dont on aura lu des poèmes à la rubrique précédente) et un « portrait critique » du peintre René Knaepen, suivis d’un riche ensemble de présentations d’ouvrages récemment parus. Ainsi l’ensemble du cahier s’ouvre et se referme sur un regard critique, dialogue à haute voix ou comptes rendus de lecture ; quant aux parties deux et quatre, aux noms exprès bucoliques, l’écho de leurs titres signale ce qu’on y trouve, peut-être le cœur du propos : « comme une fraîcheur d’eau au creux de la main », pour reprendre les mots que Jaccottet applique à ce « très vieux poème », l’Odyssée.

On s’en veut de courir la poste et d’effleurer à peine les contenus. J’ai été particulièrement frappée par les douze vues de ciels, mystérieusement évidentes, d’Éric Bourret, photographe marcheur et philosophe en images. La grande diversité des écritures représentées dans « Au pas du lavoir » (vers mesurés ou non, une fois rimés, dispositifs formels exhibés — listes, cinéma…) me semble ne jamais verser dans un éclectisme facile. Au passage, il m’a plu de noter que la parité, parfaite dans la partie « lectures critiques », était allègrement violée, mais au rebours du sens habituel, dans les rubriques trois et six, dévolues aux poètes. Et la richesse de la rubrique « Traduction » doit bien sûr beaucoup au fait que là, « les poètes traduisent les poètes » (ainsi la façon dont Brigitte Gyr donne à sentir les jeux d’Eva Maria Berg avec la syntaxe et le mètre, malgré l’écart redoutable entre la structure de l’allemand et celle du français, force l’admiration). Enfin, le tissage tout au long du Cahier entre images et textes, tant au plan de la création que du discours critique, est une des forces de cette jeune publication, tout comme l’est, à mes yeux, une mise en rapport constante et juste de ces images et de ces textes avec l’expérience du corps vivant. C’est à bon droit que Nathalie Riera parle, dans son éditorial, de « [multiplier] les franchissements et les traversées ». Vivement le trois !

Myrto Gondicas, mai 2014

© Sitaudis

SITE - http://www.sitaudis.fr/Parutions/les-carnets-d-eucharis-carnet-deux.php

 

 

 

 

© Le Matricule des Anges, N°155 (juillet-août 2014)

SITE - http://www.lmda.net/

 

27/08/2014

Arlt

08/08/2014

Eugène Savitzkaya, BUFO BUFO BUFO

 

 

Du côté de chez…

 

Eugène Savitzkaya

 

Eugène Savitzkaya

© Photographie de Mélanie Gribinski

http://www.melaniegribinski.com/index.php?/poetes/

 

 

Bufo bufo bufo

Les éditions de Minuit,  1986

 

Les Carnets d’Eucharis | © http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com/

 

 

 

 

   

Ogre parmi les floraisons, dauphin, je la mouillerai

vivante, ourse à la toison, au cœur, à la bouche

bordée de pétales, cousue et décousue, peinte et

blanche, dauphin, épouvantée, dévorant les fleurs,

jetée sur les prés, sur les eaux, à la machine,

à la boue nouvelle, au cœur immobile, pesant

moulin, moteur, mère, fleur sur l’étang ou tache

sur la neige, ourse que je pénétrerai troué, au cou,

la chaîne fine qui me décapitera avant le jour, à la

machine, éphèbe, jeune homme Sali, coloré, pourri,

Angèlique petite fille, Dominique mordue, coloriste qui

crache sur la neige, qui bave dans le lait,

perturbant les moussons, trouant d’un doigt

le paysage et l’œil d’un garçon de boucherie.

 

........................... (pp.25)

 

 

  

 

Vidé de mon cœur je me reluis, disait le pêcheur

guettant l’ombre, son foie dans le liquide de

la rivière, doucement rouge et transparent,

de salive je suis rempli, elle déborde et coule

peu à peu, écume sur le liquide de la rivière,

la mangent les poissons montant en flèche,

l’étendard violet dressé, ondulant, ils

dévorent les fleurs que j’ai jetées dans le

soleil et perdues, il roucoulait, sa langue

enroulée, son vélocipède couché sur les roseaux,

je les mangerai cette nuit, leurs entrailles

sur l’assiette jaune de porcelaine et de limon,

avec du jasmin et la couleur bleue du pinceau,

les os sur le bord dentelé, puis je laverai

la faïence dans le pur liquide, troublant la

rivière, verre tremblant, glacé d’œufs, de

feuilles minuscules et rondes, avec le gravier

du fond et le sable de la berge, mais son

bras gela, parlant il s’endormit, de crachat

rempli, de sang parfumé, sa canne noire

au-dessus du monde, son reflet dans l’eau.

 

........................... (p.61)

 

 

 

 

Au couteau je fus découpé et mes morceaux

posés sur les planches, j’étais le bœuf qui

traîne les charrettes, l’âne, l’orang-outan,

découpé je fus par l’épée qui traversait les

ténèbres, par la main qui fouillait la nuit, par

les vilains doigts sans ongles, écourté je fus,

en mon encore sur les plantes à lait, saumon,

puissant, bœuf musclé, scié par la scie qui

passe entre les planches, qui fouille le

fumier et l’étable, et mis sous terre avec mes os.

 

 

........................... (p.63)

 

Ed. de Minuit, 1986 | © CLIQUER ICI

 

 

Fou civil

Ed. Argol, 2014 | © CLIQUER ICI

 

 

02/08/2014

Une Journée d'Andrei Arsenevitch (One Day in the Life of Andrei Arsenevich, 1999)

 

 

CHRIS MARKER

ONE DAY IN THE LIFE OF

ANDREI  ARSENEVICH

1999, 55mn

 

 

 

 

 

 

 

« Qui mieux que Marker (…) pouvait s’aventurer sur les terres tarkovskiennes ? Alors qu’André S. Labarthe regrettait dans un entretien à Libération l’absence de Tarkovski parmi les cinéastes auxquels avait été consacré un volet de Cinéastes de notre temps, il reçut quelques jours plus tard une lettre de Marker. Ce dernier signalait avoir dans ses archives des rushes se situant entre le tournage de son ultime film et la mort du cinéaste russe. Quatre ans plus tard, l’épisode existait. Le titre du film paraphrase celui du roman d’Alexandre Soljenitsyne, « Une journée d’Ivan Denissovitch », implacable témoignage, le tout premier paru en 1962 du Goulag soviétique. Artiste « obsédé de la liberté » en URSS, Tarkovski a vécu une sorte d’exil intérieur (c’est ainsi que l’on caractérisait le fait d’être déporté  dans les camps du goulag) dans son propre pays avant de le quitter – sans retour, bien malgré lui – en 1982, notamment pour tourner « Nostalghia » (1983) en Italie et « Le Sacrifice » (1986) en Suède. »

[…]

_______________________

© Arnaud Hée

Extrait d’un article paru dans le magazine du court-métrage « Bref » : Les constellations Chris Marker – N°108, 2013 (volume 3).

 

 

 

 

01/08/2014

Robert Walser

 

Du côté de chez…

 

 

Robert Walser

 

©  Robert Walser en 1905

 

La promenade

L’Imaginaire, Gallimard, 2013 (reédition)

 

 

Traduction de l’allemand  par Bernard Lortholary


 

(Site) GALLIMARD | © http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/L-Imaginaire/La-promenade

 

 

 

 

        

 

 

       Tandis que tu prends la peine, cher lecteur, d’avancer à pas comptés, en compagnie de l’inventeur et scripteur de ces lignes, dans le bon air clair du matin, sans hâte ni précipitation, mais de préférence d’une façon tout à fait propre, bonhomme, objective, posée, lisse et tranquille, voilà que nous arrivons tous deux devant la boulangerie déjà signalée, avec sa prétentieuse inscription dorée, et nous nous arrêtons, atterrés, enclins que nous sommes tant à l’affliction profonde qu’à la stupeur sincère devant cette grossière esbroufe et le gâchis qu’elle entraîne du même coup aux dépens d’un paysage qui nous est des plus chers.

  Spontanément, je m’écriai :

       - Pardieu, l’on est en droit d’être passablement indigné, face à de telles barbaries enseignardes et dorées, frappant les paysages circonvoisins du sceau de la cupidité, du lucre et d’un misérable abrutissement des âmes. Un maître boulanger a-t-il réellement besoin de se produire avec une pareille pompe et, par sa réclame stupide, de jeter en plein soleil autant de feux et d’étincelles qu’une coquette du demi-monde ? Qu’il pétrisse et enfourne donc son pain avec la modestie qui sied à l’honnêteté et à la raison. Dans quelle esbroufe commençons-nous à vivre, si les communes, les riverains, les autorités et l’opinion publique non seulement tolèrent, mais hélas manifestement vont jusqu’à approuver ce qui heurte tout sentiment de courtoisie, tout sens de la beauté et de la décence, ce qui s’étale ainsi de façon morbide, croyant devoir se parer de je ne sais quel clinquant lamentable et dérisoire, comme s’il braillait aux quatre vents, à cent mètres à la ronde : « Je suis tel et tel, j’ai tant et tant d’argent, et je prends la liberté de vous imposer mon tapage ! Certes, ce faste hideux fait de moi un rustre, un balourd et un béotien, mais je doute que personne n’aille m’interdire ma balourdise ! »

 

............................... (p.22/23)

 

 

       Puis-je avouer que, ces derniers temps, je suis parvenu à la conviction que l’art  de la guerre peut être tout aussi difficile et exiger tout autant de patience que l’art d’écrire, et inversement !

       Les écrivains aussi, comme les généraux, procèdent souvent à d’interminables préparatifs avant d’oser passer à l’attaque et livrer bataille, autrement dit lancer sur le marché de la librairie un livre, un produit de leur art ou de leur industrie, décision qui déclenche parfois de terribles contre-attaques. Il est notoire que les livres provoquent immanquablement des comptes rendus qui s’y rapportent, et qui prennent parfois un ton si acerbe que le livre ne peut que disparaître sans délai, tandis que manifestement son pauvre, pitoyable et indigne auteur s’étouffe lamentablement et sans aucun doute désespère à force de doute.   

............................... (p.39/40)

 

 

 

 

 

Robert Walser (1878-1956)

Né le 15 avril 1878 à Bienne, dans le canton de Berne. Il avait sept frères et sœurs. Il publie son premier roman, Les enfants Tanner, en 1907. Son deuxième roman, Le commis, paraît en 1908, et en 1909 L’Institut Benjamenta. Il écrit ensuite des nouvelles et des poèmes, dont La promenade, qui date de 1917. Son dernier livre, La rose, paraît en 1925. En 1929,  il entre dans une clinique qu’il ne devra plus quitter. Il meurt en 1956 , le jour de Noël.

 

 

 

 

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