17/07/2009
Zoom sur Claude Minière
Claude Minière
POUND CARACTÈRE CHINOIS [2006] Collection L'Infini, Gallimard
« Beaucoup de reproches ont été adressés à Ezra Pound. Et pourtant : l'"invention" de la poésie chinoise dans les années 1920, c'est lui ; la plus vive critique du provincialisme occidental, c'est lui ; la plus émouvante méditation alors sur le destin de l'Europe et de l'Amérique, c'est lui ; la plus authentique alternance du calme et du tumulte, c'est lui.
Ce caractère, j'ai essayé de le comprendre de l'intérieur, c'est-à-dire dans le drame des Cantos. Où études, hypothèses, échecs, traductions, traits de génie sont plongés dans le théâtre des opérations. »
Claude Minière.
PALL MALL Journal 2000-2003 Editions Comp’Act
Pall Mall
Journal 2000-2003
Claude Minière
Comment vivre, chaque jour, avec les vulgarités et les prisons de la Communication? Comment se rappeler la liberté des espaces, la probité de l’étude, la marque d’un choix? Comment proprement déceler le contemporain, l’il y a et l’Être? Et pourquoi le Journal quand on a le poème?
Polyphonie et dérèglement, le poème gagne spontanément l’éternité. L’écriture réfléchie du journal, elle, n’est qu’à deux doigts de sa consummation: va et vient, bien et mal, pensée et ignorance... Exercice moral de la retenue et de l’oubli.
A Londres, en Grèce, dans la campagne limousine, à Paris, à Berlin, le "Journal" de Claude Minière accompagne la préparation et la publication du recueil Hymne (paru chez Tarabuste). Mais pour ce poète, comme pour quelques autres écrivains, le Journal n’est pas un recueil de «confessions» ou de «notes intimes», il est un moyen vital de résistance à la confusion de notre époque: moyen de tourner la pensée vers ce qui mérite d’être pensé, et questionné.
lecture de Jean-Paul Gavard-Perret
Sur le site des Editions L'Act Mem
LE DESSIN POUR LIBERTE : DANIEL DEZEUZE Catalogue d’une exposition récente des dessins de Daniel Dezeuze à la galerie Athanor de Marseille. Un texte de Claude Minière accompagne les 52 reproductions. Cet ouvrage a bénéficié de l'aide à l'édition imprimée du Centre national des arts plastiques. Co-édition Jean-Pierre Huguet Editeur L'ouvrage rend compte d'une pratique qui se déploie en zig-zag et de manière ordonnée, il en offre l'album. De l'artiste on connaît surtout les expositions et les interventions dans l'espace construit, les dessins sont plus intimes. De temps à autre s'ouvre une série sur un thème impromptu, ce que Claude Minière appelle liberté. Mais il s'agit en même temps d'un "coup de dés" : Daniel Dezeuze Dessin. Daniel Dezeuze est né en 1942 à Alès. Son père, artiste peintre, lui enseigne les bases du métier. Membre fondateur du groupe Supports-Surfaces de 1970 à 1972, il participe à de nombreuses expositions collectives dont celle au Musée d'art moderne de la Ville de Paris en 1970. Depuis 1977 il enseigne à l'Ecole des Beaux-arts de Montpellier. Nombreuses expositions dans les galeries Yvon Lambert à Paris, Albert Baronian à Bruxelles, Daniel Templon à Paris. Une importante rétrospective de son œuvre a eu lieu en 1998 à Carré d'Art - Musée d'art contemporain à Nîmes.
PERFECTION [2005] Editions Rouge Profond, collection Stanze
Perfection, à la fois essai et méditation poétique sur l'idée de perfection, peut se lire comme le deuxième volet d'un diptyque dont le premier, plus assertif dans sa forme, serait le Traité du scandale. Aigu, jouant d'incises ou de détours, discrètement érudit, léger toujours, dans cet intangible principe de civilité intellectuelle qui caractérise Claude Minière, Perfection convoque, dans les domaines de la littérature et des arts plastiques, pour les besoins de sa réflexion quelques figures clés du paysage de réflexion miniérien: Tchouang-tseu, Catulle, ou encore Barnett Newman ou Martial Raysse ; plus avant, Hölderlin et Nietzsche, avec qui Minière entretient un dialogue quasi ininterrompu depuis ses tout débuts d'écriture. Perfection inaugure symboliquement la collection "Stanze" qui voudrait traiter les questions d'esthétique (contemporaines, et plus anciennes) selon une essentielle logique d'écriture, reconnaissant là une condition première à la vitalité de la pensée.
LA TRAME D’OR
Jour après jour, il s’écrit beaucoup de choses - qui partent en buée, qui tombent, noires, courantes. Est-il vain de vouloir en dire la trame, “la trame d’or”, résistante, résistante au nihilisme, à la fatigue - est-il fou d’en chercher encore le motif ? Seule l’inter-prétation lente, volontaire (poésie) dégage un avenir.”
C.M., 1999
Toute la littérature revient à une dimension majeure : voir (et faire voir) ce que le noir “trame”, voir ce que les images trament. Dès lors, Claude Minière devient forcément un des écrivains emblématiques d’une quête capitale où l’esthétique rejoint l’existentiel.
À partir de Bataille — toujours sous-jacent — chez Minière se travaille le passage, en cette traversée : “Ni sauvés, ni damnés / — tout à faire ! / partir d’a sinistra / (champ / hors champ) / et dire sans trêve la trame d’or du motif” La trame, mais pas le motif lui-même. Sortir donc de l’événementiel (qui réduit la littérature à un effet de réel) pour pousser vers une autre dépense (pour en revenir à Bataille) au cœur de la langue.
Trouver ainsi les interstices, oublier “à quoi s’accrochent les notations” pour repérer à la mesure d’Ezra Pound le banni des éléments de base, ce qui tisse, trame le réel. Ne plus s’en tenir aux images et aux idées toutes faites et trouver lorsque le texte redevient musique ces accords mineurs qui “forent et forcent le noir”.
Reste alors dans ce livre rare la partie presque jamais renouvelée ni lavée du “paysage”. Nulle approche, nulle rencontre, juste ces bribes que la conscience efface ma conscience. Ne parlons même pas de repère mais de l’inquiétude. Il n’y a plus de règle mais ces fragments, ce “délit secret / — sauvage” “dans l’espace vide, le blanc de la page”. Les textes comme des taches (d’encre), “secouées par la marée”, à la recherche de l’impossible ; les noms enfouis, perdus. Ne plus croire à ce point à l’excellence du feu mais aux songes maternels de la langue.
Ne pas croire pour autant à un aveu là où le texte ne s’abrite ni dans l’extase ni dans l’abstinence. Il tient juste la nécessaire distance avant que les mots ne s’égarent pour dissiper les apparences de la réalité. Ils ne jouent donc plus à la place de celle-ci, ils sont cette absence, ce qui n’a jamais été. Voilà ce que Minière sauve : ces riens qui forment un tout : “je / le sais dans la sensation / je le vois dans la pensée / pas seulement le concept : / griffonnés”, mais les “dessins noirs / qui se défroissent / dans le noir”.
Noir d’encre, cela s’entend. À travers les fragments cette langue en charpie et qui gagne en netteté, ici la littérature ne demande point de salut : pureté est la négation. Cela la dévoration. Sans crédit ni pardon, le texte tourne au pays du grave toutes les choses de son éphémère légèreté. La chimère engloutit la règle et fait déjà l’automne dans sa dureté : vide au monde, volis agonal, nefas.
J.P. Gavard-Perret
Claude Minière a publié :
• L’Application des lectrices aux champs, poésie, Éd. du Seuil, 1968.
• Vita Nova, poésie, d’atelier, 1978.
• Glamour, récit, Christian Bourgois éd., 1979.
• La Mort des héros, récit (gravures de M. Pérez), Éd. Carte Blanche, 1983.
• Difficulté passagère, poésie, TXT, 1987.
• L’Hommage à Lord Chandos, poésie, La main courante, 1990.
• Course libre, poésie (dessins de C. Viallat), Éd. Cadex, 1990.
• Traité du scandale, essai, Éd. de la Différence, 1992.
• La Chambre bouleversée, poésie, Éd. Cadex, 1992.
• Chroniques, poésie, Génération, 1992.
• Traité de tactique et de poétique, poésie (dessins de D. Dezeuze), Sixtus éd., 1994.
• L’Art en France (1960-1995), essai, Nouvelles Éditions Françaises, 1995.
• Lucrèce, poésie, Éd. Flammarion, 1997.
• Étude de nuages, La main courante, 1998.
• Claude Viallat, Éd. Fall, 1999.
• Le Temps est un dieu dissipé, Éd. Tarabuste, 2000.
• Hymne, Éd. Tarabuste, 2002.
Une lecture de Pierre Drogi sur Poezibao
• Perfection, Editions Rouge profond, 2005 ; poésie
• Pound caractère chinois, Editions Gallimard, 2006 ; essai
Un article dans la Revue des Ressources
Jouve et le mangeur de brumes
par Claude Minière
« Le diable, sans doute, veut que, dans le moment juste où l’homme approche de son but, il in vente aussi des pouvoirs sur l’énergie qui vont le jeter en dehors. Les intrusions du mécanique et du technique arrivent à se produire dans l’Art ; en supprimant le sens de notre profond jeu, elles doivent anéantir la forme - l’idée même de forme. » [1]
« De la tentation d’aimer Jouve » écrivait un jour dans les pages de TEL QUEL Denis Roche. Que perdrions-nous à l’aimer ? Peut-être quelque chose de la modernité [2]. Peut-être quelque chose de la modernité car Jouve croit au diable (« Le diable, probablement », Bresson) et le jeu chez lui est toujours ressenti comme « profond », jamais comme pratiques critiques de « surfaces » d’intertextualité [3]. Il manifeste toujours, surtout dans ses romans, ce goût (surréaliste) pour le hasard tragique plutôt que pour une « découverte de la logique » [4] qui s’interrogerait et s’étonnerait visiblement (« naïvement ») sur les enchaînements de l’énonciation. Nous avons une conception différente du « chant », de la musique dans la poésie, et n’avons plus la même idée de la forme, chez lui comme contours d’une sublimation. Lire la suite
La chambre bouleversée
extrait Editions Cadex, 1991
Elle est dans le plus simple appareil,
elle marche, oui, je la vois, et je la pense
ainsi, en agent double dans les sels d’argent :
je la saisis sur les marches, dans le lit
du fleuve, comme un bateau, elle appareille,
quand je la barre elle n’a pas sa pareille
pour se renverser comme une arche, elle va
balayant l’air de sa jupe large[comme
une barge]défait emportant une cargaison
d’effets.
"J'essaie de voir les possibilités d'aventure qui me viennent dans l'instant."
Claude Viallat, cité par l'auteur dans l'Atelier de l'art.
"La peinture de Viallat bénéficie aujourd'hui partout dans le monde d'une vive reconnaissance. Pourtant, trop souvent la critique française continue de plaquer sur cette oeuvre ce qu'il faut bien appeler une forme de malentendu. Un malentendu persistant, voilà ce que ce petit livre s'attache à élucider."
Claude MINIERE
Comme des particules lumineuses
Le texte commence - tout comme Finnegans wake de James Joyce - par le mot 'riverrun': 'riverrun; duo, danse; contre le labyrinthe; elle; deux mots pour la nature; l'hommage à Montaigne'. La danse est la vraie rivale du poète, affirme Minière, car dans la poésie il y a toujours un point fixe 'où nous partons dans la déclinaison des particules', où des copules mettent le monde en mouvement, où la conversation est conservée et où la danse fait son entrée avec la métrique, 'enlevant' ainsi le poème. C'est une danse comparable à celle des atomes et électrons qui dansent les uns autour des autres, dans la haine et l'amour, dans tout ce que nous voyons: 'dans le soleil, dans la nuit, dans la froideur d’une première pensée'. Nous aussi, selon Minière, nous sommes comme des photons: des particules lumineuses. A la fin du poème, Minière salue les philosophes Empédocle et Montaigne : 'Et, là, il arrive à sortir une ligne du fouillis'. Dans sa poésie, Minière a volontairement orchestré le langage comme un fouillis et il saute d’un son à l'autre, d'un rythme à l'autre, d'une association à l'autre. Minière souhaite que le poème et la pensée sur ce poème (la pensée du lecteur tout comme celle de l'auteur) se confondent et forment un seul texte.
Lire la suite sur le site KB National library of the Netherlands
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