30/11/2008
Michel Deguy - Ouï dire
Alluvion des cris Minerai d’hirondelles
Dans le delta du vent les plissements du vent
La trembleraie bleuit
Le pouls de l’étang bat
Toutes les trois heures un poème
Devient nouveau puis se ternit
Sous la lecture Recroît dans le silence
(Epigrammes, p.42)
L’île paysanne, l’originale coxalgique à bracelets de langoustes, la veuve à colliers d’hortensias ôte et remet en caprice la mantille des pluies
Coulées de lave des hauts chemins jusqu’aux grèves ponce
alors la foule des pierres en deuil, à genoux, prostrées, dressées vers le large
Comme une vieille fleuriste les cheveux pleins de liserons descend chaque matin des couronnes mauves à la mer tombale
La mer prend la moitié de tout
Les éperviers chaulent le ciel ou vérifient au fil à plomb les bâtis d’eucalyptus et les cryptomérias
La salive des pics féconde les ignames et les conteiras ; l’eau transchtonienne porte à la bouche des rhizomes les sels en fusion
L’immense métairie paît son bétail d’écumes
Le paysan d’une épaule à l’autre revêt lentement la chasuble de mer et son petit cheval de justice ouvre une vallée obtuse : ses pas inventent le thalweg dont un versant est toujours bleu
Taureaux humides et monstrueux mis à mort dans la place océane deviennent murs de cendre où les enfants graffitent
Des vaches belles comme Europe, les cornes chargées d’hortensias, les vaches nycthémères hivernent les quatre saisons quotidiennes
Les cerne la mer clairvoyante
(Procès verbaux, p.58/59)
L’air la prend par la taille
Le reste amoureux lui souffle les joues
Un tourneur peu visible achève ses bras
L’entour règle sa ronde sur ses hanches
Elle transpose la douceur dont les murs sont capables
Les choses s’arrangent comme ses femmes de chambre
Elle resserre la douceur dont sont capables les couleurs
Sa tailles est l’horizon ses jambes les chemins ses bras le ciel sa taille la lisière ses bras la perspective
Le vide lui fait des ailes
Les couleurs ses habits préparés sur les chaises son corset
Attentif
Le monde est son danseur
(Madrigaux, p.94)
Il est besoin d’un lecteur d’un geste d’un papier
D’un miroir Tu es visage ma feuille mon échancrure
Je suis le tissu pour que tu sois ton vide La surface
Pour que froisse la main L’aber où l’eau s’aiguise
Racine où le sol tressaille Ton blanc mon noir
Le creux pour ma difficulté le blanc pour que je sois
ce dessin que je ne serais pas Tu es peau pour
mon alphabet J’étais l’air pour que tu n’engorges
Alvéole pour que tu fusses arcade
(Madrigaux, p.98)
Editions Gallimard, 1966
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28/11/2008
Anne-Marie & Philippe Jaccottet (par Alain Paire)
AIX-EN-PROVENCE : ANNE-MARIE ET PHILIPPE JACCOTTET :
UNE EXPOSITION D'AQUARELLES ET UNE LECTURE EN PUBLIC.
Mercredi 12 novembre, 300 personnes de la proche région - en sus des aixois, on croisait des amis comme le peintre Claude Garache ou bien Monique Petillon, venus spécialement de Paris, des gens de Marseille, du Var ou bien du Vaucluse - un public remarquablement réceptif était réuni dans l'amphithéâtre de la Cité du Livre d'Aix. Toutes ces personnes s'étaient volontiers déplacées pour écouter une lecture du poète Philippe Jaccottet, convié à Aix-en-Provence par son ami l'écrivain et historien Gérard Khoury et par Annie Terrier, en guise de préambule pour le vernissage des aquarelles et des dessins de sa compagne Anne-Marie Jaccottet. Philippe Jaccottet venait du village de Grignan dans la Drome qu'il habite depuis 1952. Ce fut une soirée sans ambages ni officialité. Sans envolée lyrique déplacée, avec une absence de solennité parfaitement bienvenue.
A propos de Giorgio Morandi
Les lectures de Philippe Jaccottet sont rares. Pendant ces huit dernières années, il ne s'y livra pas plus de quatre ou cinq fois. Cet écrivain traduit dans le monde entier et pleinement reconnu - une édition de ses oeuvres complètes est en préparation dans la prestigieuse collection de la Pléiade / Gallimard - a pour habitude de refuser courtoisement les invitations qui lui sont fréquemment adressées. Son registre est sobre, ses séquences ne sont pas celles d'un professionnel habitué aux périls de la performance. Le traducteur de L'homme sans qualité de Robert Musil interprète ses textes avec exactitude, avec une voix sourde qu'Amaury Nauroy compare aux longues respirations et aux soudaines inflexions des cordes d'un violoncelle.
Anne-Marie et Philippe Jaccottet lors du vernissage de l'exposition,
rue du Puits Neuf
(photographie de Nathalie Riera)
Une méthode claire et discrète, des intuitions finement décantées, des avancées et des rectifications, voila comment l'on peut appréhender les mouvements et la composition des textes en prose de Jaccottet. Beaucoup de patience et de tenue, point d'illusion ni d'épate, un regard qui refuse toute approximation. En contrepoint d'une élaboration aigue qui, sans acharnement ni "rage d'expression", distingue précisément les intervalles, les seuils et les espaces, on assiste au déploiement d'un merveilleux Art de la fugue, on éprouve les vibrations d'une très sobre partition, un subtil mélange d' innocence et de mémoire", immédiatement proche dans une ouverture de phrase, ou bien lors de certains changements de rythme, lorsque se trouvent cités des vers de Rilke et de Leopardi qui évoquent "le parfum éphémère, mais obstiné du genêt », "la voix du vent qui passe dans les feuillages".
A propos de la peinture et de l'histoire de l'art, un peu comme son maître d'autrefois, le poète suisse romand Gustave Roud qui écrivit brièvement à propos de Nicolas Poussin, de Félix Valloton et de quelques amis, Philippe Jaccottet aura principalement publié des notes éparses parmi les pages de ses "Semaisons" ainsi que deux livres édités par un proche de sa famille, Florian Rodari qui dirige entre Genève et Paris les Editions de La Dogana. Lu presque intégralement dans l'amphithéâtre de La Verrière, le plus conséquent de ces deux livres est un chef d'oeuvre merveilleusement concentré sur une soixantaine de pages qui porte un titre japonisant, "Morandi / Le bol du pélerin". Son second ouvrage à propos de la peinture réunit une brassée de textes ainsi qu'un entretien récemment rédigés pour son épouse Anne-Marie Jaccottet.
Ici encore, dans l'incipit signé par Jaccottet pour "Arbres, chemins, fleurs et fruits", chez cet auteur qui refuse prioritairement l'emphase et les fausses notes, il s'agit de souligner avec rectitude et clarté l'allègement et le sentiment de reconnaissance que l'on éprouve en découvrant les oeuvres d'une artiste qui donne à contempler sans tricherie ni manifeste "les belles apparences du monde proche".
"La Boîte bleue", aquarelle et crayon d'Anne-Marie Jaccottet.
Des paysages et des vies silencieuses.
A côté de cette lecture donnée dans l'amphithéatre de La Verrière, une autre manière d'imaginer sans anecdotes faciles les horizons d'attente et la vie quotidienne du poète et traducteur Philippe Jaccottet, ce serait de se rendre rue du Puits Neuf, près de la Place Bellegarde, afin de découvrir jusqu'au 31 décembre l'exposition d'Anne-Marie Jaccottet. Cette artiste expose rarement ses travaux. Il lui arriva d'illustrer des ouvrages de son compagnon (entre autres livres,"La Promenade sous les arbres", édité à propos des alentours de Grignan en 1957 par ce magnifique mécène et découvreur suisse qui s'appelait Mermod, ou bien une anthologie d'Hai-ku chez Bruno Roy de Montpellier). Le recueil de textes composé par La Dogana est le tout premier ouvrage qui lui est consacré.
"Six kakis sur une assiette", aquarelle et crayon d'Anne-Marie Jaccottet.
Les ramures d'un arbre proche et les frissonnements de la lumière, les fleurs d'un bouquet champêtre, des kakis, des figues et des grenades réunis dans une coupe de porcelaine ou bien dans une corbeille, voila les sujets qu'Anne-Marie Jaccottet privilégie au sein d'une filiation picturale où l'on ne peut pas s'empêcher de citer les noms de Paul Cézanne et de Pierre Bonnard. Dans l'entretien qui clôture le livre de La Dogana, l'aquarelliste évoque la constance et la simplicité de ses habitudes de travail : "Je dispose des fruits que j'ai choisis et quelquefois laissés sécher. Des oranges, des pommes, des pamplemousses. Mais j'ai une prédilection pour les kakis : à cause de leur forme, presque carrée, et de leur couleur, d'abord jaune, orange, puis quand ils ont mûri sur le bord de la fenêtre, rose, et quelquefois couvert de bruine "... "Tout à coup, des accords de couleurs vous surprennent, vous bousculent"... "Je ne m'aperçois pas que le temps passe, mais mon travail ne dure jamais plus de deux heures. Il faut que les choses aillent vite, et sans retouches, qu'elles restent telles quelles. (Mais cette rapidité suppose un long travail antérieur) ".
A propos de cette oeuvre infiniment sensible et discrètement joyeuse, l'un de ses meilleurs commentaires vient de Florian Rodari qui décrit dans un texte titré "Les fruits de l'émerveillement" la fraîcheur et la vivacité de la démarche d'Anne-Marie Jaccottet : "Il n'y a presque jamais d'ombre dans ses images... Des rires plutôt, des éclats de la couleur, comme dans la voix, se fait entendre la cascade du rire".
Alain PAIRE
"Exposition Anne-Marie Jaccottet/ Paysages et Natures mortes ", Galerie du 30 rue du Puits Neuf, Aix en Provence. Jusqu'au 31 décembre, du mardi au samedi de 14 h 30 à 18 h 30. Tel 04.42.96.23.67. D'autres renseignements sur le site www.galerie-alain-paire.com.
Un bref enregistrement de la lecture de Jaccottet, quelques minutes sont diffusés depuis le 19 novembre sur le site Rue 89 / Marseille.
A côté des livres parus chez Gallimard, plusieurs ouvrages de Philippe Jaccottet sont parus chez l'éditeur montpellierain Fata Morgana (entre autres, "A travers un verger", "Requiem" et "Notes du ravin") ou bien sous l'enseigne de La Dogana (en sus du Bol du pélerin/Morandi, un Libretto à propos de Venise, des traductions de Rilke, Gongora et Mandelstam).
Télécharger l’article d’Alain Paire paru dans le courrierdaix.pdf du 29 novembre 2008
21:59 Publié dans Philippe Jaccottet | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
27/11/2008
Thierry Cardon
Thierry CARDON
Photographe
(Article paru dans le Matricule des Anges)
Thierry Cardon est né en 1955 au Zaïre, adolescence au Maroc… Intervenant comme art-thérapeute en milieu psychiatrique pour enfants autour de la fabrication et du jeu des marionnettes…
14:29 Publié dans CLINS D'OEILS (arts plastiques) | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
14/11/2008
Note de lecture
Gilbert Bourson
« Congrès »
Editions Imp Act d'Ici&ailleurs
Le mystère du langage est que son rapport au monde est dérobé.
Conversions Poèmes de la Presqu’île
Michel Deguy
Brigitte Donat (note de lecture)
Gilbert Bourson avec Congrès orchestre un monde poétique à partir d’une figure aimée qui s’est retirée. Est-ce pour oblitérer le manque, conjurer la perte que la langue prolifère « congresse dans ses concavités » ?
Si le thème de l’absence à son habitude désertifie le monde, ici, bien au contraire, il entraîne à sa suite une profusion de signes dont la langue amoureuse s’empare.
La strophe seule délimite l’espace, elle crée l’ordonnance des circulations inouïes, où tout bruit, se multiplie, se détache sans fin. A l’image d’un ciel spéculaire, l’œil de verre du ciel, l’écriture reflète le grouillant mouvement des formes, les turgescences, les métamorphoses par concaténation mais aussi parfois, les ellipses lorsque l’abondance vient à buter sur la disparition.
La langue de G.Bourson exulte et dans cette exultation, elle élit le mot rare, précieux, le plus souvent déconcertant .Dans son élan, le poète réussit à réunir le disparate (archaïsmes et bestiaires s’accouplent aux néologismes) multipliant le sens.
Nos phrases, nos vues, nos viols, ce jeu de l’oie
Les égouts de l’orage au bas mot qui remugle
Un hydraulat d’écarts -, et cette exultation
Stokastique et criarde au crible indifférent.
Ce qui compte, c’est de creuser l’écart ; à l’écoute du retrait que cause le départ, se découvre l’amour du nom qui donne chair à l’absente. Pour l’amant n’existe pas la perte car sa langue est habile à parfaire les richesses de la mémoire. Rien ne meurt, ni les réminiscences livresques, Homère, Virgile, Keats, Shakespeare, Rimbaud…, ni les infimes sensations de la langue, corps amoureux.
Le poète rend compte des traces. Sensible à leurs flux, leurs courbes, leurs enchevêtrements, il épouse leurs contours dans l’oubli du sens acquis. Elles font signe et dans leurs proximités comme dans leurs éloignements, elles créent une épaisseur foisonnante, mouvante qui signent Les actes d’un congrès qui fut ici le nôtre.
La langue amoureuse s’est substituée à la perte, là voici prodigue.
Brigitte Donat
Imp Act
d'ici & ailleurs
ISBN 978-2-918088-00-4
(12€)
54, rue de Ronquerolles
95620 Parmain
01 34 73 29 75
impact.dicietailleurs@tele2.fr
13:52 Publié dans NOTES DE LECTURES/RECENSIONS | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
06/11/2008
Desirée Dolron
Xteriors IV - (2001-2005)
Xteriors I (2001-2006)
DESIREE DOLRON
Photographe
Photographe néerlandaise née en 1963. A réalisé des séries de portraits de personnes sous l’eau : "Gaze" et poursuit sa recherche avec "Xteriors" (2001-2006), portraits et situations inspirés de la tradition picturale flamande.
15:44 Publié dans CLINS D'OEILS (arts plastiques) | Lien permanent | Commentaires (1) | Imprimer | | Facebook
03/11/2008
Ashes & Snow (Feather to fire) - GREGORY COLBERT
22:18 Publié dans VIDEOS, ANIMATIONS, DOCUMENTAIRES | Lien permanent | Commentaires (3) | Imprimer | | Facebook